J'ai été énormément déçu par ce film. Rien de génial, de palpitant ni même de ludique en ce qui me concerne : juste quelque chose de pataud, inabouti. Bava a, avec cette préfiguration du giallo, des cartes maîtresses dans son jeu qu'on ne saurait lui enlever : l'étranger témoin d'un meurtre et impuissant à intervenir, le couple qui enquête, l'urbanité italienne comme dédale d'un possible danger, fausses pistes, souvenirs visuels, et à la fin, un twist... Mais ces cartes ne restent jamais que balbutiantes. Bava possède ici entre ses mains une formule que ses suiveurs sublimeront ou tout du moins sauront rendre bien plus percutante que dans cette
Fille qui en savait trop. Même si l'on fait abstraction de la pléthore de titres qui s'abreuveront aux éléments narratifs précurseurs de ce film,
La fille qui en savait trop demeure à mes yeux une tentative très faible. Signifiant dès son titre sa filiation avec l’œuvre hitchcockienne (et traçant en cela symboliquement le pont manifeste entre le goût du macabre du cinéma du gros Alfred et les motifs bientôt ritualisés du giallo transalpin), Bava échoue pourtant à rendre son polar ne serait-ce que prenant. Les scènes à suspense du film sont insatisfaisantes, hésitant régulièrement entre une forme de comique lourdaud ou une stylisation très contrastée qui ne provoque pourtant jamais aucun soupçon d'angoisse. Malgré une solide photographie en noir et blanc, la mise en scène elle-même est très limitée, très empâtée, bien loin de la virtuosité d'un modèle hitchcockien ou de l'épatante modernité technique, seulement six ans plus tard, d'un
Oiseau au plumage de cristal qui reprendra à son compte, et avec nettement plus de bonheur, quelques idées du film. On navigue dans cette histoire sans jamais se sentir impliqué, car il n'y a aucun sentiment ambiant de danger. C'est plutôt une pauvre enquête du dimanche sur fond de tourisme cliché, mené par deux acteurs très moyens (pauvre John Saxon) et porté par des dialogues parfois très médiocres. Bava atrophie encore plus sa mécanique en s'autorisant des choix au résultat très ridicule, comme en témoigne cette stupide voix-off masculine ou ces tentatives d'humour qui dédramatisent d'autant plus la tension qui devrait pourtant régner. Quant à la fin et son espèce d'ambiguïté totalement fumeuse... c'est vraiment à se demander si Bava voulait faire de ce film quelque chose de sérieux. Bref, cette préfiguration du giallo ne vaut aujourd'hui pour moi que pour son statut de pionnier : on y retrouve effectivement quelques principes appelés à connaître une belle descendance, mais l'ensemble est trop faible, que cela soit pour lui-même ou au regard de ce qui suivra, pour que je puisse considérer
La fille qui en savait trop autrement que comme anecdotique.