Otto Preminger (1905-1986)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Nestor Almendros
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Message par Nestor Almendros »

Posté par Tom Peeping en mars 2008 (topic "Joan Crawford")

Daisy Kenyon (Otto Preminger, 1947)

Un très étonnant drame intimiste où Joan Crawford est partagée entre l'homme marié qu'elle aime (Dana Andrews) et un soupirant qu'elle épouse par dépit (Henry Fonda). Otto Preminger transforme un roman sans doute assez mélodramatique en une étude psychologique incisive du comportement en période de crise sentimentale. C'est un film de 1947 mais il est très atypique : il ne se passe presque rien, les personnages ont tous leur part d'ombre laissée dans l'ombre, leurs rapports sont adultes et crédibles et les nombreux thèmes et sous-thèmes traités (l'adultère, le divorce et ses conséquences sur les adultes et les enfants, entre autres) le sont avec beaucoup d'acuité. Joan Crawford fait preuve d'une rare retenue dans son jeu, loin des extravagances dont elle était coutumière (il y a quand même une scène au début du film où elle est prise d'une crise frénétique de ménage, mais sans cela Joan ne serait pas Joan). Dana Andrews et Henry Fonda sont excellents, dans deux rôles aux antipodes. A vrai dire, seuls les décors, costumes et la grammaire cinématographique nous plongent dans l'univers des années 40 : le scénario du film, beaucoup plus qu'à un produit de studio hollywoodien d'époque, fait penser à la production de films psychologiques US ou européens des années post 60's. Si le film a du beaucoup parler aux femmes de l'après-guerre (aventures extra-conjugales en temps de crise), la maturité de son scénario et de sa réalisation font qu'il reste toujours d'actualité soixante ans plus tard. Un film très décalé dans son époque et une grande réussite d'Otto Preminger, qui réalisait Forember Amber la même année.

Le DVD Z1 est sorti dans la collection "Fox Film Noir", sans doute parce qu'il fallait lui trouver une ligne éditoriale. Daisy Kenyon n'a pourtant strictement rien d'un film noir (si ce n'est qu'il est en N&B et la photo use parfois de contrastes assez violents) : exemple flagrant de tromperie sur la marchandise qui a du laisser sur le carreau plus d'un acheteur qui pensait découvrir un film noir de la grande époque et s'est retrouvé à voir un film psychologique intimiste. La qualité d'image du Z1 n'est pas terrible avec un manque de netteté assez désagréable dans un grand nombre de plans, notamment sur les bords de l'image. Sous-titres français optionnels.
Cathy a écrit :Je n'avais pas compris la sortie de Daisy Kenion dans cette collection, car à mes yeux c'était plus une comédie dramatique. D'ailleurs le titre français est "Femme ou Maitresse" !
Ballin Mundson a écrit :J'avoue m'être copieusement ennuyé devant ce mélo. J'ai trouvé que les personnages, totalement sinistres, manquaient vraiment d'épaisseur, à part peut être Dana Andrews, et j'ai eu bien du mal à m'y intéresser.
Par ailleurs, Crawford en grande amoureuse, avocate des idées libérales, ne m'a pas vraiment convaincu. Le couple qu'elle forme avec Dana Andrews manque de complicité pour être totalement crédible , ce qui à mon sens, torpille l'enjeu du film : en gros, elle à l'air de s'enquiquiner ferme avec ses deux amoureux, et donc son choix cornélien semble totalement artificiel et pas vraiment compréhensible.
Ducdame a écrit :Je partage totalement cet avis et je considère qu'on a là affaire à un mauvais Preminger. Une fois n'est pas coutume. Mise en scène sans passion ni vrai intérêt, psychologie d'arrière cuisine et personnages bien peu crédibles dans leurs agissements. Et scénario à propos duquel je me garderai bien de parler de maturité, le trouvant plutôt faiblard.
Tom Peeping a écrit :C'est justement les arguments que vous avancez tous les deux qui m'ont fait apprécier ce film qui sort vraiment des sentiers battus du mélodrame de l'époque. Preminger n'était pas très enthousiaste à l'idée de faire le film et s'en est sorti en faisant un execice de style dans la distanciation et la froideur. Les personages sont des pantins qui semblent vivre des passions abstraites : un point peut-être qui le rapproche de l'esprit du film noir, beaucoup plus que du mélodrame. Et qui le rapproche aussi des films des années 60 (on pourrait même y trouver des liens indirects avec le ciné de Bergman, c'est dire !). Dans le genre exercice de style, c'est une réussite et pour moi, l'un des très bons films de Preminger. Comme quoi, les goûts et les couleurs...
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Message par Nestor Almendros »

Posté par Eusebio Cafarelli le 21 novembre 2007

Sainte Jeanne (Otto Preminger, 1957)

Belle découverte ! Un film supérieurement interprété par Jean Seberg, Richard Widmark (extraordinaire en roi enfant poltron), John Gielguld et les autres. Un film construit en flash-backs, plein d'humour, adapté par Graham Greene d'une pièce de Bernard Shaw, qui montre une Jeanne d'Arc victime, dans un monde aux élites incroyantes, de l'Église et de la Politique. Jean Seberg est radieuse.

Posté par Colghoun le 12 avril 2007

Laura || Otto Preminger
Bon, je suis de loin pas un fin connaisseur de ce cinéma là (films noirs, âge d'or & co.) et si le scénar m'a laissé plutôt indifférent, le boulot de réalisation de Preminger est tout à fait impressionant.
Caméra constamment en mouvement, avec des gros travellings et tout et tout... c'est incroyablement classe de bout en bout. Et la musique de David Raskin fait des merveilles, même si à la longue, fonctionner sur un seul thème est un peu gonflant.
Sinon, Gene Tierney est magnifique et Vincent Price tellement odieux que ça en devient hilarant à plusieurs reprises.

Posté par Tijay le 2 avril 2007

Première victoire d'Otto Preminger (1965)
avec J. Wayne, K. Douglas

S'inspirant de l'attaque de Pearl Harbor par les Japonais, ce film retrace le destin de plusieurs personnages dans la période tourmentée qui suivit l'attaque. John Wayne ne devait apparemment pas jouer le rôle dans un premier temps, bien lui en a pris d'avoir Kirk Douglas comme partenaire pour la première fois. C'est à la suite de ce film - dont le tournage fut pénible pour Wayne, victime de problèmes respiratoires notamment - que le "Duke" apprit l'existence de son cancer ... Douglas est égal à lui meme quand aux seconds roles, ils apportent beaucoup grace a leur professionnalisme (guests stars entre autres : Patricia Neal, Dana Andrews, Henry Fonda, Franchot Tone, Burgess Meredith ou encore Bruce Cabot ...). Efficace

8/10

Posté par Spideroman59 le 8 janvier 2007

Tempête à Washington (Advise and consent), 1962, Otto preminger
Le président des USA a désigné un secrétaire d'état (Henry Fonda) dont la candidature est soumise au Sénat, on assiste à la lutte entre ceux qui soutiennent ce candidat et ses opposants.
Preminger nous dévoile les sous-bassements de la politique (américaine), les secrets de la réussite et de la décheance. Les manipulations et les logiques de pression ont abattus les idées et on attaque les hommes en jouant sur la peur du scandale, la peur liée à certains mots comme "communisme" et "homosexualité". La trace du Macchartysme est clairement présente.
Il y a une pléïade d'acteurs formidablement "castés" (Charles Laughton, Walter Pidgeon, Don Murray, Franchot Tone...).
Le monde politique est mal en point, Preminger se porte bien.
16.5/20

Posté par Joe-Ernst le 16 octobre 2006

Charmante famille (Danger - Love at Work, 1937), d'Otto Preminger : un jeune avocat d'affaires doit faire signer un papier à plusieurs membres d'une même famille, tous plus cinglés les uns que les autres. Sur une idée sympathique, le film ne décolle jamais vraiment, malgré les excellentes prestations des comédiens, notamment d'Ann Sothern et de Mary Boland, et de très bons dialogues. Jolie chanson. 6,5/10.

Posté par Kurtz le 30 octobre 2003

Laura (Otto Preminger, 1944)

J'ai adoré. Mon film noir préféré. Un film de genre parfait. L'intrigue est compliquée, mais pas trop, ce qui permet au spectateur de tout comprendre sans avoir à la voir deux fois, contrairement à d'autres classiques du genre comme Le grand sommeil ou La griffe du passé. Gene Tierney est sublime et les rapports des différents protagonistes masculins à Laura sont très intéressants. Le jaloux maladif, celui qui tombe amoureux d'un fantasme...toutes ces visions de l'amour à travers des personnages intéressants sont ce qui, selon moi, différencie Laura des autres films du genre. Et j'ai aussi aimé la réalisation de Preminger avec plein de beaux plans-séquences et une photo magnifique comme dans tous les bons films noirs.
Et le film est court, ce qui est hautement appréciable car on n'a ainsi pas le temps de s'ennuyer (sans que le ça aille à 100 à l'heure et qu'on ne comprenne plus rien).
5/6

Tempête à Washington (Otto Preminger, 1962)

Un bon film politique, même si dépassé depuis par de nombreux autres films du même genre, bien plus efficaces (JFK...). Le modèle reste néanmoins très intéressant. l'histoire est celle d'une enquête sur le passé gauchiste d'un futur secrétaire d'état. Preminger montre bien les tares de la démocratie amércaines: la peur d'un ennemi de l'intérieur, le puritanisme...Le propos du film reste très actuel. L'intrigue est assez intéressante et épouse successivement assez de points du vue (il n'y a pas vraiment de personnage principal) pour que l'on accroche pendant deux heures vingt malgré quelques longueurs. Les acteurs, Henry Fonda et surtout Charles Laugton en tête sont excellents et il y a quelques beaux plans-séquences, notamment au Congrès. Décidément, j'aime bien Preminger.
4,5/6
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Message par Nestor Almendros »

J'en profite pour recopier ici un avis posté dans le topic "Deborah Kerr" le 31 octobre 2006

BONJOUR TRISTESSE d'Otto Preminger

ATTENTION SPOILERS DE PARTOUT :!:

Avec ce réalisateur je ne sais jamais à quoi m'attendre. J'aime certains de ses films, d'autres beaucoup moins. Je peux être captivé comme très endormi. Ce film-là ne m'a pas beaucoup intéressé. C'est surtout à cause du scénario. Je dois avoir un problème avec Françoise Sagan. Je ne connais pas son oeuvre littéraire, ni son style, mais ce qui en ressort des films adaptés de son travail ne m'emballent guère pour l'instant. C'est peut-être le style emballant l'intrigue qui vaut la peine. Quand, au cinéma, il ne reste que l'intrigue ça m'intéresse déjà beaucoup moins.

J'ai vu il y a peu LA CHAMADE d'Alain Cavalier. Et c'est sans surprise que je retrouve le même univers: des fils à papas nantis, aux poches pleines d'argent passent leur temps en soirées, cocktails, casinos à dépenser l'argent des parents. Ici c'est à peu près la même chose: on est sur la Côte d'Azur, une villa en bord de mer, une fille et son père, veuf. Ils s'ennuient dans leur luxe, lui courtisant des jeunes filles, et elle l'accompagnant dans ses déambulations nocturnes. Cette ambiance nochalente et oisive est présentée sur la première moitié du film. Il ne s'y passe pas grand chose d'autre. Et comme ça ne m'intéressait pas, j'ai fait une pause.

Coincidence (ou bien m'en a pris pour recharger les batteries?) ça bouge un peu dans la deuxième moitié. Il y a un personnage qui s'introduit dans le groupe, un personnage qui va paraitre amical mais qui va chambouler l'équilibre de ce reste de famille. Ce personnage c'est Deborak Kerr. Une ancienne connaissance du père (David Niven) avec qui ils vont finir par former un couple. On parle de mariage. Or, Deborah Kerr ne fait pas partie de cet univers oisif et festif. Elle se dévoile dans une courte scène qui précède une rencontre entre eux et d'anciens amis. Kerr les décrit de façon réaliste et peu reluisante. Elle sous-entend notamment que la femme trompe son mari avec son chauffeur neveu, et qu'ils sont trop souvent ivres pour avoir un quelconque souvenir commun. Sans le vouloir elle décrit en fait un peu de la vie de son futur mari et de sa fille. Deborah Kerr incarne la raison, on va dire, le mode de vie traditionnel en opposition au vide de l'existence de cette jet-set qui ne l'est pas encore. Or Kerr est aussi très directive. Un commentaire en off de Jean Seberg (la fille) dit, très peu de temps après son arrivée, qu'elle dirige et encadre un peu la maison. Elle force aussi Seberg a réviser de la philosophie, pour rattraper un examen raté. Et là il y a conflit. Seberg est très bien là où elle est, ne veut pas de changements, et va donc tenter de briser l'idylle avec son père. Un calcul néfaste puisqu'il en résultera un drame qui va hanter le père et la fille bien au-delà des vacances.

C'est pour cela que le film se situe à deux époques différentes: pendant l'été méditérranéen et un an plus tard à Paris. L'été chaleureux, joyeux, est en couleurs tandis que la période triste, de remords, à Paris, est en noir & blanc. On comprend mieux à la fin, maintenant qu'on sait tout ce qu'il y a à savoir, pourquoi cette jeune fille est triste. Ca n'empêche pas son père et elle d'être retournés à leurs vieilles habitudes, avec un sentiment de perdition en plus. Ils semblent (surtout elle) se jeter dans l'alcool et le plaisir pour oublier le poids de la tragédie passée.

Tout ça pour ça. Peut-être que le livre est bon, le film m'a un peu laissé de marbre. Cette histoire de "pauvre petite fille riche" ne me parait pas très pertinent ici, même si quelques détails valent la peine et que ça se laisse suivre sans trop d'ennui.
Ca me rappelle un peu le cas de Sofia Coppola qui filme finalement ce qu'elle connnait (quelqu'un qui s'ennuie dans le monde qui l'entoure). Ici Sagan écrit autour du monde qu'elle cotoie avec la lucidité de ses défauts et de ses qualités.

Beau master Sony qui rend justice à la toujours efficace utilisation du format Scope par Preminger (une constante chez lui). Définition bonne. Copie très propre et bien colorée. Jaquette hideuse par contre :fiou:
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Re: Otto Preminger (1906-1986)

Message par Jihl »

Marge d'erreur (1943)

Découvert dans le magnifique master du DVD Columbia zone 2... et c'est le seul point positif. Comédie de propagande où Preminger lui même joue l'ambassadeur d'Allemagne à New York. Sa protection doit être assuré par deux policiers juifs de New York. C'est une caricature de film de propagande et ce n'est pas drôle. Mise en scène paresseuse, mal écrit, pas bien joué. Bref j'ai tenu péniblement 40 minutes... et j'ai appuyé sur stop.
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Re: Otto Preminger (1906-1986)

Message par Cathy »

Moon is blue, la lune était bleue (1953)

Une jeune femme se laisse séduire par un architecte et son meilleur ami, père de l'ex-fiancée de celui-ci

Otto Preminger réalise ici une comédie brillante, aux dialogues brillants, sexuellement très libres. Il semble que ce film ait été réalisé par opposition au code Hays, et cela se sent, on y parle cruement de virginité, de sexe, certaines scènes laissent même entendre que la jeune fille peut se prostituer, même si elle est une jeune fille sage. La jeune femme se laisse "draguer" sans aucun complexe, curieusement celui qui aura le beau rôle sera l'architecte qui malgré son attirance vers la jeune femme reste dans une certaine "dignité" morale. Celle-ci sera sauve à la fin et par certains évènements du film. Le rythme est trépidant, même si le film peut paraître "bavard" tant les acteurs passent leur temps à discuter. On sera séduit par la fraicheur de Maggie McNamara, le charme de William Holden et encore plus celui de David Niven, délicieux alcoolique mondain, joueur, et dragueur. Bref une comédie alerte et brillante qui mériterait une plus belle édition DVD que celle parue il y a quelques années chez un éditeur à petit prix ! Une jolie découverte.
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Re: Otto Preminger (1906-1986)

Message par Major Dundee »

J'avais une mauvaise copie de Anatomy of a murder car en fait c'était une copie d'une de mes VHS que j'avais faite quand je suis passé au DVD.
Donc comme TCM l'a programmé le mois dernier je me suis refait une copie toute bonne sauf que (ma vielle copie dure 2h33 et la copie de TCM 2h20. Il y a donc 13 mn qui sont passées à la trappe. J'espère simplement que TCM n'a pas pour habitude de saucissonner les films sans nous en informer. j'ai lu que la copie cinéma à l'origine durait 2h41. Si l'un d'entre vous possède un DVD du commerce, pourrait-il vérifier la durée ? Merci à vous 8)
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Re: Otto Preminger (1906-1986)

Message par Jack Carter »

2h34 sur le dvd.
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Re: Otto Preminger (1906-1986)

Message par Major Dundee »

Jack Carter a écrit :2h34 sur le dvd.
Ouai, donc c'est comme mon enregistrement VHS. C'est bien TCM qui merdouille :roll:
Merci à toi Jack 8)
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Re: Otto Preminger (1906-1986)

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Laura
Otto Preminger (1944) :

Intéressante redécouverte que ce film que j'avais déjà vu il y a quelques années (ça doit être le premier Preminger que j'ai vu). Etrangement, je ne me souvenais plus du tout des personnages incarnés par Vincent Price et Judith Anderson, le reste du scénario m'étant par contre resté familier. Classique du film noir, "Laura" est devenu inoubliable grâce à la présence hypnotique de la ravissante Gene Tierney. La relative complexité du scénario, à laquelle s'ajoute l'ambiguité des personnages principaux (celui du doucereux Clifton Webb en tête, mais tous de manière générale) donnent à "Laura" un parfum vénéneux où l'immoralité affleure sous le couvert de l'élégance. La mise en scène classique d'Otto Preminger s'appuie sur un découpage extrêmement précis et parfaitement maîtrisé. La narration éclatée et constamment morcelée possède un ton assez langoureux, soulignant ainsi l'irréel de l'histoire. A la manière de la brusque réapparition de La ura sous les yeux encore somnolents de Dana Andrews, le rythme même du film peut se trouver soudainement accéléré : la fin en particulier arrive de manière un brin précipitée, ce qui n'enlève néanmoins rien à sa réussite. "Laura" ne tente jamais de s'inscrire dans une quelconque réalité sociale ou même psychologique. Le policier incarné par Dana Andrews, sous des dehors plus vraissemblables que les autres personnages, n'est en fait qu'un pur produit de l'imagerie traditionnelle de "l'inspecteur", celle de l'homme professionnel et désabusé que l'on retrouve dans bon nombre de films ou de romans policiers. Il contraste ainsi avec le reste des personnages, tous plus névrosés, lui-même finissant d'ailleurs par être contaminé à son tour (lorsqu'il tombe amoureux du portrait, et donc de Laura). Cette différence se retrouve également entre l'intention et la réalité même du film. Présenté comme un film noir, "Laura" en posséde indéniablement certains aspects, comme la structure de l'intrigue policière, ou encore le style photographique, mais ressemble en réalité davantage à un drame mondain, à une de ces histoire d'amour fascinantes et mystérieuses. 8/10

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Where the sidewalk ends / Mark Dixon, détective
Otto Preminger (1950) :

"Mark Dixon, détective" (on lui préférera son titre original, plus poétique) est un film noir digne d'admiration. Dana Andrews y incarne un policier violent et cynique qui sous l'effet de la malchance se retrouve soudainement pris dans une sordide affaire de meurtre. L'acteur développe un jeu convaincant, peut-être un peu statique, mais qui révèle néanmoins très bien la violence toujours latente du personnage. Ses scènes avec Gene Tierney, à la teneur évidemment plus romantiques, ne déparent cependant pas avec les autres. Elles ne deviennent en effet ni mièvres, ni grandiloquentes, et surtout ne constituent pas une rupture avec le reste du film, au ton plutôt amère et désenchanté. Gene Tierney ne possède finalement qu'un rôle des plus effacés, mais sa présence, même limitée, reste toujours un plaisir, et c'est finalement sur elle que repose une bonne partie de l'émotion des derniers instants du film. Mettant en exergue la destinée individuelle, voire solitaire, d'un homme en fuite, le film s'applique à montrer la spirale quasiment autodestructrice dans laquelle Dixon ne cesse de s'enfoncer. Le récit n'est pourtant pas dénué d'ambiguités, le distinguant ainsi d'un film policier plus ordinaire. Les actes qu'accomplit Mark Dixon pour tenter de dissimuler son "meurtre" peuvent paraître maladroits et même vains, mais ils ne manquent malgré tout pas d'efficacité. Il s'en faut en effet de peu pour que Dixon n'échappe à la police... et avec les félicitations de cette dernière en prime ! Ironie du sort, il finit par s'infliger lui-même tout ce à quoi il avait tenté d'échapper au cours des scènes précédentes. Une conclusion qui peut sembler imposée, car le héros meurtrier ne peut évidemment pas repartir libre et heureux, mais qui reste très intelligemment amenée, encore une fois sans rupture de ton et dosant avec finesse le suspense et les sentiments. A l'image de son héros, "Mark Dixon, détective" ne se fait guère d'illusions sur la nature humaine, montrant les hommes tels qu'ils sont : plus préoccupés d'eux-même que des autres, prêts au mensonge et à la dissimulation, à toutes les tromperies lorsque celles-ci s'avèrent nécessaires. Dernière particularité, ce film très noir ne s'encombre pourtant pas d'une des caractéristiques les plus importantes du genre, à savoir la "femme fatale". Le personnage de femme que joue Gene Tierney possède au contraire un rôle doux, presque consolateur, peut-être même susceptible d'adoucir la vision jusqu'ici pessimiste du héros. Et c'est seulement sur une promesse de bonheur que s'achève le film, promesse qu'Otto Preminger laisse à l'entière volonté du spectateur, celui-ci ne pouvant qu'imaginer si elle sera accomplie ou non. 8/10
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Re: Otto Preminger (1906-1986)

Message par Nestor Almendros »

AMBRE (1947)

SPOILERS
C'est toujours un plaisir de découvrir un nouveau Preminger, même si celui-ci ne m'aura finalement pas enthousiasmé. La faute, à n'en pas douter, à son personnage principal: une femme déterminée et très ambitieuse ayant pour seul but de conquérir une position sociale afin d'être digne d'épouser celui qu'elle aime. Le problème, je trouve, c'est que Ambre n'est presque jamais attachante, provoque peu d'empathie. Sa distante froideur ajoute certainement à cette impression. Je trouve aussi qu'il y a certaines incohérences dans ce personnage. Malgré son déterminisme, elle semble trop souvent se laisser porter par son instinct de survie en oubliant les conséquences de ses actes et en se plongeant corps et âme dans l'instant et dans les jeux de pouvoir et de manipulation qui semblent alors pouvoir lui sauver la mise. A aucun moment (ou presque) on ne sent chez elle un recul ou une position morale sur ce qu'elle fait: elle semble se contenter de toutes les manipulations qu'elle a provoquées, du moment qu'elle est confortablement installée. De plus, le détail de l'enfant m'a un peu gêné: il est très peu visible à l'image et Ambre ne semble jamais s'en offusquer. On la voit très longtemps sans lui, cloitrée dans ses palais, à croire qu'elle l'a momentanément oublié. Très curieux.
Le film m'a certainement rappelé le genre d'histoire que j'ai pu voir cet hiver avec la série des ANGELIQUE. Certains pourront sourire mais je maintiens mon argument (et j'ajoute que le Preminger s'en sort beaucoup mieux, évidemment): dès le départ de Cornel Wilde, Ambre suit une série continue de péripéties qu'on peut interprèter finalement comme des épisodes (la prison, le théâtre, le comte, le roi, etc.) dont certains sont très ellipsés. Si cela permet un certain dynamisme de l'histoire, le systématisme du procédé m'a peut-être un peu lassé (car trop voyant). Mais, en même temps, c'est ce qui m'a permis de rentrer dans l'histoire et d'oublier un peu les défauts du personnage principal.
Lesquels défauts, morale américaine oblige, seront finalement punis à la fin du film. Ambre est une femme enfermée dans ses complexes sociaux d'infériorité. Sa volonté de s'en sortir vont finalement la couper du monde et des autres, dans une société où tout le monde se sert de tout le monde (à ce propos, parlant de la premère demi-heure et de plusieurs autres moments ou personnages, j'ai rarement vu une intrigue aussi remplie de caractères opportunistes et des codes de société sont si ouvertement matérialistes: peu sont sincères, presque tous sont calculateurs). Pour contrebalancer ce personnage principal si critiquable, il ne pouvait y avoir de happy end: elle se retrouve donc toute seule, enfermée (pour l'instant) dans son palais doré, sans amour ni enfant. Elle ne parlait pas assez avec son coeur (comme l'a fait son fils en acceptant la proposition de voyage de son père), c'est un juste retour des choses.

Belle mise en scène de Preminger, à la caméra toujours très mobile. Et toujours ce charme Hollywoodien et ce clinquant visuel dans les décors, les costumes, la lumière (malgré un master sombre et aux teintes trop orangées).
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Re: Otto Preminger (1906-1986)

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Advise and consent / Tempête à Washington
Otto Preminger (1962) :

Dans le milieu de la politique américaine, les intrigues de coulisses qui se trament inévitablement au cours de l'élection du prochain secrétaire d'Etat résument les personnalités, les ambitions personnelles, les attentes et les résignations de tout un groupe d'hommes comptant parmi les plus importants et les plus influents du pays.
Otto Preminger, avec un souci affiché de réalisme et de sérieux, s'attache ainsi à dépeindre cette société corrompue par le pouvoir et la mesquinerie, tout en nous montrant avec une ironie certaine la face lisse, bien-pensante, d'un classicisme moral en apparence parfait, de ces mêmes hommes et femmes toujours vêtus avec raffinement et qui sirotent des cocktails dans les jardins et les salons des plus élégantes demeures de la côte Est américaine. Bénéficiant d'une très belle photographie en noir et blanc, le réalisateur peut également compter sur le professionnalisme de ses nombreux acteurs, aux rôles tous plutôt courts, mais disposant chacun d'une importance spécifique. L'intrigue qui se noue peu à peu autour de la vie de l'homme chargé de la commission d'enquête n'est pas des plus palpitantes (c'est pourtant autour d'elle que tourne la majorité du récit), en plus d'être moralement douteuse quant au fait qu'elle puisse être d'un impact négatif quelconque sur la carrière de l'homme en question, et a fortiori sur celle du personnage incarné par Henry Fonda (tout en comprenant le "scandale" possible, je ne trouve cette explication ni très pertinente ni même très efficace). Cela n'a néanmoins pas grande importance quant au fait d'apprécier ce film intelligent, pas ennuyeux pour un sou malgré l'austérité de son sujet et de sa mise en scène. Indéniablement très réussi. 8/10
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Re: Otto Preminger (1906-1986)

Message par Joe Wilson »

Un film austère et exigeant, mais j'ai rarement vu une observation aussi fine du microcosme politique. Les coups bas, la frontière invisible vie publique/vie privée, l'affect des protagonistes noyé par un système qui les épuise...le propos de Preminger exprime une tristesse, une lassitude vertigineuse, avec beaucoup d'évidence.
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Re: Otto Preminger (1906-1986)

Message par Droudrou »

Joe Wilson a écrit :Un film austère et exigeant, mais j'ai rarement vu une observation aussi fine du microcosme politique. Les coups bas, la frontière invisible vie publique/vie privée, l'affect des protagonistes noyé par un système qui les épuise...le propos de Preminger exprime une tristesse, une lassitude vertigineuse, avec beaucoup d'évidence.
ce qui est intéressant c'est de quelle façon ce même film ramène à certaines scènes de Spartacus où paraît Charles Laughton et à l'ambiance de certains épisodes de Cléopâtre
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Re: Otto Preminger (1906-1986)

Message par Sybille »

C'est assez incroyable la façon dont Preminger réussit à nous passionner avec intelligence sur des sujets aussi austères que la politique ou la justice. D'autant plus que ses films sont souvent (très) longs. Là d'ailleurs pour le coup j'aurais très envie de voir son Cardinal mais je crois qu'il n'existe pas encore en Z2.
Droudrou
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Re: Otto Preminger (1906-1986)

Message par Droudrou »

Sybille a écrit :C'est assez incroyable la façon dont Preminger réussit à nous passionner avec intelligence sur des sujets aussi austères que la politique ou la justice. D'autant plus que ses films sont souvent (très) longs. Là d'ailleurs pour le coup j'aurais très envie de voir son Cardinal mais je crois qu'il n'existe pas encore en Z2.
exact et respectant le format de l'image originale - c'est un film extraordinaire par les qualités de l'adaptation de l'oeuvre littéraire et qui lui aussi malgré sa longueur est passionnant de bout en bout même si parfois certains passages peuvent apparaître tendancieux comme le racisme et la vision appuyée quand les nazis envahissent la nonciature ! au même titre qu'exodus ou Tempête à washington et j'oubliais Première Victoire j'ai plaisir à le revoir régulièrement ou le faire découvrir !
J'en profite pour regretter que the court martial of Billy Mitchell ne soit pas sous-titré et tout Preminger n'est pas encore en DVD !
John Wayne : "la plus grande histoire jamais contée" - It was true ! This man was really the son of God !...
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