Daisy Kenyon (Otto Preminger, 1947)
Un très étonnant drame intimiste où Joan Crawford est partagée entre l'homme marié qu'elle aime (Dana Andrews) et un soupirant qu'elle épouse par dépit (Henry Fonda). Otto Preminger transforme un roman sans doute assez mélodramatique en une étude psychologique incisive du comportement en période de crise sentimentale. C'est un film de 1947 mais il est très atypique : il ne se passe presque rien, les personnages ont tous leur part d'ombre laissée dans l'ombre, leurs rapports sont adultes et crédibles et les nombreux thèmes et sous-thèmes traités (l'adultère, le divorce et ses conséquences sur les adultes et les enfants, entre autres) le sont avec beaucoup d'acuité. Joan Crawford fait preuve d'une rare retenue dans son jeu, loin des extravagances dont elle était coutumière (il y a quand même une scène au début du film où elle est prise d'une crise frénétique de ménage, mais sans cela Joan ne serait pas Joan). Dana Andrews et Henry Fonda sont excellents, dans deux rôles aux antipodes. A vrai dire, seuls les décors, costumes et la grammaire cinématographique nous plongent dans l'univers des années 40 : le scénario du film, beaucoup plus qu'à un produit de studio hollywoodien d'époque, fait penser à la production de films psychologiques US ou européens des années post 60's. Si le film a du beaucoup parler aux femmes de l'après-guerre (aventures extra-conjugales en temps de crise), la maturité de son scénario et de sa réalisation font qu'il reste toujours d'actualité soixante ans plus tard. Un film très décalé dans son époque et une grande réussite d'Otto Preminger, qui réalisait Forember Amber la même année.
Le DVD Z1 est sorti dans la collection "Fox Film Noir", sans doute parce qu'il fallait lui trouver une ligne éditoriale. Daisy Kenyon n'a pourtant strictement rien d'un film noir (si ce n'est qu'il est en N&B et la photo use parfois de contrastes assez violents) : exemple flagrant de tromperie sur la marchandise qui a du laisser sur le carreau plus d'un acheteur qui pensait découvrir un film noir de la grande époque et s'est retrouvé à voir un film psychologique intimiste. La qualité d'image du Z1 n'est pas terrible avec un manque de netteté assez désagréable dans un grand nombre de plans, notamment sur les bords de l'image. Sous-titres français optionnels.
Cathy a écrit :Je n'avais pas compris la sortie de Daisy Kenion dans cette collection, car à mes yeux c'était plus une comédie dramatique. D'ailleurs le titre français est "Femme ou Maitresse" !
Ballin Mundson a écrit :J'avoue m'être copieusement ennuyé devant ce mélo. J'ai trouvé que les personnages, totalement sinistres, manquaient vraiment d'épaisseur, à part peut être Dana Andrews, et j'ai eu bien du mal à m'y intéresser.
Par ailleurs, Crawford en grande amoureuse, avocate des idées libérales, ne m'a pas vraiment convaincu. Le couple qu'elle forme avec Dana Andrews manque de complicité pour être totalement crédible , ce qui à mon sens, torpille l'enjeu du film : en gros, elle à l'air de s'enquiquiner ferme avec ses deux amoureux, et donc son choix cornélien semble totalement artificiel et pas vraiment compréhensible.
Ducdame a écrit :Je partage totalement cet avis et je considère qu'on a là affaire à un mauvais Preminger. Une fois n'est pas coutume. Mise en scène sans passion ni vrai intérêt, psychologie d'arrière cuisine et personnages bien peu crédibles dans leurs agissements. Et scénario à propos duquel je me garderai bien de parler de maturité, le trouvant plutôt faiblard.
Tom Peeping a écrit :C'est justement les arguments que vous avancez tous les deux qui m'ont fait apprécier ce film qui sort vraiment des sentiers battus du mélodrame de l'époque. Preminger n'était pas très enthousiaste à l'idée de faire le film et s'en est sorti en faisant un execice de style dans la distanciation et la froideur. Les personages sont des pantins qui semblent vivre des passions abstraites : un point peut-être qui le rapproche de l'esprit du film noir, beaucoup plus que du mélodrame. Et qui le rapproche aussi des films des années 60 (on pourrait même y trouver des liens indirects avec le ciné de Bergman, c'est dire !). Dans le genre exercice de style, c'est une réussite et pour moi, l'un des très bons films de Preminger. Comme quoi, les goûts et les couleurs...