A.I. Intelligence Artificielle (Steven Spielberg - 2001)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Strum
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Wagner a écrit :Franchement le parallèle n'est pas évident: entre Elliot sur son vélo et Teddy qui court sur fond de lune, il y a trois galaxies.
Il y quand même un rappel visuel. Il reste que j''avais davantage en tête pour ET, le plan étonnant où les garçons reviennent d'Halloween en marchant dans la rue avec un gigantesque soleil rouge derrière eux, sur lequel ils se découpent. Dans A.I., on aurait vu la lune à la place.
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Re: A.I. (Steven Spielberg)

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Wagner a écrit :Sans même évoquer Barry Lyndon je pense que la structure même du film appelait davantage de développement. Intelligence artificelle est un conte, un film onirique qui passe son temps à explorer la beauté de la lumière sous toutes ses formes, cette scène ne pouvait pas être traitée comme simple transition en raison de son énorme potentiel.
Bien que je ne ressente pas la même frustration, je comprends qu'elle puisse exister car ce qui fait notamment la beauté du film est l'urgence dans laquelle Spielberg semble l'avoir réalisé, et ce bien qu'il s'agisse d'un projet de longue date, au risque que le film ne soit pas tout à fait abouti, car il s'agissait probablement d'une catharsis et d'un travail de deuil (cf. le "grand film malade").
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Wagner a écrit :cette scène ne pouvait pas être traitée comme simple transition en raison de son énorme potentiel.
Faut-il pour autant traiter toutes les scènes comme des tableaux, avec un potentiel à réaliser indifféremment de leur place dans le tout du film, comme si elles avaient toutes une fonction équivalente? Je ne crois pas.
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Roy Neary
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Wagner a écrit :Franchement le parallèle n'est pas évident: entre Elliot sur son vélo et Teddy qui court sur fond de lune, il y a trois galaxies.
Au contraire, c'est le recours à la même thématique : la lune comme symbole de transformation et de croissance. Dans la culture populaire (et l'inconscient collectif qui en résulte, et qui intéresse Spielberg depuis toujours), la lune est liée au passage de la vie à la mort et inversement. C'est un symbole cosmique propre à toutes les époques. La nuit est aussi le territoire du rêve, de l'inconscient, de l'imaginaire... et de la femme et plus particulièrement la mère dans ces deux films. Et plus important chez Spielberg, il utilise un autre symbole lié à la lune qui voit cet astre de l'inconscient représenter ainsi le domaine du double. Donc Eliott/ET et David/l'enfant humain qu'il aspire à être. Les rapports ne sont pas les mêmes entre les deux couples et films, certes, mais on n'est bien plus proche que 3 galaxies, c'est plutôt à un jet de regard. :wink:
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Re: A.I. (Steven Spielberg)

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Roy Neary a écrit :
Wagner a écrit :Franchement le parallèle n'est pas évident: entre Elliot sur son vélo et Teddy qui court sur fond de lune, il y a trois galaxies.
Au contraire, c'est le recours à la même thématique : la lune comme symbole de transformation et de croissance. Dans la culture populaire (et l'inconscient collectif qui en résulte, et qui intéresse Spielberg depuis toujours), la lune est liée au passage de la vie à la mort et inversement. C'est un symbole cosmique propre à toutes les époques. La nuit est aussi le territoire du rêve, de l'inconscient, de l'imaginaire... et de la femme et plus particulièrement la mère dans ces deux films. Et plus important chez Spielberg, il utilise un autre symbole lié à la lune qui voit cet astre de l'inconscient représenter ainsi le domaine du double. Donc Eliott/ET et David/l'enfant humain qu'il aspire à être. Les rapports ne sont pas les mêmes entre les deux couples et films, certes, mais on n'est bien plus proche que 3 galaxies, c'est plutôt à un jet de regard. :wink:
Oui, mais je ne parlais là encore que de la forme: Elliot sur le vélo c'est un joli clin d'oeil, une image sympathique, alors que A.I représente un véritable aboutissement esthétique.
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Re: A.I. (Steven Spielberg)

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Strum a écrit :
Wagner a écrit :cette scène ne pouvait pas être traitée comme simple transition en raison de son énorme potentiel.
Faut-il pour autant traiter toutes les scènes comme des tableaux, avec un potentiel à réaliser indifféremment de leur place dans le tout du film, comme si elles avaient toutes une fonction équivalente? Je ne crois pas.
Kubrick ne fait pas des tableaux dans Barry Lyndon, il s'inspire de tableaux pour donner quelque chose qui relève totalement du cinéma, ce qui n'est pas du tout la même chose.

Dire d'un cinéaste qu'il fait des tableaux laisse entendre qu'il se livre à un travail d'imitation, soit une simple prouesse esthétique. Kubrick a vu des tableaux, c'est évident, mais je n'ai pas l'impression qu'il se contente de les faire revivre à l'écran.

L'imagerie de Kubrick n'est pas figée comme une toile, il se content de livrer des plans esthétiquement aboutis selon une grammaire strictement cinématographique. Un cinéaste qui ne tente pas de faire pareil ne poura, selon moi, jamais livrer quelque chose d'intéressant.

Un plan n'aura jamais valeur de simple transition, il signifiera toujours quelque chose pour lui-même. C'est tout l'intérêt du cinéma, réunir sur une table de montage un ensemble d'images signifiantes en soi et par rapport à l'ensemble.
Dernière modification par Wagner le 9 déc. 08, 15:29, modifié 1 fois.
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Wagner a écrit :Oui, mais je ne parlais là encore que de la forme: Elliot sur le vélo c'est un joli clin d'oeil, une image sympathique, alors que A.I représente un véritable aboutissement esthétique.
Je ne vois pas pourquoi. C'est peut-être le ton général du film qui te fait dire cela. Ou aussi ton goût pour le deuxième plan (faut dire que le premier a tellement été utilisé). Pourtant, tu as dans les deux cas une forme puissante par sa symbolique et son esthétisme qui porte une vraie thématique.
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Re: A.I. (Steven Spielberg)

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Roy Neary a écrit :
Wagner a écrit :Oui, mais je ne parlais là encore que de la forme: Elliot sur le vélo c'est un joli clin d'oeil, une image sympathique, alors que A.I représente un véritable aboutissement esthétique.
Je ne vois pas pourquoi. C'est peut-être le ton général du film qui te fait dire cela. Ou aussi ton goût pour le deuxième plan (faut dire que le premier a tellement été utilisé). Pourtant, tu as dans les deux cas une forme puissante par sa symbolique et son esthétisme qui porte une vraie thématique.
OK, je reverrai E.T prochainement, ça fait longtemps de toute façon. Et avec l'upscale cette fois ci, sur trois mètres de base :D :D :mrgreen:
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Wagner a écrit :Un plan n'aura jamais valeur de simple transition, il signifiera toujours quelque chose pour lui-même. C'est tout l'intérêt du cinéma, réunir sur une table de montage un ensemble d'images signifiantes en soi et par rapport à l'ensemble.
Certes, mais tous les plans ne naissent pas égaux, ils ne sont pas d'égale importance aux yeux du cinéaste, dans l'agencement du récit et du point de vue de l'impression recherchée. Ils n'arrivent pas vierges d'intention sur la table de montage. Un film est aussi un récit fait d'images, avec une dynamique propre à l'ensemble. Il ne faudrait pas que sous prétexte de vouloir faire "beau", un cinéaste déséquilibre son film ou nuise à tel plan précédent ou suivant qui a plus d'importance que le premier plan dont la fonction est plus limitée. Par exemple, un plan signifiant le passage du temps ou des saisons aura une finalité réduite (une information factuelle) qui sera épuisée dès que le plan sera monté. Enfin, bon, tout cela est un peu théorique. :)
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Re: A.I. (Steven Spielberg)

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Strum a écrit :
Wagner a écrit :Un plan n'aura jamais valeur de simple transition, il signifiera toujours quelque chose pour lui-même. C'est tout l'intérêt du cinéma, réunir sur une table de montage un ensemble d'images signifiantes en soi et par rapport à l'ensemble.
Certes, mais tous les plans ne naissent pas égaux, ils ne sont pas d'égale importance aux yeux du cinéaste, dans l'agencement du récit et du point de vue de l'impression recherchée. Ils n'arrivent pas vierges d'intention sur la table de montage. Un film est aussi un récit fait d'images, avec une dynamique propre à l'ensemble. Il ne faudrait pas que sous prétexte de vouloir faire "beau", un cinéaste déséquilibre son film ou nuise à tel plan précédent ou suivant qui a plus d'importance que le premier plan dont la fonction est plus limitée. Par exemple, un plan signifiant le passage du temps ou des saisons aura une finalité réduite (une information factuelle) qui sera épuisée dès que le plan sera monté. Enfin, bon, tout cela est un peu théorique. :)
Je prends le problème à l'inverse: c'est lorsque le cinéaste renonce à l'esthétique d'un plan particulier au profit d'un sens général qu'il s'éloigne de ce qu'est le cinéma.

Pour moi cela ne veut même rien dire, ça me rappelle le propos d'un violoncelliste dont je tairai le nom pour lequel toutes les notes ne sont pas d'égale importance, qu'il y en a sur lesquelles on peut passer tandis que d'autres méritent que l'on se coupe la main si on les rate. Le résultat pratique appliqué aux six suites pour violoncelle de Bach est d'une grossièreté sans nom.

Idem au cinéma: les plans de nature illustrant le passage du temps peuvent se charger d'une singification majeure de par leur forme précisément, les exemples pullulent.
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Wagner a écrit :Je prends le problème à l'inverse: c'est lorsque le cinéaste renonce à l'esthétique d'un plan particulier au profit d'un sens général qu'il s'éloigne de ce qu'est le cinéma....

...Idem au cinéma: les plans de nature illustrant le passage du temps peuvent se charger d'une singification majeure de par leur forme précisément, les exemples pullulent.
Je n'ai pas d'idée aussi arrêtée que toi sur ce qu'est ou ce que doit être le cinéma. Je constate simplement que tel plan "pouvant se charger d'une signification majeure" ne pourra le faire que dans le cadre d'un ensemble plus grand que lui-même, d'un récit, et au regard des thèmes du film. Seul, il ne signifiera pas grand chose, et pourra même nous induire en erreur, parce que nous n'aurons pas toutes les clefs pour le comprendre.
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Re: A.I. (Steven Spielberg)

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Strum a écrit :
Wagner a écrit :Je prends le problème à l'inverse: c'est lorsque le cinéaste renonce à l'esthétique d'un plan particulier au profit d'un sens général qu'il s'éloigne de ce qu'est le cinéma....

...Idem au cinéma: les plans de nature illustrant le passage du temps peuvent se charger d'une singification majeure de par leur forme précisément, les exemples pullulent.
Je n'ai pas d'idée aussi arrêtée que toi sur ce qu'est ou ce que doit être le cinéma. Je constate simplement que tel plan "pouvant se charger d'une signification majeure" ne pourra le faire que dans le cadre d'un ensemble plus grand que lui-même, et au regard des thèmes du film. Seul, il ne signifiera pas grand chose, et pourra même nous induire en erreur, parce que nous n'aurons pas toutes les clefs pour le comprendre.
j'ai bien précisé qu'il doit avoir une singification à la fois pour lui et pour l'ensemble, c'est une des missions du montage.
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Re: A.I. (Steven Spielberg)

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Wagner a écrit :Je prends le problème à l'inverse: c'est lorsque le cinéaste renonce à l'esthétique d'un plan particulier au profit d'un sens général qu'il s'éloigne de ce qu'est le cinéma.

Pour moi cela ne veut même rien dire, ça me rappelle le propos d'un violoncelliste dont je tairai le nom pour lequel toutes les notes ne sont pas d'égale importance, qu'il y en a sur lesquelles on peut passer tandis que d'autres méritent que l'on se coupe la main si on les rate. Le résultat pratique appliqué aux six suites pour violoncelle de Bach est d'une grossièreté sans nom.
Il y a une différence majeur entre "rater" un plan, et limiter volontairement sa portée, de façon à ne pas casser la narration par une surcharge d'éléments signifiants, qui sont peut-être remarquables chacun à son niveau, mais ne forment pas forcément, mis ensemble, une mise en scène fluide.

Il y a, dans les ensorcelés, je crois (n'étant pas chez moi, je ne peux vérifier), un fameux échange, dans lequel un producteur incite le réalisateur à améliorer sa prise. "Vous pourriez tellement faire mieux", lui dit-il en l'essence. "Je le pourrais", répond le réalisateur. "Mais si je faisais un film dont tous les plans auraient le même niveau de perfection, aussi élevé que possible, je ferai un film bien fade". Sous réserve de l'exactitude de la citation, cela illustre ce que je veux exprimer.

Un plan seul peut n'avoir qu'un rôle transitionnel assez neutre, ou qu'une valeur de bref rappel, pas forcément porter toute la symbolique du film sur ses épaules. Il y a une palette d'intensité narrative dans laquelle peut puiser le réalisateur pour mettre en valeur certaines séquences plus que d'autres, voire certains personnages ou certaines répliques. Ce n'est pas l'apanage d'un mauvais réalisateur, juste celui de quelqu'un qui joue certaines notes fort, d'autres plus bas, pour que la mélodie soit la plus mélodieuse possible.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: A.I. (Steven Spielberg)

Message par Jeremy Fox »

cinephage a écrit :
Il y a, dans les ensorcelés, je crois (n'étant pas chez moi, je ne peux vérifier), un fameux échange, dans lequel un producteur incite le réalisateur à améliorer sa prise. "Vous pourriez tellement faire mieux", lui dit-il en l'essence. "Je le pourrais", répond le réalisateur. "Mais si je faisais un film dont tous les plans auraient le même niveau de perfection, aussi élevé que possible, je ferai un film bien fade". Sous réserve de l'exactitude de la citation, cela illustre ce que je veux exprimer.
I could make this scene a climax. I could make every scene in this picture a climax. If I did, I would be a bad director. And I like to think of myself as one of the best. A picture will all climaxes is like a necklace without a string. It falls apart. You must build to the big moment and sometimes, you must build slowly.
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Re: A.I. (Steven Spielberg)

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cinephage a écrit :Un plan seul peut n'avoir qu'un rôle transitionnel assez neutre, ou qu'une valeur de bref rappel, pas forcément porter toute la symbolique du film sur ses épaules. Il y a une palette d'intensité narrative dans laquelle peut puiser le réalisateur pour mettre en valeur certaines séquences plus que d'autres, voire certains personnages ou certaines répliques. Ce n'est pas l'apanage d'un mauvais réalisateur, juste celui de quelqu'un qui joue certaines notes fort, d'autres plus bas, pour que la mélodie soit la plus mélodieuse possible.
J'ai zappé le paragraphe sur les Ensorcelés vu que je n'ai pas vu le film.

Par ailleurs et encore une fois il ne s'agit pas pour un plan de systématiquement porter "toute" la symbolique du film mais de participer à le faire. C'est pour cela que la transition a également une signification en soi et pas seulement par rapport à ce qui suit.
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