Les vedettes féminines des films musicaux

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Music Man
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Gloria de Haven

Message par Music Man »

Quand on visite les stands des salons des vieux papiers et autres brocanteurs, et que l’on feuillette les vieux journaux de cinéma de l’immédiat après guerre(Cinémonde, Ciné Revue, Ciné miroir, Cinévie), à s’en noircir les doigts, on reste souvent en extase devant les jolies couvertures en couleurs représentant des artistes français ou américains de l’époque ou de jolies pin-up comme la ravissante Gloria de Haven, qui présente un habile mélange d’ingénuité et de sex appeal boudeur.
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Née en 1924, Gloria est la fille d’un couple d’artistes de vaudeville, Carter et Flora qui firent quelques films à la fin des années 20. En 1936, son père seconde Charlie Chaplin sur le tournage des temps modernes. Alors que Gloria et une camarade de classe visitent le plateau de tournage, les deux gamines sont réquisitionnées sur le champ pour faire un peu de figuration dans le célèbre classique. Pressentie par David O Selznick pour jouer le rôle de Becky dans Tom Sawyer, la petite Gloria n’est finalement pas retenue car elle a trop grandi lorsque le premier tour de manivelle est donné.
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Tout en chantant pour l’orchestre de Bob Crosby, la jeune adolescente tient quelques minuscules rôles à la MGM (Suzanne et ses idées, la femme aux deux visages…) avant de se faire enfin remarquer dans le musical Best foot forward(1943), Broadway qui chante (1944) et surtout deux jeunes filles et un marin (1944) de Richard Thorpe. Ce musical patriotique avec de jeunes acteurs peu connus, prévu à l’origine comme un film de série B va tellement enthousiasmer la production au cours des rushs, qu’il sortira finalement sur les écrans à grand renfort de publicité, avec des numéros de guests stars prestigieuses comme Harry James ou Lena Horne, greffés à la fin du film. C’est vraiment un film charmant, d’une grande fraîcheur et le duo de sœurs formé par la délicieuse Gloria et la pétulante June Alysson remporte tous les suffrages, sans parler de Van Johnson qui va devenir la coqueluche des adolescentes.
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Moue boudeuse et longue chevelure blonde, Gloria n’a pas son pareil pour jouer les coquettes capricieuses. Elle possède surtout une très belle voix chaude, particulièrement mise en valeur dans les chansons de charme (au passage, je conseille vivement son CD ressorti chez Jasmine Records avec une très belle version de blue moon). Pourtant sur la longueur, c’est sa partenaire et grande amie June Alysson, peut être plus atypique avec sa fantaisie et son étrange voix rauque, qui va retenir l’attention des spectateurs et devenir une star.
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Pour le moment, Gloria a le vent en poupe : on la voit partout sur les couvertures de magazine, en ingénue sexy, jouant les fermières de charme, dans le foin avec un mouton dans les bras. Elle a aussi l’honneur de donner son premier baiser de cinéma à Frank Sinatra dans Dansons gaiement (1944) : un évènement de taille et qui du faire bien des jalouses, la popularité du jeune crooner auprès des bobbysoxers étant alors à son apogée. Sinon, rien de remarquable dans ce film et dans l’insipide prestation de la chanteuse, ni dans ses participations à deux célèbres séries : Dr Kildare et l’introuvable.
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Afin d’imposer définitivement la jeune vedette, la MGM mise fort sur Belle jeunesse, un musical belle époque, dont elle espère le même rendement que le chant du Missouri. Tourné en décors naturels (une rareté pour l’époque), par le talentueux Rouben Mamoulian, c'est un excellent film avec quelques passages très imaginatifs (notamment celui où la robe de l’entraîneuse Marilyn Maxwell s’empourpre au fur et à mesure que Mickey Rooney s’ennivre ou alors le joli numéro en voiture), pourtant le succès ne sera pas au rendez-vous. Peut être parce que le public n’arrive plus à suivre un Mickey Rooney qui s’entête à 30 ans, à tenir encore des rôles d’adolescents pré pubères ? En tous les cas, malgré sa délicieuse interprétation des chansons, Gloria n’a pas l’ombre de la présence de Judy Garland et c’est peut être même l’une des faiblesses du film (d’ailleurs, il semble qu’elle ait eu le plus grand mal à tourner certaines scènes de danse qui furent en définitive coupées). Pour Gloria la raison de l’échec du film tient en deux mots « il était trop bon ! » (Ce en quoi elle n’a pas tout à fait tort). Avant même la sortie du film, Gloria épouse l’acteur John Payne(le premier d’une longue liste) , aussi connu pour ses comédies musicales que ses photos de pin up boy: deux maternités successives vont la tenir éloignée des écrans.
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A son retour, l’actrice a des difficultés à retrouver sa popularité d’antan et surtout à effacer l’image de gentille voisine de ses films précédents. D’autant plus que dans le policier la scène du crime, elle n’est pas du tout convaincante en chanteuse de cabaret. Elle est plus à l’aise dans Yes sir that’s my baby (1949), même si l’étonnant Donald O Connor, comme souvent, tire la couverture sur lui.
En 1950, elle tient le rôle de sa mère dans le musical Trois petits mots, en reprenant fort joliment la chanson « Who’s sorry now » (dont la reprise en slow rock par Connie Francis allait faire un tabac 7 ans plus tard). Une émouvante expérience pour Gloria car sa mère, peu avant son décès, assiste au tournage de la séquence.
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La même année, elle tient le rôle de la sœur de Judy Garland dans la jolie fermière. Un très beau souvenir pour la comédienne (qui nouera une amitié sur le plateau avec la star dépressive) même si elle n’y chante que brièvement, Gene Kelly et Judy se réservant les meilleurs morceaux. Du coup, on se souvient à peine de sa présence.
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avec William Lundigan dans parade du rythme

Toujours en 1950, Parade du rythme ressemble à un remake des Dolly sisters. Quelques jolis duos avec la bellissime June Haver se laissent voir avec grand plaisir (notamment le très swing taking a chance on love, où elles sont belles comme deux magnifiques poupées), même s’ils sonnent très fifties alors que le film est censé se passer pendant la guerre.
Cela fait des lustres que je n’ai pas revu Ticket pour Broadway (1951) (et pour cause : la cassette vidéo s’est enroulée dans le magnétoscope et a été irrémédiablement endommagée), petit musical de la RKO plutôt sympa, avec de très jolies chanson et surtout une bonne brochette d’acteurs, notamment le très sous-estimé Eddie Bracken (D’ailleurs, Gloria s’en sortait très bien).
En 1951, Gloria enregistre « because of you », un slow qui devient un tube (repris en France par Frédérica) et l’incite à participer à plusieurs tours de chant dont un à Monte Carlo.
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De retour sur les écrans en 1954, Gloria tente d’imposer une image beaucoup plus sexy. Cheveux platinés, coupés très courts, les jambes gainées de bas résilles, elle affirme que les femmes peuvent avoir encore beaucoup de sex appeal à …30 ans ! :shock: (A croire qu’à l’époque, les femmes étaient vite renvoyées au placard !).
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Pourtant dans le film Ca c’est Paris (1954), même quand elle chante (en français, avec un délicieux accent), I can’t give you anything but love, contre un réverbère, accoutrée comme une prostituée de l’époque et entourée de danseurs jouant les mauvais garçons…on a vraiment l’impression de voir une douce ingénue à un bal costumé plutôt qu’une vamp. En tous les cas, c’est de loin le meilleur morceau de énième musical pour marins (avec Tony Curtis), et peut être un des meilleurs de la carrière de Gloria. Je n’ai pas vu « L’héritière de Las Végas », où Gloria en meneuse de revue, joue encore la carte sexy et chante qu’elle possède une île dans le Pacifique mais qu’elle aurait besoin d’un homme de temps en temps ».
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Avec le déclin du film musical, Gloria est obligée de se tourner vers les planches et les cènes de Broadway. Son apparition avec Ricardo Montalban dans l’opérette de Victor Young Seventh Heaven est un succès et lui vaut de belles critiques personnelles. Par la suite, Gloria va continuer à participer à de nombreuses tournées de musicals n’ayant plus à faire leur preuve : Oliver, la Mélodie du bonheur. On la retrouve même à Londres avec Sammy Davis Jr, et également à la télévision, en guest dans des séries hyper connues. Dans les années 80, on a beaucoup vu Gloria dans des soap-operas qui pullulent à la télé américaines (et même une courte apparition dans Falcon Crest). Interrogée par la presse sur sa participation à de tels navets, Gloria sera brève : elle adore regarder ce genre de feuilletons à la télé, et rêvait d’y jouer.
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En 1997, Gloria fait un come-back nostalgique dans une charmante comédie « la croisière galère » avec Walter Matthau, Jack Lemmon et Donald O’Connor. Une bonne surprise et un vrai régal pour les amoureux du cinéma d’autrefois. Et Gloria de Haven n’a rien perdu de sa beauté.
Si les films de Gloria de Haven n’ont pas marqué l’histoire du cinéma (hormis les Temps moderne pour lequel elle n’est même pas créditée, et peut être Belle jeunesse), et qu’elle n’a jamais été une superstar, son nom demeure associé à l’âge d’or de la MGM. Pour les adolescents américains de l’époque, elle demeure la « girl next door » sexy mais accessible dont on collait la photo, obtenue dans les tablettes de chocolat, sur un cahier d’écolier
A mon avis, ce sont surtout sa voix et ses disques qui méritent d’être redécouverts. J’ai tenté d’obtenir un autographe de sa part, mais mon courrier est revenu NPAI. Où êtes vous Gloria ?
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En 1994, Gloria de Haven rechante un vieux classique à la télévision :
Dernière modification par Music Man le 20 avr. 08, 11:10, modifié 1 fois.
Lylah Clare
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Message par Lylah Clare »

Bonsoir Music Man :D

Merci pour ce portrait de Gloria de Haven qui fut définitivement un second rôle un peu oublié. D'ailleurs, il faudrait que je revoie La jolie fermière et Three little words, dans lesquels je confirme que je ne conserve pas un souvenir impérissable de ladite damoiselle. :oops:

En revanche, tu m' apprends que John Payne avait joué dans des comédies musicales (je le connaissais essentiellement comme acteur de films noirs et de westerns !) :o
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Lylah Clare a écrit :
En revanche, tu m' apprends que John Payne avait joué dans des comédies musicales (je le connaissais essentiellement comme acteur de films noirs et de westerns !) :o
On peut même dire que c'est un des principaux acteurs des comédies musicales de la Fox dans les années 40.
Music Man
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Message par Music Man »

Bonsoir Lylah !
En fait, on doit voir Gloria de Haven 2 minutes maximum dans Trois Petits mots le temps de chanter son charmant « Who’s sorry now ». Une artiste mignonne, au charme juvénil dont j’ai écouté pas mal de fois le joli CD qui lui a été consacré.
John Payne qui fut son mari (et aussi celui de l’actrice des années 30 Anne Shirley) a beaucoup joué dans des comédies musicales au début des années 40, à la FOX avec Alice Faye (Radio Cavalcade, Week à la Havane, Hello Frisco Hello), Betty Grable (les Dolly sisters) ou encore June Haver (wake up and dream).
A chaque fois, il n’est que le faire valoir des célèbres blondes du studio. Après la guerre, il s’est orienté vers les westerns de 2ème catégorie.
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Lylah Clare
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Message par Lylah Clare »

Je dois avouer que je connais très mal les comédies musicales de la Fox :oops: et je vois que j'ai encore raté une occasion de me taire. (mais je ne pense pas que tu aies déjà parlé de John Payne dans ton topic sur les vedettes masculines de films musicaux, c'est peut-être pour ça :wink: , enfin, corrige-moi si je dis encore une bêtise)
Pour en revenir à Gloria de Haven, il faut lui reconnaître qu'elle est tout à fait charmante, même d'ailleurs en mûrissant.
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Message par Music Man »

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Ok, Lylah, John Payne aura droit à sa bio bientôt sur le topic "vedettes masculines". Une bonne occas pour parler des films Fox et de leurs blondes.
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Lylah Clare a écrit :Je dois avouer que je connais très mal les comédies musicales de la Fox :oops:
Je n'en connaissais encore aucune non plus il y à peine un mois ; et en fait, le DVD (aussi bien en zone 1 qu'en zone 2) en propose une tripotée à des prix dérisoires. Bref, je commence ainsi tout doucement à rattraper mon retard. Encore une bien belle aubaine que nous offre le DVD
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Message par Music Man »

Ce serait dommage que les superbes films musicaux de la MGM, aussi géniaux soit-ils soient les arbres qui cachent la forêt. A la Fox, à la Paramount, à la Warner , dans d'autres studios et dans d'autres pays, on a tourné des choses très interessantes dans le domaine avec des réalisateurs, chorégraphes et artistes qu'il serait regretable d'ignorer. Mais c'est vrai que les ciné clubs, cinéma de minuit se sont toujours focalisés sur les productions, certes merveilleuses, d'Arthur Freed, alors évidemment à moins d'avoir fait des recherches particulières à l'étranger, jusqu'à présent les cinéphiles français ne risquaient pas de les connaître...jusqu'à l'agrandissement de la palette des sorties DVDs.
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Bibi Johns

Message par Music Man »

Et si on se replongeait un peu dans le cinéma allemand des années tunnel (années 50), si peu connu chez nous (Il faut dire qu’il existait alors une certaine réticence à tout ce qui venait de là bas) à l’heure du miracle économique : alors qu’aux USA, les comédies musicales étaient en train de disparaître progressivement des écrans, outre Rhin, elles fleurissaient à un rythme soutenu : au programme jazz et swing sur fond de Bavière de carte postale aux bleus pastels garantis agfacolor avec un petit coté Jean Mineur publicités.
La très jolie chanteuse suédoise Bibi Johns était fréquemment la star de ces aimables spectacles.
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Née en 1930 en Suède, la jolie Bibi commence à chanter dans divers orchestres (dont l’un spécialisé en musique hawaïenne) à la fin de la guerre tout en vendant des disques dans un grand magasin : son idole est alors Ella Fitzgerald. En 1951, après avoir gravé un premier 78 tours, la jeune et blonde chanteuse tente sa chance aux USA : Grâce au soutien d’une tante américaine, elle y obtient un contrat avec la firme RCA : hélas les quelques disques qu’elle enregistre passent inaperçu. Peut être manque t’il un peu de personnalité à Bibi qui semble beaucoup s’inspirer de Doris Day ? En tous les cas, elle aura la chance de se produire dans des cabarets avec Eartha Kitt et Harry Belafonte.
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Ce qui lui donnera une petite renommée lors de son retour chez elle en 1953 : Elle décroche du coup le rôle principal d’une comédie musicale « Flicka med Melodie », un bide. Nul n’est prophète en son pays. C’est en Allemagne que Bibi va enfin rencontrer la gloire. Son enregistrement de Bella Bimba, sorte de comptine folklorique est un tube. Le public allemand qui a toujours eu un faible pour les suédoises (Zarah Leander, Kristina Söderbaum) est sous le charme.
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Grâce à son joli minois et ses formes généreuses on la compare parfois à Marilyn Monroe, Bibi est aussitôt engagée à l’écran : d’abord en tant que guest star et rapidement en vedette. Dans les premiers temps, elle maîtrise si mal l’allemand qu’on la double pour les dialogues, mais au fil du temps, elle va assurer elle-même son texte, avec un accent ravissant très prisé des spectateurs.
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Musikparade (1956) est une comédie familiale bien enlevée avec le facétieux Peter Alexander. Dès le générique, Bibi étonne en chantant un rock endiablé. Probablement à cause de la présence des troupes américaines dans le pays, on était incontestablement largement en avance sur la France sur un plan musical ! Dans l’idiote du village (1957), elle nous livre encore un rock déchaîné, avec une sorte de pantalon en lamé, tout en remuant ses cheveux comme Dalida ! Cela dit, c’est Ruth Stephan, dans le rôle d’une fille un peu demeurée qui rêve de devenir une star, qui retient l’attention.
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Parmi les nombreux films que Bibi va enchaîner entre 1954 et 1961, on retiendra Kleine leute, grosse reise (film pour enfants très mignon avec un adorable petit orphelin, envoyé en vacances à la campagne, et soigné par la très jolie sœur Birgit –alias Bibi- dont le tour de poitrine et les robes colorées ne collent pas trop avec son statut de bonne sœur, surtout quand elle danse et chante un morceau swing que n’aurait pas renié Line Renaud !), la joyeuse débandade (une fantaisie débridée, où Bibi chante à ses nains de jardin, tout en tondant le gazon, dans un paysage idyllique du Tyrol. Le clou du film demeure cependant le banquet lors duquel les animaux de la ferme vont se livrer à toutes les bêtises possibles : intellos s’abstenir !) et Ainsi sont les hommes 1957 (où elle se révèle étonnement bonne dans un rôle de voleuse, et chante son plus gros tube, le rock aber nachts in der bar).
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En revanche, mieux vaut oublier de médiocres heimat-films (films musicaux folkloriques) comme l’amour est une mélodie (1956) où elle semble parachutée entre une fanfare et une intrigue sentimentalo-dramatique ou des comédies aux scenarii tenant sur un ticket de métro comme Sérénade et Calypso (1958) avec le chanteur italien Teddy Reno et l’ex star du muet Lil Dagover, en comtesse allergique à la musique (ça y est, j’ai résumé toute l’histoire) .
Au début des années 60, les schlagerfilms vont envahir les écrans allemands : un genre très germanique cherchant à promouvoir les chansons en vogue : en revanche, au niveau de l’intrigue, les spectateurs en sont pour leurs frais ! La Paloma (1959) n’a de commun avec le magnifique film d’Helmut Kautner que le titre et la chanson. Ici c’est un film-revue des plus plats, avec un morceau assez nul de Louis Armstrong en duo avec la petite Gabrielle à la fin.
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Adieu, liebewohl, goodbye (1961) n’est pas meilleur : les innombrables chansons sont piètrement mis en bobine (où sont les chorégraphes ?). Plus Marilyn que jamais, gainée dans un fourreau en lamé, Bibi y chante un morceau assez sympa.
Je n’ai pas vu son dernier film « Aujourd’hui, nous faisons la bombe 1961». Si on en croit les critiques, c’est un vrai ratage qui sonne le glas de la carrière cinématographique de Bibi et de celle, plus longue et plus prestigieuse de Marika Rökk, sa partenaire.
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Alors que Bibi doit faire face en Allemagne à la concurrence de chanteuses plus jeunes et plus dans le coup comme Conny Froboess ou Heidi Brühl, et surtout à la british wave, elle tente à nouveau de conquérir son pays natal et y parvient finalement : sa version suédoise de Chariot de Petula Clark est un tube. Elle reprendra aussi le « même si tu revenais » de Claude François. En Allemagne, on la voit beaucoup à la télé dans des shows nostalgiques où elle reprend ses vieux succès : on peut leur préférer sa belle version des moulins de mon cœur de Michel Legrand, très inspirée de celle, archi brillante, de Dusty Springfield.
En 2007, Bibi est toujours sur la brèche : elle fait même une tournée, si vous passez par là.
Sur un plan sentimental, après plusieurs divorces, elle a enfin trouvé le bonheur avec son pianiste … de 35 ans son cadet. Comme dirait Céline Dion « l’amour n’a pas de calculatrice » ! Il faut dire que les années ne semblent pas avoir prise sur elle !
Dernière modification par Music Man le 26 août 08, 23:05, modifié 1 fois.
Music Man
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Marta Eggerth

Message par Music Man »

Aimez vous l’opérette viennoise ? C’est sûr, c’est en genre totalement démodé et je me demande s’il existe en France beaucoup de personnes de moins de 60 ans sensibles aux œuvres de Franz Lehar, Ralph Benatzky ou Emmerich Kalman. Pourtant dans les années 30, on raffolait de ces musiques légères et des gazouillis de divettes telles que la blonde Marta Eggerth. Outre sa jolie voix cristalline, Marta disposait d’une fragile silhouette de poupée qui tranchait avec l’image que le public avait alors d’une cantatrice, puissante et rondouillarde.
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Née en 1912 à Budapest, Marta a commencé très jeune à chanter sur les scènes de l’opéra comique (sa maman était cantatrice et son père directeur de banque).
C’est grâce à une méprise que la chanteuse d’opérette va faire ses débuts à l’écran en Allemagne. Alors qu’elle est en tournée en Allemagne, le futur réalisateur Geza Von Cziffra qui s’est trompé de salle de spectacle (il devait à l’origine se rendre à un spectacle jouée par la star du muet Liane Haid) est subjugué par sa voix. Malgré les réticences de la maman de Marta qui ne la quitte pas d’une semelle, il somme la très jeune femme de tenter des bouts d’essais avec le producteur Richard Eichberg. Elle est embauchée sur la champ.
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J’ai eu l’occasion de voir un de ses tout premiers films à la cinémathèque « Casse cou -1931 », avec un doublage en français d’époque et des bruitages qui rendaient le tout assez croquignolesque. Quant à la timide Marta, elle minaudait entre les bras du puissant Hans Albers qui lui répétait de sa voix vibrante : Mounou, Mounou, Mounou…
En 1933, elle triomphe dans une bio de Schubert réalisée par le talentueux Willy Forst aux cotés d’Hans Jaray. Les disques 78 T de la sérénade et l’Ave maria tirés du film se vendront comme des petits pains. Très vite, Marat supplante auprès des spectateurs les autres divas et divettes de l’écran allemand comme Gitta Alpar ou Jarmila Novotna, dont les origines juives leurs valent bien des obstacles à partir de 1933.
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On la retrouve dans de nombreux films opérettes comme Princesse Czardas, ou d’autres romances où elle joue toujours les soubrettes de charme. En 1935, elle donne la réplique au célèbre ténor polonais Jan Kiepura dans J’aime toutes les femmes. Très imbu de sa personne, le chanteur jouissait alors d’une incroyable popularité (et drainait à l’opéra de Paris, un public inhabituel très populaire qui l’avait adoré dans ses films) et n’appréciait nullement Miss Eggerth (craignait-il qu’elle lui fasse de l’ombre ?) : l’amour naîtra lors du tournage et finira par un mariage.
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Alors que Kiepura tente (vainement) sa chance à Hollywood, Marta tourne quelques films agréables, en version française et allemande comme la chanson du souvenir (1936) dont la magnifique chanson composée par Franz Grothe est le principal attrait. Si la comédie fantastique « manoir en Flandres 1936» bénéficie d’une critique élogieuse dans le livre consacré à l’histoire du cinéma nazi, le film rediffusé sur cinéclassic ne m’a guère convaincu.
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Mais le plus gros succès de Marta Eggerth fut sans doute Casta Diva, film italien de Carmine Gallone (1935) bio du compositeur Bellini où elle incarne l’inspiratrice du musicien, qui meurt en pleine jeunesse. Bien évidemment, Marta nous gratifie d’une belle version de l’air de la Norma, repris depuis en variétoche par Mireille Mathieu (mille colombes) et hymne sarkozien. Elle jouera également dans la version anglaise, the divine spark.
En 1937, Marta et Jan Kiepura se retrouvent pour une adaptation filmée de la Bohème de Puccini, curieux film où ils incarnent des comédiens qui jouent le célébrissime opéra tout en connaissant un destin tragiquement similaire : Marta meurt en scène juste à la fin du spectacle ! Elle y révéle un réel talent d'actrice et est très émouvante, sans jamais en faire trop. Des recherches généalogiques entreprises par les nazis révélant que Marta Eggerth a des origines juives, le couple est contraint de quitter l’Allemagne nazie en 1938.
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Leur sort parait bien incertain étant donné l’échec cuisant de Jan dans son film tourné aux States en 1936 avec Gladys Swarthout. Cependant, la tournée qu’ils entament avec la veuve joyeuse va vite les remettre en selle. En 1942, Marta est même engagée par la MGM (Louis B Mayer étant très sensible aux opérettes viennoises) pour jouer les coquettes dans For me and my gal avec Gene Kelly et Judy Garland. Un excellent film, dans lequel elle n’a qu’un petit rôle, mais paraît bien plus jolie que dans ses films allemands (merci les maquilleurs d’Hollywood). Si on regarde bien la séquence où elle chante au piano une mélodie pour Gene Kelly, on peut remarquer que son décolleté et sa robe semi transparente ont été floutés (trop sexy Marta ?) Compte tenu de sa popularité en Europe, son nom apparaîtra pourtant au dessus de Gene Kelly lors de la sortie du film en France et en Belgique après guerre.
Marta chante aussi dans le modeste mais charmant « Lily Mars vedette 1943». Mais là aussi, son rôle n’est pas sympathique et c’est Judy la star.
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Après guerre, on retrouve encore Marta avec Jan Kiepura dans une nouvelle version italo-américaine de la Bohème. Ce film est-il meilleur que le précédent ?
En 1949, Marta tente à nouveau sa chance en France, avec Jan dans la valse brillante, un film opérette léger de Jean Boyer (un spécialiste du genre) aux chansons sympathiques composées par Louiguy (l’auteur de la vie en rose). C’est une comédie de bon aloi, tout à fait charmante mais un brin désuète. Dans un passage, Marta exécute une sorte de conga, tout juste vêtue d’une sorte de bikini avec traîne qui met bien en valeur sa gracile silhouette.
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Une poussiéreuse version en couleur de l’opérette Le pays du sourire (1952) mettra fin à la carrière du couple (si on excepte une apparition de Marta en guest star dans un film catastrophe allemand de 1957, Menaces sur Berlin). Si l’opérette finit par totalement déserter les écrans (hormis des films pastiches ou remis au goût du jour avec Peter Alexander), elle draine encore un certain public sur scène où Eggert et Kiepura vont continuer à se produire jusqu’au décès de Jan en 1966. Après une longue période de retraite, Marta a repris ses activités de chanteuse dans des galas de charité. Et chose incroyable, elle a gardé une sacrée voix pour une octogénaire !(un CD allemand reprend une partie de ses enregistrements tout récents). En 1998, Marta a joué le rôle d’une cantatrice dans le feuilleton allemand Tatort sous le nom de Marta Eggerth-Kiepura.
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Elle a participé en 2006 avec ses deux fils à l’inauguration d’une statue à Varsovie pour rendre hommage à son célèbre mari. Elle vit à New York depuis de très longues années et chante encore à l’occasion. Un vrai phénomène ! On peut trouver chez Marianne Mélodie un Cd de Jan Kiepura avec quelques solos de Marta dont de rares versions françaises de ses tubes allemands ou autrichiens et apprécier sa belle voix de soprano colorature (à moins d’être allergique aux voix trop aigues), aussi à l’aise dans l’opérette, l’opéra que les fox trots. Tout le charme rétro des années 30.
Sur youtube, Marta chante la valse de Musette dans "le charme de la Bohème" 1937 :
Dernière modification par Music Man le 20 avr. 08, 11:15, modifié 1 fois.
francesco
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Message par francesco »

Tu en fais déjà tellement qu'on a scrupule à t'en demander plus mais ... tu as prévu de dire quelques mots sur Dolores Gray ? :oops:
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Message par Music Man »

Mais ce sera avec plaisir Francesco, d'autant plus que j'ai vu tous ses films (ce qui n'est pas très compliqué car sa filmographie est très réduite) et ses shows TV repris en DVD (assez décevants d'ailleurs).
francesco
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Message par francesco »

Merci ! :D
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Dolores Gray

Message par Music Man »

Quand on voit le superbe numéro « Thanks a lot but no thanks » chanté à pleine voix par la pétulante et sexy Dolores Gray dans « Beau fixe sur New York» de Gene Kelly et Stanley Donen, qui d’un coup de levier envoie dans les sous sols les boys qui dansent à ses cotés, on se demande pourquoi avec autant de présence et de voix, cette blonde dynamite au visage un peu chevalin n’a pas fait plus d’étincelles sur les écrans américains…
Hélas, dans le show business, il faut savoir être là au bon moment et au bon endroit, hors Dolores Gray a fait ses débuts à la MGM, alors que la comédie musicale brillait de ses derniers feux et n’a pu faire valoir ses talents que dans 4 films en tout et pour tout !
A Broadway, elle n’a pas été vraiment mieux lotie, car aucune des pièces qu’elle a créé n’a remporté un succès durable, et elle a du se contenter de reprendre sur scène des rôles de musicals à jamais attachés au nom de leurs illustres créatrices Ethel Merman ou Mary Martin.
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Née en 1924 à Chicago, Dolores grandit dans un quartier sordide. Elle reçoit un jour une balle perdue lors d’un règlement de comptes entre gangsters et gardera toute sa vie des éclats de balle dans un de ses poumons.
A 15 ans, la jeune femme tente sa chance à Broadway. Sa voix grave et son excellente diction ne laissent pas indifférents. Elle est repérée par Mary Martin, qui vient de triompher dans un musical de Cole Porter. La star prend la gamine sous son aile, lui donne des cours de danse et de chant, la relooke, lui conseille de perdre du poids et de se teindre en blonde. Peu après, Rudy Vallée (un des tout premiers crooners et Don Juan devant l’éternel : il a aussi lancé et aimé Alice Faye) lui propose de chanter dans son show à la radio. Outre quelques tours de chant dans des casinos, Dolores fait de la figuration dans quelques films et chante dans un bref passage de « Femme aimée est toujours jolie » avec Bette Davis.
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Après guerre, elle joue dans plusieurs spectacles de Broadway (dont seven lively arts de Cole Porter) mais aucun ne marquera les esprits. En 1947, encouragée par Mary martin, elle accepte de reprendre à Londres le rôle d’Annie reine du cirque d’Irving Berlin avec lequel Ethel Merman a fait un tabac à Broadway : et c’est le triomphe. Elle restera en Angleterre jusqu’en 1951 (cette même année, elle est l’hôtesse d’un court métrage dans lequel on la voit présenter divers chanteurs français comme Edith Piaf).
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Les quelques disques qu’elle enregistre à son retour aux States n’ont hélas rien d’exceptionnel, et on n’y trouve pas encore la flamme de ses futures vocalises dans sa poignée de films hollywoodiens. Sa version du sautillant « Shrimp boats » est bien inférieure à celle de Jo Stafford par exemple.
En 1954, Dolores remporte un prix pour sa prestation dans le musical « Carnival in Flanders » dont on ne retiendra que la superbe et mélancolique « here ‘s that rainy day » que de nombreux jazzmen mettront à leur répertoire.
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C’est alors que Dolores entre à la MGM, et dans l’unité Arthur Freed plus précisément, celle qui est à l’origine des films musicaux les plus connus et les plus aimés du public.
Analyse amère et cynique, des retrouvailles d’anciens copains de régiment qui n’ont plus rien en commun doublée d’une féroce critique de la télévision, Beau fixe sur New York (1955) est à ranger parmi les meilleures comédies musicales. Dans son rôle de speakerine au large sourire aussi faux qu’interessé, Dolores est particulièrement brillante, et son numéro, entouré de boys, compte parmi les meilleurs du film.
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Basé sur de superbes musiques de Borodine (dont l’une fut reprise avec grand succès en France par Gloria Lasso), l’Etranger au paradis est une décevante et statique adaptation d’un musical de Broadway. Le film est bien lourd et Minnelli n’arrive pas à le faire décoller, malgré des chansons sublimes
Quelques moments de grâce : Dolores est en tous cas magnifique dans son rôle de la troublante Lalume et sa voix profonde de contralto jette un sort aux quelques magnifiques chansons qui lui sont confiées (notamment loukoum avec Howard Keel, parfait lui aussi).
Le sexe opposé (1956), pâle remake de Femmes n’a pas la subtilité du film de Cukor. Les correctes prestations des diverses actrices ne risquent pas néanmoins d’éclipser les stars de la première version. Sur un plan musical, c’est plutôt la déception (mis à part un joli numéro de June Alyson) et la voix éclatante de Dolores résonne seulement pendant le générique.
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Il faudrait que je revois la femme modèle (1957), comédie non musicale de Minnelli (même si Dolores a un court numéro) tant cette comédie pourtant louée par les critiques m’avait laissé de glace quand je l’avais visionnée il y a une vingtaine d’années. Je me souviens pourtant bien de la scène des spaghettis !
Comme les autres chanteurs et danseurs du studio, Dolores est ensuite virée de la MGM qui ne mise plus sur la comédie musicale.(l’actrice regrette rétrospectivement de ne pas avoir davantage tourné afin de garder ses prestations pour la postérité). Elle enregistre un curieux 33 T uniquement composé de chansons susurrées (dans le style qui a fait la gloire de Julie London), ce qui tranche vraiment avec son style habituel. De retour sur les planches, elle joue dans une opérette basée sur un vieux succès de Marlène Dietrich « Destry rides again » qui lui vaut d’excellentes critiques mais dont le succès sera mitigé.
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A la télévision, Dolores anime son propre show où elle fredonne les succès de Cole Porter, Irving Berlin et Gershwin. Les meilleurs extraits sont ressortis en DVD. Quelle idée stupide que les avoir (si mal) colorisés !
Dans les années 60 et 70, Dolores se produit encore dans diverses opérettes, sporadiquement, avec toujours le même succès lors de ses passages en Grande Bretagne. Celle qui pouvait donner sur scène et à l’écran l’image d’une vamp tapageuse était une fervente catholique, très pieuse. Aussi, malgré l’échec de son unique mariage et la séparation du couple, elle refusera toujours de divorcer.
Suite à une attaque, elle décède en 2002.
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On ne pourra que regretter la trop courte carrière de Dolores au cinéma. Néanmoins, elle que plusieurs considèrent comme la meilleure chanteuse de Broadway, a vraiment donné le meilleur d’elle-même dans ses rares films dont l’étranger au paradis qui sortira bientôt dans un coffret DVD.

Thanks a lot, but no thanks!
Dernière modification par Music Man le 20 avr. 08, 11:17, modifié 1 fois.
francesco
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Message par francesco »

Merci pour cette pluie de renseignements Music Man !
Pour moi la plus grande surprise est de découvrir que je la connaissais depuis longtemps en fait (je croyais que je venais de la voir pour la première fois dans Beau fixe ... ) Je me rappelle en effet très bien de la scène dans le bar de Mrs Skefington et de la "présence" de la chanteuse !
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