
En France, la mangaka Riyoko Ikeda est surtout connue pour sa série à succès Lady Oscar, dont l'adaptation, de grande qualité, a été diffusée plusieurs fois à la télé.
Pourtant, elle est aussi l'auteur du manga Très cher frère, une oeuvre sombre et cruelle sur l'adolescence et le passage à l'âge adulte, dont l'adaptation animée est malheureusement plus connue ici pour avoir fait scandale lors de sa diffusion au point d'être supprimée au bout de 7 épisodes que pour ses qualités artistiques. C'est vraiment dommage, car sur bien des points, Très cher frère se situe dans le haut du panier des animes.
L'histoire est celle de Nanako(Emilie), jeune ado naïve qui entre au lycée Seiran(Collège des Fontaines), établissement privé pour filles de bonne famille. L'élite du lycée se retrouve dans le Cercle de la Rose, un club qui fait rêver toutes les élèves et qui est très sélectif quant à ses membres. Ce club est présidé par la belle Fukiko(Clarisse), dite Miya Sama, une jeune fille qui peut être aussi gentille que cruelle et qui sucite autant l'admiration que la haine chez ses camarades. Contre toute attente, Nanako, qui n'a pourtant rien de particulier, est sélectionnée pour faire partie du Cercle. Pour elle, c'est le début d'une descente aux enfers, faite de manipulations, de tortures psychologiques, de révélations choquantes, d'épreuves en toute sorte, de souffrances, dont elle ne pourra pas sortir indemne.
Heureusement, elle peut compter sur ses amies Mariko et Tomoko, ainsi que sur Takehiko, un ancien professeur qu'elle considère comme son frère et à qui elle se confie dans ses lettres. Et elle en aura bien besoin

La découverte par hasard de cet anime a été pour moi un choc, à plus d'un titre. Très cher frère est en effet une série fascinante, qui prend le specteur pour ne le relâcher qu'au dernier épisode.
Commençons par son scénario, parfait en bien des points. Les informations sont savamment distillées pour que cette histoire initiatique a priori banale fascine, pour laisser entendre au spectateur qu'il a beau assister à une révélation capitale, cet univers recelle encore de bien des mystères. Chaque épisode commence par une lettre de Nanako à son "grand frère" en voix off, qui donne son regard sur les événements et permet au spectateur de suivre son évolution psychologique. Au début, le spectateur peut garder un oeil amusé sur les gaffes de Nanako(parce que vraiment elle les accumule), mais la tragédie ne tarde pas à reprendre le dessus.
Et c'est là qu'on en arrive à la forme. Le réalisateur Osamu Dezaki(à qui l'on doit déjà l'adaptation de Lady Oscar) est ici en plein position de ses moyens, est sûr de ses effets, et exploite l'esthétique shôjo du manga original pour créer un vrai univers tragique. Les personnages filliformes et d'une beauté presque arrogante, le décor si atypique du lycée(pour une série sensée se passer au Japon), les pétales de rose emportés par le vent...tous ces éléments classiques pour ce genre d'oeuvre contribuent un univers cathartique, qui ne cherche pas à être réaliste mais à créer un cadre dans lequel les pulsions quotidiennes pourront être amplifiées, exprimées à la puissance 10. Dezaki nous offre ainsi de grands moments, parmi les meilleurs que j'ai vu dans un anime! Les menaces de suicide, le bruit du cutter(dans l'épisode "Mariko, le coup tranchant")...le spectateur en a le souffle coupé!
Ainsi, on ressent toutes les épreuves que traversent les personnages comme si on y était, avec une tension psychologique qui par moment explose, dans une violence presque choquante. Car quand les adolescentes de Très cher frère se blessent, ce n'est pas que par des coups bas, ça peut aller beaucoup plus loin. C'est peut être aussi ce qui fait la force de cette oeuvre. Dans sa tragédie, Riyoko Ikeda a mis toute la noirceur de l'adolescence pour donner un propos fort. Elle semble dire à ses personnages "Arrêtez de vous blesser mutuellement, ça n'en vaut pas la peine, vous souffrirez déjà assez comme ça".
La série se conclue par un événement tragique(ceux qui l'ont vu sauront à quoi je fais référence) qui va réunir tous les personnages dans un deuil insupportable, et les fera arrêter définitivement leurs méchancetés. Ca va être l'occasion de présenter les personnages les plus importants à mon avis(hormis l'héroïne), sans trop en révéler bien-sûr :
Fukiko Ichinomiya(Clarisse)



C'est la présidente du Cercle de la rose. Surnommée par ses collègues(ou suiveuses) Princesse, c'est une jeune fille fière et distinguée qui voue un culte aux belles choses(pour lesquelles son amour sera présentée de manière bouleversante à la fin de l'épisode "La Fierté à son zénith"). Elle voue une attention toute particulière à Nanako(qui prend parfois des aspects bien pervers!), ce qui attise la jalousie des autres filles du lycée. Sous ses dehors de fille modèle, elle peut parfois perdre le contrôle d'elle-même et se comporter avec beaucoup de cruauté, vis à vis de Nanako mais aussi de Rei(surnommée St Just) sur laquelle elle semble exercer une certaine emprise dont le mystère sera révélé plus tard. Bref, vous l'aurez compris, c'est la méchante de service! Pourtant, c'est aussi le personnage le plus seul, celui qui souffre le plus, et qui sera le plus affecté par la tournure que prennent les événements à la fin. Elle est personnellement le personnage qui m'a le plus ému et le plus marqué.
Rei Asaka, dite St Just (Frédérique)

Le personnage tragique par excellence. Elle est passionnée de littérature française(d'où son surnom), vit seule dans un appartement rempli de miroirs avec sa poupée(qui ressemble à Nanako...), va rarement en cours, se shoote aux médicaments, et est complètement sous l'emprise de Fukiko. Elle ne peut compter que sur Kaoru, qui connait son secret, pour ne pas sombrer dans la démence.
Kaoru Orihara(Danielle)
Capitaine de l'équipe de basket, c'est l'une des seules élèves un peu stables, ne vouant pas un culte à Fukiko, et gardant du recul sur le monde de Seiran. Elle cache pourtant elle aussi un secret tragique(celui-ci explique peut-être sa maturité). C'est aussi un personnage qui a une farouche envie de vivre, ce qui change un peu de Fukiko et Rei

Bref, je vais m'arrêter là, mais vous l'aurez compris, Très cher frère est un bijou noir de l'animation japonaise, injustement méconnu, que tout amateur se doit d'avoir vu!


"Très cher frère...mes larmes coulent sans cesse..."