Vaghe stelle dell'orsa (Sandra), Luchino
Visconti, 1965
Un film difficile et profondément marqué par la mort. L'histoire d'un homme qui va quasiment être forcé de perdre sa femme en fouillant dans son passé, l'histoire d'une femme qui va devoir faire son deuil de ce passé pour se retrouver. L'action se situe dans un village italien chargé d'histoire, un trésor d'archéologie fait de vieux murs et de tombeaux étrusques, irrémédiablement et symboliquement emportés dans un ravin. Par film difficile, j'entend que la séduction n'est pas immédiate. Après une ouverture marquée par la frivolité (la fête de départ) et la légereté (le trajet en voiture), on devine très vite que ce retour au pays natal n'aura rien d'une ballade touristique. La grandiose demeure familiale semble vouloir figer les personnages au milieu du marbre et des statues.
Visconti insiste sur les reflets dans les miroirs. Son art de la caméra suggère la présence de fantômes, errant dans une maison déserte, un jardin balayé par le vent, les ruines d'une citerne. Le spectateur devient le témoin impuissant de la détresse pathétique des personnages qui tantôt luttent tantôt cèdent face à leur propre douleur. Des damnés, encore.
Le drame est particulièrement pesant, avec derrière de sordides histoires de famille l'absence d'un père mort en déportation. Le mystère lui-même sera assez vite élucidé par le spectateur, mais l'enjeu est moins dans cette résolution que dans la façon de la transcender. Ces "pâles étoiles de la Grande ourse" nous montrent combien les verts paradis des amours enfantines peuvent parfois bâtir de boueuses fondations à l'existence. La quête de la vérité permettra à certains de survivre, mais au prix de la destruction des autres.
Visconti en profite au passage pour montrer la mesquinerie et le misérabilisme de pensée de la vie de province.
Les dix dernières minutes sont absolument superbes, avec une utilisation judicieuse de musique de Cesar Franck. Jeu exalté très émouvant de Jean Sorel, et Claudia Cardinale sublimée par un très beau noir et blanc.