Au-delà du style formel qui tranche subitement avec ce qui précède et peut effectivement donner le sentiment d'être face à un clip dans le film sans incidence, cette scène n'est pas décorrélée du reste de l'histoire. Sur le plan dramatique, on est à un moment où le personnage de Suzanne Clément est complètement paumé et tiraillé émotionnellement. C'est d'ailleurs une des forces du film de ne pas oublier/mésestimer ce que peut ressentir cette femme, de montrer à quel point tout ça est terrible pour elle (c'est d'ailleurs son personnage qui a bien plus recueilli mon intérêt que celui de Laurence). Cette séquence de bal est donc filmée de son point de vue comme un état de grâce libérateur et, justement, à l'échelle de sa vie comme du film, comme un "break". Je trouve perso que Dolan arrive très bien à vendre cette rupture de style, en formalisant ça tout autant comme un rêve étrange que comme une respiration d'allégresse pour Fred, qui y rencontrera un autre amour.Blue a écrit :Je n'ai que vu son "Laurence Anyways" en cours cette année, et mon impression au vu de ce film est que c'est un type avant tout doté d'un grand sens visuel et qu'il est pas mal ambitieux pour son âge au vu des sujets qu'il traite. Mais à vrai dire, au fur et à mesure que le film avançait, je devenais de plus en plus circonspect quant à sa mise en scène. Certaines scènes tendent à l'hystérie et d'autres sont tellement chargées visuellement que j'ai fini par me dire que c'est un petit con prétentieux qui a du talent, certes, mais qui le gâche par un trop plein de puissance créatrice mal canalisée. L'impression qu'il en fait trop, qu'il veut révolutionner le cinéma à chaque plan. Et puis y'a un passage qui m'a carrément été insupportable. C'était, pour le décrire : noir - succession de plans chiadés au ralenti sur une musique 80's (?) pendant au moins 2 minutes - noir, et le film continue. Donc, mon petit Xavier, rien ne t'empêche de faire des clips ou de la pub, mais fais-le EN DEHORS de tes films stp merci.
Bon, après, devant un tel combo Fade to grey de Visage + plans ultra chiadés qui respirent le cinéma, je ne peux avoir que de la sympathie pour un réal' manifestement fasciné comme moi par le décandantisme néo-romantique de la New Wave. Le film a beau être trop long, assez victime des reproches formulés par Blue, assez surchargé dans l'excentricité almodovarienne des fringues et des coiffures, et j'ai beau ne pas me sentir très impliqué par la problématique du film, il se dégage quand même de tout ça un sentiment de vitalité et de virtuosité franchement revigorant. Ce p'tit Dolan a du talent, c'est sûr, et surtout une qualité qui chez moi n'a pas de prix : il exploite le pouvoir de l'image que permet le médium. Il n'a pas peur des idées visuelles, de transcender la situation sur le papier par la puissance d'un plan poétique, purement cinématographique. Ça donne envie de creuser le reste de sa filmo.