John Milius

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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LéoL
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Re: John Milius

Message par LéoL »

Demi-Lune a écrit :
LéoL a écrit : - 2/10 -
L'Aube rouge (John Milius, 1984)
Rhoo, t'es impitoyable. :( Sans en faire une réelle réussite, je trouve quand même que ce film, dont le pitch est fascinant et qui tend progressivement au western épuré, atemporel et jusqu’au-boutiste, a quelque chose et qu'il mérite mieux que les railleries dont il fait systématiquement l'objet. J'avais essayé de le défendre dans le topic consacré à Milius, il y a quelques années déjà. Good old times...

Je passe sur ton 4/10 nawak octroyé à Risky business le mois dernier. :twisted:
Je vais répondre ici, histoire de pas polluer l'autre topic.
Et justement j'ai lu ton message sur le film ici même juste après le film.
Je crois qu'on a pas regardé le film de la même manière et qu'on ne l'appréhende pas avec le même prisme de lecture. J'y vois, comme toi (mais pas comme toi :mrgreen: ), autre chose qu'un banal film patriotique manichéen et anti-communiste. On va un peu plus loin que ça ici et c'est bien ça qui me pose problème. Je ne peux juste pas faire abstraction du contexte du film et de ce qu'il véhicule, surtout qu'il reste très profondément premier degré (au contraire, il me semble, de nombreux autres films "reaganiens" de l'époque).
Je ne sais pas si on peut vraiment parler de "vraie" uchronie puisque ici la fiction ne réécrit pas l'Histoire, étant donné qu'elle s'écrit en temps réel au moment même de la sortie du film comme tu l'as souligné. L'idée d'une invasion est tout à fait présente et crédible dans l'imaginaire américain (ou du moins dans un certain imaginaire) même si complètement fantasmée. Le film profite de ce fantasme (et d'autres, comme l'infiltration du territoire par les immigrés, la dénucléarisation de l'Europe par les "green parties" etc.) pour susciter une peur mais surtout une réaction. Mais à la différence de d'habitude, ce n'est pas une réaction patriotique de défense de la nation et des idéaux qu'elle incarne, mais une réaction de haine. C'est pour ça que quand tu dis dans ton avis que "l'américanité n'a en fait plus d'importance, c'est avant tout une histoire atemporelle de Résistance" je suis tout à fait d'accord avec la première partie de ta phrase, mais pas avec la seconde. Les gamins ne cherchent jamais vraiment à défendre "l'américanité", ils résistent par désespoir de cause. Je sais même pas si on peut parler de Résistance. Harry Dean Stanton, qui joue le père de l'un des ados, les exhorte très clairement à le venger ("Avenge me") et il n'est question de rien d'autre tout au long du film que de haine, de vengeance et de mort. Et encore une fois, tout ça est très premier degré, le film ne fait pas la critique des comportements du père ou du personnage de Patrick Swayze mais au contraire les montre comme exemple à suivre (face à la lâcheté de certains), les légitime (face aux atrocités des communistes) et les glorifie (par le sacrifice).
Bon, tout ça, auquel on peut ajouter le script et les dialogues (on pourrait y revenir en détail, du traître initialement capitulard au maire collabo, et j'en passe), j'ai du mal à ne pas y voir un film au discours fascisant (plus que fascinant). Quand en plus c'est porté par des personnages incarnant la jeunesse, ça me laisse un goût amer.

Pour Risky Business, c'est marrant mais c'est aussi une question de regard je crois. Pour moi c'est faussement satirique et je finis par détester ce que j'y vois. Ou alors ça l'est d'une chose pour mieux en célébrer une autre que je trouve tout aussi détestable.
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shubby
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Re: John Milius

Message par shubby »

Tiens ! J'ai revu - avec grand plaisir - l'anime jap' Venus Wars, et cette fois le rapport avec L'aube rouge m'a sauté aux yeux. Des gosses sur Venus se battent contre un envahisseurs. Bon gros passage central sur l'assaut d'un tank, jeunesse résistante... Pas fin, mais super efficace. Mieux que ce Milius, que je continue de trouver assez anecdotique.
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shubby
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Re: John Milius

Message par shubby »

L'adieu au roi.

Aussi raté que dans mes souvenirs - vu le four, le film est même maudit - mais je deviens plus indulgent avec l'ambivalence de Milius, qui lui adore ce film.
On perçoit Schoendoerffer dans le texte, à ce point que dans ses meilleurs moment le film rappelle trop sa 317ème section. Nigel Havers a des airs à Jacques Perrin et le rôle est sensiblement le même.
C'est un peu balourd tout ça, manque de nuances, cependant ça et là j'ai profité de belles scènes (la grotte, un long plan large précédent une bataille, le monologue d'une femme dans l'ombre...).
Milius a tjrs voulu refaire le montage de ce film, charcuté selon lui. Je le crois volontiers, et demande à voir, même si j'ai tjrs du mal avec Nick Nolte ici. Il alterne scènes inspirées, oui, mais aussi cabotinage et hésitations (m'a-t-il semblé). Des scènes manquent, le point de vue est trop variable et les enchaînements m'ont globalement paru trop mécaniques. On imagine aisément ce qui aurait pu être créé entre ce roi improvisé et le colonel japonais, par exemple, mais c'est finalement traité quasiment hors champs et, de toute façon, cela a déjà été montré ailleurs (Furyo, Kwaï...).
Je pense tout de même qu'ils ont dû bien s'amuser à Borneo. Ce qui se passe à Borneo restant à Borneo, n'est-ce-pas.
Il est quoi qu'il en soit toujours agréable de regarder ce type de cinéma rare de "high adventure". Mon dernier ds le genre devait être L'ordre et la morale, de Kasso. Plein d'imperfection aussi, mais tout autant romantique, passionné et doté de ce zeste d'anthropologie qui va bien.
Nota 1 : Franck McRae est un second rôle épatant soit dit en passant. Sa bonhomie apaise la tension ambiante.
Nota 2 : En mode série B décomplexée, ce même film existe aussi et il s'appelle L'homme de guerre, avec l'ami Dolph. On y trouve pas mal de similitudes. Je conseille, si vous ne l'avez pas déjà vu ^^
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Jeremy Fox
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Re: John Milius

Message par Jeremy Fox »

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Boubakar
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Re: John Milius

Message par Boubakar »

Alors qu'il me reste que Flight of the intruder et L'adieu au roi à voir, ma critique sur le documentaire de 2013 qui lui a été consacré ;
Image
Milius (Joey Figueroa & Zak Knutson, 2013)
Avec le temps qui passe, il faut malheureusement se dire qu'on ne verra plus jamais un film réalisé et/ou écrit par John Milius, alors qu'on attendait tellement sa vision de Gengis Khan ou la véritable suite de Conan le barbare que Arnold Schwarzenegger souhaite toujours interpréter.
Il faut dire que l'AVC sévère qu'il a eu en 2010 a mis un coup de frein brutal à sa carrière, unanimement reconnue et respectée, mais qui a peut-être trop souffert du personnage Milius.

Ce documentaire, comme son nom l'indique, parle d'un personnage très important dans le cinéma américain des années 1970 et 80 : John Milius. Scénariste de L'inspecteur Harry, Jeremiah Johnson, Apocalypse Now, Juge et hors la loi, non créditée sur une scène capitale des Dents de la mer, réalisateur de Dilinger, Le lion et le vent, Graffiti party, Conan le barbare, L'aube rouge... c'est dire s'il a marqué son temps et ceux qu'il a côtoyés durant sa vie. Car la liste des personnes interrogées est impressionnante ; George Lucas, Steven Spielberg, Clint Eastwood, Martin Scorsese, Arnold Schwarzenegger, Paul Schrader, Oliver Stone, Francis Ford Coppola, Michel Mann, Walter Mursh, Harrison Ford...
Très jeune, il affichait son côté pro-militaire en voulant partir à la guerre au Vietnam, ce qui lui a été impossible pour des raisons de santé. Mais il va se découvrir une passion pour le cinéma lors d'une projection dans son université de films d'Akira Kurosawa, et va donc aller à UClA, une école de cinéma réputée où il sera ami avec un certain George Lucas. Toujours aussi passionnant, et qu'on sent passionné, car il parle d'autre chose que Star Wars et on le sent ravi et ému de parler de son ami, avec qui il va collaborer sur ses courts-métrages d'étudiant ainsi que sur Apocalypse now au moment il était envisagé comme réalisateur. Signe fort de cet amitié jamais démenti, c'est l'échange de points de pourcentage entre lui et Milius au moment de La guerre des étoiles et Graffiti party, rendant le second très riche.
Il y a quelque chose chez cet homme massif, adepte du surf, ouvertement républicain et pour le port des armes, adorateur de Gengis Khan, de Roosevelt ou des préceptes des samouraïs, et dont le côté burné ressort inévitablement dans ses scénarios ou films. Comme le fameux Make my day, écrit pour Magnun force. Il a sans aucun doute joué de cet image, étant souvent filmé soit en treillis soit une arme à la main, et malgré le succès de ses scénarios, pour lesquels il était payé une fortune, ainsi que certains de ses films comme Conan le barbare ou L'aube rouge, il paraissait trop incontrôlable et hors normes dans un cinéma américain qui ne cherchait qu'à redevenir politiquement correct.
Les échecs consécutifs de L'adieu au roi et du Vol de l'Intruder vont lui porter le coup de grâce en tant que réalisateur, et il ne signera que quelques téléfilms. Notons aussi qu'il aura été un scénariste non crédité, un ghostwriter, comme par exemple A la poursuite d'Octobre rouge où il signera plusieurs des dialogues de Sean Connery, qui avait personnellement sollicité son aide.

Après une affaire malheureuse avec un gestionnaire qui va le dépouiller d'une grande partie de sa fortune, Milius va vouloir rebondir, en demandant à être scénariste pour la série Deadwood, et dans le but de payer des études de droit à son fils. Touché par ce geste, le créateur David Milch ne va pas vouloir de ses services, intimidé par le fait de travailler avec le scénariste d'Apocalypse Now, mais il va faire un geste formidable qui est de payer les trois années d'études de son fils, sans rien demander quoi que ce soit à Milius. Qui le remboursera avec le succès de la série Rome dont il fut un des créateurs et des producteurs, ainsi que le scénariste d'un épisode.

En 2010, après avoir planché depuis près de vingt ans sur un biopic de Gengis Kahn, avec des extraits de storyboard très prometteurs, tout s'écroule pour Milius qui sera victime d'un AVC sévère, et dont la rééducation va prendre plusieurs année, ce qu'on voit via des vidéos très émouvantes où l'homme, amaigri, cherche ses mots, mais garde tout de même le moral. Jusqu'à une scène quasi-finale où, accompagné de sa fille et d'un ami, il se rend à un stand de tir à la carabine et malgré quelques hésitations dues à sa maladie, arrive à abattre une des assiettes lancées en plein vol ; le roi serait de retour ?
Malheureusement, depuis 2013, et ce documentaire qui aura été tourné sur cinq ans, la situation n'a guère évolué, et plus que jamais, John Milius ne cadre décidément plus avec son temps. Sa grande gueule et ses convictions ouvertement affichés lui ont sans doute nui, mais on sent chez toutes les personnes interrogées une sincère admiration pour cet homme, qui écrivait plus vite que son ombre, et grand conteur. Rien que pour avoir réalisé Conan le barbare, il mérite mon admiration éternelle !

Riche en archives, et en interviews, le documentaire est vraiment passionnant, pas toujours langue de bois (notamment le fait qu'il n'ait quasiment rien écrit en rôle féminin majeur), et si j'ai une seule chose à lui reprocher, ça serait l'absence de sa collaboration avec le musicien Basil Poledouris, ni avec la bande originale extraordinaire du Lion et le vent, dont Raisuli Attacks doit être mon top 10 des musiques entendues dans un film.
D'ailleurs, il y a quelque chose de touchant liée avec la musique ; quand son fils vient le voir à l'hopital, toujours inconscient, il place près de lui son Iphone avec le thème de Conan le barbare (autre B.O. dans mon top 10), et c'est là que les premiers stimulus vont arriver, preuve que même cette musique peut sauver des vies !
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Spongebob
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Re: John Milius

Message par Spongebob »

Boubakar a écrit : 21 avr. 21, 16:13D'ailleurs, il y a quelque chose de touchant liée avec la musique ; quand son fils vient le voir à l'hopital, toujours inconscient, il place près de lui son Iphone avec le thème de Conan le barbare (autre B.O. dans mon top 10), et c'est là que les premiers stimulus vont arriver, preuve que même cette musique peut sauver des vies !
Ça donne très envie tout ça ! C'est visible où ?
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Shin Cyberlapinou
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Re: John Milius

Message par Shin Cyberlapinou »

J'avais chopé un DVD britannique non sous-titré, bien qu'édité par Studiocanal je ne crois pas qu'il y ait d'édition française en tout cas physique. Dommage car c'est un beau doc, et c'est effectivement très touchant de voir la fierté d'un Milius diminué et aphasique (encore aujourd'hui les mots ont du mal à sortir) quand il parvient à faire exploser un pigeon d'argile. Still got it, John.

Si le Milius réalisateur a été plombé par les échecs mentionnés, je pense que les soucis ont commencé avec L'aube rouge, succès commercial qui l'a néanmoins rendu infréquentable aux yeux du Hollywood liberal. Et alors que je m'attendais à un brûlot aussi bourrin qu'irresponsable j'ai découvert un film étonnamment "nuancé" avec des adolescents dépassés par leurs engagements, des officiers russes et cubains traités avec respect et un épilogue doux amer bien loin du triomphalisme de Top Gun ou du Stallone eighties. Le redneck qui sera allé voir le film pour le plaisir de voir des cocos se faire mitrailler la gueule en aura pour son argent, mais le film a plus que ça à offrir.

Milius a probablement été victime du personnage qu'il s'est bâti, jusque dans les années 70 son machisme à la Huston/Hemingway pouvait encore séduire les décideurs, mais quand les executives soucieux de ne pas faire de vagues ont pris le pouvoir les profils tels que le sien n'avaient plus leur place, lui qui passe désormais pour un modéré au regard au regard de ce que la droite US est devenue (à noter toutefois que sa fille Amanda planche sur un documentaire pro Trump...). Si sa santé le permettait je le verrais bien faire quelque chose avec Dallas Sonnier le sulfureux producteur de S. Craig Zahler la jouant "conservative mais pas trop quoiqu'un peu quand même", mais il a mérité de prendre sa retraite.
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Jeremy Fox
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Re: John Milius

Message par Jeremy Fox »

L'aube rouge chroniqué par Pierre Charrel.
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Re: John Milius

Message par Flol »

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Milius (Joey Figueroa & Zak Knutson - 2013)

Difficile de s’atteler à un portrait de John Milius et de parvenir à évoquer totalement la carrure du bonhomme. Un sacré bonhomme, qui s’est toujours caractérisé comme un « anarchiste zen » et souvent catégorisé en tant que fasciste alors que c’est un personnage bien plus complexe que ça.

Ce que souligne parfaitement George Lucas dans chacune de ses interventions (c’est d’ailleurs à lui que l’on doit les remarques les plus interessantes sur Milius l’homme), et c’est loin d’être le seul intervenant prestigieux : entre Eastwood, Spielberg, Coppola, Scorsese, Stone, Schrader, Mann, Schwarzenegger et encore beaucoup d’autres, c’est un peu l’hallu tellement on a l’impression que tous les noms les plus importants d’un certain Hollywood ont tous répondu à l’appel pour lui rendre hommage et parfois pour lui faire son hagiographie (et même consciemment face caméra pour certains).
Milius reste l’un des meilleurs conteurs de l’histoire du cinéma et ils en racontent la légende comme il se doit (et comme il l’aurait sûrement voulu).

On revient évidemment sur ses contributions à Jaws, Jeremiah Johnson ou Dirty Harry, tout en n’oubliant pas de parler de l’échec et de la polémique nés de Red Dawn, qui l’ont ostracisé et dégouté de se remettre au boulot par la suite (que des films mineurs, à peine évoqués dans le docu…ce qui est tout de même dommage pour Farewell to the King).

Le film datant de 2013, il a tout juste le temps de parler de l’AVC dont il a été victime en 2010, mais aussi de se terminer sur une note positive puisque l’on voit déjà les progrès qu’il a pu faire au niveau de la parole (quelle ironie qu’un raconteur d’histoires comme lui se retrouve privé de la parole, ce qui émeut particulièrement Spielberg lorsqu’il évoque ça des trémolos dans la voix), mais aussi l’avancée de ses projets de longue date que sont une adaptation de Gengis Khan et surtout le fameux King Conan…sauf que 10 ans plus tard, ces projets sont toujours morts-nés et c’est donc avec un goût amer en bouche qu’on termine ce docu qui fait tout de même honneur à un type hors-pair.
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