George Cukor (1899-1983)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: George Cukor (1899-1983)

Message par Jeremy Fox »

Wild Side sort dans sa sollection "Les Introuvables" un film méconnu de Cukor mais qui d'après cette critique d'une nouvelle collaboratrice mérite de l'être : Othello. Merci à elle de nous (m') avoir donné l'envie de le découvrir :wink:
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Profondo Rosso
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Re: George Cukor (1899-1983)

Message par Profondo Rosso »

Femmes (1939)

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Mary Haines est l’épouse exemplaire d’un homme d’affaires Stephen Haines et mère d’une petite fille. Elle est entourée d’amies plutôt cancanières, spécialement Sylvia Fowler qui sait quelque chose que Mary ignore. Stephen a une liaison avec Crystal Allen, une vendeuse arriviste. Grâce « aux bons soins » de Sylvia, Mary découvre la vérité. Après une forte confrontation avec Crystal, et poussée par Sylvia, Mary part à Reno pour y obtenir rapidement le divorce.

Souvent qualifié de cinéaste "la femme" par sa capacité à capturer la psychologie féminine, George Cukor prenait l'adage au pied de la lettre en 1939 en s'attaquant à The Women. A l'origine on trouve une pièce de Clare Boothe Luce, triomphe sur les scènes de Broadway à son lancement en 1936 et qui totalisera pas moins de 666 représentation. Dépeignant les mœurs de la haute société de Manhattan à travers ses femmes, la pièce avait pour originalité sa distribution exclusivement féminine mais également des dialogues très crus pour les échanges acerbes entre les protagonistes. Dès 1937, les droits du film sont achetés en vue d'en faire un véhicule pour Claudette Colbert qui serait dirigé par Gregory LaCava (qui se rattrapera sur le merveilleux Pension d'artiste en projet au féminin) mais le projet n'aboutira pas. Il faudra attendre 1938 pour que le projet avance, la MGM l'envisageant désormais pour Norma Shearer et Carole Lombard. Seule la première sera finalement de la production tandis que s'ajoute le réalisateur idéal pour un tel matériau avec un George Cukor fraîchement disponible depuis après avoir été congédié du plateau d'Autant en emporte le vent par David O'Selznick. Le principe du casting totalement féminin est conservé (au contraire du remake de 1956 The Opposite Sex trahissant le concept en incluant des acteurs) va donner une des distributions les plus extraordinaires de l'époque : Norma Shearer donc, mais aussi Joan Crawford, Rosalind Russell, Joan Fontaine, Paulette Goddard, Phyllis Povah (seule rescapée des acteurs de la pièce et reprenant le rôle qu'elle y tenait) pour un total de 130 rôles plus ou moins conséquent.

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Dès l'ouverture, on saisit bien que The Women est un film "sur les femmes" et non pas féministe avec un générique où nous sont présentés les héroïnes, chacune étant associées à un animal reflet de leur personnalité allant du peu flatteur au réellement moqueur. La métaphore sur la jungle que constitue la communauté féminine est posée mais c'est plutôt à un poulailler qu'on songera durant la première séquence. Nous sommes dans un salon de soin où Cukor fait virevolter sa caméra du bain de boue à la manucure, de la salle de massage à la coiffure tandis que partout résonne une sorte de piaillement infernal, magma indistincts de médisances, commérages et méchancetés.

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L'un d'entre se distingue bientôt de l'ensemble lorsqu'on apprend que l'épouse modèle Mary Haines est trompée par son mari par une vendeuse de parfum. Cukor croque avec un mordant jubilatoire la sournoiserie de ce groupe de femme qui loin de plaindre leur "amie" répandent la rumeur et multiplie face à elle les allusions désobligeante. La plus odieuse et hypocrite est incarnée par une Rosalind Russell survoltée qui rend sa Sylvia Fowler aussi détestable qu'hilarante.

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On n'en dira pas autant de Joan Crawford dans le rôle de la maîtresse croqueuse de diamants Crystal Allen, vénale et sans scrupule. Joan Crawford vampirise totalement son image de jeune fille pauvre et ambitieuse et anticipe les futurs emplois de la Warner avec cette séductrice carnassière bien évidemment associée à un fauve lors du générique. La rivalité avec Norma Shearer au sein du film en dissimulait d'ailleurs une autre bien réelle dans les coulisses de la MGM. Norma Shearer était en effet mariée à Irving Thalberg, producteur et bras droit de Louis B. Mayer président du studio. Ce statut amena Joan Crawford à l'accuser d'en jouer pour les plus beaux rôles du studio. Les scènes les opposant ne s'en trouvent que plus chargée d'électricité tel ce face à face dans le salle d'essayage où la "biche" Norma Shearer se fait dévorer toute crue par l'impitoyable panthère Joan Crawford.

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Thanks for the tip. But when anything I wear doesn't please Stephen, I take it off.

L'intrigue un peu lâche tourne ainsi autour de ses différentes intrigues amoureuse où on va croiser d'autres extravagant personnages tel la chorus girl à croquer Miriam Aarons (Paulette Goddard), une comtesse échaudée mais toujours prête pour une nouvelle passion (Mary L'amour l'amour Boland) et la plus timide et introvertie Peggy (Joan Fontaine) toutes sur la route du divorce à la ville de Reno. Tous ses différents personnages sont des miroirs possibles de l'attitude à adopter pour une Norma Shearer toujours amoureuse mais ne pouvant surmonter l'humiliation de la tromperie. Sous les excès, le script est d'une grande finesse pour mettre à jour les questionnements soulevés par la situation de l'héroïne.

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Doit-elle comme le lui conseille sa mère fermer les yeux comme si de rien n'était car "les hommes sont ainsi", affirmer sa liberté de femme moderne et punir l'infamie par le divorce ? La réponse est entre les deux et lui sera donné le temps d'un brillant dialogue avec Paulette Goddard, suivre son cœur et se battre pour son homme si elle tient toujours à lui. Ni misogyne, ni féministe mais simplement humain obéissant à leur sentiments profonds : voilà la vision de la femme pour Cukor et le cheminement que suivra Norma Shearer. Au diable les mauvais conseils et la fierté lors de la géniale conclusion où l'oie blanche Mary Haines se transforme en harpie digne de ses adversaires et se joue enfin d'elles.

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Cukor mène tambour battant un film long de 2h15 sans vrais rebondissements, sans vraies grandes trame directrice. Il parvient à ne jamais ennuyer dans ce qui se résume à de longues conversation entre femmes par un sens du rythme (les répliques assassines même édulcorées pleuvent sans férir, Mrs Prowler !), de la trivialité vulgaire assumée (la bagarre assez chaotique à la ferme de Reno) et une élégance visuelle époustouflante tel cette irruption inattendue du technicolor le temps d'une présentation de mode classieuse. Et bien évidemment des stars au seconds rôles en passant par la moindre figurante la femme, drôle, séduisante, ridicule ou fragile est magnifiquement mise en valeur. 5/6

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feb
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Re: George Cukor (1899-1983)

Message par feb »

8) :oops:
C'était la réponse utile du jour :mrgreen: Merci Profondo pour ce festival Adrian...
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Profondo Rosso
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Re: George Cukor (1899-1983)

Message par Profondo Rosso »

De rien je me savais attendu :mrgreen:
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Re: George Cukor (1899-1983)

Message par feb »

Tu as parfaitement répondu à mes attentes :mrgreen:
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Cathy
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Re: George Cukor (1899-1983)

Message par Cathy »

Sylvia Scarlett (1935) - George Cukor

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A la mort de sa mère, une jeune fille découvre que son père est un escroc. Sous l'apparence d'un jeune homme, elle décide de le suivre dans sa fuite de France en Angleterre. Sur le bateau, ils font la connaissance de Monkley, un autre escroc qui décide de s'associer avec le père. Ils deviennent alors artistes ambulants.

Sylvia Scarlett est un film malade, il fourmille de bonnes idées, comme le fameux travestissement, la fille qui se fait passer pour un homme et suscite des émois chez les femmes et chez les hommes, comme dans cette scène où on lui dessine une fine moustache à la "Ronald Colman" pour la masculiniser. Le film commence comme un mélodrame avec l'annonce de la mort de la mère, la découverte de l'escroquerie du père et la fuite en Angleterre, mais là le film prend une autre tournure plus légère et devient plus une comédie. Il y a la rencontre de cette domestique qui doit devenir l'atout féminin de la bande, puis la décision de devenir des artistes ambulants, le ton est léger avec le côté comédie sentimentale, la naissance de l'amour chez Sylvester/Sylvia mais retombe dans le drame avec les errements du père qui est tombé amoureux de cette femme trop légère, les relations entre la maîtresse de l'artiste et Sylvia. Du coup le film oscille régulièrement entre les deux tons sans jamais vraiment savoir de quel côté aller, la fin replongeant dans la légèreté.
Une fois encore Katharine Hepburn est bluffante dans ce rôle, elle arrive à rendre totalement crédible malgré sa féminité évidente ce personnage de Sylvester avec ses cheveux courts, sa démarche masculine. Elle est touchante en jeune femme vétue de sa robe fleurie dans l'aveu de ses sentiments à cet artiste qui découvre naturellement vite que Sylvester est Sylvia, moralité oblige. Le personnage de Cary Grant par contre est assez sous-exploité dans son rôle de canaille plus ou moins sympathique. Brian Aherne est rempli de charme en artiste, et Edmund Gwenn touchant en père escroc alcoolique sentimental. Même si le film manque de quelque chose, l'actrice s'y montre encore une fois impériale dans son rôle, mais Sylvia Scarlett malgré sa "renommée" n'est pas un grand Cukor !
feb
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Re: George Cukor (1899-1983)

Message par feb »

Extrêmement fâché avec ce Cukor que je n'aime pas du tout et qui me donne à chaque fois envie de couper le film pour mettre Holiday à la place. Je n'arrive pas à accrocher à ce personnage masculin interprété par Katharine Hepburn et le rôle de Cary Grant est à ranger dans les moins bons de sa filmo.
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Re: George Cukor (1899-1983)

Message par Profondo Rosso »

Découvert récemment aussi même si c'est très inégal ça a ces bons moments surtout dans la comédie (les tentatives d'arnaques raté dans Londres au début vraiment génial) et comme Cathy je trouve vraiment Katharine Hepburn excellent en garçon manqué !
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Cathy
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Re: George Cukor (1899-1983)

Message par Cathy »

feb a écrit :Extrêmement fâché avec ce Cukor que je n'aime pas du tout et qui me donne à chaque fois envie de couper le film pour mettre Holiday à la place. Je n'arrive pas à accrocher à ce personnage masculin interprété par Katharine Hepburn et le rôle de Cary Grant est à ranger dans les moins bons de sa filmo.
Pourtant je trouve que Katharine Hepburn est assez merveilleuse en Sylvester, elle arrive à faire croire à son rôle d'homme et elle s'y montre drôle et touchante à la fois. Effectivement la scène du "pauvre garçon abandonné" est très chouette. Quant à Cary Grant, il est dans son rôle type de l'époque du "bad boy" pas attachant le moins du monde, loin du charmeur séducteur qu'il sera plus tard.
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Re: George Cukor (1899-1983)

Message par Profondo Rosso »

La Croisée des destins (1956)

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Indes, 1947. Le colonel anglais Rodney Savage, chargé du trafic ferroviaire, a été affecté à Bhowani où suite à des émeutes pour l'indépendance du pays, il doit faire régner l’ordre. Il a deux sortes d’adversaires, les militants non-violents du Congrès menés par Surabhai et les terroristes de l'extrémiste Davey. À son arrivée, Savage recrute Victoria Jones, une métisse de père anglais (un mécanicien de locomotive) et de mère indienne. Victoria est membre de l’armée britannique, elle venait en permission dans son village natal. Les Anglais s'apprêtant à quitter les Indes, Victoria se trouve à la croisée des chemins se sentant exclue à la fois par l'une et par l'autre race à cause de sa double origine.

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Cadre exotique et dépaysant, cinémascope et couple glamour en tête d'affiche, George Cukor semble se frotter avec Bhowani Junction à la grosse production d'aventures si en vogue dans le Hollywood des années 50/60 (et genre auquel il ne s'était plus confronté depuis son éviction d'Autant en emporte le vent). Si l'on aura notre lot de belles images et de folklore, George Cukor ne change pas malgré l'ampleur des moyens alloués pour signer un récit profondément intimiste et comme souvent une superbe portrait de femme. Le film adapte le roman éponyme de John Masters paru deux ans plus tôt et qui faisait suite à Nightrunners of Bengal (Coursiers de Nuit) où il narrait les révoltes indiennes de 1857 à travers les aventures de l'officier Rodney Savage et traitait déjà des problèmes raciaux et ethniques au centre de cette communauté. John Masters a écrit toute une série de roman dans ce cadre où les membres de la famille Savage servait de fil conducteur, Cukor y faisant allusion lorsque Stewart Granger à Ava Gardner la tombe de son arrière-grand-mère tombée lors des évènements de 1857 et montrant aussi son enracinement dans le pays. Ancien officier de l'armée britannique, John Masters participa à de nombreuses campagne dans la région, il officiera dans Brigade indienne d’infanterie dont il commandera la 111e compagnie avant de finir sa carrière par des décorations Distinguished Service Order en 1944 et 'Ordre de l’Empire britannique en 1946. Tous ces éléments visent à appuyer la connaissance profonde du contexte, des enjeux géopolitique et sociaux de cette zone du monde par l'auteur et qu'aura vraiment bien su respecter George Cukor même s'il se plaindra beaucoup des nombreuses coupes qu'il fut contraint de faire.

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L'histoire prend donc place dans un contexte décisif pour une Inde en forme de poudrière au bord de l'explosion. Alors que le départ des anglais et donc l'indépendance du pays est imminente, plusieurs groupes se disputent les futurs rênes du pays. Les pacifistes souhaitant une transition en douceur où les apports anglais seraient associés à un retour à la culture indienne, et d'autres plus belliqueux s'adonnant au terrorisme voulant éradiquer toute trace de l'ancien colonisateur britannique et supposément piloté par le Parti Communiste qui deviendrait le maître sous-terrain du pays à leur départ. A cela s'ajoute le sort peu enviable des métis anglo-indien, assignés à des fonctions de pouvoir par les anglais tout en étant méprisés par eux et promis à une revanche cruelle des natifs indiens haineux. Nos héros naviguent dans ce tourbillons d'intrigues et d'enjeux qui les dépassent que ce soit le Colonel Rodney Savage (Stewart Granger) chargé de rétablir l'ordre à Bhowani Junction en retrouvant le meneur de la révolte Davay ou encore la métisse Victoria Jones (Ava Gardner). C'est le sort de cette dernière qui guide l'intrigue et touche le plus grâce à la belle prestation d'Ava Gardner. Les affrontements idéologiques en toile de fond ne rendent que plus intense son déchirement entre deux mondes, deux races et deux cultures opposées où elle ne sent réellement appartenir à aucune. Adoptant tour à tour la distinction anglaise jusqu'au snobisme (elle appelle ses parents Pater et Mater), elle sera attirée par les même extrêmes lorsqu'elle tentera de devenir une indienne pure souche en adhérant à la religion sikh. Cukor montre intelligemment que chacune de ces voies forment une impasse.

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L'autre personnage métisse du film Patrick (Bill Travers) dans sa volonté de plaire et d'être assimilé aux anglais fait preuve du même racisme ordinaire que les pires d'entre eux, reniant ainsi une partie de son sang. Les anglais ont en leur sein des êtres détestables et méprisant (à l'image du lieutenant violeur joué par Lionel Jeffries) et les plus virulents des indiens n'hésite pas à faire périr les leurs pour la cause à travers les actes de terrorisme et de meurtres qui parcourent le film dont un saisissant déraillement de train. C'est donc une forme de parcours initiatique qu'entame Victoria où plus que de choisir un bord, elle devra se trouver elle-même. Cela se fera notamment à travers la romance entamée avec Stewart Granger, leur rapprochement étant très bien amené avec l'incompréhension mutuelle (due au bouillonnement intérieur de Victoria) cédant à plus de quiétude. Stewart Granger tout en sobriété est tour à tour autoritaire, rassurant et aimant avec un égal talent. Ava Gardner irradie elle le film de sa beauté (et une nouvelle fois en métisse après Show Boat et Cœurs Insondables) et de la fièvre qui semble l'habiter de bout en bout, vraiment une de ses plus belles prestations.

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George Cukor délivre un de ses films les plus impressionnants visuellement. Filmé au Pakistan, Bhowani Junction offre son lot de décors impressionnant et parvient magnifiquement à saisir les mutations de ce pays en pleine mutation. L'argument de Victoria partant à la découverte de sa culture pour se rassurer offre ainsi plusieurs séquences riches de détails comme le rite d'adhérence à la religion sikh superbement filmé. La sensation documentaire domine souvent lorsque la voix off de Granger dépeint le contexte tandis que la caméra de Cukor traverse les rues grouillantes, les gares bondées où s'attarde sur les décors soufflant traversé par les trains. L'aventure est surtout intérieure finalement, ce qui n'empêche par une scène finale assez haletante par sa tension où l'on croisera brièvement la route de Gandhi. La jolie et sobre conclusion atténue même de fort belle manière l'issue désespérée que l'ouverture laissait suggérer. Beau film. 5/6

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Re: George Cukor (1899-1983)

Message par someone1600 »

ça a l air intéressant en effet !
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Ann Harding
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Re: George Cukor (1899-1983)

Message par Ann Harding »

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Our Betters (Haute société, 1933) de George Cukor avec Constance Bennett, Anita Louise, Gilbert Roland at Violet Kemble-Cooper

Lady Pearl (C. Bennett) est l'une des étoiles de la haute société londonienne. Riche héritière américaine mariée à un Lord, elle compense un mariage sans amour par une vie mondaine sans répit. La Duchesse Minnie (V. Kemble-Cooper) est elle aussi une riche héritière titrée par son mariage qui se console avec un gigolo (G. Roland). Lors d'un week-end à la campagne, elles s'affrontent...

Ce film RKO produit par David O. Selznick est une adaptation d'une pièce de William Somerset Maughan. Si le film ressemble à du théâtre filmé, il est cependant de grande classe. Maughan attaque au vitriol une certaine haute société britannique qui n'ayant plus un sou, se tourne vers des héritières américaines roturières, mais très riches. C'est une société du faux-semblant et de l'hypocrisie. En surface, Lady Pearl est un personnage très important du circuit mondain, mais elle sait très bien que si ses soirées sont prisées, c'est à cause de sa fortune. Tout le monde vit dans le mensonge plus ou moins bien assumé. L'époux de Lady Pearl a une maîtresse et elle se console avec un riche américain qui lui fournit l'argent nécessaire à sa vie dispendieuse. Il y aussi l'improbable duchesse Minnie qui après son divorce vit ouvertement avec un gigolo sud-américain qu'elle trimbale comme un toutou. La jeune soeur de Lady Pearl (A. Louise) qui admirait son aînée et sa vie sompteuse va se rendre compte à temps de sa méprise. Cette vie de luxe a un revers peu appétissant. Cukor dirige avec énormément de talent une excellente distribution avec en tête Constance Bennett en femme de tête endurcie. Si le film ne fait partie des oeuvres les plus connues de Cukor, il annonce par bien des points le futur The Women (1939), plus glamour, mais moins féroce sur bien des points. La période Pre-Code recèle décidément des trésors.
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Re: George Cukor (1899-1983)

Message par Profondo Rosso »

What Price Hollywood ? (1932)

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L'irrésistible ascension de Mary Evans, serveuse de restaurant "découverte" par un réalisateur hollywoodien, et son déchirement entre sa carrière et sa vie conjugale.

Après plusieurs insuccès sur ce même thème des coulisses hollywoodiennes et les affres de la célébrité, What Price Hollywood? grâce au flair de David O' Selznick lance ce qui sera la matrice des deux grands classiques Une étoile et né version William Wellman (1937) et George Cukor (1954) ainsi que le plus oubliable remake de 1976 avec Barbra Streisand. Plus généralement par son succès le film lance cette vision noire et critique d'Hollywood qui alimentera des films aussi différents que Sunset Boulevard de Billy Wilder, le diptyque Les Ensorcelés/Quinze jours ailleurs de Minnelli ou plus récemment The Artist à la construction similaire. Le script s'inspire bien sûr de réels drames et scandales survenus dans le gotha hollywoodien pour alimenter son script notamment le mariage tumultueux entre l'actrice Colleen Moore et le producteur alcoolique John McCormick, ainsi que du mal être et suicide du réalisateur Tom Forman.

On est quand même assez loin de la qualité des œuvres que ce précurseur engendrera ici même si le film recèle quelques qualités. On suit donc ici l'ascension de Mary Evans (Constance Bennett), jolie serveuse à la langue bien pendue auquel le réalisateur Max Carey (Lowell Sherman) va donner sa chance. Leurs chemins s'inversent, Mary devenant une star tandis que Max cède à ses démons et s'enfonce dans l'alcoolisme. Le film souffre d'un problème de ton, d'implication émotionnelle et même de construction. On ne ressent jamais la dose d'effort et d'abnégation de Mary pour accéder à son rêve tant la narration expédie les évènements et tout semble finalement lui sourire. La manière dont Max façonne Mary en tant qu'actrice nouer ce lien entre eux se noie dans la narration trop elliptique, tout comme les coulisses des studios entraperçues à peine. De même l'alcoolisme de Max prête plus à la gaudriole qu'autre chose avant la dernière partie plus dramatique. Constance Bennett offre une belle composition, ambitieuse et insouciante au départ avant d'être peu à peu brisée par les travers du star system et c'est elle qui véhicule tout l'émotion du film. Lowell Sherman amuse vaguement en alcoolique mais hormis sa scène finale ne tient jamais la comparaison des prestations de Fredric March et James Mason dans A Star is Born et Neil Hamilton est tout aussi terne en époux, rendant les conflits conjugaux peu intéressant et répétitifs malgré les piste intéressante (la différence de classe entre la haute société et les nouveaux riches d'Hollywood). Reste quelques moments amusants comme le premier dîner entre Constance Bennett et Neil Hamilton, l'ouverture où Mary se rêve vedette mais dans l'ensemble c'est vraiment sans éclat et répétitif (l'usage systématique d'encart pour signifier le harcèlement médiatique et la calomnie). Cinq ans plus tard alors qu'il a déjà fondé sa compagnie David O' Selznick produira donc A Star is Born sur un sujet similaire (la RKO envisageant de porter plainte pour plagiat avant de renoncer) pour un tout autre résultat. Il le proposera même à son ami Cukor qui déclinera à cause des similitudes avec What price Hollywood? pour finalement s'atteler presque vingt ans plus tard à son tout aussi mémorable remake. 3/6
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Re: George Cukor (1899-1983)

Message par Ann Harding »

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Tarnished Lady (1931, George Cukor) avec Tallulah Bankhead, Clive Brook, Phoebe Foster, Elizabeth Patterson, Osgood Perkins et Alexander Kirkland

Nancy Courtney (T. Bankhead) accepte de se marier avec le richissime Norman Cravath (C. Brook) car elle et sa mère sont dans la gêne. Le mariage va de mal en pis, et un jour, Nancy quitte Norman...

Cette production Paramount sur un scénario de Donald Ogden Stewart montre à quel point George Cukor avait assimilé rapidement les techniques cinématographiques. Avec The Royal Family of Broadway (1930) et Girls About Town (1931), il montre déjà toutes ses qualités de directeur d'acteur et son habilité avec la caméra qui ne restera pas statique, malgré la difficulté à la faire bouger dans ces années-là. Le film contient tous les éléments du cinéma pre-code avec une Tallulah Bankhead comme un poisson dans l'eau en héroïne qui va jusqu'au bout de ses passions. Issue d'une famille riche qui est maintenant sans le sou, elle doit se sacrifier pour le bien de sa mère (une excellente Elizabeth Patterson) en épousant un homme riche. Elle va cependant passer la nuit avec l'homme qu'elle aime (A. Kirkland) la veille de convoler en justes noces avec Norman (Clive Brook). On n'hésite pas à nous montrer la chambre à coucher avec les deux oreillers qui attendent les jeunes mariés. Lui est très pressé et amoureux, elle pas du tout. Il faut d'ailleurs remarquer la subtile prestation de Clive Brook en homme du monde, à priori guindé, mais qui révèle petit à petit ses faiblesses. Le film bénéficie de nombreuses scènes tournées en extérieur à New York; ce qui était très novateur pour les débuts du parlant (et ne l'était pas du tout au muet). Cukor raconte qu'il avait été déçu par l'image de Tallulah Bankhead à l'écran: "Tallulah était l'actrice la plus brillante et la plus excitante au théâtre et dans la vie de tous les jours, elle était extrêmement amusante, chaleureuse, peu conventionnelle et charmante. Mais, je ne crois pas que ses qualités émotionnelles soient jamais passées à l'écran. Et elle voulait ressembler à Garbo." Malgré ces réserves, ce mélo est une belle réussite et William K. Everson considère que c'est le meilleur film de Bankhead. Passant d'un luxueux appartement-terrasse à un bar minable , sa Nancy doit surmonter de multiples épreuves pour retrouver sa dignité. Dans les seconds rôles, on reconnait l'innénarable Eric Blore et le formidable Osgood Perkins. Un excellent Cukor qui mériterait d'être mieux connu.
feb
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Re: George Cukor (1899-1983)

Message par feb »

Ann Harding a écrit :Tarnished Lady (1931, George Cukor)
Merci Ann pour cette découverte, comment l'as tu vu ?
...Tallulah était l'actrice la plus brillante et la plus excitante au théâtre et dans la vie de tous les jours, elle était extrêmement amusante, chaleureuse, peu conventionnelle et charmante. Mais, je ne crois pas que ses qualités émotionnelles soient jamais passées à l'écran. Et elle voulait ressembler à Garbo...
Et force est de reconnaitre que la ressemblance était parfois frappante (rien que sur ta capture déjà, c'est Garbo dans A Woman of Affairs/Single Standard). Dans Faithless, elle semble être sa copie conforme : expression du visage, pose, gestuelle, c'est Garbo en version très bonne vivante :mrgreen: Quel visage et quelle voix...
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