Raoul Walsh (1887-1980)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Jeremy Fox »

J'adore car tu imagines aisément comme tes évocations peuvent me parler :wink:

Barbe noire j'ai dû le voir le même après-midi.
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Lohmann
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Lohmann »

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Flol
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Flol »

Alexandre Angel a écrit : 25 août 23, 19:33 Mais l’Hollywood du dimanche après-midi et du mardi soir, l’Hollywood qui fleure bon la poussière, les chevaux et les coups de feu dont il a fallu qu’on m’explique que lorsque une fumée était bruyamment évacuée d’un canon , ça voulait dire qu’un type, plus loin, passait de vie à trépas.
(…)
On a dit du nom de Marlène Dietrich qu’il commençait comme une caresse et se terminait en coup de fouet.
Et bien je dirais que le nom de Raoul Walsh commence comme un roucoulement hispanique et se termine aussi par un coup de fouet, mais pas du genre SM: plutôt délié, sinueux, ouvert au grand large. Un coup de fouet qui vous débouche les sinus à vie et vous fait respirer le grand large.
(…)
à suivre (toujours)
Alexandre Angel, toujours le meilleur forumeur depuis 2014.
Et accessoirement, j’ai beau ne pas avoir connu l’époque dont tu parles (je suis né en 1980), tu parviens à me rendre nostalgique de ces années 70 qui me semblent malgré tout si proches.
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Alexandre Angel
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Alexandre Angel »

Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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martinbrady
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par martinbrady »

Flol a écrit : 26 août 23, 18:48 Alexandre Angel, toujours le meilleur forumeur depuis 2014.
je n'arrête pas de lui dire il veut pas me croire :evil:
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par The Eye Of Doom »

J’avais l’intention d’aller voir La piste des geants a la cinémathèque.
Or le programme annonce une copie 35mm?!?!?
Si quelqu’un y passe ou a des relations sur place, peut il poser la question ?
Ce sera tout de même un peu nul de ne pas projeter la version « scope ».
Merci
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Courleciel »

The Eye Of Doom a écrit : 5 sept. 23, 22:30 J’avais l’intention d’aller voir La piste des geants a la cinémathèque.
Or le programme annonce une copie 35mm?!?!?
Si quelqu’un y passe ou a des relations sur place, peut il poser la question ?
Ce sera tout de même un peu nul de ne pas projeter la version « scope ».
Merci
35mm ne va pas dire format 4/13. :uhuh:
C'est probablement une copie 35mm en Scope Noir & Blanc, ce qui sera mieux qu'un DCP :fiou:
J'y serais le 8 octobre à 15h00.

Par contre passer Annie du Klondike en 16mm c'est la honte :mrgreen:
"- Il y avait un noir a Orly, un grand noir avec un loden vert. J'ai préféré un grand blond avec une chaussure noire a un grand noir avec un loden vert
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par The Eye Of Doom »

Courleciel a écrit : 6 sept. 23, 20:36
The Eye Of Doom a écrit : 5 sept. 23, 22:30 J’avais l’intention d’aller voir La piste des geants a la cinémathèque.
Or le programme annonce une copie 35mm?!?!?
Si quelqu’un y passe ou a des relations sur place, peut il poser la question ?
Ce sera tout de même un peu nul de ne pas projeter la version « scope ».
Merci
35mm ne va pas dire format 4/13. :uhuh:
C'est probablement une copie 35mm en Scope Noir & Blanc, ce qui sera mieux qu'un DCP :fiou:
J'y serais le 8 octobre à 15h00.

Par contre passer Annie du Klondike en 16mm c'est la honte :mrgreen:
Merci pour cette reponse.
Ce qui me trouble c’est quand,concernant la resortie au format scope en bluray, on a parlé d’une copie au format 70mm…
Pas clair… j’ai pas envie de decouvrir dans la salle que la projection est en 4/3.
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Alexandre Angel
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Alexandre Angel »

Considérations sur Raoul Walsh (4)

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Donc, en exergue du bouquin dirigé par Mathieu Macheret -Raoul Walsh: en jeux- nous trouverons cette phrase ci que je suis allé piquer en suivant le lien partagé par Lohmann:

«Une filmographie monstre, une autobiographie (Un demi-siècle à Hollywood) d’une telle densité que l’exercice biographique aurait peu de sens, une variété de thèmes et de genres rendant l’exercice critique et monographique sans fin...»

En effet, je disais plus haut «quand il y en a plus, y en a encore», répercutant ce sentiment exprimé ci-dessus, sinon d’insaisissabilité (surtout pas), du moins de difficulté d’appréhension, de celle que l’on doit éprouver quand on ne sait pas par quel bout attaquer une montagne.

J’ai cité plus haut, je citerai encore.
Pas trop mais un peu parce que il y a eu de beaux textes sur Walsh (je garde ceux que je connais toujours à portée de mains), rédigés par des passionnés qui ont perçu que la richesse de l’œuvre était plus une question de profusion de cinéma qui exsude que d’enchevêtrements thématiques, pourtant pas inexistants chez le réalisateur.

On aborde Howard Hawks, cinéaste de génie, sous l’angle des thèmes qu’il entrecroise de façon presque obsessionnelle. On appréhende John Ford, génie du cinéma sous celui d’une geste irlandaise agglomérée à l’Histoire des Etats-Unis.

L’œuvre d’un Hawks, d’un Ford, d’un Wellman sera rectiligne ; on en délimitera les contours (ce qui ne veut évidemment pas dire les limites). Chez ces gens-là, occurrences et récurrences facilitent l’approche analytique, confortent l’exégèse.

L’univers de Walsh est une galaxie bourdonnante d’échos autour lesquels vibrionne notre soif d’explorer.
Le circonscrire est une tâche ardue, sinon impossible.

Il ne s’agit pas seulement d’admettre et de saluer la versatilité superbe d’un mercenaire surdoué de l’artisanat hollywoodien, mais, plus que cela, d’accuser réception d’une telle puissance de tempérament qu’elle a suffi à elle seule à servir de point d’ancrage à cet imaginaire que l’enfance s’était ingéniée à tisser entre tous ces noms prestigieux de metteurs en scène.

En d’autres termes, Raoul Walsh a incarné à lui seul le cinéma américain. Il était l’œil du cyclone, .

Raoul Walsh ne fait pas seulement les films qui lui ressemblent, on devine qu’il ressemble à ses films, fougueux quand la fougue se déploie, plus nonchalant, voire désinvesti, lorsque pointe le bout du nez de la routine. Tous les films que j’ai vu de lui semblent le répercuter, d’un bout à l’autre de la filmographie.

Il ne s’agit pas de dire qu’il réussissait tout ce qu’il entreprenait.

Mais tout ce que l’on peut voir de lui témoigne d’une aisance à exister, d’une absence de complexes, d’une sorte d’invincibilité, de force marmoréenne. On ne l’imagine pas, contrairement à Ford, rencontrer des problèmes d’alcoolisme alors que lever le coude ne devait pas l’effaroucher.
Walsh donne le sentiment d’être le maître de sa destinée, de charrier avec lui le charisme naturel des grands conteurs, de ceux qui entraînent avec eux, tels des joueurs de flûte de Hamelin, rats des villes et rats des champs, producteurs, comédiens et techniciens vers les rivages trépidants de l’aventure humaine.

Parmi tous ces noms de cinéastes, énumérés dans le commentaire précédent, c’est Raoul Walsh qui a fini par ressortir, à la fois parce qu’il était celui qui résonnait le plus avec le sentiment de l’enfance mais surtout parce que s’établissait un étrange rapport de (dis)proportion entre un certain angle mort (qu’est ce qui était abordé par son cinéma, après tout, alors même que Ford et Hawks, toujours eux, semblaient ne faire qu’un bloc thématique que chaque nouvelle découverte venait renforcer?) et l’assurance que son œuvre n’en finirait plus de révéler ses trésors.

Autrement dit, rien qu’à lire le nom de Raoul Walsh, on se sentait nourri, sustenté d’avance comme sous l’effet d’un magnétisme de cinéma entretenu par des images de pure fougue, d’énergie brute, cosmique, à la fois plébéiennes, sans complexes (au risque du lourd, parfois) et portées pourtant par une élégance instinctive semblant venir d’avant le cinéma.

D’où ce sentiment, lorsqu’on est face aux films, d’un au-delà de la modernité, d’un super-classicisme prenant possession (comme le démon) du narratif tout en se défiant de tout diktat des contingences.
En d’autres termes, la filmographie a beau paraître éparpillée et compartimentée au gré des décennies, c’est la même coulée de lave qui nous emporte et qui trouve, au cours des années 40, la travée idéale à ce qu’elle soit torrentielle: le giron Warner, l’ultra-modernité de ce studio et une complicité féconde avec comédiens et producteurs.
C’est ainsi que Walsh semble inventer le style Warner alors qu’il ne fait qu’y insuffler son génie narratif.

Tentons de percer le secret du Chef.

Après la diffusion au Cinéma de Minuit de La Piste des géants (The Big Trail, 1930) fin 1991, un pote, devant une bière, se mit à saluer plus que positivement la fameuse séquence des chariots que l’on descend de la falaise.

Dans la réalité du tournage, le convoi devait de toute façon être déplacé en contrebas.

La manœuvre était donc prévue d’un point de vue logistique. Walsh décida que ce serait filmé et que cela deviendrait le clou du film: idée de génie.
Le pote, qui devait connaître l’anecdote, se fendit d’un spontané autant que mémorable «Chez Walsh, on ne triche pas». Ce qui est vrai.

Image

Ce refus de la tricherie, on va le trouver tout au long d’une filmographie qui propulse la mise en situation (James Cagney, dans la scène du réfectoire de L’Enfer est à lui) au rang de manifeste esthétique.

Ainsi, dans Sadie Thompson (1928, Faiblesse humaine, en français), Raoul Walsh tient le rôle du Sergent 0’Hara (Handsome, pour les intimes) amoureux de la prostituée Sadie avec laquelle il partira, une fois qu’elle se sera débarrassée de l’infect charlatan puritain qu’interprète très brillamment Lionel Barrymore.
Parmi les quelques adaptations du roman de Somerset Maugham, celle de Lewis Milestone datant de 1932, titrée Rain, et dont Joan Crawford et Walter Huston, dans le rôle du prédicateur, sont les vedettes, est tout à fait remarquable, plus âpre, plus glauque même que la version Walsh.

Mais cette dernière reste un grand moment, d’abord parce que Sadie Thompson est interprétée par Gloria Swanson dont il faut absolument prendre conscience de l’extrême beauté qu’elle affichait à l’époque. Elle est ici éblouissante de modernité piquante et sexy.
Ensuite, je considère que le fait que Raoul Walsh joue le rôle du beau gosse de service produit un je-ne-sais-quoi d’étonnant et de jubilatoire.

On sait que Raoul Walsh jouait dans beaucoup de petits films qu’il réalisait dans les années 1910 et qu’il apparaissait de façon spectaculaire dans le rôle de John Wilkes Booth, l’assassin du Président Lincoln dans Naissance d’une nation mais ce fut tout et il n’était pas Douglas Fairbanks.

C’est donc de façon très fraîche et très spontanée qu’il rempile en 1928 pratiquement au pied levé car Gloria Swanson aurait manœuvré pour que ce soit lui qui prenne finalement le rôle.
Etait elle secrètement amoureuse de son réalisateur? Walsh ne se prononce pas vraiment à ce sujet dans son autobiographie mais je jurerais, en visionnant le film, qu’il se passe quelque chose entre eux.

C’est qu’on a le sentiment qu’il n’y a qu’avec Walsh qu’une telle chose puisse se produire et on imagine pas l’équivalent avec John Ford ou Allan Dwan.
C’est aussi que là encore, du cinéma est en train de survenir, en fonction des contingences. C’est certes moins spectaculaire qu’une descente de chariots le long d’une falaise à pic mais nous n’assistons pas moins au bousculement claquant du bon ordre romanesque par une effarante bouffée d’invention, quand bien même elle serait le fruit de l’improvisation.

On peut voir également dans ces observations duelles, la prise d'acte suivante : tout au long de l'œuvre walshienne, puissance épique et maîtrise plus discrète de la circonvolution romanesque ne feront que cohabiter, dans la plus parfaite complémentarité.

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Gloria Swanson et Raoul Walsh dans Sadie Thompson

A suivre..
Dernière modification par Alexandre Angel le 12 sept. 23, 09:34, modifié 1 fois.
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Thaddeus
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Thaddeus »

Alexandre Angel a écrit : 10 sept. 23, 22:05en exergue du bouquin dirigé par Mathieu Macheret
Je plaide pour une version augmentée de ce bouquin, qui inclurait tes Considérations sur Raoul Walsh.
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Alexandre Angel
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Alexandre Angel »

Thaddeus a écrit : 11 sept. 23, 12:39
Alexandre Angel a écrit : 10 sept. 23, 22:05en exergue du bouquin dirigé par Mathieu Macheret
Je plaide pour une version augmentée de ce bouquin, qui inclurait tes Considérations sur Raoul Walsh.
Ecoute, je ne sais vraiment pas à quoi correspond exactement ce bouquin mais c'est gentil à toi!

En tout cas j'ai beaucoup de plaisir à travailler sur une œuvre, sur cette œuvre très exactement et le plus dur reste à faire : explorer et restituer les fourmillements formels sans reproduire scolairement ce qui a été écrit sur le sujet, en restant personnel, en évitant l'effet catalogue.
Mais c'est vachement cool de s'immerger (je n'en suis qu'au début) dans les films au point de les re revoir plusieurs fois comme La Charge fantastique, par exemple, revu deux fois en un mois. La première fut l' agréable retrouvaille avec un chef d'œuvre fameux mais la seconde me mit en face de quelque chose de sublime.

Ça vaudrait le coup que des classikiens de Paris fassent l'expérience de voir tout ça sur grand écran à la Cinémathèque et de venir en discuter, faire part de leurs impressions, tailler le bout de gras, quoi..
Les autres sont aussi les bienvenus :)
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Beule
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Beule »

Alexandre Angel a écrit : 11 sept. 23, 23:01 Mais c'est vachement cool de s'immerger (je n'en suis qu'au début) dans les films au point de les re revoir plusieurs fois comme La Charge fantastique, par exemple, revu deux fois en un mois. La première fut l' agréable retrouvaille avec un chef d'œuvre fameux mais la seconde me mit en face de quelque chose de sublime.
Puisque tu mentionnes La Charge fantastique... j'ai une question qui me turlupine depuis le dernier visionnage en date de ce Walsh. Bizarrement, car je n'y avais jamais pensé avant, en voyant Custer sacrifier dans des charges suicidaires répétées avec une régularité de métronome les bataillons de cavalerie du 7th Michigan (durant la bataille de Hanover, il me semble), lui revenant toujours sain et sauf, une image était soudainement venue dans mon esprit se superposer à celle du jeune officier: celle du capitaine Stark des Tuniques Bleues de mon enfance. Sait-on si la figure de va-t-en-guerre immortalisée par Flynn aurait inspiré Raoul Cauvin d'une manière ou d'une autre ?
C'est d'autant plus troublant que comme le Custer de Walsh, Stark était présenté comme un très mauvais cadet à West Point, et qu'en dehors de l'action guerrière il sombrait dans la même dépression...

Désolé pour le HS :oops:
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Alexandre Angel
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Alexandre Angel »

Beule a écrit : 12 sept. 23, 17:50 ..une image était soudainement venue dans mon esprit se superposer à celle du jeune officier: celle du capitaine Stark des Tuniques Bleues de mon enfance. Sait-on si la figure de va-t-en-guerre immortalisée par Flynn aurait inspiré Raoul Cauvin d'une manière ou d'une autre ?
Je suis malheureusement peu familier des Tuniques Bleues, ayant toujours soigneusement évité cette BD alors que je pense maintenant que j'aimerais bien, mais il est certain que la BD s'inspire terriblement du cinéma : voir les nombreux clins d'œil dans Lucky Luke et aussi dans Blueberry.
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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par Alexandre Angel »

Considérations sur Raoul Walsh (5)


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Dans le médiocre Annie du Klondike (Klondike Annie, 1935), plombé par l’assez pénible quoique spectaculaire Mae West, cette dernière, qui passait jusqu’alors pour une religieuse, tombe le masque et redevient la putain hommasse, robe moulante, ombrelle et coiffe de mère maquerelle, qu’elle n’aurait du jamais cessé d’être, sous l’œil effaré du chef paroissien qui l’avait pourtant accueillie sans douter de rien.
Celui-ci l’ayant pris en affection et attristé de son départ, lui demande si elle compte revenir un jour.
Et c’est là que nous nous sentons entre les bonnes mains de Walsh et que le style nous saute à la figure: sobre et si expressif, la syntaxe assurée.
Le paroissien, filmé de face, la regarde s’éloigner et lui pose la question.
Puis un contrechamp nous le montre de dos alors que Mae West, tortillant de la croupe (les femmes tortillent souvent de la croupe chez Walsh, on y reviendra) se dirige silencieusement vers le fond du plan où se trouve l’entrée de la salle paroissiale. Rapetissée par la profondeur du champ, elle s’arrête à la porte, se retourne une dernière fois, puis sort sans dire un mot.

Alors que le film, jusqu’alors, nous avait plutôt diverti, car il y a toujours du rythme, mais sans plus, tout soudainement, nous ressentons une émotion, discrète, qui passe comme un nuage, sans qu’il y ait insistance, ni pathos, une émotion que nous ne devons qu’à la pulsation tranquille d’un narratif soumis à l’imagination formelle illimitée du cinéaste, d’autant plus illimitée que le cadre classique dans lequel elle se love l’y incite.

C’est exactement cela qui fait la grandeur de Raoul Walsh parce que nous sommes invariablement témoins de la cohabitation de l’épique et de l’intime, de la coexistence de tous les régimes de bravoure, du plus spectaculaire (les chariots de The Big Trail, la bataille finale de La Charge fantastique) au plus secret (la déconfiture morale de Ward Bond, déchirante, dans Gentleman Jim).

Et c’est précisément cela que je me propose d’explorer, en ordre dispersé, anarchique: ce qui me semble être raccord avec le caractère tellurique, parfois convulsif de cette cinématographie.

Ce que nous dit la séquence évoquée d’Annie du Klondike, micro exemple perdu au milieu d’un océan de tournures filmiques, est que ce Surcouf du 7ème art maniait l’élégance avec l’instinct graphique d’un peintre et la souplesse romancière d’une plume soucieuse de densifier son expressivité, quand bon lui semblait, quelles que pussent être les contraintes imposées par le cadre hollywoodien.
Non pas que Ford ou d’autres prestigieux réalisateurs américains se soient privés de donner libre court à cette même propension, loin de là, mais un cadre suffisamment circonscrit pouvait canaliser un élan créatif qui, chez Walsh, s’immisce sans crier gare dans les interstices d’une filmographie, on l’a dit, imprévisible, capricieuse.
Et la méthode du maître était à l’avenant: on connaît la défiance de l’intéressé envers les producteurs et sa manie de monter en tournant, d’une seule traite, rendant tout interventionnisme périlleux, voire impossible.

Tavernier l’exprime et le pointe fort bien dans le bonus du combo des Aventures du Capitaine Wyatt (Distant Drums, 1951) alors qu’il s’attarde sur l’entrée dans l’histoire du personnage interprété par Gary Cooper. Ce dernier s’avance vers nous, porté par la musique de Max Steiner, se retrouve plus proche de nous encore par la magie d’un recadrage, avant de se faire recadrer pour la troisième fois mais à nouveau plus en arrière.
«La plus belle présentation de personnage du cinéma d’aventures, et peut-être au delà» nous dit Tatave, car cette entrée en scène possède un rythme, un dynamisme qui semble générés par la caméra elle-même, comme si elle les suscitait, captant au vol l’impérativité du mouvement.


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Rythme, tempo...Tavernier encore, particulièrement disert à ce sujet, mais dans 50 ans de cinéma américain: «La plupart du temps [Walsh] impose et maintient un tempo dont l’assise, la pulsation, le tonus n’évoquent que des équivalents jazz: la section rythmique de Count Basie, Max Roach, Art Blakey. Il propulse littéralement ses acteurs -comme eux les solistes- au cœur de l’action, de la scène, du conflit, accentuant, décuplant la rapidité de leurs déplacements et par le découpage et par de constants mouvements de caméra généralement ultrarapides.»

Je renchérirais en soutenant qu’il annonce en cela, notamment Martin Scorsese, cinéaste post-moderne, cinéphile certes, bouillonnant d’idées formelles comme autant d’effets de signature très éloignés du classicisme, oui, mais tout autant mu par la respiration organique du mouvement que l’était son illustre aîné, laissant vagabonder son objectif au diapason du rythme commandé par une séquence.
Ainsi, exemple parmi d’innombrables, ce mouvement captant le déplacement de DiCaprio, dans Le Loup de Wall Street, allant à la rencontre des deux fédéraux venant lui rendre visite sur son yacht.
La caméra part des deux bimbos affalées en fond de champ pour suivre, selon une trajectoire incertaine, les pas de Jordan Belfort qui vient se poster au dessus de l’ouverture de laquelle sortiront les deux agents qui s’y acheminent en escaladant une passerelle.

Dans ces moments de pure mise en scène, Scorsese retrouve le secret de l’art classique le plus inventif en laissant au mouvement narratif la latitude de la suspension, du délié.

En témoignent également ces scènes où l’auteur de Goodfellas s’en remet au bon vieux champ contre-champ pour casser la pulsation épuisante du récit par des scènes de confrontation qui déportent la tension sous d’autres latitudes de représentation comme le célèbre affrontement verbal (et calme) entre Robert De Niro et le Préfet du Nevada qu’interprète malicieusement le vétéran L.Q. Jones, dans Casino (L.Q. Jones, que l'on retrouve, bien plus jeune, dans Les Nus et les Morts).
Une séquence comme celle-là a de qui tenir: Walsh en avait déjà inventé l’équivalent formel 55 ans plus tôt.

Dans La Charge fantastique (They Died With Their Boots On, 1941) , dans le saloon déserté du fort et en pleine nuit, le Général Custer (Erroll Flynn) saoule la gueule d’Arthur Kennedy, rival malveillant à West Point reconverti en trafiquant d’armes qu’il vent aux Indiens. La confrontation se fait à voix basse, et seuls les visages des deux interlocuteurs ressortent des ténèbres qui règnent dans la pièce.
Erroll Flynn, qui picole aussi, tient l’alcool, pas Arthur Kennedy. Le premier, qui cherche à assommer son ennemi par d’autres moyens que ses poings, n’a d’autre but que d’entraîner celui-là, une fois qu’il sera ivre mort, sur le terrain de la bataille de Little Big Horn.

Kennedy, fin bourré, ricane sur le manque d’ambition sonnante et trébuchante de Custer, qui lui préfère la gloire.
Mais ce dernier de conclure de la manière suivante: «Ce qu’il y a de bien avec la gloire, c’est qu’on peut l’emporter avec soi quand il est l’heure de partir» avant que Kennedy ne vienne s’écrouler sur une table, et recevoir le crachat de l’old timer qui sert de guide à Custer et qui vient récupérer l’ivrogne.

Séquence magistrale qui prouve que Raoul Walsh, maître du rythme et du staccato, savait aussi lever le pied et ménager de somptueuses humeurs tragiques.

A suivre toujours..


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Re: Raoul Walsh (1887-1980)

Message par bruce randylan »

Quelques retours plus ou moins rapides sur quelques raretés projetés à la cinémathèque en septembre/octobre. Les muets pour commencer

Ce qui semble être la plus ancienne réalisation de Raoul Walsh, le court métrage The mystery of the Hindu image (1914) semble confirmer que la réussite de Regeneration ne doit rien au hasard et peut rivaliser sans honte face à celles de son mentor D.W. Griffith. La narration propose ainsi lors du dernier acte un brillant montage parallèle avec une fluidité exemplaire pour un rythme soutenu qui repose (déjà) sur un mélange de genre idéalement dosé. De plus, on y trouve Walsh qui joue lui-même l'un des rôles principaux avec un certain bonheur.

En comparaison Pillars of society (1916) paraît bien impersonnel et sans caractère. Si la direction d'acteurs est plus que louable, le cinéaste ne semble pas à l'aise avec cette histoire d'hypocrisie au sein de la bourgeoisie (plus tard adapté par Douglas Sirk dans sa période allemande). D'après le livre de Brion sur D.W. Griffith, il semble que ce dernier a supervisé ce titre, ce qui se ressent dans sa moralité pesante. Un mois après sa découverte, je n'ai pas le moindre souvenir de ce titre.

Le fils prodigue (The Wanderer - 1925) n'est guère plus personnel mais Walsh effectue son travail avec application et parfois une belle ampleur vue la direction artistique ou la photographie très soignée. C'est l'histoire assez conventionnel de l'âme pieuse du monde rural qui se retrouve débauchée par un tentatrice païenne.
Curieusement la cinémathèque a projeté une version de 20-30 minutes alors qu'il existe une copie d'1 heure qui se trouve par ailleurs sur Youtube dans une copie dégueulasse (et un habitué des lieux m'affirme que la Cinémathèque possède la version complète qui aurait été diffusé lors de la précédente rétro il y a une vingtaine d'années mais qu'elle ne l'a pas retrouvé - je reste sceptique sur cette existence). La version de trente minutes est en réalité la quasi intégralité de la fin quand le héros cède aux tentations de Greta Nissen pour mieux découvrir qu'elle le mène à sa perte, juste avant qu'un châtiment divin ne vienne détruire ce temple de débauche dans une spectaculaire séquence aux trucages réussis. Le problème de cette version est que les personnages ne possèdent aucune profondeur ni substance, d'autant que l'interprétation n'est pas franchement subtil, pour ne pas dire anachronique (tel Wallace Beery qui joue ça comme s'il interprétait un camionneur goguenard).
Dans la version d'une heure, toute la partie manquante s'attache au parcours du héros et son parcours spirituel pourrait-on dire. Pour le coup, le personnage de William Collier Jr. en sort gagnant, notamment parce que la réalisation de Walsh essaie de traduire son cheminement intérieur, ce qui rend plus cohérent aussi le rôle de Gerta Nissen. Malheureusement, cette copie YT ne permet pas de se faire une réelle idée de la réussite plastique du film. Dans tous les cas, c'est loin d'être le meilleur film de Walsh de la période muette du cinéaste et ça ne peut pas non rivaliser avec les splendeurs ahurissantes du Roi des Rois de Cecil B De Mille que j'avais découvert peu avant par hasard. Enfin, ça reste estimable.

Pour Kindred of the dust (1922), on pourrait presque parler de réussite s'il n'y avait pas un gros ventre mou dans le tiers central entre péripéties improbables et scènes inutilement rallongées. Mais pour le reste, j'ai trouvé ça formidable, le cinéaste réussit à rendre extrêmement vivante et humaine cette histoire où le fils d'un propriétaire d'une grosse scierie est amoureux d'une femme de basse condition, par ailleurs mère sans être mariée ni même veuve.
Une jolie économie narrative décrit en quelques plans le quotidien de la jeune femme dans un bidon ville où cohabite la mixité raciale ou pour suggérer un drame (le bébé jouant avec la canne que vient de faire tomber son grand-père, mort dans son sommeil). Walsh semble être en pleine possession de ses talents comme le prouve les quelques touches humoristiques judicieusement placé pour ne pas appesantir les scènes les plus tragiques ou lourdes. J'aurais du mal à vraiment le définir mais j'ai trouvé que dans son rythme, son agencement de plans, sa respiration, il y a déjà quelque chose de profondément "Walshien". L'interprétation est par ailleurs une merveille, ce qui rend profondément touchant les quelques moments où le personnage du propriétaire de la scierie délaisse ses préjugés de classe pour se laisser à de beaux élans de compassion. On devine là bien le tempérament de Walsh, bravant une moralité simplette et désireux de nuancer les personnages plutôt que de rester sur des stéréotypes confortables. Un ami parlait d'ailleurs (et à juste titre) d'une dimension "pagnolesque" pour ce patriarche qui se laisse attendrir par ce petit-fils.

Le singe qui parle (The monkey talks - 1927) est un peu plus bancal entre sa direction artistique soignée (assez typique du studio Fox) et un résultat un peu trop aseptisé à mon goût alors que justement l'histoire possède une sorte d'ironie et de noirceur assez audacieuse durant sa seconde moitié. Il y a à la fois des personnages humains et des conflits psychologiques intéressants mais le film ne semble jamais vraiment décoller comme si Walsh lui-même ne croyait pas à cette histoire d'un acteur se faisant passer pour un singe au sein d'une petite troupe théâtrale où il est secrètement amoureux d'une trapéziste. Certes Walsh n'est pas Tod Browning et il n'est pas intéressé par une forme de cruauté et perversité, mais il manque quoi qu'il en soit de la substance même si Walsh se révèle inversement plus à l'aise que Browning pour dépeindre la chaleur d'un confrérie masculine ou accélérer la cadence quand il s'agit de passer à l'action. Inégal et curieux donc tout en étant globalement et régulièrement digne d'intérêt.

The loves of Carmen (1927) est la seconde adaptation de Walsh (la première de 1915 étant malheureusement perdue), ce qui explique peut-être la désinvolture dans son traitement, pour ne pas dire le révisionnisme avec son improbable Victor McLaglen d'une muflerie réjouissante face aux tentatives de séduction tout autant grotesque de Dolores Del Rio. Ces deux là n'y vont pas avec le dos de la cuillère niveau finesse dans l'interprétation et ils se livrent à un concours de cabotinage que j'ai trouvé assez réjouissant grâce à la mise en image facétieuse de Walsh. C'est un humour potache, bon enfant, irrévérencieux et politiquement incorrect. Le souci, c'est que ça tourne un petit peu en rond au bout d'un moment et l'on se demande quelle est la finalité. Le cinéaste doit en être conscient car il se rattrape dans un dernier tiers beaucoup plus sérieux où la tragédie de l'histoire donne lieu à un final qui ne manque ni de force ni de virtuosité. 
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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