Ernst Lubitsch (1892-1947)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Federico
Producteur
Messages : 9462
Inscription : 9 mai 09, 12:14
Localisation : Comme Mary Henry : au fond du lac

Re: Ernst Lubitsch (1892-1947)

Message par Federico »

Joe Wilson a écrit :Ninotchka
L'interprétation de Garbo est impressionnante, dans ses nuances d'expression du visage, ce qui permet au personnage de trouver une unité tout en semblant évoluer en permanence.
Je me lance dans un comparatif osé et sans doute idiot mais il m'est venu l'idée bizarre que la Garbo de Ninotchka aurait pu influencer le jeu "carré" et les répliques naïves à l'humour involontaire de... Schwarzenegger (un peu dans le Terminator 2 mais surtout dans le rôle de l'officier soviétique envoyé en mission chez l'ennemi capitaliste de Double détente de Walter Hill).
The difference between life and the movies is that a script has to make sense, and life doesn't.
Joseph L. Mankiewicz
feb
I want to be alone with Garbo
Messages : 8965
Inscription : 4 nov. 10, 07:47
Localisation : San Galgano

Re: Ernst Lubitsch (1892-1947)

Message par feb »

Jeremy Fox a écrit :Pas vu depuis un bon bout de temps mais je me rappelle en être sorti avec la même impression, une relative déception comparativement à l'ensemble de sa filmographie mais qui m'avait néanmoins fait passer un agréable moment (j'avais le souvenir du hoquet mais il ne vaut pas le raclement de gorge de la grand mère dans Cluny Brown :lol: ). Un texte qui va à l'essentiel :wink:
Même ressenti pour moi lors du visionnage, un peu déçu vis à vis du reste des films de Lubitsch car j'étais resté un peu en dehors du film...mais je pense qu'un second visionnage me permettrait de l'apprécier un peu plus. Sinon un petit :wink: à Julien Léonard pour la chronique, on a l'impression qu'il en rédige depuis 20 ans :mrgreen:
Avatar de l’utilisateur
Cathy
Producteur Exécutif
Messages : 7321
Inscription : 10 août 04, 13:48
Contact :

Re: Ernst Lubitsch (1892-1947)

Message par Cathy »

Illusions perdues, That uncertain feeling (1941)

Image

Une jeune femme qui a un hoquet chronique consulte un psychologue. Celui-ci laisse entendre que cela pourrait être lié à la routine de son mariage. A force d'essayer de se prouver que son mariage est râté, la jeune femme prend un amant.

Ernst Lubitsch signe ici une comédie pétillante, une fois encore sur les relations de couple et sur les relations extra-conjugales. Il est d'ailleurs assez étonnant au vu de la liberté de moeurs suggerées, ce soit un film de cette époque. Maintenant il est typique de ce que Lubitsch réalise avec ces triangles amoureux autour d'une femme et de deux hommes comme dans Design for Living ou Angel. La femme mariée prend ouvertement un amant, même si une parade à leur baiser est trouvée, avec ce hors champ et ce liebestod de Tristan et Isolde joué ensuite par l'amant.
Nous sommes dans du pur Lubitsch avec le hoquet, le "queek" du mari, l'amant qui n'aime rien et passe son temps à ranger ce qu'il n'aime pas notamment un vase. Il y a aussi ce mari bonhomme joué à merveille par Melvyn Douglas dont le charme et la distinction opèrent une fois encore. Burgess Meredith est parfait en amant ridicule, odieux, blasé de tout et qui est le contrepoint total du mari. On se demande d'ailleurs comment l'épouse peut être séduite par cet être imbu de lui-même ! On retrouve la mécanique toute lubitschienne dans la scène du repas hongrois, ou encore cette scène chez l'avocat où le mari doit absolument frapper sa femme devant un témoin sans oublier cette grande scène avec la maîtresse du mari. Merle Oberon est elle aussi parfaite dans la froideur classe qu'elle doit être.
Illusions perdues tombé dans le domaine public on ne sait pourquoi ne bénéficie malheureusement pas d'une copie impeccable, même si la vintage de Wild Side est correct, c'est tout de même dommage ! Enfin il n'en reste pas moins une très belle comédie charmante, orchestrée de main de maître, avec ces panneaux qui rappellent ceux de la la huitième femme de Barbe bleue dont le panneau final qui est une fois encore la marque du réalisateur.
someone1600
Euphémiste
Messages : 8853
Inscription : 14 avr. 05, 20:28
Localisation : Québec

Re: Ernst Lubitsch (1892-1947)

Message par someone1600 »

Excellente chronique de Julien leonard encore une fois. Un film que je n'ai pas encore vu d'ailleurs... :?
allen john
Assistant opérateur
Messages : 2010
Inscription : 17 mai 06, 19:00
Localisation : Une maison bleue
Contact :

Re: Ernst Lubitsch (1892-1947)

Message par allen john »

So this is Paris (1926)

Image

Une fois arrivé aux Etats-Unis, Lubitsch a vite découvert que son style de comédie allait devoir évoluer, d'autant que sa première production Rosita, avec mary Pickford a été dans l'ensemble une expérience mal vécue par tous les protagonistes. Les films qu'il a réalisés pour la Warner entre 1924 et 1926 constituent donc les premiers éléments de ce qu'on a appelé la "Lubitsch touch", un nouveau style, inspiré de films plus sophistiqués, et qui vont vite être parmi ce qu'il y a de meilleur. Ce film en est un exemple parfait. Interprété par le fidèle Monte Blue, déja au générique de The marriage circle, il retrouve dans So this is Paris Patsy Ruth Miller, André (George) Bérenger et Lilyan Tashman; quatre protagonistes, c'est qu'à l'origine, le film était une pièce de théâtre... Sous le titre Le réveillon, la pièce était une production vaguement boulevardière de Henri Meilhac et Ludovic Halévy. Hans Kräly, le collaborateur de Lubitsch a conservé le cadre Parisien, et les deux complices se sont efforcés non seulement de conserver les intérieurs (aucune scène en extérieur donc), mais aussi de souligner la nature théâtrale du matériel en poussant Monte Blue à utiliser son beau visage mobile pour faire des clins d'oeil au public. Parallèlement, Lubitsch va se livrer à un étonnant numéro de cinéma pré-sonore en filmant d'une façon très moderne un bal délirant, avec démonstration hallucinante de charleston...

Théâtre:

M. et Mme Giraud sont mariés et heureux. Quoique... Mme Giraud (Patsy Ruth Miller) lit des romans à l'eau de rose dont les finals pleins de sentiments gluants la laissent toute émoustillée. Alors lorsque le voisin (George Bérenger), qui est danseur, se retrouve à demi nu en face, il y a de quoi s'émouvoir... Monsieur Giraud (Monte Blue) va y mettre bon ordre, du moins le croit-il, car une fois en face, il découvre que la voisine, donc, Mme Lallé, l'épouse du danseur, est une ancienne petite amie (Lilyan Tashman). De son coté, M. Lallé ne va pas tarder à découvrir que Mme Giraud est fort intéressante... Donc, on est en plein boulevard, et tout le monde ne va pas tarder à se désirer, se donner des rendez-vous, se tromper, se mentir...

Désir:

Bien sur, en 1926, le cinéma n'a pas encore fait le tour des expressions directes et visuelles du désir, mais le iml regorge d'allusions qui sont d'autant plus intéressantes, qu'elles sont en pleine lumière, la mise en scène rigoureuse de Lubitsch étant en pleine ligne claire, il n'y a que peu d'ambiguité... Donc, Mme Giraud prise de suée après la fin de son roman, qui aperçoit l'exotique voisin, ou encore le regard égrillard de Monte Blue éméché, la tête tournée par toutes les jambes mises à nu devant lui, ou bien sur la canne qui sert de prétexte, au début, à M. Lallé pour venir voir la belle Mme Giraud. Cette même canne, substitut phallique, lui sert à attirer l'attention de la belle voisine lorsque celle-ci est perdue dans sa rêverie en écoutant la radio.

Tromperie:

La franchise de Lubitsch ici est à des degrés divers; si elle désire effectivement dépasser le confort un brin ennuyeux de sa situation conjugale, Mme Giraud ne cédera jamais aux avances de M. Lallé. M. Giraud, en revanche, attiré dans un piège par Mme Lallé, ne va pas révéler lé vérité )à son épouse, et va s'empêtrer dans des mensonsges plus gros les uns que les autres. quant aux lallé, bien sur, ce sont des chauds lapins, prèts à tout pour tromper leurs conjoints... on retrouve donc cette graduation dans la tromperie de The Marriage circle, qui permettait à Lubitsch d'éviter de trop prêter le flanc à la censure, gardant les héros un peu plus propres que les personnages secondaires. Néanmoins, on notera que Monte Blue va plus loin que dans le film précédent...

Mensonge:

Tout le film suit la logique boulevardière, avec des mensonges organisés entre certains couples: M. Giraud ment à Mme, en lui révélant jamais qu'il a développé une amitié interlope avec Mme Lallé, ni qu'il a été arrêté par un policier en se rendant à un rendez-vous avec la voisine, et non au chevet d'un malade mourant. M. Lallé est supposé se rendre dans un sanatorium pour se faire soigner à la fin, alors qu'il va en prison à la place de M. Giraud, et ce pour trois jours. du coup, son épouse n'a pas besoin de lui mentir avant de partir prendre du bon temps avec un joyeux luron rencontré au hasard d'un bal... Enfin, Mme Giraud en veut à son mari, mais ne lui révèlera pas qu'elle était avec le voisin lorsque lui-même était au bal avec Mme Lallé...

Cinéma pré-sonore:

La séquence est justement célèbre, et consritue une exception dans le cinéma Américain, généralement très peu perméable aux prouesses de montage, et aux séquences visuelles détachées du fil narratif d'une film: alors que Mme Giraud reste à la maison, croyant que son mari est parti purger sa peine de prison, elle écoute la radio, et on nous donne à voir un charleston endiablé, de plus en plus délirant, avec surimpressions, et un montage furieux. Occasionnellement, on y aperçoit Monte Blue et Lilyan Tashman, mais c'est très accessoire. la séquence semble à elle toute seule résumer et illustrer l'esprit "jazz" des années 20, le coté déluré, et la consommation frénétique de plaisirs, d'alcool (encouragée par la prohibition, de fait): en 6 minutes, Lubitsch qui ne se livrera que rarement à ce genre de digression a donc capturé l'essence d'une décennie.


Comme les autres Warner de Lubitsch que j'ai pu voir, on est face à un film superbe, absolument indispensable, distrayant, drôle, impertinent, qui a sa place au sein de l'oeuvre merveilleuse de l'un des plus grands cinéastes Américains de tous les temps, et qu'importe qu'il soit Berlinois (pur et dur).
Dernière modification par allen john le 7 mars 11, 18:52, modifié 1 fois.
Avatar de l’utilisateur
Ann Harding
Régisseur
Messages : 3144
Inscription : 7 juin 06, 10:46
Localisation : Paname
Contact :

Re: Ernst Lubitsch (1892-1947)

Message par Ann Harding »

allen john a écrit :Comme les autres Warner de Lubitsch que j'ai pu voir, on est face à un film superbe, absolument indispensable, distrayant, drôle, impertinent, qui a sa place au sein de l'oeuvre merveilleuse de l'un des plus grands cinéastes Américains de tous les temps, et qu'importe qu'il soit Viennois.
Mais, Ernst n'est pas Viennois du tout ! C'est un berlinois pur et dur, même si on peut penser le contraire en voyant ses films. (Même chose pour Ophüls). :wink:
allen john
Assistant opérateur
Messages : 2010
Inscription : 17 mai 06, 19:00
Localisation : Une maison bleue
Contact :

Re: Ernst Lubitsch (1892-1947)

Message par allen john »

Ann Harding a écrit :
allen john a écrit :Comme les autres Warner de Lubitsch que j'ai pu voir, on est face à un film superbe, absolument indispensable, distrayant, drôle, impertinent, qui a sa place au sein de l'oeuvre merveilleuse de l'un des plus grands cinéastes Américains de tous les temps, et qu'importe qu'il soit Viennois.
Mais, Ernst n'est pas Viennois du tout ! C'est un berlinois pur et dur, même si on peut penser le contraire en voyant ses films. (Même chose pour Ophüls). :wink:
C'est la journée des bourdes; je corrige cette stupidité: ça m'apprendra à trop regarder de films de Billy Wilder!
feb
I want to be alone with Garbo
Messages : 8965
Inscription : 4 nov. 10, 07:47
Localisation : San Galgano

Re: Ernst Lubitsch (1892-1947)

Message par feb »

Image

Revu ce soir pour la n ième fois avec toujours autant de plaisir et de bonheur. Lubitsch nous offre un film magique et, une fois de plus, ce réalisateur m'impressionne par sa faculté à capter mon attention très rapidement, à me faire "accrocher" à une histoire sur les premières minutes. Ici dès l'arrivée de Garbo sur le quai de la gare, je suis sous le charme, dès qu'elle demande son chemin à Melvyn Douglas, je suis amoureux et dès qu'ils sont au sommet de la Tour Eiffel, les piles de la télécommande sont enlevées :mrgreen:
Garbo trouve ici son meilleur rôle (avec Camille) et nous gratifie d'un visage (toujours aussi beau, lumineux, hypnotisant, etc etc etc :fiou: ) tout en nuance, en levé de sourcils et en regard made in Garbo. Le couple qu'elle forme avec Melvyn Douglas fonctionne à merveille et nous fait regretter que l'actrice n'ait pas souhaité renouveler l'expérience avec Lubitsch...
Le film repose sur des moments parfaitement mis en scène et présentés : l'apparition de Garbo sur le quai, l'arrivée en haut de la tour Eiffel, la scène dans la chambre en Russie, etc et Lubistch glisse admirablement de l'amourette à une scène plus grave lorsqu'apparait la rivalité amoureuse (apparition de Swana) pour revenir sur de la comédie et terminer sur une scène tout en romantisme.
En résumé, ce film, qui fait partie de mon top réalisateur avec Heaven can wait, Angel et Design for Living, se regarde avec toujours autant de plaisir, nous permet de découvrir Garbo dans un rôle vraiment différent de (tous ?) ces rôles précédents et contient bien tout ce qui fait le charme de la Lubitsch's Touch . 9/10
Dernière modification par feb le 15 août 11, 11:30, modifié 1 fois.
riqueuniee
Producteur
Messages : 9706
Inscription : 15 oct. 10, 21:58

Re: Ernst Lubitsch (1892-1947)

Message par riqueuniee »

Federico a écrit :
Joe Wilson a écrit :Ninotchka
L'interprétation de Garbo est impressionnante, dans ses nuances d'expression du visage, ce qui permet au personnage de trouver une unité tout en semblant évoluer en permanence.
Je me lance dans un comparatif osé et sans doute idiot mais il m'est venu l'idée bizarre que la Garbo de Ninotchka aurait pu influencer le jeu "carré" et les répliques naïves à l'humour involontaire de... Schwarzenegger (un peu dans le Terminator 2 mais surtout dans le rôle de l'officier soviétique envoyé en mission chez l'ennemi capitaliste de Double détente de Walter Hill).
C'est loin d'être idiot. Ca concerne surtout Double détente. Il y a en effet un peu de Ninotchka dans l'attitude de Danko, quand il arrive aux USA, même si le film dans son ensemble tient plutôt de Un sherif à New York.
allen john
Assistant opérateur
Messages : 2010
Inscription : 17 mai 06, 19:00
Localisation : Une maison bleue
Contact :

Re: Ernst Lubitsch (1892-1947)

Message par allen john »

The shop around the corner (Ernst Lubitsch, 1940)

La maison Matuschek est une boutique de Budapest ou il fait manifestement bon travailler. Alfred Kralik (james Stewart) y est le bras droit du patron, Hugo Matuschek (Frank Morgan), depuis longtemps, quand arrive une jeune femme qui souhaite se faire embaucher, Klara Novak (Margaret Sullavan); celle-ci et Kralik ne s'entendent pas et sont assez souvent engagés dans des conflits d'ego. Paralèlement, ils écrivent l'un et l'autre à des inconnus, tombant rapidement amoureux de leur correspondant respectif qu'ils n'ont jamais rencontré... bien sur, Klara et Alfred sont destinés à se rendre compte un jour qu'ils sont ces correspondants mystérieux. En plus de ces aventures sentimentales, on voit la vie au jour le jour de la maison Matuschek, ses employés, ses petits tracas, ses ventes miraculeuses...

Je ne laisserai à ce sujet aucune ambiguité: je considère ce film comme l'un des plus beaux jamais réalisés... Une boutique en Hongrie en 1940, il y a la une inévitable symbolique, mais la vie telle qu'elle se déroule sous nos yeux n'a apparemment pas de rapports avec la tourmente alors en cours dans l'Europe de 1940. Le monde qui est dépeint dans ce beau film est une sorte de bulle préservée, dans laquelle chaque être est respecté, a droit à s'exprimer. L'humanité affleure de chaque échange, et le sentiment est que le pire des dangers pour Matuschek et compagnie, c'est cet insupportable vadas, l'employé séducteur (Joseph Schildkraut) qui a profité tant et si bien des largesse de son patron qu'il couche avec l'épouse de celui-ci, et avec la complicité de me Matuschek, lui éponge le portefeuille... n'empêche, aussi risible cette menace sit-elle, elle est prise avec le plus grand sérieux par Hugo Matuschek, qui soupçonne Kralik et va jusqu'à licencier celui-ci à cause de ces soupçons infondés. mais apprennant la vérité le vieil homme tente de se suicider. Les autres employés font alors corps autour de leur patron, et Kralik est réembauché, et enfin portyé à un poste de plus haute responsabilité. C'est cette humanité qui est en danger, en 1940, en Europe. Saisie dans son quotidien, avec la plus grande des tendresses, elle ne demande qu'à être préservée, c'est pourquoi il lui sied tant d'être contée dans une histoire aussi intemporelle.

L'histoire d'amour entre Klara et Alfred Kralik (Il me semble logique d'appeler la jeune femme Klara, mais je peine à écrire un simple "Alfred" ici; personne, il me semble, n'appelle James Stewart Alfred dans le film, comme s'il avait trop longtemps été M. Kralik...) est l'une des plus belles qui soient, d'abord parce que Lubitsch a sans aucune difficulté la complicité du public, auquel il révèle sans efforts le pot-aux-roses; ensuite, parce qu'il a choisi des acteurs qu'on n'a pas envie de ne pas suivre, dans leur troisième film ensemble. La capacité de Stewart à passer d'employé modèle un rien pompeux à amoureux transi d'une inconnue sasn tomber dans le ridicule, la métamorphose permanentede Margaret Sullavan de bourrique qui aime tant à se payer la tête de son supérieur Kralik, en une jeune femme secrètement amoureuse d'un idéal, sans tomber dans la mièvrerie, sont pour Lubitsch des atouts de poids. Le metteur en scène sait plus que tout autre faire oublier la mise en scène, par un travail extraordinaire sur les acteurs, dans lequel tout compte: texte, diction, rythme, expression... Bref, un travail de direction hors-pair, de mise en scène ultra-précise qui bien entendu ne se remarque jamais. Et le tout baigne dans une atmosphère constamment entre micro-tragique et comédie tendre: l'un des plus beaux films de Ernst Lubitsch, et l'une des plus belles comédies de tous les temps.

http://allenjohn.over-blog.com/
Avatar de l’utilisateur
Rick Blaine
Charles Foster Kane
Messages : 24145
Inscription : 4 août 10, 13:53
Last.fm
Localisation : Paris

Re: Ernst Lubitsch (1892-1947)

Message par Rick Blaine »

Un film d'une tendresse incroyable. Je suis tout à fait d'accord avec ton texte!
daniel gregg
Producteur Exécutif
Messages : 7030
Inscription : 23 févr. 04, 23:31

Re: Ernst Lubitsch (1892-1947)

Message par daniel gregg »

allen john a écrit :The shop around the corner (Ernst Lubitsch, 1940)
Spoiler (cliquez pour afficher)
La maison Matuschek est une boutique de Budapest ou il fait manifestement bon travailler. Alfred Kralik (james Stewart) y est le bras droit du patron, Hugo Matuschek (Frank Morgan), depuis longtemps, quand arrive une jeune femme qui souhaite se faire embaucher, Klara Novak (Margaret Sullavan); celle-ci et Kralik ne s'entendent pas et sont assez souvent engagés dans des conflits d'ego. Paralèlement, ils écrivent l'un et l'autre à des inconnus, tombant rapidement amoureux de leur correspondant respectif qu'ils n'ont jamais rencontré... bien sur, Klara et Alfred sont destinés à se rendre compte un jour qu'ils sont ces correspondants mystérieux. En plus de ces aventures sentimentales, on voit la vie au jour le jour de la maison Matuschek, ses employés, ses petits tracas, ses ventes miraculeuses...
Je ne laisserai à ce sujet aucune ambiguité: je considère ce film comme l'un des plus beaux jamais réalisés...
Spoiler (cliquez pour afficher)
Une boutique en Hongrie en 1940, il y a la une inévitable symbolique, mais la vie telle qu'elle se déroule sous nos yeux n'a apparemment pas de rapports avec la tourmente alors en cours dans l'Europe de 1940. Le monde qui est dépeint dans ce beau film est une sorte de bulle préservée, dans laquelle chaque être est respecté, a droit à s'exprimer. L'humanité affleure de chaque échange, et le sentiment est que le pire des dangers pour Matuschek et compagnie, c'est cet insupportable vadas, l'employé séducteur (Joseph Schildkraut) qui a profité tant et si bien des largesse de son patron qu'il couche avec l'épouse de celui-ci, et avec la complicité de me Matuschek, lui éponge le portefeuille... n'empêche, aussi risible cette menace sit-elle, elle est prise avec le plus grand sérieux par Hugo Matuschek, qui soupçonne Kralik et va jusqu'à licencier celui-ci à cause de ces soupçons infondés. mais apprennant la vérité le vieil homme tente de se suicider. Les autres employés font alors corps autour de leur patron, et Kralik est réembauché, et enfin portyé à un poste de plus haute responsabilité. C'est cette humanité qui est en danger, en 1940, en Europe. Saisie dans son quotidien, avec la plus grande des tendresses, elle ne demande qu'à être préservée, c'est pourquoi il lui sied tant d'être contée dans une histoire aussi intemporelle.

L'histoire d'amour entre Klara et Alfred Kralik (Il me semble logique d'appeler la jeune femme Klara, mais je peine à écrire un simple "Alfred" ici; personne, il me semble, n'appelle James Stewart Alfred dans le film, comme s'il avait trop longtemps été M. Kralik...) est l'une des plus belles qui soient, d'abord parce que Lubitsch a sans aucune difficulté la complicité du public, auquel il révèle sans efforts le pot-aux-roses; ensuite, parce qu'il a choisi des acteurs qu'on n'a pas envie de ne pas suivre, dans leur troisième film ensemble. La capacité de Stewart à passer d'employé modèle un rien pompeux à amoureux transi d'une inconnue sasn tomber dans le ridicule, la métamorphose permanentede Margaret Sullavan de bourrique qui aime tant à se payer la tête de son supérieur Kralik, en une jeune femme secrètement amoureuse d'un idéal, sans tomber dans la mièvrerie, sont pour Lubitsch des atouts de poids. Le metteur en scène sait plus que tout autre faire oublier la mise en scène, par un travail extraordinaire sur les acteurs, dans lequel tout compte: texte, diction, rythme, expression... Bref, un travail de direction hors-pair, de mise en scène ultra-précise qui bien entendu ne se remarque jamais. Et le tout baigne dans une atmosphère constamment entre micro-tragique et comédie tendre: l'un des plus beaux films de Ernst Lubitsch, et l'une des plus belles comédies de tous les temps.
http://allenjohn.over-blog.com/

Comme toi, ce film devenu un de mes films de chevets est pour moi la tentative la plus accomplie de ce que le cinéma est capable d'exprimer en terme de fascination.
Vivi
Stagiaire
Messages : 24
Inscription : 9 mai 10, 00:59

Re: Ernst Lubitsch (1892-1947)

Message par Vivi »

Découvert ce Lubitsch récemment et je suis d'accord avec vous, un film d'une beauté époustouflante, un mélange de drame et de comédie, un film qui montre une maitrise absolue du cinéma. Une grand œuvre d'art!
popcyril
Doublure lumière
Messages : 699
Inscription : 4 mai 11, 00:04

Re: Ernst Lubitsch (1892-1947)

Message par popcyril »

Un peu par hasard, je suis tombé sur un lien vers Haute Pègre (Trouble In Paradise) en intégrale sur Youtube. Ca faisait très très longtemps que je voulais le voir, mais à défaut de trouver le dvd...C'est en anglais non sous-titré, mais à part le (très important) "tonsils", ce n'est que du vocabulaire très courant, bien articulé et audible.
Bref, tout ça pour dire que le film est à mon avis à la hauteur de sa réputation, un vrai festival tout à fait dans la lignée de ce qui a fait la renommée de Lubitsch. J'irai même jusqu'à dire que c'est un parfait résumé de son style (si l'on peut le dire ainsi d'un film de 1932, tant de chefs d'oeuvre restant à venir). A la fois virtuose visuellement, incroyablement doué pour la progression narrative d'un "simple" mouvement de caméra, et s'appuyant sur un excellent scénario de Sam Raphaelson, dont les dialogues font mouche presque à tout coup. Le casting est excellent, avec notamment l'inénarrable E.E. Horton, Miriam Hopkins et...Ruggles!
Je le place directement parmi mes Lubitsch préférés avec The Shop Around the Corner ou That Uncertain Feeling.
Akrocine
Décorateur
Messages : 3771
Inscription : 1 avr. 09, 20:38
Localisation : Arcadia 234

Re: Ernst Lubitsch (1892-1947)

Message par Akrocine »

Quelqu'un aurait-il enregistré La femme du Pharaon qui est passé la nuit dernière à 00h15? J'ai pu en voir quelques superbe morceaux!
"Mad Max II c'est presque du Bela Tarr à l'aune des blockbusters actuels" Atclosetherange
Répondre