Actioners HK 80's et 90's

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Profondo Rosso
Howard Hughes
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Re: Actioners HK 80's et 90's

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Hero of Tomorrow de Poon Man-kit (1988)

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Sam (Michael Miu) est un membre des triades usé qui a décidé de se ranger des voitures, quant son jeune ami Crow (Max Mok) cherche à y grimper les échelons. Il déchantera rapidement quand il se rendra compte que ce monde est impitoyable même pour les plus acharnés.

Hero of Tomorrow est un polar s'inscrivant dans le sillon des innombrables décalques qui ont suivis le succès faramineux de Le Syndicat du crime 1 (1986) et 2 (1987) de John Woo, pierres angulaires du polar héroïque hongkongais. Si la trame du film de Poon Man-kit trahit largement cette filiation (un synopsis voisin du Syndicat du crime et des personnages-clones comme celui de Michael Miu clairement repris de celui de Ti Lung chez John Woo), le récit parvient à trouver sa propre voie dans son choix d'une tonalité intimiste plutôt que le spectaculaire et l'emphase de John Woo. Nous suivons les trajectoires croisées de Sam, membre des triades exilé à Taïwan après un règlement de compte, et de Crow (Max Mok) un jeune homme aux dents longues qui a justement quitté sa province natale pour gravir les échelons dans ce monde du crime. Les deux vont se lier d'amitié tout en gravitant autour de Billy (William Ho), boss mafieux et ancien frère d'arme de Sam. Ce dernier va rapidement constater les mauvais penchants qu'a pris son ami et quitter l'univers du crime pour nouer une romance avec la sœur de Crow qui lui va nourrir bien des désillusions en découvrant la réalité des triades.

On retrouve en partie l'ambiguïté morale du polar héroïque qui fait une sorte de séparation entre les "bons" truands nourrissant des valeurs fraternelles et d'amitié, et les corrompus irrécupérables. Ici le scénario prend le temps de bien montrer à quel point les triades peuvent constituer un ascenseur social pour les plus démunis, avec ce début de film où Crow végète en tant que vendeur de rue. Sans éducation et originaire d'un milieu modeste, c'est la voie la plus rapide pour la réussite selon lui, ce dont tente de le prémunir Sam qui a autrefois nourrit les mêmes ambitions vaines. Les deux personnages constituent les revers d'une même pièce, et pour chacun l'issue de secours se manifestera par une relation amoureuse qui leur fera comprendre les vraies valeurs. Ce côté plus introspectif n'empêche pas les vrais sursauts d'action nerveuse qui, s'ils n'ont pas la virtuosité de John Woo s'avèrent très efficaces et nourrissent tout autant une vraie délivrance cathartique. En prenant autant de temps à dépeindre l'intimité des personnages et la facette sentimentale, l'implication fonctionne davantage sur cet aspect que la sempiternelle amitié virile. C'est l'amour qui laisse entrevoir un ailleurs plus apaisé et c'est quand celui-ci est brisé que va se déchaîner la vraie action. William Ho campe un méchant parfaitement ignoble, vicieux et avili par le pouvoir, le climax final visant à l'abattre suscitant une empathie palpable envers les héros pour le spectateur. Cette implication fonctionne à plein grâce aux belles prestations des deux acteurs, Michael Miu tout en gravité et lassitude contenue, et un Max Mok passant de l'insouciance au désenchantement progressif avec brio. L'acteur est surtout connu pour son rôle loufoque de disciple de Wong Fei Hung dans les suites de Il était une fois en Chine, et s'avère là très convaincant dans un registre dramatique. Une belle réussite entre le polar héroïque, et le tournant plus romantique le genre prendra ensuite avec As Tears Go By de Wong Kar Wai et A Moment of Romance de Benny Chan (1990). 4,5/6
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Profondo Rosso
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Re: Actioners HK 80's et 90's

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The Big Heat de Andrew Kam, Johnnie To et Tsui Hark (1988)

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Un flic qui souffre de crise de tétanie à la main droite se décide à venger la mort d'un de ses collègues en s'attaquant à un des principaux gangs de la ville.

Après l’aussi immense qu’inattendu succès de Le Syndicat du crime de John Woo (1986), The Big Heat est pour Tsui Hark producteur avisé, un moyen de surfer sur la nouvelle vague du polar initiée à Hong Kong par ce triomphe. L’idée de Tsui Hark est de concevoir le récit d’une équipe de policier en lutte contre le crime, en s’inspirant de l’imprévisibilité et noirceur de Police Fédérale Los Angeles de William Friedkin (1985) qui l’a fortement impressionné. Il va solliciter Gordon Chan encore scénariste pour écrire l’histoire, et ce dernier va s’inspirer d’un récent scandale criminel et financier ayant eu lieu entre Hong Kong et la Malaisie. Andrew Kam jusqu’ici assistant-réalisateur de Tsui Hark (notamment sur Peking Opera Blues (1986)) est promut réalisateur, tandis que le casting principal sera constitué de jeunes stars montantes sous contrat à la Film Workshop. The Big Heat initie justement la tradition des productions longues et chaotiques au sein de la compagnie de Tsui Hark, l’esprit en ébullition et l’interventionnisme de ce dernier délestant souvent les réalisateurs de leur pouvoir de décision, et rendant incertaine l’identité du vrai auteur du film. Le tournage de The Big Heat va donc s’étaler sur près de 18 mois, entre tournage additionnel, réécritures et changement de réalisateur (si les seuls Andrew Kam et Johnnie To sont crédités, les équipes parallèles sont multiples durant toute la production).

De cette confusion va pourtant naître un excellent polar dont la réussite tient au brillant travail d’équipe, officiel comme le montage brillant de David Wu conférent une vraie cohérence à l’ensemble, et officieux pour certaines participations comme Ching Siu-tung derrière certaines scènes d’action. Il y a certes parfois des transitions abruptes fragilisant la continuité (la paralysie manuelle du héros vue comme cruciale au début et dont on ne reparle presque plus jusqu’à la conclusion) mais le tout se tient fort bien. La caractérisation se fait dans l’urgence et la tension de l’enquête en cours, selon quelques archétypes habilement menés : le « bleu » maladroit joué par Matthew Wong Hin-Mung, le casse-cou désinvolte et charismatique incarné par Philip Kwok, la désinvolture cool de l’expatrié Lionel Lo King-Wah et bien sûr le charisme magnétique et la gravité de Waise Lee.

L’équipe improvisée est soudée d’emblée, l’affaire revêt de poignants enjeux personnels et de d’autres plus ambitieux sur fond de trafic de drogues, de blanchiment d’argent en prévision de l’exil de nantis anticipant la rétrocession. Le récit alterne efficacement séquence purement stratégique où le quatuor s’arrange avec la loi pour piéger le redoutable boss mafieux Han Ching (Paul Chu Kong), et séquences d’actions tonitruantes. L’extravagance et la grandiloquence d’un John Woo laisse ici place à un style plus heurté et brutal, la diversité des morceaux de bravoures trahissant la confection complexe du film sans que cela gêne forcément. Rixes et fusillades de rue apocalyptique, affrontement dantesque dans l’étroitesse de couloirs d’hôpital, bagarre dans le mécanisme d’un ascenseur, on en prend plein les yeux tout en étant soufflé par la nature sanglante des situations. Le tout va culminer dans une conclusion d’anthologie et incroyablement cathartique en termes d’émotion.

C’est bien là la grande force du film, les interactions affectives, qu’elles relèvent de l’amitié ou du sentiment amoureux (et même familiale avec le court moment de Philip Kwok avec sa mère) sont totalement incarnées et touchantes. Cela tient au grand charisme des acteurs, et à l’atmosphère de spleen posée entre eux moments de tension, la bande-son synthétique de David Wu parvenant à conférer une vraie tonalité héroïque et introspective sur fond de panoramas urbains hongkongais. Une vraie pépite du polar de Hong Kong donc ! 5/6
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