La Zone d'intérêt (Jonathan Glazer - 2023)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Coxwell
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Re: La Zone d'intérêt (Jonathan Glazer - 2024)

Message par Coxwell »

tenia a écrit : 18 févr. 24, 11:07 Que viennent foutres les Belges dans cette histoire ?
Tu fais référence à Chantal Mouffe ? C'est une pierre angulaire dans pas mal de mouvements politiques européens, bien au-delà du cadre belge. Une source d'influence importante dans un certain nombre de partis dont LFI. JLM ne s'en est jamais caché.
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G.T.O
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Re: La Zone d'intérêt (Jonathan Glazer - 2024)

Message par G.T.O »

Coxwell a écrit : 17 févr. 24, 17:40
Alexandre Angel a écrit : 17 févr. 24, 16:19
J'ai un peu du mal à te suivre, je m'en excuse :) . Et sur Bégaudeau, et sur Höss dont Bégaudeau n'évoque le côté propriétaire que s'agissant de la maison, pas du camp.

De toute façon, l'extrait est insuffisant à rendre compte de la globalité de l'avis de Bégaudeau sur le film : c'est l'émission entière que j'aimerais entendre.
Réécoute l’éclairage qu’il donne sur ce qui permet d’accepter pour un nazi cette réalité de vivre à côté d’un camp de la mort : l’ethos du propriétaire. Point de vue tout à fait révélateur (et aberrant sur le plan historique et politique) permettant de comprendre “d’où il parle” comme diraient les marxistes.
Et bien entendu, c’est un élément d’explication très éconduire et qui résiste peu à l’analyse historique mais qui permet d’éviter le sujet qui fâche : l’idéologie d’exclusion qui évite de pouvoir faire le lien avec les camps de la Tcheka. Begaudeau est trop fin pour ne pas savoir pourquoi il choisit cet angle plutôt que l’autre. Cela lui évite qu’on l’attaque sur le sujet qui fâche : le principe d’exclusion dans l’autre camp idéologique ayant conduit l’exclusion, et la destruction.
Piège de l’extrait justement que de croire qu’il nourrirait un discours anarcho-commnuniste facilement imputable à l’auteur, et dont le problème central, son ethos d’essayiste militant, au mépris d’autres lectures, tiendrait au fond à celui de la propriété. Fort heureusement, et dieu sait que je ne suis pas Begaudeau, notamment dans sa façon à abuser du terme «réel » bataille-lacanien, et du plan fixe comme étant le miel du cinéma, il ne tombe pas dans un relativisme de militant. La remarque sur l’éthos du propriétaire qui explique, aux yeux de l’écrivain, l’attachement de Madame Höss, à la maison de fonction, est à inscrire dans ce procès que le film choisit de montrer comme étant le pouvoir de désensibilisation de l’habitude, à supporter des situations contiguës. D’où aussi la remarque de Glazer à dire que c’est un film sur le présent, et cela donne un éclairage, comme le dit Begaudeau, non pas de la psychologie nazie, de sa genèse ou de ses racines idéologiques, mais de ce procès de désensibilisation liée au poids de l’habitude qui n’épuise pas le phénomène nazi, élément de ce quotidien paradoxal que nous invite à regarder le film. Dans ce refus de la psychologie ou de l’explication idéologique raciste, dans cette soustraction d’un quelconque message, on n’est pas chez Nolan hein :mrgreen:, c’est une démarche à rapprocher de Bresson.
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Coxwell
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Re: La Zone d'intérêt (Jonathan Glazer - 2024)

Message par Coxwell »

G.T.O a écrit : 18 févr. 24, 15:26
Coxwell a écrit : 17 févr. 24, 17:40

Réécoute l’éclairage qu’il donne sur ce qui permet d’accepter pour un nazi cette réalité de vivre à côté d’un camp de la mort : l’ethos du propriétaire. Point de vue tout à fait révélateur (et aberrant sur le plan historique et politique) permettant de comprendre “d’où il parle” comme diraient les marxistes.
Et bien entendu, c’est un élément d’explication très éconduire et qui résiste peu à l’analyse historique mais qui permet d’éviter le sujet qui fâche : l’idéologie d’exclusion qui évite de pouvoir faire le lien avec les camps de la Tcheka. Begaudeau est trop fin pour ne pas savoir pourquoi il choisit cet angle plutôt que l’autre. Cela lui évite qu’on l’attaque sur le sujet qui fâche : le principe d’exclusion dans l’autre camp idéologique ayant conduit l’exclusion, et la destruction.
Piège de l’extrait justement que de croire qu’il nourrirait un discours anarcho-commnuniste facilement imputable à l’auteur, et dont le problème central, son ethos d’essayiste militant, au mépris d’autres lectures, tiendrait au fond à celui de la propriété. Fort heureusement, et dieu sait que je ne suis pas Begaudeau, notamment dans sa façon à abuser du terme «réel » bataille-lacanien, et du plan fixe comme étant le miel du cinéma, il ne tombe pas dans un relativisme de militant. La remarque sur l’éthos du propriétaire qui explique, aux yeux de l’écrivain, l’attachement de Madame Höss, à la maison de fonction, est à inscrire dans ce procès que le film choisit de montrer comme étant le pouvoir de désensibilisation de l’habitude, à supporter des situations contiguës. D’où aussi la remarque de Glazer à dire que c’est un film sur le présent, et cela donne un éclairage, comme le dit Begaudeau, non pas de la psychologie nazie, de sa genèse ou de ses racines idéologiques, mais de ce procès de désensibilisation liée au poids de l’habitude qui n’épuise pas le phénomène nazi, élément de ce quotidien paradoxal que nous invite à regarder le film. Dans ce refus de la psychologie ou de l’explication idéologique raciste, dans cette soustraction d’un quelconque message, on n’est pas chez Nolan hein :mrgreen:, c’est une démarche à rapprocher de Bresson.
C'est une petite pique personnelle ? :idea:
Je ne souscris pas pleinement à ce que tu choisis pour relier le geste politique de Begaudeau à une certaine dimension esthétique, voire d'esthète ou même d'ascèse (Bresson). Il y a une stratégie d'évitement chez l'auteur (Bégaudeau) qui est une sorte d'esquive par l'altitude, embarrassante et borgne (l'ethos du propriétaire qui rend possible l'espace nazi (sic).
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Spongebob
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Re: La Zone d'intérêt (Jonathan Glazer - 2024)

Message par Spongebob »

Ce que j'ai compris de ce que dit Bégaudeau : l'accès à la proprité d'une bonne partie de la population a facilité l'arrivée des nazis au pouvoir. Les gens ayant leur petit lopin de terre à défendre la notion d'espace vital, si chère aux nazis, est devenue souhaitable, voire indispensable. On est tout de suite plus enclin à partir en guerre quand on a quelque chose à défendre. C'est un peu ça qui est montré dans le film avec cette femme, issue d'un milieu modeste, qui accède à la vie paisible et bourgeoise du petit propriétaire grâce à la position hierarchique élevée de son mari. Le mur séparant la maison du camp venant matérialiser ce qui différencie le chez soit de l'étranger. Ce qui se passe en dehors de chez soit n'ayant pas grande importance, du moment qu'on ait accès au confort. C'est du moins comme ça que je le comprends.
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G.T.O
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Re: La Zone d'intérêt (Jonathan Glazer - 2024)

Message par G.T.O »

Coxwell a écrit : 18 févr. 24, 17:10
G.T.O a écrit : 18 févr. 24, 15:26
Piège de l’extrait justement que de croire qu’il nourrirait un discours anarcho-commnuniste facilement imputable à l’auteur, et dont le problème central, son ethos d’essayiste militant, au mépris d’autres lectures, tiendrait au fond à celui de la propriété. Fort heureusement, et dieu sait que je ne suis pas Begaudeau, notamment dans sa façon à abuser du terme «réel » bataille-lacanien, et du plan fixe comme étant le miel du cinéma, il ne tombe pas dans un relativisme de militant. La remarque sur l’éthos du propriétaire qui explique, aux yeux de l’écrivain, l’attachement de Madame Höss, à la maison de fonction, est à inscrire dans ce procès que le film choisit de montrer comme étant le pouvoir de désensibilisation de l’habitude, à supporter des situations contiguës. D’où aussi la remarque de Glazer à dire que c’est un film sur le présent, et cela donne un éclairage, comme le dit Begaudeau, non pas de la psychologie nazie, de sa genèse ou de ses racines idéologiques, mais de ce procès de désensibilisation liée au poids de l’habitude qui n’épuise pas le phénomène nazi, élément de ce quotidien paradoxal que nous invite à regarder le film. Dans ce refus de la psychologie ou de l’explication idéologique raciste, dans cette soustraction d’un quelconque message, on n’est pas chez Nolan hein :mrgreen:, c’est une démarche à rapprocher de Bresson.
:P
C'est une petite pique personnelle ? :idea:
Je ne souscris pas pleinement à ce que tu choisis pour relier le geste politique de Begaudeau à une certaine dimension esthétique, voire :wink: d'esthète ou même d'ascèse (Bresson). Il y a une stratégie d'évitement chez l'auteur (Bégaudeau) qui est une sorte d'esquive par l'altitude, embarrassante et borgne (l'ethos du propriétaire qui rend possible l'espace nazi (sic).
Ça a dû m’échapper mais il me semble pas que Begaudeau affirme que l’ethos du propriétaire est un préalable au nazisme ou je ne sais quoi. D’ailleurs, il ne développe aucun espèce d’explication du nazisme et, comme le film, il s’en tient à décrire l’un des seuls attachements paradoxalque connaît la famille Höss: la maison. Est-ce à dire que Glazer comme l’écrivain n’en fait un symbole de ne sais quel défense de la notion de l’espace vital comme le suggère Spongebob ? Franchement, contentons nous déjà d’exploiter ce que le film montre.
Ps: une pique personnelle, non; c’est pas mon style. :P
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Re: La Zone d'intérêt (Jonathan Glazer - 2024)

Message par Supfiction »

Spongebob a écrit : 18 févr. 24, 17:17
On est tout de suite plus enclin à partir en guerre quand on a quelque chose à défendre.
Je dirais plutôt le contraire, c’est quand on a rien à perdre qu’on attaque les autres et quand on a son petit confort qu’on préfère rester chez soi plutôt que d’aller ferrailler.
Le régime nazi a d’ailleurs favoriser la protection des locataires.
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Coxwell
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Re: La Zone d'intérêt (Jonathan Glazer - 2024)

Message par Coxwell »

Spongebob a écrit : 18 févr. 24, 17:17 Ce que j'ai compris de ce que dit Bégaudeau : l'accès à la propriété d'une bonne partie de la population a facilité l'arrivée des nazis au pouvoir. Les gens ayant leur petit lopin de terre à défendre la notion d'espace vital, si chère aux nazis, est devenue souhaitable, voire indispensable. On est tout de suite plus enclin à partir en guerre quand on a quelque chose à défendre. C'est un peu ça qui est montré dans le film avec cette femme, issue d'un milieu modeste, qui accède à la vie paisible et bourgeoise du petit propriétaire grâce à la position hierarchique élevée de son mari. Le mur séparant la maison du camp venant matérialiser ce qui différencie le chez soit de l'étranger. Ce qui se passe en dehors de chez soit n'ayant pas grande importance, du moment qu'on ait accès au confort. C'est du moins comme ça que je le comprends.
L'extrait en question est très clair : "ce qui rend possible de vivre mentalement à côté d'un camp de la mort est "le fait de se complaire en tant que propriétaire et de développer son espace en rapport avec tout ce que renvoie cette idée et l'habitus- l'ethos du propriétaire". Choisir cet angle en priorité pour expliquer la possibilité de vivre sereinement à côté du camp par ce biais plutôt que par l'idéologie nazie et toute la mythologie et moteur qu'elle sous-tend (le Lebensraum extensif est viscéralement attaché à l'ethno-racisme de l'Etat et de ceux qui fait parti du peuple élu) est un biais typique marxiste : le rapport de classe et notamment l'ethos du bourgeois.

Si je te suis, Bégaudeau continuerait même à expliquer le soutien de la population à un régime qui serait une sorte de traduction brutale, excessive, destructrice d'un capitalisme fondé sur la domination de la bourgeoisie et des classes moyennes allemandes (lésées jusque-là) et souhaitant irrésistiblement accéder à la propriété bourgeoise. C'est une lecture tout à fait marxiste qui non seulement rend le nazisme comme un capitalisme du pire et de l'extrême (et fait fi des réalités idéologiques explicitées plus haut), mais cela permet surtout d'exclure évidemment le rapprochement du nazisme avec le communisme soviétique dans ses racines, mécanismes, conséquences. C'est une manière de pouvoir se débarrasser de ceux qui emmerdent les léninistes-trotskistes : les travaux de Arendt, Aron, Besançon, Gauchet (sur les ponts essentiels qui lient tous ces régimes politiques nés dans l'après WWI) et sauver ainsi la matrice bolchévique de 1917-1929 (avant Staline) en considérant qu'elle est portée par un beau projet d'émancipation sociale ratée (sic).
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Coxwell
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Re: La Zone d'intérêt (Jonathan Glazer - 2024)

Message par Coxwell »

G.T.O a écrit : 18 févr. 24, 17:38
Coxwell a écrit : 18 févr. 24, 17:10 :P
C'est une petite pique personnelle ? :idea:
Je ne souscris pas pleinement à ce que tu choisis pour relier le geste politique de Begaudeau à une certaine dimension esthétique, voire :wink: d'esthète ou même d'ascèse (Bresson). Il y a une stratégie d'évitement chez l'auteur (Bégaudeau) qui est une sorte d'esquive par l'altitude, embarrassante et borgne (l'ethos du propriétaire qui rend possible l'espace nazi (sic).
Ça a dû m’échapper mais il me semble pas que Begaudeau affirme que l’ethos du propriétaire est un préalable au nazisme ou je ne sais quoi. D’ailleurs, il ne développe aucun espèce d’explication du nazisme et, comme le film, il s’en tient à décrire l’un des seuls attachements paradoxalque connaît la famille Höss: la maison. Est-ce à dire que Glazer comme l’écrivain n’en fait un symbole de ne sais quel défense de la notion de l’espace vital comme le suggère Spongebob ? Franchement, contentons nous déjà d’exploiter ce que le film montre.
Ps: une pique personnelle, non; c’est pas mon style. :P
J'ai répondu et évoqué précisément le problème majeur de l'extrait dont il est question.
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Re: La Zone d'intérêt (Jonathan Glazer - 2024)

Message par Kiké »

Après avoir laissé passer un peu de temps et écouter La Gêne Occasionnée, je viens mettre encore quelques mots.

Comme cela a été déjà très bien dit par beaucoup, c'est une expérience singulière et très puissante de l'espace, ne pas montrer les camps mais compter sur notre mémoire pour combler l'image manquante, simplement laisser passer quelques traces depuis l'autre côté du mur. Cela permet un angle original sur un sujet pourtant très connu, et cela permet de ressentir un aspect parfois oublié du nazisme : pas seulement exterminer une population, mais aussi la remplacer par d'autres individus, qui construiront des maisons, des familles et feront des fêtes sur ce nouveau territoire.
Pour être honnête, et même si Bégaudeau a bien répondu à cette critique, je dois bien reconnaitre avoir senti un certain ennui vers le milieu du film, une fois le dispositif bien en place, comme si cela devenait trop mécanique. J'ai un peu décroché sur le moment où l'homme apprend qu'il va être envoyé ailleurs, que la famille ne sait pas si elle va rester dans la maison ou non... Mais cela change sur la fin, avec la belle scène de réunion filmer de haut et puis bien sûr ce final incroyable.

Merci aussi à Bégaudeau pour deux aspects que je n'arrivais pas à identifier : le motif de l'habitude, on peut finir par s'habituer à tout y compris l'horreur, l'habitude qui désensibilise. Et puis l'influence d'Hitchcock et des Oiseaux pour le découpage qui fait arriver les soldats petit à petit.

Une question pour finir, je n'arrive toujours pas à savoir quoi penser de ce long plan sur la rose, et le fondu au rouge qui envahit l'écran. Serait-ce le sang des victimes? L'envers du décors fleuri paisible? Cela n'est sans doute pas volontaire, mais cela me rappelle un peu certains longs plans du Bonheur d'Agnès Varda sur d'autres fleurs filmées en gros plan.
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TheGentlemanBat
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Re: La Zone d'intérêt (Jonathan Glazer - 2023)

Message par TheGentlemanBat »

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Re: La Zone d'intérêt (Jonathan Glazer - 2023)

Message par Alibabass »

C'est vraiment incroyable la précision des placements des caméras et des micros dans les intérieurs.
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