Coxwell a écrit : ↑17 févr. 24, 10:22
Pour éviter le ridicule de croire que le corps de Höss exprime le conflit intérieur de l'horreur perpétrée et exposée [...] serait d'associer ce corps toussotant avec la pollution du camp et de l'air, et d'y voir une interrogation justement sur la santé du protagoniste, exposée à la matérialité du problème.
tenia a écrit : ↑17 févr. 24, 10:42
Non pas, cela étant, qu'on puisse l'y rattacher, Wulfa étant à deux doigts de le faire finalement (il n'y a pas grande distance entre "le corps reste tributaire de toutes les horreurs senties" et "à force de respirer de la fumée de cheminée de crematorium").
Mais ce n'est pas ce que tout à fait ce que j'ai voulu dire, parlant plutôt de "toutes les horreurs vues, entendues, senties, commises". Je ne saurai réduire l'épilogue à un problème de pollution, même si je comprends la manière que tu as de me faire faire ce rapprochement. Je voulais davantage parler d'un trop plein qui dépasse le personnage, et qui ne correspond pas non plus à un conflit moral intérieur. Ce serait un contresens de croire que le personnage ait à ce moment là des remords ; des craintes d'échouer dans sa mission, à la rigueur. Höss serait plutôt rattrapé par son corps qui garde les traces des actes et des abominations. Mon interprétation provient en vérité d'une conviction personnelle sans doute discutable - ridicule peut-être - et que je ne souhaite pas ériger en vérité absolue : le corps peut échapper à l'esprit. Il m'est difficile de penser qu'une personne qui commet continuellement des actes abominables, vit dans un monde empestant la mort et la maladie, ne finit pas lui-même par en garder la trace dans son corps. Mais je peux me tromper, je ne suis aucunement expert dans les domaines concernés, et je n'ai évidemment jamais vécu de près ou de loin de telles situations.
Au demeurant, je pars aussi du principe que cet épilogue propose un décrochage symbolique qui dépasse le cadre naturaliste de l'ensemble, et je me satisfait tout à fait de ce décalage. C'est un choix esthétique que j'apprécie aussi maladroit soit-il. Cela me fait d'ailleurs penser à la fin de
R.M.N. de Christian Mungiu qui propose ce même type de décrochage entre naturalisme et symbolisme, assez déstabilisant à la première vision, car rien ne nous y préparait véritablement.
Alexandre Angel a écrit : ↑17 févr. 24, 10:26
En ce sens, c'est assez proche de ce que fait Jonathan Littell avec Auer, héros de son roman
Les Bienveillantes.
La comparaison s'arrête là, Auer, tout fonctionnaire zélé qu'il soit, parait moins fanatisé, plus indépendant d'esprit et plus observateur que "praticien" de l'horreur. Il n'en est pas moins nazi et c'est son rapport la fois nauséeux et froid à tout ce qu'il observe qui se rappelle à mon souvenir sur cet escalier de
La Zone d'intérêt.
Je n'avais pas pensé à ce roman, qui m'avait impressionné quand je l'avais lu plus jeune, notamment avec sa toute dernière scène. Comme tu l'indiques, Auer est beaucoup moins fanatisé que les Höss, ayant plus de nuances, mais des ponts doivent pouvoir être faits entre ces deux œuvres.