Pour régler ses dettes, Madame de... vend à un bijoutier des boucles d'oreilles que son mari, le Général de..., lui a offertes et feint de les avoir perdues. Le Général, prévenu par le bijoutier, les rachète et les offre à une maîtresse qui les revend aussitôt. Le baron Donati les acquiert puis il s'éprend de Madame de... et en gage de son amour lui offre les fameuses boucles d'oreilles. Le parcours de ce bijou aura des conséquences dramatiques.
AtCloseRange a écrit : ↑25 mars 08, 12:26Bon, que dire.
Un grand film pour sûr. Alors oui, on peut rester relativement extérieur à ce drame bourgeois qui tourne autour de petits riens mais ici, tout question de style, dans cette façon de tourner autour (au propre et au figuré) de ces bijoux qui passent de main en main. Ophüls est un des rares réalisateurs dont je me régale de chaque déplacement de caméra et ça commence dès la première scène où l'on suit les mains de Danielle Darrieux à la recherche d'un objet à revendre.
On commence dans la plus grande superficialité pour aller vers le désespoir (comme le parcours du personnage de Madame de).
Mais le personnage le plus intriguant et complexe, c'est peut-être ce général joué par Charles Boyer.
Joe Wilson a écrit : ↑7 nov. 09, 21:04Une grande redécouverte puisque je ne gardais que des souvenirs brouillés du film.
C'est superbe, mais d'une tristesse immense, limpide dans sa course vers l'abîme. La première moitié semble repousser une prise de conscience, fascine et déroute dans sa frivolité apparente...puis une sourde gravité s'impose et hante chaque scène jusqu'au final. Darrieux, Boyer et De Sica sont magnifiques, ils font vivre leurs personnages avec une finesse et une sensibilité extrêmes. Derrière l'observation d'un contexte, d'un microcosme social, les protections des uns et des autres se brisent, pour dévoiler une mise à nu qui ne peut que signifier renoncement et destruction.
Cathy a écrit : ↑14 nov. 09, 20:35L'histoire pourrait faire penser à la Ronde, tant les boucles d'oreilles passent de mains en mains, naturellement, elles ne font que passer et ne sont pas l'objet d'une histoire à part. Max Ophuls réalise ici un magnifique mélodrame, comment ne pas être sensible au "drame" que va vivre Madame de, superbement interprétée par Danielle Darrieux au sommet de son art. Charles Boyer est impérial en mari jaloux, odieux tandis que Vittorio de Sica prête tout son charme italien au Baron. On admire aussi le travail de Max Ophuls notamment dans cette succession de valses où les deux futurs amants voient leurs sentiments grandir, la légèreté des dialogues, ou encore dans cette superbe vue de Madame de marchant au bord de la mer. Il est intéressant aussi de voir la composition des scènes, avec souvent des personnages qui parlent hors champ, on retrouve ici aussi ce jeu de miroir qui était si frappant dans l'Exilé. La scène d'ouverture où on voit juste les mains de Danielle Darrieux fouiller est un exemple de la maîtrise du réalisateur. Il ne faut pas aussi oublier cette valse magnifique qui sonne si lugubrement à la fin... Le roman de Louise de Vilmorin trouve une illustration absolument superbe dans ce film et dans les dialogues de Marcel Achard spirituels et dépeint aussi une société où l'hypocrisie et les convenances sont plus importantes que les sentiments humains, même si finalement ceux-ci finissent par ressurgir.
Nestor Almendros a écrit : ↑10 janv. 10, 10:32Comme pour Joe Wilson, ce revisionnage fut une totale redécouverte. Là encore, j'observe le travail technique d'Ophuls, sa maitrise du déplacement de caméra, son jeu de déplacement des acteurs dans des décors travaillés en ce sens (beaucoup de petites pièces concomitantes ou de parois vitrées). Mais plus encore que sur LE PLAISIR, c'est l'histoire qui m'emporte. Cathy rappelle ce leitmotiv de LA RONDE auquel j'ai évidemment pensé (malgré mes souvenirs bien diffus), mais ce jeu d'allers-retours avec les boucles d'oreilles, ce qu'elles représentent, leur valeur aux yeux de Madame de, ce drame sentimental d'une infinie tristesse, en effet, avec ce mari guindé dans ses conventions sociales et son apparat, tout cela m'a véritablement passionné. Avec mes nouvelles activités pouponnières (ça se dit?) je n'ai plus l'élan d'écriture qu'un tel film aurait mérité, je le regrette. (Peut-être un revisionnage prochain en blu-ray? ).
ATTENTION SPOILERS!
Par contre une question me taraude : éternel optimiste, je trouve la fin probablement plus ambigüe que la majorité des spectateurs qui, mieux concentrés, auront sans doute compris du premier coup. Mais j'ai du mal à ne voir que dans ce plan final la mort de De Sica et le renoncement forcé de Madame de par son général de mari (qui l'obligerait au moins mentalement à se débarrasser des boucles). On pourrait aussi supposer que ce général, pour ne pas se voiler la face publiquement décide de "monter" ce duel, manquer opportunément De Sica en lui tirant dessus, au risque de se faire tuer (et de mourir avec l'honneur public, autorisant ainsi par amour pour sa femme - mais de façon biaisée, je l'admets - qu'elle finisse tôt ou tard par partir avec son amoureux).
Je sais que je vais loin dans l'imaginaire mais ces boucles d'oreille peuvent aussi être un don en remerciement des prières exaucées par Madame de et que se seront avérées efficaces par la survie de De Sica (donc : fin optimiste ). D'où ma perplexité sur ce qu'ont voulu les scénaristes.
Au passage, merci à Cathy pour le Criterion. Je pensais juste le regarder puis le faire tourner lors d'une prochaine rencontre Classikienne. Je vais finalement le garder... Très bons bonus, d'ailleurs, de cette édition Criterion, avec une interview passionnante d'Alain Jessua (pas encore vu celle du décorateur).
Alligator a écrit : ↑23 mars 10, 14:07Quand on adule, comme moi, "Le plaisir", juger ce film là sans être excessif se révèle un défi difficile à relever. L'éclat du "Plaisir" donne à cette "Madame de" une teinte un peu fade. Et c'est sûrement injuste. Je vais essayer -vœu pieu- de ne pas comparer cette "Madame de" avec "Le plaisir". Ouste, "Le plaisir" ! Oui, justement, ouste le plaisir sur cette Madame de. Sans parler d'ennui -on ne fait que le frôler- le scénario basé sur un roman de Louise Vilmorin... argh, comment ne pas regretter l'espièglerie des personnages de Maupassant ? le scénario disais-je, reste sage, tristement sage.
Encore Ophuls s'accorde-t-il à quelques rares occasions des plans savamment disposés, jouant avec fréquence avec les reflets des miroirs, glaces ou les transparences à travers les vitres ou les voiles, tentures, rideaux etc. On reconnait davantage sa patte quand il s'agit de suivre ses personnages en travelling ou bien jusque dans les escaliers. La caméra est attentive. Le découpage des séquences, aussi bien les cadrages font preuve de maitrise indéniable mais cette malheureuse histoire d'amour me semble peu convaincante. Je ne sais pas trop pourquoi au juste. Le couple Darrieux / De Sica ne fonctionne pas chez moi. Les mœurs par trop maniérées de ce monde ou bien les dialogues trop sages de Marcel Achard n'ont suscité qu'un vague intérêt pendant le visionnage.
Outre l'impeccable réalisation d'Ophuls, j'ai également pris plaisir à retrouver Charles Boyer. Dans sa langue maternelle, c'en est presque une curiosité.
Pfff, plus le temps passe et plus la déception prend une place considérable dans mon jugement. Je n'arrive pas à faire abstraction du "Plaisir". C'est plus fort que moi. Après "La ronde" que j'avais aimé mais sans tapage, cette "Madame de" me laisse en plan. Triste. Ophuls reviendras-tu ?
El Dadal a écrit : ↑12 janv. 16, 13:10Je viens enfin de combler une grosse lacune cinématographique en visionnant Madame de...
Sauf que je ne sais pas qu'en penser. Même après lecture attentive de nombreuses critiques. Ça faisait longtemps que je ne m'étais pas retrouvé dans cet entre-deux inconfortable. J'ai autant de mal à y voir un mètre étalon qu'un film ennuyeux. Sans doute parce que la tonalité change quasi imperceptiblement et qu'on ne sait pas sur quel pied danser. Je crois qu'il me faut le revoir en fait.
Kevin95 a écrit : ↑20 août 17, 19:41Y aurait presque rien à dire tant tout vise le superbe. Mise en scène royale, récit simple mais déchirant, comédiens qui cajolent la caméra et la sensation d'avoir à faire à du grandiose, du vrai, pas du traficoté. Ça a l'air au premier abord figé dans la soie et la peinture qui étouffe sous la poussière et pourtant non, ça vit, ça palpite, ça s'émeut et ça émeut, dans ce ménage à trois entre un Charles Boyer digne, un Vittorio De Sica triste et sa majesté Danielle Darrieux qui n'a besoin d'aucun qualificatif. Max Ophüls retrouve la sensibilité de Letter from an Unknown Woman et donne tout son cœur avant de donner son âme sur Lola Montès (dernier film, dernière pièce imposante de la demeure Ophüls-ienne). La classe, Max !
The Eye Of Doom a écrit : ↑16 févr. 21, 23:15Quel chef d’œuvre !
C’est Charles Boyer qui m’a le plus impressionné. Remarquablement servi par le dialoguiste, il campe le personnage le plus intéressant du film.
La scène où il déclare son amour a Darrieux est magistrale. De même la confidence finale sur le rôle qu’elle lui aura attribué, qu’il a accepté par amour.
Couple fascinant d’une très grande intensité dans sa superficialité.
Un superbe plan-séquence que je n’avais pas remarqué : celui de la fin de bal, qui part de l’orchestre où un des musiciens s’en vas, parcours la salle jusqu’au couple enlacé puis suit le domestique qui éteint les bougies pour finir a son point de depart, sur l’orchestre où on bâche la harpe. Du très grand art !
Oui, je sais, tout le film est comme ça...