Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Supfiction
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Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Supfiction »

Phnom&Penh a écrit :
Strum a écrit :Evidemment que Tarantino est un cinéaste de notre temps.

Je n'ai jamais lu Ellroy. L'âge réelle est une chose, l'âge que l'on se donne une autre, Tarantino a beau avoir bientôt 60 ans, comme beaucoup d'artistes, je ne suis pas sûr que ce soit l'âge qu'il se donne dans sa tête, et il aime manifestement toujours autant provoquer, avec une jubilation non dissimulée. Sinon, je ne vois pas comment on peut parler de Tarantino sans évoquer la violence de ses films ou alors on élude une part importante de son cinéma pour je ne sais quelle raison ("on a bien rigolé, c'est tout" ? Il me semble que Tarantino vaut mieux que ça quand même...). J'ajoute que, contrairement à ce que tu avances, la question de la violence n'est aucunement liée à un "discours pseudo-intellectuel" (je ne sais pas ce que cela veut dire d'ailleurs - ou alors il faudrait que je dise que ta sortie est "pseudo-anti-intellectuelle"). La violence au cinéma est d'abord une question de sensibilité et elle est pour chaque spectateur différente, sans qu'il doive se justifier. Ma tolérance à la violence à l'écran est basse, celle de Tarantino haute (elle le fait même jubiler quand elle punit les méchants), c'est comme ça.

Enfin, le paragraphe que tu as cité sans évoquer le reste laisse penser que je n'ai pas aimé le film alors que j'y ai aussi pris du plaisir comme le laissent voir d'autres paragraphes.
J'ai même réussi à énerver Strum (c'est pas si facile). Fautes d’orthographe, Strum, discutes-en avec Billy Bud, il te dira que le portable, c'est pas top pour faire des messages de plus de trois mots.

Signé, le petit malin qui vous embrasse tous, en bon camarade :wink:

En l’occurence, pour revenir à Il était une fois à Hollywood, ce film n’est que très modérément violent (je dis modérément parce je ne le passerais pas à des enfants ou à mes parents). Et je crois que c’est ce que voulait dire Phnom. En outre, cette violence est justifiée par le scénario et non pas gratuite comme cela a été régulièrement le cas dans les films antérieurs de Tarantino.
Dernière modification par Supfiction le 10 sept. 19, 20:31, modifié 1 fois.
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Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Mosin-Nagant »

Supfiction a écrit :cette violence est justifiée par le scénario et non pas gratuite comme cela a été régulièrement le cas dans les films antérieurs de Tarantino.
Le coup de la cigarette LSD, c'est quand même imparable.
Dernière modification par Mosin-Nagant le 10 sept. 19, 20:31, modifié 1 fois.
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Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Phnom&Penh »

Supfiction a écrit :. Et je crois que c’est ce que voulait dire Phnom
Pas plus, pas moins.
J'ai montré Kill Bill à mes filles alors de 10 et 13 ans, elles ont rigolé comme des folles et les ont revues au moins trois fois...je n'ai pas compté mais c'est moi qui ai dit "je les connais parc cœur, ça suffit". A ma connaissance, cela ne les a pas rendu psychopathes.
Jacky Brown, très récemment...et elles m'ont dit "Ordell, c'est vraiment une ordure?" Ben voui.
Et Strum qui m'explique que Tarantino peut être très violent? Ben voui. Sauf que pas toujours.

C''était en toute amitié forumique :)
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Strum
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Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Strum »

Phnom&Penh a écrit :J'ai montré Kill Bill à mes filles alors de 10 et 13 ans, elles ont rigolé comme des folles et les ont revues au moins trois fois...je n'ai pas compté mais c'est moi qui ai dit "je les connais parc cœur, ça suffit". A ma connaissance, cela ne les a pas rendu psychopathes.
Personne ici n'a accusé Tarantino de faire de ses spectateurs des psychopathes. Ce n'est pas le sujet.
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Thaddeus
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Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Thaddeus »

Si on pouvait se passer de l'argument de fond de tiroir censé justifier et excuser la méthode de Tarantino au prétexte que les spectateurs ne sont pas devenus des psychopathes... Pitié. Ça nous fait une belle jambe. S'il ne reste plus que ça pour défendre un film, alors pauvre film... Personne ici n'a jamais porté de telles accusations. - EDIT : Je vois que Strum a rebondi précisément là-dessus entre temps -
L'analyse doit passer par les choix opérés, les intentions qui les cimentent, le discours qui l'articule. Quel est le sens de tout cela ? Où le réalisateur veut-il en venir ? Comment les personnages évoluent-ils par rapport à leurs actes ?

Puisque tu évoques Kill Bill, Phnom-Penh (tu remarqueras que je ne parles toujours pas de son dernier film :mrgreen: ), quelle conséquences la violence et la vengeance exercent-ils sur le parcours de l'héroïne ? Cette violence qui fait apparemment beaucoup rigoler, ce détail trivial (et très réaliste) du corps de l'infirmier de nuit parcouru de spasmes lorsqu'Uma Thurman lui écrabouille la cervelle entre le mur et la porte, cette agonie lente et douloureuse, saisie avec gourmandise, après que Michael Madsen se soit fait mordre par un serpent, quel regard Tarantino porte-t-il sur eux ? La réponse tient en un mot : jubilation. Cette violence n'est pas déréalisée, bien au contraire, mais, par la structure du récit, par le point de vue que Tarantino choisit et en remet jamais en question, elle est censée faire jouir le spectateur. Perso, cela me donne la nausée. Pas une nausée "saine", légitimée par l'attitude responsable du cinéaste (ça, c'est dans Reservoir Dogs :mrgreen: ), mais une nausée née de l'inconséquence puérile d'un type pour qui ces détails, ces notations soigneusement disséminées, sont là afin de faire monter le plaisir face au spectacle de la mise à mort. Parce qu'on en censée être du côté de l'"héroïne", cette exécrable machine à tuer qui, à la fin, sera purgée par le bain de sang, sera totalement épanouie à travers son parcours de sadisme et de mort. Encore une fois, il ne s'agit pas de contenu mais d'intention, de regard. Les spectateurs de Kill Bill ne sont pas devenus des psychopathes ? À la bonne heure. Cela n'en fait pas moins, à mes yeux, un film totalement puant. Évidemment, on peut balayer tout cela d'un revers de main en disant que ce n'est "que du cinéma", du "fun", que c'est cartoonesque, que c'est délirant. Pourquoi pas. Mais alors qu'on n'affirme pas, dans le même temps, que c'est un film émouvant, que c'est une "belle héroïne", un "beau parcours" ou un "beau portrait de femme". Parce que c'est tout le contraire.
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Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Ouf Je Respire »

Thaddeus, dans mes bras. :D
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Thaddeus
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Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Thaddeus »

Heu... C'est de l'ironie ? :mrgreen:
Tu n'es pas un fan de QT (et de Kill Bill) ? Ou alors je confonds avec quelqu'un d'autre... :?
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Watkinssien
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Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Watkinssien »

Thaddeus a écrit : Puisque tu évoques Kill Bill, Phnom-Penh (tu remarqueras que je ne parles toujours pas de son dernier film :mrgreen: ), quelle conséquences la violence et la vengeance exercent-ils sur le parcours de l'héroïne ? Cette violence qui fait apparemment beaucoup rigoler, ce détail trivial (et très réaliste) du corps de l'infirmier de nuit parcouru de spasmes lorsqu'Uma Thurman lui écrabouille la cervelle entre le mur et la porte, cette agonie lente et douloureuse, saisie avec gourmandise, après que Michael Madsen se soit fait mordre par un serpent, quel regard Tarantino porte-t-il sur eux ? La réponse tient en un mot : jubilation. Cette violence n'est pas déréalisée, bien au contraire, mais, par la structure du récit, par le point de vue que Tarantino choisit et en remet jamais en question, elle est censée faire jouir le spectateur. Perso, cela me donne la nausée.
C'est là où c'est fascinant, c'est d'occulter une autre manière de voir ou de ressentir cette violence. On a l'impression que c'est soit ça ou soit ça la violence chez Tarantino, mais non, il y a d'autres façons de la ressentir (mais je sais que Thaddeus saisit toutes formes de nuances ;)).
Michael Madsen se faisant mordre et tuer par le serpent, par exemple. Quel regard porte-t-il? On peut jubiler! D'accord, je n'ai JAMAIS trouvé cela jubilant. J'ai trouvé cela cruel et en même temps forcément ironique. Le seul des personnages que la protagoniste n'arrive pas à tuer et pourtant c'est l'incarnation littérale de son surnom qui tue cet homme, trahi, solitaire, que l'on a vu se faire humilier, rabaisser. Acceptant de se sentir inférieur à un patron plouc comme chemin de rédemption.
Alors, jubilation? Oui, comme une des composantes émotionnelles que l'on peut ressentir.
Qu'un cinéaste me fasse passer différentes sensations dans ces moments graphiques, au sein d'un même film, parfois (et souvent même) au sein d'une même séquence, je ne le trouverais jamais nauséabond, mais plutôt conscient des degrés qui composent les spectateurs.

Et pour en revenir au film de ce topic, il parvient à une intelligence encore plus sereine pour évoquer cette mixité sensitive qu'il y a dans certaines séquences.
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Alexandre Angel
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Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Alexandre Angel »

Thaddeus a écrit : Parce qu'on en censée être du côté de l'"héroïne", cette exécrable machine à tuer qui, à la fin, sera purgée par le bain de sang, sera totalement épanouie à travers son parcours de sadisme et de mort
C'est clair que Kill Bill est ce que j'ai le moins aimé de Tarantino très précisément parce que Thurman m'y est antipathique (moi qui était amoureux d'elle dans Mad Dog and and Glory, c'est avec Kill Bill que je lâche l'affaire). Cela dit, comme je l'ai souvent dit, j'incrimine surtout le Vol.1 et sa montagne de cadavres démembrés.
Le Vol.2 rend la fin de ta phrase quotée un peu injuste car ce n'est pas par le sadisme et la mort qu'elle s'épanouie mais par l'instinct maternel. Elle s'humanise.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Thaddeus
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Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Thaddeus »

Watkinssien a écrit :C'est là où c'est fascinant, c'est d'occulter une autre manière de voir ou de ressentir cette violence. On a l'impression que c'est soit ça ou soit ça la violence chez Tarantino, mais non, il y a d'autres façons de la ressentir
La mort de Madsen est l'une des rares, de tout le diptyque, sur lequel plane en effet un ambigüité. Et l'attachement qu'on peut ressentir à son égard rend plus fragile le caractère jubilant que l'on peut trouver à son meurtre.
Pour le reste, c'est festival. C'est la Mariée qui saucissonne tranquillement Julie Dreyfus ("et si tu ne me dis pas ce que je veux, je te coupe un autre bout"). C'est la Mariée qui arrache l'oeil restant de son ennemie et s'en va en sifflotant (applaudissements dans la salle). C'est aussi la Mariée qui assassine une mère rangée sous les yeux de sa fille, laisse passer trois secondes de simili-regret, avant de l'inviter à poursuivre à perpétuer si elle le souhaite la spirale de la vengeance et de laisser la fillette devant le cadavre encore chaud ("Excuse-moi, petite, j'ai mieux à faire : j'ai d'autres noms sur la liste"). C'est la Mariée qui, en ouverture du Volume 2, dit texto face caméra qu'elle a tué beaucoup de monde et pris un plaisir infini à cela. Et qu'elle va continuer jusqu'au bout. Aucun regret, aucun remords, un parcours triomphal qui aboutit à son glorieux épanouissement, avec la bénédiction de l'auteur : à la fin, elle récupère sa fille après avoir tué son père. Alleluia.

Parce que c'est quand même ça, Kill Bill, faut le rappeler.

Alors le côté "magnifique personnage", "parcours transcendant" et autres "leçons de courage et de vie", permettez-moi de les conchier gentiment. :mrgreen:
Alexandre Angel a écrit :Elle s'humanise.
cf ce que je viens d'écrire. Elle s'humanise en consommant sa vengeance. C'est le vieux schéma de l'épreuve, de la transcendance par la souffrance. Sauf qu'ici, elle gagne son humanité en se hissant sur un monticule de cadavres. C'est par là, et uniquement par là, qu'elle trouve sa rédemption. Quelque part, c'est en cela que le film est le plus irresponsable : il aurait été bien plus acceptable à mes yeux si elle n'était restée qu'une machine, sans émotion et sans sentiment. En la rendant à l'humanité après ce qu'elle fait, sans jamais remettre ses actes en cause, Tarantino formule ni plus ni moins que le noeud crucial du problème, sur lequel je reviens encore et toujours : la légitimation de la vengeance.
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Watkinssien
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Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Watkinssien »

Thaddeus a écrit : En la rendant à l'humanité après ce qu'elle fait, sans jamais remettre ses actes en cause, Tarantino formule ni plus ni moins que le noeud crucial du problème, sur lequel je reviens encore et toujours : la légitimation de la vengeance.
C'est une façon de voir les choses! :wink:
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Alexandre Angel
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Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Alexandre Angel »

Watkinssien a écrit :C'est là où c'est fascinant, c'est d'occulter une autre manière de voir ou de ressentir cette violence. On a l'impression que c'est soit ça ou soit ça la violence chez Tarantino, mais non, il y a d'autres façons de la ressentir (mais je sais que Thaddeus saisit toutes formes de nuances ). Michael Madsen se faisant mordre et tuer par le serpent, par exemple. Quel regard porte-t-il? On peut jubiler! D'accord, je n'ai JAMAIS trouvé cela jubilant. J'ai trouvé cela cruel et en même temps forcément ironique. Le seul des personnages que la protagoniste n'arrive pas à tuer et pourtant c'est l'incarnation littérale de son surnom qui tue cet homme, trahi, solitaire, que l'on a vu se faire humilier, rabaisser. Acceptant de se sentir inférieur à un patron plouc comme chemin de rédemption.Alors, jubilation? Oui, comme une des composantes émotionnelles que l'on peut ressentir. Qu'un cinéaste me fasse passer différentes sensations dans ces moments graphiques, au sein d'un même film, parfois (et souvent même) au sein d'une même séquence, je ne le trouverais jamais nauséabond, mais plutôt conscient des degrés qui composent les spectateurs.Et pour en revenir au film de ce topic, il parvient à une intelligence encore plus sereine pour évoquer cette mixité sensitive qu'il y a dans certaines séquences.
Je suis d'accord avec ça.
Parce qu'il y a violence, cette dernière serait soit dégueu soit jubilatoire. Alors certes, elle est le plus souvent sardonique.
Mais c'est que la représentation, ou plutôt , l'occurrence de la violence chez Tarantino, n'est jamais unidimensionnelle : elle n'est pas sans nuances, véhicule ses contradictions et nous déstabilise de son ambivalence.
Oui, j'ai joui lorsque Aldo Raine grave une croix gammée sur le front de Hans Landa. Pourquoi? On est d'accord que ce n'est pas par sadisme et que je ne suis pas plus psychopathe que tous ceux qui ne le sont pas spécialement. Alors quoi?
Pour le plaisir enfantin de voir punir le méchant? Même pas. Comme Michael Madsen dans Kill Bill mais d'une façon différente, Hans Landa est attachant. Oui, j'ai bien dit attachant, parce qu'il est pulpy, qu'il dit "bingo!!", qu'il est parfois boudeur ("Décidément, vous et moi ne sommes pas soumis au même registre de respect mutuel"), qu'il a Bac+18 en italien et surtout, parce qu'il a la tête impayable de Christoph Waltz.
Bien sûr, il est un immonde enculé : l'incarnation du bourreau consciencieux et zélé, comme il devait tant y en avoir...
Mais quand Brad Pitt et son "bâtard" lui font son affaire, une étrange conjonction de ressentis peuvent être repérés.
Le plaisir, en ce qui me concerne, trouve sa pitance à plusieurs endroits. D'abord dans la bouclure impeccable d'un scénario qui se donne à voir (à lire) comme tel : on apprécie la tournure comme d'autres applaudissaient à Rostand. Ensuite, je suis, à ce moment-là, reconnaissant envers Tarantino pour sa lucidité, son absence totale de niaiserie, de bons sentiments, de concession : à une barbarie en répond une autre. Pitt et ses bâtards ne sont jamais sympathiques ni attachants. Au pire, ils sont (comme vient de le dire Tavernier sur son blog) inintéressants et Tavernier trouve le film sensiblement plus complexe et riche quand ils ne sont pas à l'image. En tous cas, lorsque le front de Landa est taillé au couteau et en gros plan, ses cris sont terribles (et bien faits!) et nous voyons ses mains arracher des touffes d'herbe. Il n'y a rien de fun : c'est de la série noire, et le plaisir (adulte) qui va avec. Et le fait d'enchainer direct avec la tarentelle géniale d'Ennio Morricone (celle d' Allonsanfan, des frères Taviani), nous emporte dans un souffle que peu de films contemporains ont su générer.

Cette illustration rejoint un peu ce que tu dis, il me semble
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Supfiction »

Il n’y a pas de nausée « saine » dans Reservoir Dogs sauf à arrêter le film à stuck in the middle with you.
Rien de comparable avec Il était une fois à Hollywood qui est pour moi le film le moins violent de Tarantino.
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Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Billy Budd »

Thaddeus a écrit :Heu... C'est de l'ironie ? :mrgreen:
Tu n'es pas un fan de QT (et de Kill Bill) ? Ou alors je confonds avec quelqu'un d'autre... :?
C’est juste un gros pédé.
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Phnom&Penh
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Re: Il était une fois à Hollywood (Quentin Tarantino - 2019)

Message par Phnom&Penh »

Thaddeus a écrit :Si on pouvait se passer de l'argument de fond de tiroir censé justifier et excuser la méthode de Tarantino au prétexte que les spectateurs ne sont pas devenus des psychopathes... Pitié. Ça nous fait une belle jambe. S'il ne reste plus que ça pour défendre un film, alors pauvre film... Personne ici n'a jamais porté de telles accusations. - EDIT : Je vois que Strum a rebondi précisément là-dessus entre temps -
L'analyse doit passer par les choix opérés, les intentions qui les cimentent, le discours qui l'articule. Quel est le sens de tout cela ? Où le réalisateur veut-il en venir ? Comment les personnages évoluent-ils par rapport à leurs actes ?

Puisque tu évoques Kill Bill, Phnom-Penh (tu remarqueras que je ne parles toujours pas de son dernier film :mrgreen: ), quelle conséquences la violence et la vengeance exercent-ils sur le parcours de l'héroïne ? Cette violence qui fait apparemment beaucoup rigoler, ce détail trivial (et très réaliste) du corps de l'infirmier de nuit parcouru de spasmes lorsqu'Uma Thurman lui écrabouille la cervelle entre le mur et la porte, cette agonie lente et douloureuse, saisie avec gourmandise, après que Michael Madsen se soit fait mordre par un serpent, quel regard Tarantino porte-t-il sur eux ? La réponse tient en un mot : jubilation. Cette violence n'est pas déréalisée, bien au contraire, mais, par la structure du récit, par le point de vue que Tarantino choisit et en remet jamais en question, elle est censée faire jouir le spectateur. Perso, cela me donne la nausée. Pas une nausée "saine", légitimée par l'attitude responsable du cinéaste (ça, c'est dans Reservoir Dogs :mrgreen: ), mais une nausée née de l'inconséquence puérile d'un type pour qui ces détails, ces notations soigneusement disséminées, sont là afin de faire monter le plaisir face au spectacle de la mise à mort. Parce qu'on en censée être du côté de l'"héroïne", cette exécrable machine à tuer qui, à la fin, sera purgée par le bain de sang, sera totalement épanouie à travers son parcours de sadisme et de mort. Encore une fois, il ne s'agit pas de contenu mais d'intention, de regard. Les spectateurs de Kill Bill ne sont pas devenus des psychopathes ? À la bonne heure. Cela n'en fait pas moins, à mes yeux, un film totalement puant. Évidemment, on peut balayer tout cela d'un revers de main en disant que ce n'est "que du cinéma", du "fun", que c'est cartoonesque, que c'est délirant. Pourquoi pas. Mais alors qu'on n'affirme pas, dans le même temps, que c'est un film émouvant, que c'est une "belle héroïne", un "beau parcours" ou un "beau portrait de femme". Parce que c'est tout le contraire.
Je n'ai jamais écrit que certains pensaient que des films comme Kill Bill rendaient psychopathes. J'ai écrit - et c'est juste mon avis - que certains tarés (désolé de faire court et vulgaire, mais je ne me prends pas pour un psychiatre) aimaient les films réellement violents. Et que la violence fun n'en était justement pas. C'est de la violence qui fait plaisir, est irréaliste, et s'oublie une fois le film vu. A mon avis, elle ne peut pas fasciner un malade parce que par essence, elle n'est pas réaliste. Par contre la vraie violence, je ne condamne pas mais je me pose quelquefois des questions. Ma réflexion s'arrête là sur la violence au cinema, vaste sujet.

Pour Kill Bill, je comprends ta vision, même si la mienne est différente. Moi, le film me fait rire de bout en bout. Même quand The Bride se fait tuer et se retrouve à l'hosto. Même ça.
Par contre, quand elle se fait mettre en caisse et enterrer sous 3m de terre, là j'ai vraiment flippé pour elle, et quand elle en sort, elle a tous les droits :mrgreen: On peut balayer d'un revers de main, comme tu dis, mais sa vengeance, après ce traitement, elle y a droit 8)
Et ça reste du cinema, ça rend pas méchant, pas vengeur.
Dernière modification par Phnom&Penh le 11 sept. 19, 08:01, modifié 1 fois.
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