Kenji Misumi (1921-1975)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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The Eye Of Doom
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Re: Kenji Misumi (1921-1975)

Message par The Eye Of Doom »

tenia a écrit : 7 févr. 24, 13:17
bocina a écrit : 7 févr. 24, 09:06Des sorties en coffret pour 2024 ?
Si ça bouge sur les Zatoichi et les Baby Cart, ça ferait déjà 10 films de cette liste, mais pour l'instant, aucun mouvement dans le RCA du CNC (qui a changé de mise en page, tiens).

4 films ont été couverts par The Jokers, le Majin est dans le coffret du Chat qui fume.

Sinon, seuls Shaka (1961) et Le Combat de Kyoshiro Nemuri sont sortis (récemment, donc peut-être avec une restauration) en Blu-ray (uniquement au Japon).
The Eye Of Doom a écrit : 7 févr. 24, 09:20
Très peu de chance à mon avis.
Le cinéma classique japonais des années 50 et 60 ne semble intéresser personne. Depuis qu’Arrow a arrêté de sortir des Masumura ou Uchida, c’est pas loin de la misère.
Je n'ai pas l'impression que c'était forcément la fête du slip avant cela. Les Masamura chez Arrow par ex, c'est un bloc de 6 films en 2 ans (dont 2 balancés en double programme), sûrement un deal spécifique avec l'ayant droits. Les Uchida, y en a eu 3 au total, dont deux tenant du marronnier concernant la filmo du réal’. Ca me semblait donc être un certain roulement de fond, avec parfois ses pics quand du Kurosawa ou du Ozu ressort (par ex), mais sinon, cela restait, il me semble, pas particulièrement intensif, et je n’ai donc pas l’impression que ça a beaucoup changé. Si je prends en France par ex, on a eu les 4 Misumi, les 3 Kawashima, un Uchida, Rashomon, les 6 Kinuyo Tanaka, Contes cruels du Bushido, L’effrayant Dr Hijikata et les 2 Hommes au pousse-pousse en 2 ans (plus, tout récemment, Fleur pâle).
Je n'ai pas l'impression que ce soit si pire qu'il y a quelques années.
Tu as raison bien sur.
Le cinéma japonais classique reste un continent assez peu exploré. Je me rabats ces derniers temps sur les coffrets Criterion Eclipse…

Grand amateur de scope n&b, j’avoue etre souvent bluffé quand par la beauté des images et le travail des studios.
Misumi est un bon exemple je trouve car pour les films que j’ai pu voir c’est un sacré metteur en scene. Avec 4 films par an, tout ne doit pas être exceptionnel mais je prendrais bien un petit coffret avec 5-6 meconnus.
Quand aux Masumura, a quand les autres films avec Ayako.?
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tenia
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Re: Kenji Misumi (1921-1975)

Message par tenia »

Après, ce n’est que mon impression, mais quand je regarde dans le rétroviseur, j’ai l’impression d’un rythme certes restreint mais plutôt stable. Quelques pics parfois (genre les Teruo Ishii chez Arrow).
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Re: Kenji Misumi (1921-1975)

Message par The Eye Of Doom »

tenia a écrit : 7 févr. 24, 14:33 Après, ce n’est que mon impression, mais quand je regarde dans le rétroviseur, j’ai l’impression d’un rythme certes restreint mais plutôt stable. Quelques pics parfois (genre les Teruo Ishii chez Arrow).
Radiance semble prendre un peu le relais ces derniers temps.
Le pb est que 2,3 sorties d’un auteur peu/pas connu donne juste envie d’en voir plus. Cf les Badland dernièrement.
Bon pour en revenir à Misumi, je vais precaler quelques projections dans mon agenda. Et puis les retours de HAL 9000 ci dessus m’ont donné envie de revoir les films ressortis récemment.
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Re: Kenji Misumi (1921-1975)

Message par The Eye Of Doom »

Revu hier soir Zatoichi dans le coffret bluray recent.
Assez d’accord avec le test page 2. La copie a une définition tres belle mais qui semble un peu degrainee et avoir une image au contrastes un peu forcé. .
Pour moi, non spécialiste, c’est tout de même une tres belle copie.
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Re: Kenji Misumi (1921-1975)

Message par The Eye Of Doom »

Je suis en train de rentrer les dates des seances à la cinematheque… en privilégiant les mélodrames et Ayako
Les conseils avisés sont tres bien venus !!!!
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Beule
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Re: Kenji Misumi (1921-1975)

Message par Beule »

The Eye Of Doom a écrit : 9 mars 24, 20:30 Je suis en train de rentrer les dates des seances à la cinematheque… en privilégiant les mélodrames et Ayako
Les conseils avisés sont tres bien venus !!!!
Un peu comme toi, j'aimerais bien pouvoir être aiguillé par quelques recommandations de fins connaisseurs du cinéma nippon et du cinéaste en particulier. Je ne pourrai me rendre à Paris que pour une petite semaine tout au plus, et je vais donc cibler une période qui me permette sur ce court laps de temps de concentrer un maximum de découvertes, à commencer par ses drames qui me sont jusqu'ici presque totalement inconnus, mais sans pour autant privilégier les Wakao (au demeurant La Famille matrilinéaire c'est mort pour moi au vu de son positionnement isolé dans le calendrier), que je n'apprécie pas forcément plus que bon nombre de ses consœurs.

Ceux-là m'attirent d'autant plus que parmi ses films de sabre, il en est un, qui fait l’ouverture et que Raugier qualifie fort justement d'atypique, qui n'en finit plus de m'émouvoir à chaque vision : Voyage meurtrier, ce Zatôichi qui dessine une inédite et merveilleuse carte du tendre sans rien concéder à un art sans pareil pour capter, dans la majesté enchanteresse du cadre naturel en scope, le bruissement secret d’inexpugnables forces telluriques.

Dans la catégorie des « drames » au féminin écrits par Yoda, le seul que j'ai vu, en fin d'année dernière, c'est La Rivière des larmes. Contrairement à bruce randylan, il m'avait conquis, au point de disputer jusqu’au bout dans un duel à couteaux tirés le titre de film du mois à A House in the Quarter de Tomotaka Tasaka.

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J’écris drame entre guillemets car celui-ci reste plutôt larvé. Le film, dont l’action prend place en amont du bakumatsu (le mouton noir de la famille, le fils proscrit,prend d’ailleurs prétexte de son activité anti-shogunale pour faire chanter les siens et mieux les extorquer), regorge ainsi de moments assez désopilants. En particulier via le personnage de la sœur cadette mal dans sa peau qu’interprète Shiho Fujimura, comédienne inégale – je trouve sa prestation larmoyante dans Les Chroniques du Shinsengumi assez insupportable – mais ici très à son aise dans un registre qui fait la part belle à la naïveté désarmante et les maladresses répétées mais brillamment conjuguées avec une opiniâtreté insoupçonnée. Il faut la voir, en début de film, faire irruption au rez-de-chaussée, non apprêtée, se figer quand elle remarque la présence de l’élu secret de son cœur, faire volte-face pour mieux se ramasser hors champ dans l’escalier, ce que Misumi ne dévoile que par le son de la chute et un vif mouvement d’appareil ascendant puis descendant le long du fushuma derrière lequel grimpe l’escalier en question. Le script de Yoshikata Koda imbrique malicieusement toute une série de mensonges « pour la bonne cause » que Misumi parvient à dénouer par la mestria discrète de sa mise en scène, quand bien même souvent confinée (en dehors de quelques radieux intermèdes extérieurs) et en apparence statique. C’est par un découpage millimétré, alternant avec flair plans d’ensemble régulièrement altérés par l’architecture mouvante des cadres dans le cadre offerts par les parois coulissantes et gros plans jamais sursignifiants, que Misumi module et dynamise sa mise en scène. Elle sait traquer les plus indéchiffrables inclinaisons du cœur et leur permettre de s’extirper, presque incognito, de l’entrelacs de mensonges a priori inextricable pour mieux s’épanouir et nous émouvoir. C’est exquis. Et du coup des films de cette teneur j'en redemande.
Dernière modification par Beule le 10 mars 24, 19:41, modifié 1 fois.
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Re: Kenji Misumi (1921-1975)

Message par The Eye Of Doom »

Sur « voyage meurtier », c’est effectivement un tres beau film.
Je note donc « Rivière des larmes » dans mes tablettes.
Chez Misumi, j’ai toujours été comme toi sensible à sa façons de capter l’environnement, la nature,… et les forces sousjacentes.
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Beule
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Re: Kenji Misumi (1921-1975)

Message par Beule »

The Eye Of Doom a écrit : 10 mars 24, 19:32 Chez Misumi, j’ai toujours été comme toi sensible à sa façons de capter l’environnement, la nature,… et les forces sousjacentes.
Oui. C'est sans doute la principale raison pour laquelle je reste très attaché à la série des Baby Cart, malgré l'implémentation de figures stylistiques propres au cinéma d'exploitation dans l'air du temps qui m'éloignent naturellement du Misumi que je préfère. Pour ces moments de suspension si précieux où Daigoro, observateur attentif de l'ordre naturel, fait l'expérience des forces indicibles qu'il recèle et s'en imprègne : porteuses de sourds maléfices nocturnes autour du cabanon sylvestre où repose son père blessé dans L'enfant massacre ; pluie d'orage autour d'un temple semblant conjurer mille charmes entêtants (Dans la terre de l'ombre) ; étincelant miroitement d'un filet d'eau où s'égaient des alevins que pourtant guette un prédateur d'apparence inoffensive, une simple grenouille, dans Le Territoire des démons. Ce sont ces moments-là qui, plus que tout autre, me reviennent en mémoire quand je repense à cette saga.

Cela dit, il sait aussi se muer en paysagiste simplement mais suprêmement lyrique. La douce chevauchée de Kinnosuke Nakamura et Komaki Kurihara culminant auprès d'une cascade apaisante dans La saga de Magoichi, ou la bouleversante séquence sur les rives sablonneuses du fleuve quand l'orphelin trace le portrait de sa mère du bout de la canne-épée d'Ichi dans Route sanglante, sont à ce titre autant de moments qui m'évoquent le meilleur de ce qu'a pu produire Delmer Daves dans ce registre.
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Fox
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Re: Kenji Misumi (1921-1975)

Message par Fox »

Bonjour tout le monde,

J'ai regardé la programmation de la rétrospective de la cinémathèque. Est-ce que quelqu'un a déjà vu "l'enfant renard" ?
Je suis tentée d'y emmener mes enfants (16 ans et 11 ans), pensez-vous que ce soit adapté à leurs âges ? J'ai déjà commencé à leur montrer quelques classiques japonais, notamment du Kurosawa ("Yojimbo", "Sanjuro", "la forteresse cachée") mais avec Misumi je ne suis pas certaine que ce soit toujours adapté à un jeune public.

Merci par avance.
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Re: Kenji Misumi (1921-1975)

Message par The Eye Of Doom »

A 19h ce jour, conférence de Clément Rauger à la tech.
J’en serais.
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Re: Kenji Misumi (1921-1975)

Message par The Eye Of Doom »

Sur la route à jamais

Deux jeunes hommes errants se rencontrent par hazard mais leur destin est lié par des événements survenus 5 ans avant. Ils atterrissent dans un village où sévit un gang d’esclavagistes.

Un peu déçu par ce premier film a la tech.
Apres une ouverture bien engageante, le scénario patine pas mal, se répète, jusqu’au final. On devine assez aisément les quelques rebondissements. Les personnages sont sympa mais manquent de profondeurs.
Le film est centré sur le thème du rapport au père, vivant, mort, absent, … et le propos assez sombre. Mais ca ne suffit pas à maintenir l’intérêt du spectateur, alors on meuble avec des scènes de baston assez répétitives.
Voila pour le fond de ce produit de consommation.

Sur la forme, c’est autre chose.
Photo et cadrages sont constamment superbes.
On rêve de pouvoir repartir avec une collection de copies d’écran tellement le film abonde de plans superbes. C’est un festival.
Ceux dans la foret ou montrant de la végétation sont particulièrement beaux (le vert est superbe). Mais tout les plans proches, éloignés, en intérieur ou extérieur sont souvent saisissants, sans que Misumi insiste ou fasse de l’esthétisme déplacé.
Il y a de nombreuses scènes bien saisies, par exemple les confrontations pere/fils sur la dernière partie.
La belle copie proposée a permis de pleinement apprécier.

On vas voir pour la suite mais je redoute que ce film donne un peu le ton : magnificence stylistique au profil de films
d’intérêt secondaire.

Quant à la conférence de Clement Rauger qui a précédé, elle a mis en évidence quelques éléments intéressants: la vocation première de Misumi pour les arts graphiques (pas surprenant quand on voit son art de la composition), l’expérience traumatisante de la guerre (Misumi a passé 3 ans dans un goulag soviétique), l’absence du père (cf le film du jour), le pessimisme frontal de Misumi face à l’humanité,…
Sinon l’homme fut assez secret, ne se livrant pas, et n’a laissé aucun écrit ou interview.
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cinephage
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Re: Kenji Misumi (1921-1975)

Message par cinephage »

Je partage tout à fait ton sentiment, visuellement le film est superbe, alors que sur le fond on est tout de même assez peu touché par le récit, qui enfonce pas mal de portes ouvertes.
Je pense qu'il faut garder en tête, surtout pour cette période, un cinéaste qui enchaine les tournages (4 films réalisés en 1964), et qui sont donc pris assez tels quels, sans que soit pris de temps pour des réécritures. En cela, le film donnera le ton d'une partie de son oeuvre. Reste à voir si quelques pépites ne se cachent pas malgré tout dans ce corpus conséquent (après tout, il a aussi réalisé le sabre, plus intéressant par son récit, la même année).
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: Kenji Misumi (1921-1975)

Message par The Eye Of Doom »

cinephage a écrit : 25 avr. 24, 09:57 Je partage tout à fait ton sentiment, visuellement le film est superbe, alors que sur le fond on est tout de même assez peu touché par le récit, qui enfonce pas mal de portes ouvertes.
Je pense qu'il faut garder en tête, surtout pour cette période, un cinéaste qui enchaine les tournages (4 films réalisés en 1964), et qui sont donc pris assez tels quels, sans que soit pris de temps pour des réécritures. En cela, le film donnera le ton d'une partie de son oeuvre. Reste à voir si quelques pépites ne se cachent pas malgré tout dans ce corpus conséquent (après tout, il a aussi réalisé le sabre, plus intéressant par son récit, la même année).
Pas possible pour moi d’aller tout voir. Donc ce sera au pif. En visant les mélodrames en priorité.
Mais l’extrait montré en conf hier (et les quelques photos) donnent aussi furieusement envie.
Je suis pas sur des titres….
Il y avait une photos de la fin du Sabreur et les pirates (???), un extrait complètement bluffant de Le sabre qui sauva Edo (???) Avec un groupe de personnages dans la brume, et une serie de photos d’un duel sur un toi (le meme film ?)

Sinon, j’arrive pas à concilier le rythme de la production et la facture visuelle du film vu hier. En 1964 le film est coincé entre Le sabre et Le voyage meurtrier, deux grands Misumi.
Ce type avait la sens du plan et de la mise en scene dans le sang, par instinct,… pour produire en qcq mois des films aussi maitrisés et inventifs visuellement…
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Shin Cyberlapinou
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Re: Kenji Misumi (1921-1975)

Message par Shin Cyberlapinou »

Je me suis souvent demandé comme les maîtres japonais de cette époque enchaînaient autant de films avec autant de maîtrise, a priori la réponse est: parce qu'ils étaient très mal payés et bossaient comme des dingues, pour généralement mourir à 60 ans. Un schéma qu'on retrouverait aujourd'hui chez les mangakas, même/surtout quand ils ont du succès.
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Re: Kenji Misumi (1921-1975)

Message par Kikunosuke »

Pour ma part, je découvre Misumi de zéro, même si j'avais déjà entendu parler de ses 2 séries cultes.
J'ai été très surpris par le ton général de ce que j'ai vu jusqu'à présent (ça exclue les babycarts je précise). La violence y est finalement presque peu présente, jamais gratuite, bien que souvent l'occasion d'un formalisme aussi intense et brutal qu’il est contenu en durée.
C'est surtout l'intensité dramatique que semble chercher Misumi. Et même s'il n'est pas toujours bien servi par des intrigues parfois assez confuses, lorsque les éléments s’alignent, ça donne de sacrés films, parce qu’il a une touche pour fabriquer des images qui font forte impression, en exprimant la place des personnages dans le monde qui les entoure en peu de mots et en beaucoup de couleurs et de mouvements.

Et malgré le nombre de tournage hyper conséquent, que le scénario soit plus ou moins bon, il se dégage malgré tout de tous les films que j’ai pu voir quelques thématiques fortes, qui sont développées ensuite visuellement par la mise en scène.
Les personnages aux marges de la société bien sûre comme Zatoichi ; mais aussi des personnages développant des compétences en autodidacte, souvent à l’encontre de leur héritage familial, et trompant donc le conservatisme japonais ; et surtout, bien qu’entourés par un monde hostile et violent, nihiliste et qui ne respecte aucune règle, ils gardent une éthique qui fait presque de la marginalité l’espace d’une éthique de l’individu contre la société.

D’une manière générale, j’ai l’impression que plus l’intrigue est simple et abstraite, meilleur est le film.
Mes deux préférés pour l’instant sont le Voyage Meurtrier de la série Zatoichi, et Tuer de la trilogie du sabre, deux films qui développent autour d’un récit linéaire et simple une trame visuelle cohérente, sans s’éparpiller dans des sous intrigues qui diluent l’intérêt de pas mal d’autres films.

Le Voyage Meurtrier tisse une intrigue de Yakuza abstraite et désincarnée avec un mélodrame très émouvant sur une paternité empêchée, et l’impossibilité d’une famille entre le vagabond et la voleuse, la marginalité étant une malédiction à laquelle on n’échappe pas.
Aucun combat n’est particulièrement marquant (bon il y en a un qui est quand même très drôle), ce qui marque les esprits, ce sont une comptine chantonnée par une femme sur un petit pont de bois, un moment privilégié entre un pseudo père et son pseudo fils avant leurs adieux, ou le poids écrasant du ciel sur Ichi qui marquent les esprits.
Il porte très bien son titre, car on voyage véritablement à travers le Japon, on ressent très fortement la liberté que peut représenter le déplacement, autant que le poids du destin de celui qui est condamné à errer.

Quand à Tuer, c’est une aventure intérieur, le parcours mental et surprenant d’un sabreur fidèle à sa voie, au milieu d’un monde qui a trahi la sienne. Le film est assimilable au coup de sabre parfait, il frappe droit et juste, jusqu’à son final curieux qui projette une lumière crue sur tout ce qui précède. Pas de grande rébellion qui donnerait lieu aux scènes jouissives d’un Zatoichi, plutôt un oubli de soi total pour obéir à sa voie.

Aucun autre film vu dans ce cycle n’atteint pour moi un tel niveau proche du chef d’œuvre.

J’ai beaucoup apprécié Zatoichi le masseur aveugle.
Mais le drame d'une amitié virile marquée par le signe de la maladie et de la mort et le mélodrame de la femme délaissée, traitées dans plusieurs magnifiques scènes (dont la contemplative scène de pêche et une ballade nocturne), sont pour moi un peu noyés dans une intrigue peu intéressante et pour tout dire de mon point de vue filmée de manière assez confuse.
Zatoichi y est un personnage plus moderne que dans tous les autres que j'ai vu depuis, presque semblable aux personnages du néo-réalisme, tant il se contente d'errer et de voir (!!) ce qu’il est le seul a voir malgré son infirmité, mais sans influer d'aucune sorte sur les évènements qui se déroulent autour de lui.

La route Sanglante m'a laissé une bonne impression également (d'autant plus après la conférence, durant laquelle j'ai appris que Misumi collectionnait les estampes érotiques, comme le personnage de l'artiste emprisonné). Sur une trame assez similaire au voyage meurtrier, l'intrigue est plus touffue, mais sans devenir confuse, se révélant même plutôt intéressante, avec ces artistes enfermés, utilisés comme des marchandises par les parrains.
Le combat final est très impressionnant, à la hauteur du combat entre Hirate et Zatoichi dans le premier film. La relation avec l'enfant est moins centrale que dans Voyage Meurtrier, mais elle donne lieu à des scènes magnifiques, notamment la scene de la rivière, déjà évoquée ici.

Les tambours de la colère est riche de plusieurs combats spectaculaires déjà d'avantage expérimentaux, mais le drame est plus linéaire, la relation moins touchante. Un bon film, malgré tout, toujours marqué par la mise en scène de Misumi, mais qui ne restera pas dans mes annales.

Le shogun de l'ombre est pour moi le sommet de la saga d'un point de vue purement divertissant, avec ses multiples recherches formelles, ses 2 méchants charismatiques : un jumeau maléfique d'Ichi et un sabreur psychotique et jaloux. Le thème de l'obscurité y est vraiment exploré en profondeur, avec la première apparition du méchant, de multiples personnages surgis des ombres, le combat final où Ichi surprend ses adversaires en se fondant dans la silhouette d'une statue.
Le combat dans les bains, que j'imaginais lent et sanglant est en fait un grand moment burlesque où le sabre tranche le bois comme les corps nus.

Contrairement à vous, j'ai été plutôt conquis par Sur la route à jamais.
Certes, il y a un vrai creux entre le début rythmé et le twist, le caractère monolithique des personnages est très appuyé pendant toute cette première partie, mais c'est évidemment pour mieux tromper avant ce fameux twist.
Le souci majeur du film, c’est que pour le coup, le scénario, tout dans la construction d’une ligne faussement droite qui viendrait se briser sur le renversement de situation, en vient à négliger la relation entre le fils de l’assassin et le fils de la victime, ce dernier peinant même à exister.
Quand même, le film propose une vraie profondeur dans la manière dont ces 2 individus se sont construits autour de la perte du père. L’un fils d’un héros devenant une tête brûlé très énervante, l’autre, craignant que son père ne soit un lâche, projette cette crainte dans sa propre pratique du combat.
Et la manière qu’a Misumi d’enfermer les personnages dans des surcadrages sophistiqués est d’une grande maitrise.
Un bon film bien qu’imparfait.

Enfin, La lame diabolique explore des thématiques similaires à Tuer, et se révèle très touchant là encore dans sa façon de représenter cet homme dont la voie centrée sur la beauté et la création de la vie, est bouleversée par la découverte d’un sabreur qui lui sème le vide et la mort autour de lui, et d’une lame maudite qui fait à peu près la même chose.
C’est l’un des plus beaux formellement, mais j’ai eu un petit souci. J’attendais après la première rencontre entre Hanpei et son futur maître une dichotomie plus grande entre la mort et la vie, la création de la vie et la semence de la mort.
Or, Hanpei semble continuer d’avoir ces deux impulsions en même temps, ce qui le rend presque passif par rapport à ce qui lui arrive, et le prive d’une certaine éthique que j’ai apprécié chez Zatoichi ou Shingo.

Quoi qu’il en soit, j’ai vu pas mal de chanbara, qui constituaient l’essentiel de la première partie, j’ai profité du temps que j’avais, et je souhaite plutôt maintenant découvrir les mélodrames de Misumi, et voir comment ces obsessions visuelles et narratives s’expriment dans un autre genre.
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