Quand je mentionne le terme « art parfait », ce n'est pas un souhait caché, c'est une constatation soulagée. Le contraire, effectivement, reviendrait à quelque chose de lisse et tiède. Ce serait insupportable.Coxwell a écrit :Une petite phrase qui en dit long sur la manière de considérer l'art. Cela me rappelle un tant soi peu les prémisses des plus "belles" dystopies. L'art, policé, puis instrument du "totalitarisme égalitariste" comme le soulignait le Commissaire au-dessus. Il n'y a rien à attendre de l'art si ce n'est d'offrir une vision intrinsèquement déformée de l'existence, et d'une réalité alternative du monde.
Au-delà de la projection mentale, il y a le symbolisme, le signifiant. Encore fois, brandir le panneau du fantasme, de la fiction, de la vision déformée et déformante, c'est refuser de voir que les oeuvres, dans leur fiction, leurs fantasmes, leurs projections mentales, disent parfois (pas tout le temps) quelque chose de leur époque. Je reprends l'exemple du cinéma américain des années 70 : on parle d'un cinéma politisé, politique, en réaction avec ce qu'il se passait dans le pays. S'il n'était que des fantasmes, on ne s'amuserait pas à les analyser pour montrer leur richesse thématique et symbolique et comment il s'inscrit dans une époque contestatrice (ou conservatrice selon les films).Comment considérer le cinéma autrement que comme une projection fantasmée, fantasmagorique, déformée, déformante car ontologiquement non représentative de ce qu'on appelle "réalité". Quatrième mur, cadence du cinéma (au point que les spectateurs souffrent de problèmes réels aux screentests du 48i/s), le cinéma n'a jamais été rien d'autre que la porte ouverte de tout un tas de projections mentales, et en tant que telles, les hommes et les femmes savent parfaitement s'en satisfaire/les comprendre pour parler d'Avatar, des Aliens, des sabres lasers ... mais ne le pourraient quand il s'agit des relations entre hommes et femmes ni même de l'alcool, de la drogue, des molestations de différentes natures qui abreuvent quotidiennement les écrans de toutes tailles ?
Le site dont c'est l'un des premiers arguments, le forum constitué de membres plus ou moins actifs, ne cessent de débattre sur les films, pas uniquement comme un territoire fantasmagorique mais par ce qu'ils signifient, à l'échelle d'une filmographie, à l'échelle d'un mouvement formaliste, d'un style ou d'un genre, ou dans son contexte (époque, politique, sociétal,...). C'est la raison même du site et du forum ! A partir de là, est ce invraisemblable de voir les films, aussi, selon les mouvements sociétaux de la représentation de la femme, de son corps, de sa sexualité à travers les films et comment, ils ont, à différentes échelles, pu se complaire dans une représentation (ou une utilisation) à sens unique qui entraîne, par l'accumulation, non seulement une vision déformée, mais la perpétuation d'un paradigme patriarcale ?
Comment en est-on arrivé là ? Le fait même de poser la question ainsi est révélatrice à mon sens. Ce n'est pas comment, qui est intéressant, mais plutôt pourquoi. Et ce « comment », symbole d'un étonnement, tait la dimension d'un « mal » bien installé depuis très longtemps et que, pour tout un tas de raisons malheureuses, on a tu.Alexandre Angel a écrit :Ce qui précède est un bon résumé, avec le texte inaugural de Roy Neary, de ce je pense, et surtout de ce que je ressens.
Je finis, saisi d'une espèce de vertige, par ne plus comprendre les enjeux de cette discussion. Comment en est-on arrivé là?
Ah oui : il y a eu l'"Affaire Weinstein", puis "La Cinémathèque Versus L'Affaire Polanski" et enfin l'"Affaire du Bal des Vampires" également dénommée "L'Affaire Blade Runner".
Ouf, ça y est, j'ai retrouvé mes petits!
Alors je demande aux forumeurs qui proposent, à juste titre, une réflexion sérieuse, sans qu'il soit question de censurer, je l'ai bien compris, sur les stigmates de sexisme, de phallocratie et de domination masculine et patriarcale décelables dans les films, je leur demande donc le plus simplement du monde : et maintenant, qu'est ce qu'on fait? Que proposez-vous?
Si vous me répondez qu'il faut se battre, s'armer d'une patience infinie, et s'investir selon ses moyens pour contribuer à ce que l'humanité progresse, que les mentalités changent, je suis des vôtres.
Si l'on me dit que les films doivent être disséqués, préventivement et non pas dans le cadre, à titre d'exemple, de travaux universitaires, pour mieux confondre ce que la société des hommes leur a instillé de toxique : ce sera sans moi.
On ne propose rien. Enfin, je ne propose rien (je ne peux parler que pour moi).
Il y a quelques jours, sur le topic Weinstein, il a fallu expliquer la distinction entre une agression et un viol. Il a fallu expliquer qu'une agression n'était pas synonyme de violence et qu'une agression signifiait une absence de consentement (un baiser forcé est une agression). S'il faut, aujourd'hui, en 2017, encore expliquer pourquoi de telles actions sont répréhensibles, c'est qu'il y a bien un travail de pédagogie à réaliser et que les mentalités semblent bien ancrées dans ses baskets pour encore une fois imaginer qu'un baiser forcé, une main aux fesses « ce n'est pas bien méchant ».
Je ne fais pas de procès révisionniste sur les films qui auraient utilisé de telles séquences, j'essaie, autant que faire se peut, de montrer que, justement, si aujourd'hui on en est encore à expliquer la distinction entre un viol et une agression, qu'une agression n'est pas synonyme de violence, je trouve salutaire de pointer comment des séquences a priori anodines ont, malgré elle (j'insiste sur le fait que pour 99% des cas, il n'y a pas de propagande machiste ou misogyne), perpétué ce trouble dans la distinction sus-mentionnée.