Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Avatar de l’utilisateur
Thaddeus
Ewok on the wild side
Messages : 6183
Inscription : 16 févr. 07, 22:49
Localisation : 1612 Havenhurst

Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Thaddeus »

Roy Neary a écrit :Pour l'orthographe et la grammaire, tout simplement parce qu'encore une fois on est dans la confusion totale et la volonté de bannir toute hiérarchisation sous prétexte que hiérarchisation = discrimination. Dans la langue, "masculin" n'est pas nécessairement lié à l’homme et "féminin" à la femme. C'est confondre les genres sexuels et grammaticaux. Ou alors il faudrait penser qu'on discrimine LA table et qu'on favorise LE pied de table qui serait paré d'une fierté et d'une domination toute masculines. De même que LE drap de lit bénéficierait d'un avantage indéniable face à LA couverture qu'on maintiendrait à une position inférieure et secondaire dans l'ordre du monde. :lol:
Et moi, l'homme dominant, je vais me mettre alors à combattre la discrimination faite aux noms d'animaux exclusivement féminins. UNE panthère peut être un mâle et ce dernier n'a pas droit à son existence propre ! Non, j'exige que LE PANTHERE existe, non de non !
Tout comme toi, le débat sur ces nouvelles formes grammaticales me semble aberrant. Mais attention toutefois à ne pas colporter de fausses vérités : l'écriture inclusive, ce n'est pas cela. Il n'a jamais été question, me semble-t-il, de changer le genre de tous les noms communs. Seulement d'élargir les déclinaisons de ce qui se rapporte aux personnes, à leurs professions... Mais j'arrête là, on bascule déjà dans le hors-sujet (plus rien à voir avec le cinéma).
Avatar de l’utilisateur
Supfiction
Charles Foster Kane
Messages : 22229
Inscription : 2 août 06, 15:02
Localisation : Have you seen the bridge?
Contact :

Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Supfiction »

Thaddeus a écrit :
Supfiction a écrit :une forme de position surplombante par rapport à la "masse"
C'est ce qu'induit le fond du discours qui peut être jugé condescendant, pas l'interlocuteur lui-même. La nuance me semble cruciale.
Oui, tu as raison, d’autant plus que sur le forum on ne sait pas vraiment avec qui l’on discute.
Donc je reformule : ma question était légitime (cf. le blog de juristes plus haut qui ne donne pas de réponse catégorique) et a été jugée avec un peu de condescendance.
Et c’est d’une manière générale souvent le cas dès que l’on semble ne serait-ce que donner un tant soit peu l’impression de nuancer les attaques dans le procès intenté aux supposés agresseurs sexuels (Polanski ou autres).
Avatar de l’utilisateur
tenia
Le Choix de Sophisme
Messages : 30910
Inscription : 1 juin 08, 14:29
Contact :

Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par tenia »

Bressonien a écrit :Et la disparition des oeuvres qui ne correspondaient pas à la morale de l'époque a existé aussi : l'autodafé.
Comme je le répète, il y a actuellement très peu de films problématiques devenus invisibles car considérés comme moralement imbuvables, preuve s'il en est que vos appels au loup sur le sujet sont totalement irrationnels.
Naissance d'une nation est disponible en Blu-ray chez Masters of Cinema et le BFI. Olympia va ressortir chez Criterion.
Même un truc improbable comme Les négriers est montré en 2015 au festival Lumière.
Encore en 1981, Michael Powell n'avait que des compliments sur La naissance d'une nation, sans jamais parler de son contenu raciste. C'est le film qu'il a choisi quand on lui a demandé de choisir un "Guilty Pleasure" et le film faisait partie de ses films préférés tout court.

Je crois donc que tous ces films vivent en fait très bien sans nous, parce que quoiqu'on en dise, quoiqu'on joue à se faire peur quant à la possible disparition de ces films, actuellement, la conservation (et restauration) de ces films est plutôt le mot d'ordre.

Je ne dis pas qu'il ne faut pas être vigilant, juste que les hyperboles émotionnelles grandiloquentes sur le fantasme (oh oh) d'une improbable censure me paraissent particulièrement superflues.
Surtout quand, en 2017, va falloir y aller pour rendre ces oeuvres invisibles vu le nombre de copies/supports dans lequel elles existent.
Avatar de l’utilisateur
Commissaire Juve
Charles Foster Kane
Messages : 24564
Inscription : 13 avr. 03, 13:27
Localisation : Aux trousses de Fantômas !
Contact :

Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Commissaire Juve »

Roy Neary a écrit :Pour l'orthographe et la grammaire, tout simplement parce qu'encore une fois on est dans la confusion totale et la volonté de bannir toute hiérarchisation sous prétexte que hiérarchisation = discrimination. Dans la langue, "masculin" n'est pas nécessairement lié à l’homme et "féminin" à la femme. C'est confondre les genres sexuels et grammaticaux. Ou alors il faudrait penser qu'on discrimine LA table et qu'on favorise LE pied de table qui serait paré d'une fierté et d'une domination toute masculines. De même que LE drap de lit bénéficierait d'un avantage indéniable face à LA couverture qu'on maintiendrait à une position inférieure et secondaire dans l'ordre du monde. :lol:
Et moi, l'homme dominant, je vais me mettre alors à combattre la discrimination faite au noms d'animaux exclusivement féminins. UNE panthère peut être un mâle et ce dernier n'a pas droit à son existence propre ! Non, j'exige que LE PANTHERE existe, nom de nom !
Bien dit ! A ce compte-là, on va tomber dans les délires sectaires à la suédoise (avec la remise en cause récente -- par une minorité de frappadingues -- du masculin et du féminin... la demande de remplacement par un genre "neutre"... en 2012, dans un bouquin pour enfants, tous les "il" et les "elle" avaient été supprimés... il y a eu un gros débat... on a pensé que ça ne serait qu'un épiphénomène, mais le pronom neutre fait son petit trou... le gros délire).
De même que LE drap de lit bénéficierait d'un avantage indéniable face à LA couverture qu'on maintiendrait à une position inférieure et secondaire dans l'ordre du monde. :lol:
Et en allemand tu dis "LA soleil" et "LE Lune". 'tain, il y a des gens qui ont de ces priorités.

Ça me rappelle le débat sur la suppression de "mademoiselle". J'avais entendu une folle expliquer que "demoiselle" était un mot dévalorisant, que ça revenait à comparer les nanas à des "oiselles" :roll: . Et tant pis pour le latin "domnicella / domicella" (la fille du Dominus et de la Domina), tant pis pour le titre de noblesse, tant pis pour le fait que -- d'une certaine manière -- la Révolution avait permis que le mot puisse par la suite désigner toutes les jeunes femmes sans distinction de classe.
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
pol gornek
chat gratte !
Messages : 5072
Inscription : 21 févr. 05, 12:32
Localisation : Devant la petite lucarne
Contact :

Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par pol gornek »

Je m'excuse si, à un moment ou autre, j'ai pu faire preuve de condescendance, ce n'est, évidement, pas ma volonté et à aucun prétexte je ne prétendrais être supérieur sur quelques idées que ce soit. J'essaie, autant que faire se peut, d'expliquer des réflexions personnelles (ce que j'écris n'engage que moi), nourries par une démarche volontaire de ma part sur la question. Je ne prétends pas détenir le savoir absolu sur la question et je suis certains que d'autres s'exprimeraient bien mieux que moi. Aussi ce n'est pas supérieur de prétendre que l'on vit dans une société où l'équité homme-femme n'est pas encore une réalité et essayer de voir des signes, de comprendre les mécanismes, je ne suis pas dans une phase de vérité mais plus dans une phase de recherches, de compréhension. Et je crois, que cela passe aussi par la discussion.
Major Tom a écrit :Aujourd'hui, on n'est pas prêts de revoir des histoires amorales (c'est con, ce sont les meilleures). C'est l'exact contraire : le cinéma populaire est de plus en plus insipide car de plus en soucieux, grâce à des gens qui pensent comme toi, de ne choquer personne, de ne pas heurter les sensibilités, de plaire à une majorité de lobbys, et brossant le public dans le sens du poil. C'est pour ça qu'on se tape des comédies où on s'aime entre juifs, catholiques, musulmans et Ch'tis : tout le monde s'aime, ça représente tellement la réalité, et comme disait Thoret "c'est si courageux de dire qu'on pense comme tout le monde". Personne ne prendrait le risque de produire Lacombe Lucien ou Orange mécanique de nos jours. Impensable.
Si, dans un message ou une réponse, j'ai pu sous-entendre que je militais pour un cinéma moral, lisse et sans aspérité, alors on s'est mal compris. Et je pense sincèrement qu'un tel cinéma est aujourd'hui possible. L'époque, le climat actuel, l'évolution de la société (pour le pire ou le meilleur, je ne sais pas) réclament probablement une attention particulière, où, effectivement, il faut peut-être prendre en considération différents éléments. C'est dans le topic « comédie française » à propos de Epouse-moi mon pote (ou un titre équivalent, désolé de l'approximation) qu'une citation (toujours approximative) disait, en résumé, que le problème n'était pas de rire de l'homophobie, mais d'en rire dans une société qui souffre toujours d'homophobie. Et j'ajouterai à titre personnel que, lorsque l'on aborde des sujets délicats, ou amorales, il y a un besoins d'excellence. On ne peut pas être mauvais avec une blague homophobe ou raciste ou sexiste, il faut taper juste. Et également comprendre que l'on n'est pas tous égaux devant le rire et que l'on ne va pas rire des mêmes blagues (à titre personnel, je peux rire de tout, pourvu que la blague est drôle).
Cette scène a l'originalité de montrer précisément ce qu'on ne voit PAS d'habitude. La fille ne cède pas rapidement au héros qui a la fille qu'il désire avec un "simple" baiser volé, ça va plus loin. Alors Rachel ne dit jamais "non" (elle ne dit rien) mais elle s'enfuit et Deckard bloque la sortie et la pousse brusquement contre le store. Cette scène est d'autant plus originale qu'elle est de la part d'un cinéaste qui n'a jamais caché son penchant féministe. Scott (au moins dans les années 80 et 90), a toujours su dépeindre des personnages féminins forts ou qui ne servent pas de faire valoir du héros dès son premier grand film commercial où le héros, contre toute-attente, devient une héroïne, Helen Ripley. Dans Traquée, polar mineur mais intéressant du point du thème féministe dans le cinéma de Scott, l'homme, pauvre flic new-yorkais, interprété par Tom Berenger, trompe sa femme et, dans la deuxième partie, finit par le lui avouer. Dans cette scène, il chiale tandis qu'elle lui colle un violent coup de poing à la gueule. Inversion des rôles à ce moment-là : pour le reste du film, Tom Berenger n'a plus aucun intérêt dans son intrigue (il subit sans pouvoir agir), et celle qui était jusque là en retrait de l'intrigue principale devient la figure active, prenant sa place (spoiler --c'est même elle qui finit par abattre le méchant-- fin du spoiler). Je pourrais continuer avec Thelma et Louise, mais ça serait un peu facile.
Je n'ai rien contre ton analyse de la scène - et te fais confiance sur sa retranscription, elle se tient parfaitement. Et je ne crois pas avoir taxé Ridley Scott de sexisme ou de misogynie. Ce n'est pas à titre individuel que je relève une scène mais comme la partie d'un tout qu'elle constitue malgré elle. Toutes les séquences que l'on a mentionné, comme on aurait pu en mentionner d'autres, analysées indépendamment, ne véhiculent pas une propagande patriarcale. C'est leur récurrence que je pointe, résultant d'un male gaze hyper dominateur (on compte majoritairement des réalisateurs masculins et quand bien même certains d'entre eux ont porté des idées féministes, on reste dans une dominante où la femme est vue selon le point de vue d'un homme (personnage ou auteur)). Ce « lobbying » théorique (je ne dis pas qu'il existe une conspiration misogyne dans le but d'assouvir les femmes) a perpétué, consciemment ou non (ce n'est le plus important), l'idée ou plutôt une ambiance générale (mais encore une fois, ce n'est pas la faute du cinéma) favorable à une domination masculine. Et je ne prétends, surtout pas, qu'il faut remplacer ce male gaze par un female gaze, mais j'estime, selon des convictions personnelles, que l'on peut amener un peu de subtilité dans notre société par le biais du cinéma (ou des arts en général) en se posant des questions sur la représentation de la femme, de son corps et de sa sexualité, par les femmes elles-mêmes.
Le public qui grandit devant la télé affine son regard, acquiert une compétence critique, une capacité à lire des formes compliquées. Il anticipe mieux les stéréotypes et finit par les refuser car il ne jouit plus d'aucune surprise ni curiosité, les deux moteurs de l'écoute.Il faut donc lui proposer des programmes d'un niveau esthétique plus ambitieux. La série télé s'est ainsi hissée, avec ses formes propres, au niveau de la littérature et du cinéma.
(Vincent Colonna)
pol gornek
chat gratte !
Messages : 5072
Inscription : 21 févr. 05, 12:32
Localisation : Devant la petite lucarne
Contact :

Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par pol gornek »

Commissaire Juve a écrit :
Roy Neary a écrit :Pour l'orthographe et la grammaire, tout simplement parce qu'encore une fois on est dans la confusion totale et la volonté de bannir toute hiérarchisation sous prétexte que hiérarchisation = discrimination. Dans la langue, "masculin" n'est pas nécessairement lié à l’homme et "féminin" à la femme. C'est confondre les genres sexuels et grammaticaux. Ou alors il faudrait penser qu'on discrimine LA table et qu'on favorise LE pied de table qui serait paré d'une fierté et d'une domination toute masculines. De même que LE drap de lit bénéficierait d'un avantage indéniable face à LA couverture qu'on maintiendrait à une position inférieure et secondaire dans l'ordre du monde. :lol:
Et moi, l'homme dominant, je vais me mettre alors combattre la discrimination faite au noms d'animaux exclusivement féminins. UNE panthère peut être un mâle et ce dernier n'a pas droit à son existence propre ! Non, j'exige que LE PANTHERE existe, nom de nom !
Bien dit ! A ce compte-là, on va tomber dans les délires sectaires à la suédoise (avec la remise en cause récente -- par une minorité de frappadingues -- du masculin et du féminin... la demande de remplacement par un genre "neutre"... en 2012, dans un bouquin pour enfants, tous les "il" et les "elle" avaient été supprimés... il y a eu un gros débat... on a pensé que ça ne serait qu'un épiphénomène, mais le pronom neutre fait son petit trou... le gros délire).
De même que LE drap de lit bénéficierait d'un avantage indéniable face à LA couverture qu'on maintiendrait à une position inférieure et secondaire dans l'ordre du monde. :lol:
Et en allemand tu dis "LA soleil" et "LE Lune". 'tain, il y a des gens qui ont de ces priorités.

Ça me rappelle le débat sur la suppression de "mademoiselle". J'avais entendu une folle expliquer que "demoiselle" était un mot dévalorisant, que ça revenait à comparer les nanas à des "oiselles" :roll: . Et tant pis pour le latin "domnicella / domicella" (la fille du Dominus et de la Domina), tant pis pour le titre de noblesse, tant pis pour le fait que -- d'une certaine manière -- la Révolution avait permis que le mot puisse par la suite désigner toutes les jeunes femmes sans distinction de classe.
Typiquement, et malgré le fait que ce ne soit, ni vraiment le sujet, ni même que je sois en désaccord avec vous, ce traitement par l'absurde est contre-productif et, trouverai-je, pas à votre hauteur, messieurs.
Le public qui grandit devant la télé affine son regard, acquiert une compétence critique, une capacité à lire des formes compliquées. Il anticipe mieux les stéréotypes et finit par les refuser car il ne jouit plus d'aucune surprise ni curiosité, les deux moteurs de l'écoute.Il faut donc lui proposer des programmes d'un niveau esthétique plus ambitieux. La série télé s'est ainsi hissée, avec ses formes propres, au niveau de la littérature et du cinéma.
(Vincent Colonna)
Avatar de l’utilisateur
Supfiction
Charles Foster Kane
Messages : 22229
Inscription : 2 août 06, 15:02
Localisation : Have you seen the bridge?
Contact :

Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Supfiction »

Shin Cyberlapinou a écrit : Donc quand je dis que Spielberg est pour moi un cinéaste misogyne, il n'y a -vraiment- aucun jugement de valeur là dedans.
C’est pourtant bien un jugement de valeur et un avis subjectif.
Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de Ripley ou de Sarah Connor dans son cinéma, qu’il a plus souvent mis en scène des mères que des femmes d’action que cela en fait un cinéaste misogyne.

Pendant qu’on y est, mettons 95% de la production cinématographique du XXeme siècle dans le panier du cinéma de papa, traitons le avec la condescendance qui s’impose, « ils étaient comme ça avant, mais il y a quand même des trucs bien », c’est un peu ça l’idée du moment, pas de ta part mais qu’on entend en substance de plus en plus souvent.

Les films sont les miroirs de leurs époques mais en retour, il est vrai, les influencent aussi parfois. Mais quitte à juger une époque, je préfère juger la mienne que celles passées. Être choqué par des moeurs sans les considérer dans leur globalité me semble problématique. Une grande série comme Mad Men par exemple ne se contente pas de souligner le conservatisme d’une époque, elle la regarde dans tous ses aspects, sans jugements faciles.
Avant de regarder la paille dans l’époque précédente, regardons la poutre dans la nôtre. Je suis contre l’idée que les hommes et femmes d’aujourd’hui seraient nécessairement plus intelligents et évolués que ceux et celles d’hier. Les hommes changent, les moeurs aussi, certaines choses vont parfois dans le bon sens, d’autre dans le mauvais. Les films sont le témoin de ces évolutions et des nouveaux équilibres.
Aujourd’hui parce que c’est à la mode on va faire un procès aux œuvres mettant en scène des femmes n’étant pas moteur de l’action, des mères, des femmes au foyer.

Et pourtant oui, il y a bien des histoires amorales aujourd’hui. Seulement, l’immoralité en question n’est en général pas dans l’oeil du cyclone et dans l’air du temps. Et si c’est le cas, la réaction des distributeurs est immédiate. Beaucoup de films d’aujourd’hui choqueraient très probablement les générations passées et choqueront des générations futures. Mais on y fait pas forcement attention car le sujet n’est pas sensible. Ils seront le reflet de notre époque aux moralisateurs du futur qui les utiliseront pour illustrer leurs combats (justes ou non).
Avatar de l’utilisateur
Thaddeus
Ewok on the wild side
Messages : 6183
Inscription : 16 févr. 07, 22:49
Localisation : 1612 Havenhurst

Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Thaddeus »

pol gornek a écrit :Si, dans un message ou une réponse, j'ai pu sous-entendre que je militais pour un cinéma moral, lisse et sans aspérité, alors on s'est mal compris.
Je n'ai rien lu de tel dans tes propos, mais je ne peux m'y empêcher de déceler une faille dans ton raisonnement. Depuis le début de cette discussion sur ce topic et - plus encore - sur l'autre, tu expliques que le cinéma constitue un facteur parmi d'autres de la perpétuation d'un schéma de pensée patriarcal. Tu invites à en déceler les mécanismes, à les identifier, pour que chacun puisse au final comprendre à quel point il joue un rôle, le plus souvent inconscient, mais néanmoins néfaste, dans l'établissement d'un mode de pensée qui favorise la domination masculine, la mutiplication des viols et agressions, les confusions des comportements... Tu as même employé l'expression "comprendre comment ça a merdé", ou quelque chose de ce genre. Tu sembles donc regretter la banalisation de ces actes dans les films, et la pointer comme élément d'explication (un parmi d'autres certes, et le plus souvent malgré elle - comme tu ne cesses de le préciser) d'une société patriarcale propice à un rapport empoisonné et inégalitaire entre les hommes et les femmes. Ce qui implique donc (si je te suis bien) que tu aurais préféré que ces scènes incriminantes n'aient pas existé - car comment vouloir l'existence de scènes qui instaurent, à leur niveau, un état des choses malsain ? Dans le même temps, tu dis ne pas vouloir un cinéma moral, lisse et sans aspérité, c'est-à-dire expurgé de toutes ces scènes qui peuvent heurter la bienséance et qui vont à l'encontre de rapports humains sains, idéaux, parfaits. Comment associes-tu ces deux tendances ? Comment parviens-tu à vouloir l'un et, en même temps, à vouloir l'autre ?
Commissaire Juve a écrit :Ça me rappelle le débat sur la suppression de "mademoiselle". J'avais entendu une folle expliquer que "demoiselle" était un mot dévalorisant, que ça revenait à comparer les nanas à des "oiselles"
Je connais un paquet de filles qui, elles, revendiquent l'emploi de ce terme au motif qu'elles souhaitent s'affirmer comme des femmes libres, indépendantes, affranchies du tutorat que représente pour elles le mot "madame". Elles ne sont pas mariées, comptent bien le faire savoir, et estiment que s'il y a quelque chose à faire, ce ne n'est pas de faire disparaître le mot "mademoiselle" mais bien au contraire d'instaurer son équivalent pour les hommes célibataires. Non mais.
Roy Neary a écrit :je n 'inclus pas Ratatouille car là on est dans une pathétique réaction pathologique
J'ai retrouvé l'article qui évoquait plusieurs scènes débattues et illustre à mon avis assez bien le débat qui nous occupe. Ratatouille y sert de conclusion, et la phrase qui clôt le texte est à même de réunir tout le monde dans une même consternation. Mais, selon que l'on se situe dans un "camp" ou dans l'autre, pas du tout pour les mêmes raisons.
pol gornek
chat gratte !
Messages : 5072
Inscription : 21 févr. 05, 12:32
Localisation : Devant la petite lucarne
Contact :

Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par pol gornek »

Thaddeus a écrit :Je n'ai rien lu de tel dans tes propos, mais je ne peux m'y empêcher de déceler une faille dans ton raisonnement. Depuis le début de cette discussion sur ce topic et - plus encore - sur l'autre, tu expliques que le cinéma constitue un facteur parmi d'autres de la perpétuation d'un schéma de pensée patriarcal. Tu invites à en déceler les mécanismes, à les identifier, pour que chacun puisse au final comprendre à quel point il joue un rôle, le plus souvent inconscient, mais néanmoins néfaste, dans l'établissement d'un mode de pensée qui favorise la domination masculine, la mutiplication des viols et agressions, les confusions des comportements... Tu as même employé l'expression "comprendre comment ça a merdé", ou quelque chose de ce genre. Tu sembles donc regretter la banalisation de ces actes dans les films, et la pointer comme élément d'explication (un parmi d'autres certes, et le plus souvent malgré elle - comme tu ne cesses de le préciser) d'une société patriarcale propice à un rapport empoisonné et inégalitaire entre les hommes et les femmes. Ce qui implique donc (si je te suis bien) que tu aurais préféré que ces scènes incriminantes n'aient pas existé - car comment vouloir l'existence de scènes qui instaurent, à leur niveau, un état des choses malsain ? Dans le même temps, tu dis ne pas vouloir un cinéma moral, lisse et sans aspérité, c'est-à-dire expurgé de toutes ces scènes qui peuvent heurter la bienséance et qui vont à l'encontre de rapports humains sains, idéaux, parfaits. Comment associes-tu ces deux tendances ? Comment parviens-tu à vouloir l'un et, en même temps, à vouloir l'autre ?
Le fait d'identifier le symbole (volontaire ou non) qu'entretiennent de telles séquences est déjà un premier pas. Ensuite, permettre que le male gaze ne soit plus dominant, pourrait conduire à une pluralité des représentations et donc, d'offrir des variations, des symboles différents, des représentations différentes. L'accumulation de séquences de ce type, leur nombre conséquent pose problème (et participe - toujours malgré elle, désolé de me répéter mais je tiens à éviter autant que possible toutes confusions - à une ambiance générale propice au sexisme ou patriarcat) parce qu'il n'existe que trop peu de contre exemple et surtout, parce que les femmes ne sont pas assez présentes et représentées par elles-même.

C'est pourquoi j'estime que le cinéma n'est pas le mal mais un symptôme, une partie de quelque chose de plus grand qui dépasse le cadre purement artistique, puisque aujourd'hui, plus que jamais, la porosité est partout. Donc en identifiant les choses telles qu'elles peuvent l'être, en percevant l’ambiguïté qu'elles peuvent dégager, en ressentant qu'elles entretiennent des schémas archétypaux, puis, en rééquilibrant la dynamique homme-femme, on peut très bien continuer à regarder des œuvres amorales ou présentant des actions répréhensibles, tout en ayant conscience de leur nature (sans remettre en question le message du film ou son caractère fantasmagorique) et se confronter à des représentations différentes, comme l'expression d'une société plurielle. Le male gaze, seul, n'est pas un problème, j'ai envie de voir des films, séries, etc... nourri par un regard masculin ; le male gaze de façon uniforme et hégémonique pose problème, justement pour ce principe.
Le public qui grandit devant la télé affine son regard, acquiert une compétence critique, une capacité à lire des formes compliquées. Il anticipe mieux les stéréotypes et finit par les refuser car il ne jouit plus d'aucune surprise ni curiosité, les deux moteurs de l'écoute.Il faut donc lui proposer des programmes d'un niveau esthétique plus ambitieux. La série télé s'est ainsi hissée, avec ses formes propres, au niveau de la littérature et du cinéma.
(Vincent Colonna)
Avatar de l’utilisateur
tenia
Le Choix de Sophisme
Messages : 30910
Inscription : 1 juin 08, 14:29
Contact :

Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par tenia »

Thaddeus a écrit :Comment associes-tu ces deux tendances ? Comment parviens-tu à vouloir l'un et, en même temps, à vouloir l'autre ?
Le problème n'est aucunement une notion de lisser le cinéma, d'en faire un ensemble de TV Films TF1 mais d'éviter de montrer comme normaux, rigolos, positifs, banalisés, triviaux des actes qui n'en sont pas mais sont parfois (souvent) légalement répréhensibles.
Les date rapes qui sont banalement glissés dans les scripts comme point de départ tout à fait normaux à une magnifique histoire d'amour, par exemple. Quand le héros de Revenge of the Nerds se fait passer pour le petit ami de Betty pour coucher avec elle, c'est un viol. Mais c'est pas grave : quand elle le découvre, elle tombe amoureuse de lui ! Ah la la, il aurait su, il aurait fait ça plus tôt.
C'est cette banalisation qu'il est discutable de voir persévérer.

Par exemple, pour reprendre un exemple cité plus haut, quand on nous explique dans James Bond que finalement, tout ce que Pussy Galore avait besoin pour la convaincre d'arrêter le crime (et l'homosexualité en passant), c'était un bon coup de bite campagnard. Ca marche aussi avec Gigli et Chasing Amy, visiblement, Ben Affleck fait des trucs formidables au pieu avec les lesbiennes. Si seulement Boutin l'avait eu sous le coude, on en aurait guéri, des lesbiennes !

Et c'est sans compter les héroïnes constamment en talons aiguilles sans raison (remember Jurassic World), qui se désapent en plein cadre sans raison ("something for the dad", comme le dit Dara O'Briain), qui ne s'épanouissent qu'à travers les hommes, ou qui sont considérées comme trop vieilles pour être un intérêt sentimental passées 30 ans mais les acteurs principaux ont 65 ans.
Thaddeus a écrit :Je connais un paquet de filles qui, elles, revendiquent l'emploi de ce terme au motif qu'elles souhaitent s'affirmer comme des femmes libres, indépendantes, affranchies du tutorat que représente pour elles le mot "madame".
Mes collègues son très loin de ces considérations et trouvent juste que Madame les vieillit à mort. :mrgreen:
Dernière modification par tenia le 12 nov. 17, 14:56, modifié 1 fois.
Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 14080
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Alexandre Angel »

A serious man a écrit : Dans le cas de Blade Runner, est-ce que le non consentement de Rachael était nécessaire a la fiction, je n'en sais rien, en revanche l'attitude de Deckard participe clairement d'une caractérisation du personnage comme dangereux et borderline, il est très clairement un anti-héros (a l'identité incertaine qui plus est) violent, qu'il ne s’embarrasse du consentement de Rachael me parait tout a fait dans la logique du personnage, qui est a la rigueur moins problématique qu'Indiana Jones ou même James Bond, puisqu'il n'est jamais offert a l'admiration du public, il n'est jamais donné comme un modèle héroïque. D'ailleurs la relation entre Deckard et Rachael ne m'ait jamais apparus comme une romance classique, trés clairement il y a quelque chose de dérangeant, au delà de cette scène, qui me semble être voulu par le film (après on peut tout a fait critiquer la scène pour la musique romantique de Vangelis qui annule la distance que l'on pourrait avoir autrement)
J'enfoncerais le clou sur Blade Runner, cette scène du baiser "forcé" et ce que je souligne ci-dessus, en précisant que la musique de Vangelis, à ce moment-là, est plus romanesque que romantique. Et ce romanesque-là émane du film noir, genre par excellence à tout le moins mélancolique, au pire dépressif. Nous sommes là en plein maniérisme pasticheur et ce saxo que nous entendons a la même fonction que la trompette de Jerry Goldsmith qui accompagne l'unique baiser qu'échangent Faye Dunaway et Jack Nicholson dans Chinatown (tiens, tiens, pas fait exprès..) . Cette tonalité que confère les cuivres, engendre chez le spectateur plus de compassion triste que d'exhortation à la conquête amoureuse, à l'affirmation virile. De plus, d'instinct, j'ai toujours considéré que le comportement de Deckard, à ce moment-là, est plus une façon de brusquer et d'accélérer chez Rachel le dégel d'une inhibition d'androïde qu'il sent possible (d'où le côté colérique de son geste) que de forcer une femme à se prosterner devant sa virilité. Je pense que la scène est conçue et mise en scène dans ce sens-là.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Avatar de l’utilisateur
tenia
Le Choix de Sophisme
Messages : 30910
Inscription : 1 juin 08, 14:29
Contact :

Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par tenia »

Moi je vois un mec qui fait une démonstration de force et une femme obligée de se soumettre à lui de peur qu'il lui en colle une. Et ça m'a d'autant plus surpris à la revoyure que j'avais absolument oublié l'existence de cette scène.
Mais le problème n'est pas là, le problème est que ça marche très bien vu qu'ils finiront ensemble façon Bonnie & Clyde.
C'est beau, la coercition.
Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 14080
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Alexandre Angel »

tenia a écrit :Moi je vois un mec qui fait une démonstration de force et une femme obligée de se soumettre à lui de peur qu'il lui en colle une.
C'est là que nos chemins se séparent :mrgreen:
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
pol gornek
chat gratte !
Messages : 5072
Inscription : 21 févr. 05, 12:32
Localisation : Devant la petite lucarne
Contact :

Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par pol gornek »

EDIT : Désolé pour l'aspect hors-sujet du post, il était destiné à suivre mon message. C'est que je suis un peu lent à écrire.

Je vais prendre un exemple bête de schémas archétypaux qui perdurent : la cour de récréation de mon fils. Il est en CP maintenant mais c'était déjà valable en grande section (logique, c'est la même cours). On a beau, lui enseigner, les nuances de distinction homme/femme, garçon/fille - comprendre que non les princesses, ce n'est pas que pour les filles ; oui, il a le droit de jouer avec des poupées si ça lui tente ; non le rose n'est pas que pour les filles et que, s'ils aiment le rose, bah il aime le rose... Et pourtant, malgré ça, quand il tombe sur Mon Petit Poney « c'est nul, c'est pour les filles... je préfère les Avengers (moi aussi, mais pour des raisons purement artistiques) ». Alors je ne dis pas que la cours de récréation est le reflet de notre société et que l'on y conditionne nos enfants. Mais là encore, c'est un symptôme. Je ne vais pas faire de pédopsychiatrie parce que, là encore, ce n'est pas de mon ressort, mais au même titre que je vais déplorer ses découvertes musicales à coup de Louane et de Black M (et croyez-moi, lui qui écoutait Anathema et Emilie Simon quand il était petit, j'en pleure encore), c'est agaçant de voir des tics de comportements dont on pourrait se passer (je ne nie pas, dans l'opposition aux filles qu'il y a une forme de prise de conscience de l'identité - mais on tourne à la psychologie et, dans cette situation, c'est comme quand on pisse contre le vent, j'ai plus de chance de faire une connerie que d'en sortir grandi).

Et au-delà du principe princesse en détresse = fille ; chevalier sauveur = garçon, on mesure aussi l'importance pour les filles, puis les femmes (ou les deux en même temps) de pouvoir bénéficier de figures héroïques dans lesquelles elles peuvent s'incarner. Garçon, on a l'embarras du choix (en dessin animé, en livre, en bande dessiné, au cinéma), fille, c'est plus compliqué et rare. Alors oui, elles peuvent s'identifier à un héros masculin mais ça réclame toute de même une certaine gymnastique d'esprit. D'où l'importance de films comme Wonder Woman (même si le résultat est un peu tiède) ou encore la nouvelle trilogie Star Wars (j'ai beaucoup aimé l'épisode VII) ou de séries comme Supergirl, parce qu'ils nourrissent l'imaginaire féminin en manque de repères. Voilà aussi pourquoi on a besoins d'une pluralité des représentations et que cette pluralité s'exerce devant et derrière la caméra, dans les writer's room, dans les postes de décisions.

On n'en finira pas avec le rose c'est pour les fille (et il y a de fortes chances que je me tape du Black M ou assimilé quelques temps encore) mais à travers l'imaginaire (ou le fantasme) on nourrit une société, pas forcément plus juste mais où l'équité s'exprime davantage.
Dernière modification par pol gornek le 12 nov. 17, 15:07, modifié 1 fois.
Le public qui grandit devant la télé affine son regard, acquiert une compétence critique, une capacité à lire des formes compliquées. Il anticipe mieux les stéréotypes et finit par les refuser car il ne jouit plus d'aucune surprise ni curiosité, les deux moteurs de l'écoute.Il faut donc lui proposer des programmes d'un niveau esthétique plus ambitieux. La série télé s'est ainsi hissée, avec ses formes propres, au niveau de la littérature et du cinéma.
(Vincent Colonna)
Avatar de l’utilisateur
tenia
Le Choix de Sophisme
Messages : 30910
Inscription : 1 juin 08, 14:29
Contact :

Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par tenia »

Pub belge pour les cadeaux de Noel chez bol.com : le garçon a un cheval de western, la fille un poney rose.
CQFD.
Alexandre Angel a écrit :
tenia a écrit :Moi je vois un mec qui fait une démonstration de force et une femme obligée de se soumettre à lui de peur qu'il lui en colle une.
C'est là que nos chemins se séparent :mrgreen:
Oui, ça me parait clair. :mrgreen:
Répondre