Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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tenia
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par tenia »

Je ne suis même pas sûr que ça dépasse ce qui relèverait de la méchanceté gratuite, avec ici en plus une bonne dose d'opportunisme de sa part car ça permet de déverser son habituel fiel sur le ciné d'auteur français. Je veux dire : je n'ai pas accès aux "83% qui me reste à découvrir" que Neuhoff réussit à renvoyer vers un lien du Figaro censé illustrer que "Se plonger dans leur filmographie relève de la punition" et qui en fait renvoie vers un article de 2019 sur une rétro années 80s au Forum des images, plutôt enjoué, dans lequel Doillon, Jacquot et Garrel ne sont pas mentionnés une seule fois, et dans lequel sont par contre mentionnés Chabrol, Rohmer, Pialat, Rappeneau et Pascale Ogier (en plus de Besson, Beineix et Carax).

Bref, Neuhoff fait du Neuhoff, càd du troll à pas cher.
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Supfiction
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Message par Supfiction »

tenia a écrit : 18 févr. 24, 12:37
Bref, Neuhoff fait du Neuhoff, càd du troll à pas cher.
Et payé pour ça en plus, alors qu’il y a tant de bénévoles.
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tenia
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Message par tenia »

Oui, difficile de comprendre pourquoi lui est officiellement "journaliste" quand tant d'autres aussi nuls que lui font ça gratos sur Twitter.
Holden
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Message par Holden »

Pour les courageux (ou les masochistes) :

REPLONGER DANS LA FILMOGRAPHIE DES ENFANTS CHÉRIS DU SYSTÈME : UNE PUNITION

Neuhoff, Eric
page 28

Accusations, plaintes... L'actualité les réunit. Il n'y a pas que ça. Placé devant leur oeuvre, un spectateur distrait pourrait les confondre. Il aurait des excuses. Ces trois-là illustrent le cinéma d'auteur jusqu'à la caricature. Encensés (jusqu'à une date récente) par la critique qui pense, invités dans les festivals qui comptent, choyés par l'avance sur recettes, Benoît Jacquot, Jacques Doillon ou Philippe Garrel ne sont pas exactement des maudits.

Le public les boude. Cela leur confère un statut d'artistes. Ces gibiers de psychanalyse ont pour point commun d'être à la fois braillards et sentencieux, verbeux et brouillons. Pas ennemis de l'hystérie, ils manquent de nerfs. Se plonger dans leur filmographie relève de la punition et exige un estomac d'autruche. La bonne presse les a câlinés à outrance. Leur tort a été de l'écouter. Pseudo-rebelles repus de subventions, ils ont élevé l'ennui au niveau des beaux-arts.

Jacquot est sans doute le moins indolent de la bande, le plus malin, en tout cas. Familier de Lacan, proche de Duras, dont il fut l'assistant, ses débuts se situèrent sous l'égide de Bresson, avec L'Assassin musicien (1976), dont le héros violoniste au ton monocorde refusait de jouer de son instrument par crainte des compromissions. Le réalisateur n'a pas suivi cet exemple, ayant enchaîné en moyenne un film par an. Volontiers littéraire, il adapte à tour de manivelle. Cela va de Benjamin Constant à Pascal Quignard, de Henry James à Mishima. Cela donna des Ailes de la colombe (1981) pesantes et poussiéreuses, un Adolphe (2002) amidonné, un Journal d'une femme de chambre (2015) inutile.

Frotté de Sade, l'homme s'attache aux perversions, succombe aux affres de l'adolescence, découvre des actrices en devenir. Cela ne l'empêche pas de choisir aussi des stars, comme les deux Isabelle (Huppert et Adjani) ou Léa Seydoux. On lui doit un futile remake d' Eva (2018), de Losey. Chez lui, les couples se déchirent sans qu'il soit permis d'y trouver quelque chose de nouveau ou de passionnant. Parfois, il lui arrive d'être intéressant. On dirait que c'est presque par mégarde. Pas de scandale (1999) ressemble à du Sautet, Trois coeurs (2014) est un marivaudage sensible qui commence par une nuit en province. Les costumes ne lui sont pas contre-indiqués, comme le prouve Les Adieux à la reine (2012), d'après Chantal Thomas. On attend de voir comment il va se débrouiller avec La Mort de Belle, de Simenon, en postproduction.

Histoires de touche-pipi

Bizarrement, Doillon a commencé par une sorte de joyeux documentaire, L'An 01 (1973), dont le slogan proclamait : « On arrête tout, on réfléchit et c'est pas triste. » Les Doigts dans la tête (1974), charmante chronique sur quatre jeunes prolos dans une chambre de bonne, fut salué par Truffaut. Après s'être attaqué au best-seller de Joseph Joffo, Un sac de billes (1975), le cinéaste bascula dans une série de drames éprouvants, narcissiques, bourrés de cas cliniques. Dans La Fille de quinze ans (1989), l'esprit sans doute surchauffé par le soleil d'Ibiza, un quadragénaire voulait coucher avec la petite amie de son fils. Ailleurs, il était question d'inceste ou de suicide, le tout avec des dialogues gorgés de prétention. Dans quel film Jane Birkin se roulait-elle par terre en chouinant ? La Pirate (1985). « Le film scandale », proclame le DVD. Cette succession de corps tourmentés finissait par lasser. Les personnages ne pouvaient être que marginaux, romanciers, dramaturges. Son Rodin (2017), avec Vincent Lindon, constituait un solide pensum. Le mois prochain est annoncé CE2, qui risque de terminer au piquet (lire ci-dessus).

Philippe Garrel, mis en cause en août dernier par cinq comédiennes, a connu un itinéraire en zigzags. Celui qui fut baptisé le Rimbaud de la pellicule offrit d'abord des ouvrages poétiques et inclassables avec l'armada de comédiens dans le vent de l'époque, Léaud, Zouzou, Nico, Clémenti. Les Hautes Solitudes (1974) était muet. Jean-Louis Bory parla de « symphonie du silence ». Par la suite, Garrel découvrit le récit (enfin, c'est vite dit). Apparemment, le classicisme n'était pas sa tasse de thé. Protagonistes languissants, bavardages intempestifs, intrigues exsangues, voilà sa marque de fabrique. Alors on est cinéaste, professeur, comédien. Il y a de la drogue, Mai 68, des électrochocs et des adultères, qui seraient bourgeois s'ils n'étaient pas commis par des gens en tunique indienne. Une confusion molle plane sur les images. On garde un souvenir douloureux d'une interminable séquence de manifestation sur fond de bombes lacrymogènes dans Les Amants réguliers (2005). Sifflé à Cannes, La Frontière de l'aube (2008) atteignait des sommets de ridicule. Son dernier opus, Le Grand Chariot (2023), montrait une famille de marionnettistes. On n'était pas à Guignol.

On vérifie par là que les trois metteurs en scène n'ont rien appris depuis les années 1970. En gros, que des pauvres histoires de touche-pipi maladroitement et pesamment racontées à un âge où l'on devrait s'attacher à d'autres problèmes. Ces éternels étudiants aux airs faussement torturés ont de la chance. Au moins, ils sont restés jeunes. Ils ont gardé un cerveau d'adolescent. On ne parle pas d'une autre partie de leur anatomie.
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tenia
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par tenia »

Ah mais c'est juste nullissime en fait, un résumé de la carrière des cinéastes et Neuhoff qui en écrit 3 mots sur certains des films "celui-ci est sympa, celui-là est naze", d'une façon tellement superficielle que y a même pas besoin de les avoir vu ("Les Hautes Solitudes (1974) était muet. Jean-Louis Bory parla de « symphonie du silence »"). Pratique.
Et pourtant, avec si peu à dire, si peu à apporter, à développer, et au final un article-édito assez court, Neuhoff arrive à se contre-dire lui-même, puisqu'il conclut que "les trois metteurs en scène n'ont rien appris depuis les années 1970. En gros, que des pauvres histoires de touche-pipi maladroitement et pesamment racontées à un âge où l'on devrait s'attacher à d'autres problèmes." alors qu'il a dit du bien tant de films des-dites années 70s, mais aussi de films de 1999, 2012 et 2014.
Quelle arnaque, ce mec.
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Mosin-Nagant
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Mosin-Nagant »

Bastien Vivès, une expo polémique à Bruxelles et une carrière au point mort : "On va devoir aller récupérer cette liberté."

Le dessinateur de 40 ans, qui fait l’objet d’une plainte pour avoir publié des albums humoristico-pornographiques, expose à partir de ce vendredi à Bruxelles. Dans un climat de tension avec lequel il a appris à vivre. Et avec des questions plein la besace. Entretien.

ImageBastien Vivès, dessinateur français, photographié à Paris le 21 juillet 2021 par Mathieu Zazzo ©Mathieu Zazzo

"Je suis traité comme un criminel sexuel", confiait, le 9 mars dernier, Bastien Vivès au journal Le Point. Il y racontait aussi de quelle façon son ADN avait été prélevée par les policiers de la brigade des mineurs. Son tort ? Avoir publié, en 2018, des albums (Petit Paul et La Décharge mentale) mêlant humour et pornographie, et dans lesquels il mettait en scène quelques-uns des tabous de notre société, le viol et l’inceste notamment. Des publications déjà attaquées deux fois à leur sortie – pour deux non-lieux – et encore visées, donc, par une plainte dont on devrait savoir, dans les semaines à venir, si elle débouche sur un procès.

"Ça veut dire qu’en dessinant certaines choses, j’y participerais? Et les meurtres au cinéma? Il y a la fiction et la réalité, et un gouffre entre les deux."

"Moi, confie-t-il, j’estime que tout mon travail est complètement conforme à la loi. Je n’ai mis en danger personne, je ne fais l’apologie de rien, je montre des choses avec humour. Après, je veux bien que l’on questionne le fond. Mais pas être jugé comme un délinquant sexuel. C’est complètement aberrant : ça veut dire qu’en dessinant certaines choses, j’y participerais ? Et les meurtres au cinéma ? Il y a la fiction et la réalité, et un gouffre entre les deux, une confusion totale."

Une année sans revenus

En attendant, la vie de Bastien Vivès, tout juste 40 ans, a pris une drôle de tournure. Enfant terrible de la BD franco-belge, il a vu tous ses projets, dont un premier film, être annulés. Et s’il revient aujourd’hui sur le devant de l’actualité, c’est par la petite porte, et une exposition déjà polémique (voir ci-dessous) organisée à Ixelles, par la galerie privée Huberty & Breyne. "Alain (NDLR : Huberty) m’a proposé de faire une expo, raconte-t-il. Il m’a dit : on est prêt à te soutenir. Et moi, j’y ai vu l’opportunité de recracher dans ces dessins un peu tout ce qui s’était passé. Jusqu’à présent, j’avais l’habitude de le faire dans mes albums. Mais maintenant que mon avenir est un peu incertain, je ne peux plus…"

ImageL'un des dessins de Bastien Vivès qui seront exposés à la galerie Huberty & Breyne ©Huberty & Breyne

La dernière fois que Bastien Vivès devait exposer, c’était à Angoulême, au Festival International de la Bande Dessinée. Une expo qui avait été annulée après les menaces de mort reçues par l’auteur de Polina. Non en raison de son contenu – aucun dessin tiré des œuvres incriminées n’y figurait – mais des risques inhérents à la sécurité publique. L’homme, forcément, en a pris un coup : "Je suis passé par pas mal de stades, qui vont de la panique à simplement réapprécier le moment présent. Les gens me disent : il faut être patient, s’accrocher. Mais là, je sors d’une année blanche, sans revenus. Et puis, la chose qui me fait le plus peur, au-delà de la carrière, c’est quelle trace ça va laisser…"

"Il y a quelque chose qui n'a pas été compris et digéré après Charlie Hebdo."

Le jeune quadra s’inquiète désormais de l’interprétation que l’on fera forcément des dessins exposés à Bruxelles jusqu’au 11 mai, comme de ceux qu’il fera ensuite : "Le souci, c’est qu’on pourra y voir de la provocation si on a envie d’en voir", grimace-t-il. Il se force toutefois à positiver : "Tout cela signifie que les dessins ont encore un poids. Par contre, les libertés – d’expression, de création – que je pensais acquises depuis longtemps sont remises en cause. Mon père me répétait que j’étais né avec une cuillère d’argent dans la bouche, qu’ils avaient fait tout le boulot pour nous avant. Il faut croire qu’il s’est trompé. Et ça va être à nous d’aller récupérer cette liberté."

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L'un des dessins de Bastien Vivès qui seront exposés à la galerie Huberty & Breyne ©Huberty & Breyne

Qu’il le veuille ou non, Vivès est devenu un symbole. Il se voit aussi comme une victime collatérale post-Charlie Hebdo : "Quand je les ai vus tous défiler dans la rue à l’époque, juste après les attentats, je me suis dit qu’il y avait une prise de conscience, moyen de protéger quelque chose. Mais après, tu vois le New York Times enlever des dessins de presse, et les polémiques se multiplier sur les réseaux. Jusqu’à ce que Coco, une survivante de Charlie, soit elle aussi menacée de mort. Mais ils sont fous : il y quelque chose qui n’a pas été digéré et compris."

Exposition menacée après une pétition : Ixelles sous tension

Bastien Vivès n’a pas tort quand il dit que son nom est devenu "radioactif" : l’expo bruxelloise qui lui est consacrée n’a ainsi pas manqué de faire réagir puisqu’une pétition, lancée par Dounia Largo, une étudiante en anthropologie et militante féministe, a réuni plus de 4000 signatures.

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Un texte dur, qui exigeait l’annulation de l’événement et a valu aux organisateurs plusieurs menaces : "Je relaie la colère de celles et ceux qui, une fois encore, considèrent que les victimes sont oubliées. Ici, il est question de Vivès, mais il n’est que le symptôme de la maladie que représente l’homme blanc, cisgenre, hétéro et privilégié", avance Dounia Largo, qui dit avoir "feuilleté" les albums de Vivès incriminés : "Juste ce qui est disponible gratuitement, je ne me suis pas plongée à fond dans son œuvre".

"Rien, dans ce qui est affiché dans la galerie, ne présente un caractère illicite."

En attendant, la galerie Huberty & Breyne, qui n’a pas voulu céder à ces pressions, a engagé un service de sécurité privé pour protéger le vernissage qui doit avoir lieu ce soir. Au courant de la situation, la police d’Ixelles entendait, elle, “rester vigilante”, d’autant qu’un rassemblement pacifique a été annoncé par les signataires. "Il s’agit d’un événement privé dans un lieu privé, c’est donc à l’organisateur d’assurer sa propre sécurité, relaie Aline Lacroix, la cheffe de cabinet du bourgmestre d’Ixelles, Christos Doulkeridis. La police n’interviendra qu’en cas de trouble de l’ordre publique. Nous espérons en tout cas que rien ne sera dégradé, d’autant que la Place du Châtelain (NDLR : où se trouve la galerie) est actuellement en travaux. Nous comprenons l’émoi provoqué, mais rien, dans ce qui est affiché dans la galerie, ne présente un caractère illicite, et le bourgmestre n’a pas pour projet d’interdire, ni l’exposition, ni une quelconque manifestation de mécontentement, tant que cela se passe dans le respect des personnes et des lieux."

Signalons enfin que la Fondation Child Focus, interpellée par les signataires et qui s’était dit un temps "préoccupée" par cette exposition, "a examiné le contenu de l’exposition et considéré qu’il n’existait pas à ses yeux de matière à s’inquiéter estimant qu’elles ne glorifient ni l’abus sexuel d’enfants ni l’inceste", rapporte la galerie Huberty&Breyne dans une déclaration envoyée à la presse.

ImageL'un des dessins de Bastien Vivès qui seront exposés à la galerie Huberty & Breyne ©Huberty & Breyne

Michaël Degré, Journaliste
Publié le 11-04-2024 à 17h18 - Mis à jour le 12-04-2024 à 11h22
https://www.lavenir.net/culture/livres/ ... 5RFFG36KI/
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You know my feelings: Every day is a gift. It's just, does it have to be a pair of socks?
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par innaperfekt_ »

Dans cette histoire, il me semble que c'est moins les dessins de Vivès que ses déclarations très douteuses sur des forums des années en arrière qui posent vraiment problème à beaucoup de gens, non ? Je comprends la position de victime qu'il cherche à prendre et une part de moi compatis mais bon, le vrai travail journalistique aurait été de l'interroger sur l'ensemble de ses déclarations aussi. À moins qu'il ait déjà répondu sur le sujet mais dans ce cas, je l'ignore.
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Rockatansky »

Il a déjà répondu et s'en est excusé. Après la justice suis son cours pour le reste.
Clear Eyes, Full Hearts Can't Lose !
« S’il est vrai que l’art commercial risque toujours de finir prostituée, il n’est pas moins vrai que l’art non commercial risque toujours de finir vieille fille ».
Erwin Panofsky
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Kiké
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Kiké »

Antoine Goya avait déjà proposé une vidéo l'année passée :

You said it, man. Nobody fucks with the Jesus.
https://www.rayonvertcinema.org/
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Mama Grande!
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Mama Grande! »

Rockatansky a écrit : 17 avr. 24, 15:54 Il a déjà répondu et s'en est excusé. Après la justice suis son cours pour le reste.
Oui, et l'attaque du collectif militant semble ne même pas considérer la possibilité qu'il ait pu changer, se remettre en question, depuis les polémiques. S'il a eu un mauvais comportement ou commis des erreurs à un instant T, peu importe les regrets exprimés ou l'évolution de la personne, peu importe que l'exposition (dans un lieu privé faut-il leur rappeler?) ne comporte aucun dessin problématique, il doit être effacé. Je trouve ça très malaisant.
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cinephage
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par cinephage »

C'est fou comme ce "Nous sommes le futur" me rappelle une scène de Class 1984...
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Mosin-Nagant
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Mosin-Nagant »

Mama Grande! a écrit : 19 avr. 24, 13:52la possibilité qu'il ait pu changer, se remettre en question, depuis les polémiques.
Je cherchais un entretien consultable gratuitement où le dessinateur s'exprime par rapport à toute cette affaire. Celui-ci est assez intéressant :
L’exposition Bastien Vivès "Héritages" chez Huberty & Breyne relance la polémique
Interview par Charles-Louis Detournay, le 11 avril 2024

On se souvient qu'une "Carte blanche à Bastien Vivès" qui se devait se tenir dans le cadre du Festival d'Angoulême avait suscité une vive réaction et une pétition signée par plus de 100 000 personnes lui reprochant, pour la plupart sans avoir lu les livres, de "normaliser la culture du viol, la pédopornographie et l’inceste" dans des albums parus quelques années plus tôt. Dans la foulée, quelques associations avaient porté plainte. L'affaire est toujours en cours d'instruction.

Après quelque 18 mois de silence, Bastien Vivès reprenait la parole le mois dernier, accordant une interview au Point où il faisait part du caractère choquant de l'instruction judiciaire menée contre lui, alors même que les précédentes enquêtes avaient été classées sans suite, pointant l'attaque en cours contre la liberté d'expression. Il revient aujourd'hui sur le devant de la scène dans une grande exposition pour la Galerie Huberty & Breyne à Bruxelles constituée de dessins originaux. Une expo qui fait elle aussi l'objet d'une pétition pour son interdiction. Comment Bastien Vivès vit-il cela? Nous l'avons rencontré pour le savoir.


Quel était votre état d’esprit lorsque vous avez réalisé les œuvres de cette exposition ?

De manière générale, je suis passé par plusieurs étapes depuis les événements de fin 2022, les pétitions et la déprogrammation de mon expo prévue pour le FIBD d’Angoulême 2023. Tout d’abord, la panique, qui a duré un bon mois. J’ai dû revenir à mes fondations pour voir si elles existaient et si elles étaient solides. J’avais la chance d’être entouré de ma femme, de mes enfants, de mes parents, de mes amis ainsi que de mes éditeurs Casterman et Glénat. Une fois que j’ai pu me raccrocher à ces murs porteurs, la panique a cédé la place à une courte phase de haine, qu’il fallait transformer en colère. Puis, j’ai transformé la colère en énergie pour pouvoir me remettre à travailler.

Je ne sais pas ce qui aurait pu se passer si je n’avais pas eu cette solidité autour de moi. C’est là où on se rend compte à quel point le milieu de la bande dessinée reste précaire, c’est un métier d’artiste et de saltimbanque. J’aurais pu dégager en un claquement de doigts !

En un an, j’ai eu le temps de beaucoup réfléchir et surtout de prendre du recul. J’ai compris ce qu’on me reprochait. J’arrive à discerner, à faire la part des choses. Je comprends aussi mes erreurs. Mais des valeurs fondamentales ont tout de même été attaquées, et je suis résolu à me battre.

Les menaces que vous avez reçues, l’annulation de l’exposition à Angoulême, les poursuites en justice, tout cela vous a conduit à une prise de recul ?

Tous les grands événements vous poussent à prendre du recul sur vous-même. Je me suis marié, j’ai eu des enfants, il y a eu des naissances autour de moi ainsi que des décès. Chaque moment marquant de votre vie vous amène à réfléchir, à gagner en maturité, car ce sont des étapes qui vous forcent à vous repositionner.

Là, j’ai vécu un énorme événement dans le milieu de la bande dessinée. Évidemment, ça m’a poussé à me poser et à réfléchir. Et l’on gagne toujours à se remettre en question. J’ai donc pris du recul, hiérarchisé les choses. Maintenant, je me sens en possession de meilleurs outils, je pense, pour attaquer mes prochains albums et le futur de ma création.

Allez-vous recentrer votre univers artistique d’une manière à moins à choquer le public ?

Je ne vais pas sombrer dans le militantisme. Aujourd’hui, toute une partie de mon œuvre a été entachée. La moindre chose que je réalise peut être interprétée comme de la provocation. C’est un jeu dangereux, mais c’est aussi dans ce type d’ambiance qu’ont travaillé beaucoup d’auteurs de bande dessinée. De manière générale, la bande dessinée a toujours été au cœur de cette problématique et de ces polémiques-là.

À mes débuts, la bande dessinée était dans une phase d’ouverture : le marché grandissait, les ventes suivaient, bref cela allait relativement bien. Et j’ai entendu des auteurs dire : « Le problème de la bande dessinée, c’est qu’on a cru qu’il y avait de l’argent à se faire... » À l’époque, je n’avais pas forcément saisi le sens de cette phrase. Avec le recul, je comprends que le milieu s’est précarisé. Quand l’économie va mal, les auteurs vont mal et les relations entre eux en sont affectées.

Image
We’re coming for you !

Quel impact a cette affaire sur votre création ?

Il faut maintenant que je fasse attention car je sais que chaque chose que je vais produire sera vue par certaines personnes comme une provocation. Je dois garder la tête froide et me recentrer sur les fondamentaux de la bande dessinée. C’est exactement ce que j’ai voulu faire avec cette exposition « Héritages ».

Est-ce que vous vous revendiquez comme un provocateur ?

J’ai commencé la bande dessinée en faisant de l’humour et on le retrouve dans tous mes albums, même les plus sérieux. Si, aujourd’hui, faire de l’humour est une provocation, alors oui, je suis un provocateur parce que la bande dessinée et l’humour sont indissociables à mes yeux.

L’humour est au cœur de cette exposition.

Parce que l’humour me caractérise, il fait partie de moi tout simplement. Je me rappelle cette phrase de Pierre Desproges qui disait que les gens seront toujours du côté du guignol. On peut trouver cela idéaliste, mais pour ma part, j’y crois profondément.

De manière plus générale, je ne souhaite pas me défendre par le biais de cette exposition. Elle m’aide à réfléchir à nouveau à tout ce qui s’est passé. Ce qui m’a le plus heurté, là où j’ai le plus souffert, c’est de me rendre compte que la bande dessinée risque gros. Et je ne suis pas en train de parler de moi… Je n’ai fait que poser une petite brique au sein d’une immense cathédrale construite par tous les autres autrices et auteurs. Ma plus grande peur a été que cette construction s’arrête ! Lorsque j’ai vu ce qui s’est passé au sein de cette cathédrale, à savoir cette méconnaissance totale de l’Histoire de la bande dessinée de la part d’autres auteurs, donc de collègues, cela m’a donné envie de me recentrer sur ce qu’est le médium, son héritage graphique, pour me rappeler, nous rappeler pourquoi on fait de la bande dessinée.

ImageLe Grand Froid

Certains dessins laissent à penser que vous êtes redescendu brutalement d’un nuage où vous pensiez que l’ensemble des auteurs composaient une communauté solidaire.

Oui, je le pensais. Sans doute suis-je encore très naïf et je dois travailler sur ce point également. Mais si nous ne partageons pas une volonté commune de faire progresser un art, alors nous sommes de simples commerçants ! Je n’arriverais pas à comprendre le sens de notre art… Pour moi, au sein de la bande dessinée, il y a de la place pour tous. Ce n’est pas une entreprise où l’on fait descendre Vivès de son piédestal pour prendre sa place. Les gens qui m’ont soutenu ne craignaient pas de prendre des coups, car la bande dessinée était plus importante à leurs yeux que leur propre position d’auteur.

La bande dessinée est une bulle : nous vivons une parenthèse enchantée qui existe depuis une centaine d’années. Elle est absolument merveilleuse et il faut préserver ce climat. Parce que tous les exemples autour de moi me montrent que la bande dessinée n’a pas forcément sa place partout dans le monde. Disposer d’un espace où l’on peut raconter des histoires pour enfants comme pour adultes démontre que c’est un merveilleux médium, abordable, et aux possibilités presque infinies.

En introduction du catalogue de votre exposition se trouvent deux planches de Dany où Olivier Rameau ne rêve plus...

On a toujours entendu dire que la bande dessinée rendait les gamins débiles, sans parler des adultes qui osaient en lire, ô scandale ! Si Dany fait ces planches en 1987, comme tant d’autres l’ont abordé également à leurs manières, c’est pour rappeler que le milieu de la bande dessinée s’est toujours battu pour aller à l’encontre de ce courant.

Les problèmes que j’ai rencontrés, ne sont pas juste des questions d’ordre idéologique de 2024, comme si une génération venait d’apparaître et de découvrir qu’il y avait des choses complètement amorales. Bien sûr que non, ces mots étaient déjà ceux de ma grand-mère, de mon arrière-grand-mère. Je voulais reconvoquer ces éléments au travers de ces références, de ces héritages.

Dans l’exposition, on trouve donc des pastiches, de la parodie, de la caricature, des détournements comme des photos connues où j’ai rajouté un sac Canal-BD par exemple. Je parle d’héritage, car j’ai toujours lu de la bande dessinée et j’ai toujours trouvé de la bande dessinée qui me correspondait à chaque moment de ma vie. Elle n’avait peut-être pas été réalisée précisément pour ma tranche d’âge, mais elle représentait exactement ce que je voulais lire à ce moment-là. Quand j’ai voulu m’encanailler, elle était là. Quand j’ai voulu rêver, elle était là. Mieux : je ne pensais pas qu’on pouvait pleurer avec de la bande dessinée, mais des albums me l’ont démontré avec talent et émotion. Disposer de cette grande variété d’approches est justement ce qui la rend belle et précieuse. Et je me suis rendu compte qu’elle était aussi très fragile.

ImageComics house

Vous représentez des quidams qui arborent des personnages iconiques de la BD sur leurs vêtements ou l’évoquent dans la vie de tous les jours. Mais c’est une illusion, non ?

Oui, je pense que je vis moi-même dans le fantasme pur d’un monde idéal dédié au 9e art. L’exposition reprend un autre dessin, intitulé Comics House, où je me suis dessiné avec ma femme et mes enfants, marchant dans une rue des années 1970 dédiée uniquement à la bande dessinée. Je me suis inspirée de la photo d’une rue américaine remplies de cinéma X où j’ai remplacé les mots « porn » et « sex » par « comics », et où l’on retrouve tout le monde est en train de lire la BD. Car j’ai toujours aimé cette idée de langage commun et international qu’est la bande dessinée. Dans nos pays, rares sont d’ailleurs les enfants qui grandissent sans lire de bandes dessinées, y compris le manga qui participe à l’essor du médium.

Quant à la frontière entre le réel et la fiction dessinée, oui je revendique complètement cette perméabilité. L’immersion que l’on ressent à sa lecture est justement l’une des choses qui me plaît le plus. Il ne s’agit pas d’un film pour lequel il faut se plonger dans le noir ou un livre pour lequel le cerveau recrée le décorum. Dès qu’on ouvre un album de bande dessinée, l’impact visuel provoque une immersion immédiate. Là réside sa force.

J’y suis tellement sensible que je ressens sans doute moins la frontière avec la vie réelle que d’autres. J’ai d’ailleurs toujours cherché à bâtir des passages entre eux, ce qui m’a certainement desservi concernant les problèmes qui me sont tombés dessus. J’ai certainement été trop brut, imaginant que la vie était un peu comme une bande dessinée, un peu déconnante, que l’on pouvait tout dire, tout faire.

Est-ce qu’il y a des albums que vous regrettez aujourd’hui ?

Non, aucun. Aussi triste soit cette affaire, elle prend le pouls de notre société. Au moment de leurs sorties, mes albums n’ont emmerdé personne. Plusieurs années plus tard, on m’attaque sur leur contenu, on me traîne en justice. À chaque fois, j’ai bénéficié d’un non-lieu. Mais cela n’empêche pas que je vais à nouveau être jugé pour leur contenu…

Lorsque je réalise un album, il est le produit du moment où il sort. Un récit que je publie en 2020 n’est pas prévu pour paraître en 2050. Il sort à une période que l’on partage. Je pense que La Décharge mentale est peut-être un des albums les plus intéressants à ce niveau-là, parce que j’ai mis le doigt sur quelque chose qui caractérisait l’époque, qui n’était pas raté ni totalement réussi. Cet entre-deux a pu irriter beaucoup de monde et je trouve cela formidable. Il méritait donc d’être fait.
Mais si je devais le refaire aujourd’hui, je ne le réaliserais certainement pas de la même façon. Pas après ce qui s’est passé, et ce que cela a provoqué. Je le retravaillerais autrement, avec d’autres angles et d’autres procédés toujours un peu grinçants, parce que j’ai toujours aimé titiller…

Non pas choquer, cela ne m’intéresse pas. Je préfère explorer certaines limites : quand on sait qu’on ne doit pas rigoler d’un sujet et qu’il nous fait finalement rire, les éclats sont plus francs et plus forts. Comme le dit si bien Michaël Sanlaville, si les merlans frits avait été le sujet tabou en France à l’époque, j’aurais réalisé un album à ce propos. La pédopornographie n’est donc pas du tout un sujet personnel, ce qui m’intéressait était la crispation qu’elle générait… sans penser que la justice pouvait être rétroactive à ce point-là.

Cette mise en cause par la justice plusieurs années après ces publications vous semble anachronique ?

Sans aller jusqu’à ce point, si La Décharge mentale s’était plantée dès sa sortie, j’aurais immédiatement compris ! Au contraire, l’album a été super bien accueilli, les gens ont adoré. Puis, plus tard, des mouvements ont émergé avec les prises de conscience que l’on connaît maintenant. La société a évolué, mais a-t-on pour autant le droit de reprocher certains de mes propos émis il y a plus de quinze ans ?...
Je n’ai jamais réalisé un album avec désinvolture, ou pour des raisons financières. Je n’ai donc pas publié quelque chose que je regrette ou que je pourrais regretter.

ImageLe Calvaire

Vous signez cette grande illustration du Calvaire où le Christ est entouré par toutes ces femmes à la poitrine opulente. Est-ce là une métaphore bouffonne de votre propre calvaire ?

Oui, complètement. C’est d’ailleurs la seule pièce de toute l’exposition qui n’est pas à vendre… Parce qu’on a tous une représentation de notre Calvaire personnel… Et pour moi… Comment dire ?...

Ah… C’est pour ça que je fais de la bande dessinée : parce que j’arrive plus facilement à m’exprimer à l’aide d’un dessin, alors que, dans une conversation, certains mots comme « fantasme » ou « perversité » me font moins bien comprendre et tomber tout de suite dans un autre registre. Ce que j’apprécie dans cette illustration tient également à l’humour qui s’en dégage, à son détournement.

Cette confusion est un moteur en soi ?

C’est l’encombrement des envies, de tout ! En tant qu’artiste, être encombré par cinq mille sujets qu’on a envie de traiter alors qu’il ne faut en choisir qu’un. Être encombré en permanence est la manière dans laquelle je vis. Cet encombrement n’est pas apparenté pour moi à de la gêne, juste à la quantité de choses qu’on ramasse. Quand on fait de la bande dessinée, on prend aussi toute l’Histoire du médium avec soi. Et c’est justement ce qui m’a choqué dans les affaires de ces derniers mois : j’ai entendu des autrices et des auteurs cautionnant la censure et la revendiquer comme nécessaire aujourd’hui. Moi, ça me rend fou et je pense que n’importe quelle personne qui connaît un peu l’édition de la bande dessinée réagira de la même façon.

La plupart des projets auxquels vous étiez associé ont paraît-il été interrompus.

Oui, depuis un an et demi, pas mal de choses ont été stoppées ou abandonnées. J’ai heureusement pu avancer sur d’autres projets, je le dois beaucoup à la confiance de Casterman et de Patrizia Zanotti, l’ayant droits d’Hugo Pratt. Le Corto Maltese que j’ai dessiné a été capital pour moi, je ne pensais pas qu’il serait un tel compagnon de galère. Je l’ai dessiné pendant toute cette année compliquée et cela m’a vraiment fait du bien, car il a été ma bouée de secours et je me suis rattaché à elle. Cela m’a permis de montrer que même lorsqu’il m’arrivait ce genre de chose, je pouvais quand même refaire des livres, que je n’étais pas seulement un guignol de passage. Mais c’est vrai qu’aujourd’hui, je ne construis aucun projet en dehors de la bande dessinée, parce que tout cela reste fragile… Alors qu’en BD, j’ai ma place, je continue d’avancer.

Vous y revendiquez votre place ?

Bien sûr ! Certes, j’ai été très influencé par une narration cinématographique au début de ma carrière, mais on remarque que, dans mon travail, je cherche à exploiter de plus en plus le format et le potentiel de la bande dessinée.

Image
Le Drame

D’où la ligne qui se dégage de l’expo : un hommage à toutes vos références.

On retrouve beaucoup de références, mais il en manque énormément. Je me suis surtout concentré sur l’imaginaire de la bande dessinée, que l’on soit néophyte ou pas, que l’on soit professionnel ou non. Je ne voulais pas réaliser un best of de mes influences car cela n’aurait pas intéressé le public, mais plutôt sur les origines communes à tout ce que j’aime : Hergé et Disney. On ressent que même le manga découle de ces quelques personnes qui, dans leur coin, ont créé une forme de langage qui allait parler à la Terre entière. Moi je trouve ça absolument merveilleux et j’en joue énormément.

Précédemment, j’ai réalisé un album que j’aime beaucoup, Dernier Week-end de janvier, qui n’a pas forcément trouvé son public à cause de la polémique qui nous occupe. Un récit très personnel qui me tient à cœur, et dont je reprends le personnage dans l’expo. Il incarne le milieu de la bande dessinée qui me passionnait avant mon histoire, et qui continue de me passionner. C’est d’ailleurs ce qui m’a plus manqué pendant ces 18 mois : les festivals, la discussion avec les lecteurs et avec les autres auteurs. Certains disent que parler de BD pendant plusieurs jours lors d’un festival, pouvait être lassant, mais pour ma part, j’ai toujours adoré parler dessin. A contrario, je parle de judiciaire depuis plus d’un an et cela me mine le moral.

Image3 Polina achetés = 1 goût du chlore offert

Dans l’expo, vous vous dessinez, plus vieux d’une vingtaine d’années, en train de solder vos propres bouquins…

Cette caricature devait être exposée à Angoulême en 2023, comme certaines autres que j’ai reprises pour cette occasion à la galerie Huberty & Breyne. Elle était presque annonciatrice de certaines choses qui se sont déroulées, mais je préfère retenir l’humour qui s’en dégage.

Cette expo-vente reprend donc en partie l’expo du FIBD qui a été annulée ?

Si j’avais travaillé sur la Carte blanche d’Angoulême, c’est que j’avais tout de même quelque chose à dire. J’avais réfléchi à une thématique assez conceptuelle, et j’ai donc répondu favorablement par la suite lorsqu’Alain Huberty m’a proposé de monter une nouvelle exposition. Cela me plaisait de revenir sur le papier, mais je voulais surtout exprimer avec des illustrations ce que je ne pouvais pas forcément développer dans des albums. Ces dessins ne sont pas que de belles images destinées aux collectionneurs, ils sont surtout narratifs. J’espère que cette exposition intriguera, qu’elle fera un peu réfléchir… et qu’elle détendra l’atmosphère.

Cherchez-vous à ce que tout se calme ?

En tout cas, la stratégie du dos rond est belle et bien terminée. Je l’ai adoptée un moment parce qu’il fallait que les choses s’apaisent. Maintenant, des enquêtes et des procès sont encore en cours, mais je vais tenir bon car je ne veux pas que l’on fasse de mal à la bande dessinée. J’aurai beaucoup de mal à me remettre d’une décision liberticide par rapport à la création. Me rendre compte que j’aurais forcé le destin pour parvenir à cette conclusion, me serait particulièrement difficile. Pour ne pas dire plus… Je pense que cette polémique a créé un traumatisme dans le milieu de la bande dessinée qui n’y était pas préparé. On ne s’attendait pas à cette violence.

J’ai un travail à faire sur moi, ainsi que mes éditeurs qui ont, eux aussi, pris conscience qu’il fallait faire front quand on est attaqués, rester solidaires entre auteurs et éditeurs, tout en s’adaptant à l’époque où l’on publie. Car il y a plein de beaux livres à publier, et je ne parle pas de moi. Les éditeurs doivent être forts et aussi courageux pour proposer certains contenus.

ImageMain dans la main

Pour terminer, vous réalisez un dessin où l’héroïne du Goût du chlore marche main dans la main avec Petit Paul : une manière de concilier ce qui semble inconciliable pour beaucoup ?

Beaucoup de personnes qui m’attaquent veulent démontrer qu’il y a le bon et le mauvais Vivès. C’est une vision manichéenne que je rejette bien entendu, je ne suis qu’un auteur et j’assume tous mes livres.

Puis c’est une question de point de vue : certaines lectrices et certains lecteurs vont trouver que quelques-uns de mes albums sont mièvres alors que d’autres les adorent ; une autre partie du public considère que d’autres ouvrages sont abjects même s’ils sont applaudis dans le même temps. Et je partage ce ressenti : il y a pleins d’auteurs et d’artistes que j’adore, et qui ont également produit des œuvres que je déteste. Mais même les mauvais livres d’une autrice ou d’un auteur que j’apprécie, sont intéressants. Surtout si d’autres les qualifient de chefs-d’œuvre : c’est à chaque lecteur de juger.

Je pense que les artistes sont uniquement voués à proposer des choses au public, pas de les imposer, et certainement pas pour faire l’apologie d’un truc ou l’autre. À la fin, chacun est juge.

Propos recueillis par Charles-Louis Detournay.
https://www.actuabd.com/L-exposition-Ba ... -polemique
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tenia
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par tenia »

Interview "pauvre bichette". Je crois que ma partie préférée est celle où il sous-entend que si tout le milieu ne l'a pas soutenu, c'est parce que certains voudraient le faire tomber pour prendre sa place dans les ventes (quoique j'hésite avec le point "y a pas de souci avec La décharge mentale sinon personne ne l'aurait acheté !").

Et effectivement pas une question sur son rapport à ses propos IRL passés, alors que ce serait intéressant de savoir effectivement s'il a évolué ou s'il est toujours excité à fond par l'inceste raconté, et s'il pense toujours que les gamins apprécient les scènes de cul dans une BD (ou s'il a fini par retrouver le fameux manga pédophile avec des gamines de 3-4 ans).

Interview intéressante cependant sur les discussions plus larges qui y sont abordées, mais pour tout ce qui concerne directement Vivès, faudra repasser.
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Mama Grande!
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Mama Grande! »

Merci Mosin-Nagent, très intéressant.
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Shin Cyberlapinou
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Re: Déni du fantasme, moralisation douteuse et féminisme dévoyé

Message par Shin Cyberlapinou »

Gros débat depuis 18 mois, je vais tâcher d'apporter ma pierre tout en restant synthétique.

Déjà je note qu'après un long moment silence (auto?)imposé Vivès commence à s'exprimer, et cela s'accompagne d'initiatives et prises de parole allant dans son sens (Le Monde, Le Point, l'Observatoire de la Liberté de Création), je veux y voir le signe d'un retour à des réflexions plus nuancées.

Concernant ces interviews récentes Vivès ne se risque effectivement pas à aller sur certaines actions indéfendables car il n'a rien à y gagner, et parce que le fond du problème juridique ne concerne que ses oeuvres. J'aime bien Vivès en général, son oeuvre pornographique m'intéresse moyennement car il s'agit fondamentalement de récréations potaches assez anecdotiques je pense conçues comme telles. Je suis retombé sur les bandes incriminées dans un coin de ma bibliothèque, j'en ai relu deux (Petit Paul et La décharge mentale) avec le recul post scandale et mon avis n'a au fond pas changé, c'est idiot, complètement outrancier, ça joue avec divers tabous à la façon d'un sale gosse, je ne sais pas ce que ça dit de moi mais je trouve l'ensemble "inoffensif", quoique ça dise de la psyché de l'auteur.

Vivès est peut-être un odieux connard (pour m'être fait dédicacer Petit Paul au détour d'un ventre mou dans un festival je ne l'ai pas trouvé follement chaleureux) et la violence de certaines attaques de collègues m'a effectivement fait penser à une jalousie professionnelle ou quelques règlements de comptes sous couvert de justice sociétale (ou effet de meute...). Reste qu'en 18 mois il n'y a pas eu d'autres révélations, pas d'accusation de viol, de harcèlement ou même de drague lourde (à l'inverse de Ruppert, probablement grillé à vie), de "simples" interventions en ligne dont certaines remontent à 20 ans. Je n'ai pas retrouvé l'interview vidéo de Madmoizelle (pourtant revue il y a quelques semaines) avec la fameuse phrase "l'inceste ça m'excite à mort", mais j'avais surtout été frappé par la réaction amusée de la journaliste, qui soit été subjuguée par cette star du milieu soit participait à l'ambiance tongue in cheek/trollesque de la rencontre, ce qui semble être le mode de fonctionnement de Vivès, avec des résultats pas toujours heureux, on l'aura compris.

En face de ce sale con supposé on a notamment Emma Clit, qui aux dernières nouvelles n'a toujours pas lu les ouvrages concernés mais déclare "Vivès est un obsédé de l'inceste et des gros seins dont le succès est en partie dû à son réseau bourgeois et un imaginaire patriarcal qui continue de propager l'idée que violer des enfants c'est subversif". Entre ces propos qui font hausser le sourcil du bourgeois blanc hétéro cis quadra et j'espère un peu féministe que je suis, la caution des menaces qui ont fait annuler l'expo d'Angoulême* et les attaques contre On a chopé la puberté (qui ne sera au final plus réimprimé, et que j'ai du mal à voir comme un odieux pamphlet masculiniste) je me dis que si je dois choisir mon camp je préfère encore celui de Vivès...


* Solide article, la citation est au tiers de la page
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