Café Society (Woody Allen - 2016)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Re: Café Society (Woody Allen - 2016)

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Alexandre Angel a écrit :Pas trop d'accord avec ça, quand même. Outre que je trouve qu'elle dégage quelque chose (mais je l'ai déjà dit), elle apporte sa contribution à la mélancolie ambiante en y déposant la sienne. L'enjeu est tout simplement sa souffrance d'épouse qui sait ce que ressent son mari, et devine son histoire. Ce personnage-là, on l'a vu dans d'autres films. Je pense à Wynona Rider dans Le Temps de l'innocence. Même si chez Scorsese, c'était plus fouillé et ambivalent d'un point de vue scénaristique, le personnage de Blake Lively est aussi (potentiellement) la victime du "rendez-vous manqué avec la vie " que tu évoques.
A mon avis, Woody ne s'intéresse pas au personnage de Lively. Il lui donne des répliques creuses, il ne la montre pas souffrir, il la fait jouer rapidement en l'éclairant mal dans des séquences qui sont formellement parmi les moins inspirées du film. Il l'utilise de manière fonctionnelle, car il a besoin de marier Bobby, comme Vonnie, pour que l'idée centrale du film (Bobby et Vonnie étaient faits l'un pour l'autre et s'aimaient et pourtant ils vivront séparément deux vies mélancoliques) porte tous ses fruits. Même avec un effort d'imagination, on reste très loin du personnage faussement naïf et très déterminé de Wynona Rider (elle fait partie du "complot" contre Archer) dans Le Temps de l'innocence qui parvient à éloigner son mari d'une autre femme (non mariée et donc une rivale plus dangereuses pour elle que l'est Vonnie) pour le restant de ses jours.
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Re: Café Society (Woody Allen - 2016)

Message par AtCloseRange »

Strum a écrit :
Alexandre Angel a écrit :Pas trop d'accord avec ça, quand même. Outre que je trouve qu'elle dégage quelque chose (mais je l'ai déjà dit), elle apporte sa contribution à la mélancolie ambiante en y déposant la sienne. L'enjeu est tout simplement sa souffrance d'épouse qui sait ce que ressent son mari, et devine son histoire. Ce personnage-là, on l'a vu dans d'autres films. Je pense à Wynona Rider dans Le Temps de l'innocence. Même si chez Scorsese, c'était plus fouillé et ambivalent d'un point de vue scénaristique, le personnage de Blake Lively est aussi (potentiellement) la victime du "rendez-vous manqué avec la vie " que tu évoques.
A mon avis, Woody ne s'intéresse pas au personnage de Lively. Il lui donne des répliques creuses, il ne la montre pas souffrir, il la fait jouer rapidement en l'éclairant mal dans des séquences qui sont formellement parmi les moins inspirées du film. Il l'utilise de manière fonctionnelle, car il a besoin de marier Bobby, comme Vonnie, pour que l'idée centrale du film (Bobby et Vonnie étaient faits l'un pour l'autre et s'aimaient et pourtant ils vivront séparément deux vies mélancoliques) porte tous ses fruits. Même avec un effort d'imagination, on reste très loin du personnage faussement naïf et très déterminé de Wynona Rider (elle fait partie du "complot" contre Archer) dans Le Temps de l'innocence qui parvient à éloigner son mari d'une autre femme (non mariée et donc une rivale plus dangereuses pour elle que l'est Vonnie) pour le restant de ses jours.
Ce que tu dis me fait penser au problème qu'on retrouvait dans certains de ses films des années 90 comme Maudite Aphrodite ou Accords et Désaccords avec à chaque fois un personnage féminin passionnant fort (Morton et Sorvino) et un autre sans intérêt (Thurman et Bonham Carter) où là aussi on sent vraiment que les personnages sont négligés.
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Alexandre Angel
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Re: Café Society (Woody Allen - 2016)

Message par Alexandre Angel »

Strum a écrit :Même avec un effort d'imagination, on reste très loin du personnage faussement naïf et très déterminé de Wynona Rider
Oui, ma comparaison était hasardeuse (j'ai pris le premier exemple qui me soit passé par la tête) et, du coup, claudicante :mrgreen:
Strum a écrit :A mon avis, Woody ne s'intéresse pas au personnage de Lively. Il lui donne des répliques creuses, il ne la montre pas souffrir, il la fait jouer rapidement en l'éclairant mal dans des séquences qui sont formellement parmi les moins inspirées du film.
C'est ça que je trouve discutable et, pour le coup, je rejoindrais Thaddeus qui semble dire que, dans le cas de ce film-ci, Woody Allen fait preuve d'une bienveillance envers ses personnages, qu'il dote d'une certaine intelligence du cœur. Et donc,
AtCloseRange a écrit :Ce que tu dis me fait penser au problème qu'on retrouvait dans certains de ses films des années 90 comme Maudite Aphrodite ou Accords et Désaccords avec à chaque fois un personnage féminin passionnant fort (Morton et Sorvino) et un autre sans intérêt (Thurman et Bonham Carter) où là aussi on sent vraiment que les personnages sont négligés.
bien que je trouve cette remarque très juste (je n'y avais pas spécialement pensé mais devais le ressentir sans le verbaliser), je n'y rattacherais pas Blake Lively qui, pour moi, apporte quelque chose au film, de façon assez fine, qui sert son propos mélancolique.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Café Society (Woody Allen - 2016)

Message par Strum »

Alexandre Angel a écrit :C'est ça que je trouve discutable et, pour le coup, je rejoindrais Thaddeus qui semble dire que, dans le cas de ce film-ci, Woody Allen fait preuve d'une bienveillance envers ses personnages, qu'il dote d'une certaine intelligence du cœur.
Concernant cette bienveillance générale, je suis d'accord, et c'est pour cela que j'ai in fine bien aimé ce Woody, malgré ses limites. Il a enfin mis un frein à ses penchants misanthropes et regarde ici ses personnages avec une certaine bienveillance. D'ailleurs, tant qu'à faire, je donne ci-dessous, la version longue de mon avis, que j'ai écrite entretemps et qui reflète plus fidèlement mon opinion sur le film. :)

Attention spoilers

Les films de Woody Allen reposent sur des idées, des situation imaginées, avant de reposer sur des dialogues brillants. Il y a des dizaines d'idées qui traversent ou propulsent ses films et elles témoignent de son don d'imagination (la plus belle faculté artistique avec l'empathie) : personnage de film sortant de l'écran (La Rose Pourpre du Caire), homme caméléon parcourant des images d'archives (Zelig), gangster doué d'un talent de dramaturge (Coups de feu sur Broadway), conte biblique devenant fable existentielle (Crimes et délits), voyage dans le temps (Minuit à Paris), mère juive envahissant le ciel de son image (New York Stories), femme invisible (Alice), personnages faisant l'inverse de ce qu'ils professent (Hannah et ses soeurs), auteur rencontrant en chair et en os ses personnages (Harry dans tous ses états), la liste est longue : c'est un feu d'artifice d'idées, bien que, de plus en plus, les mêmes idées reviennent dans ses derniers films.

Quelle est l'idée centrale qui sous-tend Café Society (2016) de Woody Allen, film d'ouverture du Festival de Cannes ? Elle est simple et assez inusitée dans sa filmographie, tout en illustrant un thème qui lui est familier, celui du choix et du hasard : une jeune femme amoureuse hésite entre un jeune new yorkais sans emploi et un riche agent hollywoodien qui fait le double de son âge mais lui assure une sécurité matérielle. Elle choisit l'homme d'âge mûr et finit par le regretter. Tout commence lorsque Bobby Dorfman (Jesse Eisenberg), juif new yorkais en provenance du Bronx, arrive dans le Hollywood des années 1930 pour solliciter un emploi auprès de son oncle Phil (Steve Carrell), agent de stars. Bobby tombe immédiatement amoureux de Vonnie, la secrétaire de Phil, sans savoir qu'elle est aussi sa maitresse. C'est Kristen Stewart qui incarne Vonnie, et sa beauté hésitante, qui vacille dans certains plans pour resurgir dans d'autres, est le parfait reflet du caractère changeant de son personnage, qui hésite entre deux hommes. Les scènes de romance entre Bobby et Vonnie sont charmantes, la sensibilité frémissante de Stewart mettant à l'épreuve la raideur maladroite d'Eisenberg. Cette première partie plutôt réussie se déroule dans un Hollywood factice, où les villas de star et les bars intimes se teintent de couleurs jaunes, que l'on doit au grand chef opérateur Vittorio Storaro (qui travaille pour la première fois avec le réalisateur) mais qui sont aussi typiques de la veine nostalgique de Woody Allen. Après plusieurs quiproquos assez drôles (le neveu et l'oncle s'avouant leur coup de foudre, sans réaliser qu'ils parlent de la même femme), et après avoir longtemps tergiversé (les trois personnages sont bien écrits, y compris l'oncle, moins caricatural qu'il n'y parait de prime abord, de sorte que l'on comprend ses hésitations), Vonnie choisit Phil et Bobby rentre mortifié à New York. Fin du premier acte.

Le deuxième acte se passe entièrement à New York, car Vonnie n'hésitait pas seulement entre deux hommes, mais aussi entre deux villes (la confrontation entre New York et Hollywood (Los Angeles) est une vieille marotte de Woody, qui date d'Annie Hall (1977)). Hélas, cette partie est pour l'essentielle fonctionnelle et dénuée d'inspiration. Vonnie n'étant plus là, le film est soudain privé de son coeur, de son étincelle de vie, de son idée d'une femme hésitant entre deux hommes. Woody ne parvient pas à lui substituer une idée d'une fécondité dramaturgique équivalente, et dans cette partie illustrative, il raconte platement comment Bobby devient progressivement gérant d'un night club, le Café Society du titre (qui exista réellement : Billie Holliday et Sarah Vaughan y chantèrent), fondé avec l'argent de la pègre par son frère, un gangster, mais aussi comment il rencontre une autre Veronica (Blake Lively), qu'il n'aime pas mais finit par épouser. Le fil narratif du film dévolu à Veronica est trop court pour ce qu'il raconte, et en même temps trop long en raison de son absence de rythme (d'autant que cette autre Veronica, qui n'apparait que dans quelques scènes, est un personnage sans charisme qui n'intéresse guère Allen). C'est que, depuis le départ en 1998 de Susan Morse, la monteuse de tous ses chefs-d'oeuvre, Woody Allen n'a jamais vraiment recouvré le secret du rythme qui faisait pétiller ses meilleurs films, où les dialogues brillants prenaient appui, en guise de tremplin, sur un montage formidablement enlevé. C'est la collaboration entre Allen et Morse qui était à l'origine du rythme si vif et fluide des grands Woody. Une place plus significative est également faite dans cette partie centrale à la famille de Bobby, à ses parents, à sa soeur et à son philosophe de mari, ce qui donne lieu à des digressions familières sur la responsabilité du crime et son châtiment (la soeur est-elle responsable du meurtre du voisin ?), sur l'impuissance du philosophe qui parle beaucoup mais n'agit pas (les "Mensch", puisque c'est ainsi que Woody désigne ironiquement cet homme juste, en prennent pour leur grade, comme souvent chez le réalisateur). Ces digressions et ces personnages ne sont bien entendu pas sans charme, mais ils font figure de pot-pourri du cinéma de Woody Allen, qui a déjà traité de sujets identiques par le passé, en particulier dans l'indépassable Crimes et délits. On ne se plaindra pas cependant du fabuleux et hilarant dialogue des parents de Bobby sur le judaïsme et la vie après la mort, un feu d'artifice de mots d'esprit et de blagues juives aussi brillant qu'il est bref.

Heureusement, Vonnie finit par revenir. Maintenant marié à Phil, elle fait un séjour à New York et revoit Bobby. Ce dernier réalise alors qu'il est toujours amoureux : il revit et le film avec lui. Car l'idée de la femme hésitant entre deux hommes porte maintenant ses beaux fruits mélancoliques : Vonnie a choisi la sécurité que lui offrait un homme mûr alors qu'elle et Bobby étaient faits l'un pour l'autre. C'est le hasard qui a conduit Bobby devant Vonnie, mais c'est un choix qui l'a conduit à ne pas l'épouser. Choisir, c'est regretter. Sans doute s'en rend-elle maintenant compte, de même que Bobby réalise qu'il ne pourra jamais l'oublier, et que les satisfactions professionnelles que lui apporte le Café Society ne seront pour lui qu'une maigre consolation. De plus en plus raide et vouté dans son costume de gérant (il se donne des airs pour la galerie, pour donner le change), oublieux de l'origine douteuse des capitaux qui ont permis le lancement du Café Society (c'est l'argent de la mafia, l'argent du crime, mais l'argent n'a pas d'odeur, ni ne fait le bonheur ici), il mènera dorénavant sa vie de façon mécanique, jusqu'à son prochain voyage à Hollywood ou la prochaine visite de Vonnie, qui ravivera leurs regrets. Parfois, dans le cours de leurs vies séparées et parallèles, ils penseront l'un à l'autre, et se réuniront en esprit. Ainsi dans cette très belle scène finale, où Bobby fixe l'arrière-scène bleue d'une scène de concert, en forme de demi-cercle, tandis que le foyer mélancolique des yeux de Vonnie se voile à des milliers de kilomètres de là. On ne sait alors si Bobby regarde ce demi-cercle bleuté parce qu'il lui fait penser à l'étrange oval des yeux verts de Kristen Stewart ou si ce qu'il voit, c'est l'horizon infini et solitaire d'une vie sans Vonnie. En somme, ce Café Society, malgré cette partie centrale un peu plate, malgré ses redites, est un Woody de bonne facture (pour un Woody des années 2000), au parfum mélancolique entêtant, meilleur que son décevant Homme irrationnel, d'autant que cette fois, Woody a mis un frein à ses penchants misanthropes (qui avaient contaminés ses récents films) et regarde plusieurs personnages avec bienveillance et compréhension. Ajoutons que Jesse Eisenberg, Kristen Stewart et Steve Carrell défendent tous trois très bien leur personnage.
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Re: Café Society (Woody Allen - 2016)

Message par Watkinssien »

D'accord, tu m'as donné envie de voir le film mais quel rapport avec Woody Allen? :uhuh:
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Re: Café Society (Woody Allen - 2016)

Message par Flol »

Ah mince je suis HS ? Pas fait gaffe.
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Re: Café Society (Woody Allen - 2016)

Message par Strum »

Ah, c'est malin. :mrgreen:
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Alexandre Angel
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Re: Café Society (Woody Allen - 2016)

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Re: Café Society (Woody Allen - 2016)

Message par AtCloseRange »

Strum a écrit :d'autant que cette fois, Woody a mis un frein à ses penchants misanthropes (qui avaient contaminés ses récents films)
Juste une remarque sur ce point qui me pose question.
Je pense que la misanthropie de Woody fait partie du package et que son dernier chef d'oeuvre, Harry dans Tous ses Etats était l'un de ses plus misanthropes (à peine désamorcé par son final). D'ailleurs, c'est la première chose que Tavernier met en avant dans son dictionnaire le concernant.
Donc un Woody plus ou moins misanthrope n'est pas en ce qui me concerne un aspect discriminant.
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Re: Café Society (Woody Allen - 2016)

Message par Strum »

AtCloseRange a écrit :Je pense que la misanthropie de Woody fait partie du package et que son dernier chef d'oeuvre, Harry dans Tous ses Etats était l'un de ses plus misanthropes (à peine désamorcé par son final). D'ailleurs, c'est la première chose que Tavernier met en avant dans son dictionnaire le concernant.
Donc un Woody plus ou moins misanthrope n'est pas en ce qui me concerne un aspect discriminant.
La grande rupture (qui est une rupture formelle), c'est la fin de sa collaboration avec sa monteuse Susan Morse en 1998. En ce qui concerne la misanthropie, il avait de l'empathie pour la plupart de ses héros et héroïnes dans ses films des années 1980, au sens où il comprenait très bien leurs état d'âmes et justifiaient ainsi leur comportement, les décrivant avec finesse, même s'il a toujours été caustique - sa misanthropie s'est aggravée à partir de Maris et Femmes en 1992 (année du début de son divorce difficile avec Mia Farrow avec le déballage de sa vie privée qui a suivi), a repris du poil de la bête avec Harry dans tous ses états, pour finir dans certains films des années 2000 par ressembler parfois à une forme de condescendance pour certains personnages (notamment ceux qui ne sont pas de son milieu), lesdits personnages apparaissant alors peu crédibles et artificiels, ce qui est embêtant sur un plan cinématographique (voilà pour l'aspect "discriminant"). Il semble avoir un peu perdu cette finesse psychologique, de ce don d'observation, qui l'avait caractérisé dans les années 1980. Du moins est-ce mon impression (schématisée pour te répondre). Si la misanthropie est la première chose que note Tavernier dans son entrée sur Woody, je suis en désaccord avec lui.
Dernière modification par Strum le 17 mai 16, 17:46, modifié 1 fois.
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Re: Café Society (Woody Allen - 2016)

Message par AtCloseRange »

Strum a écrit :
AtCloseRange a écrit :Je pense que la misanthropie de Woody fait partie du package et que son dernier chef d'oeuvre, Harry dans Tous ses Etats était l'un de ses plus misanthropes (à peine désamorcé par son final). D'ailleurs, c'est la première chose que Tavernier met en avant dans son dictionnaire le concernant.
Donc un Woody plus ou moins misanthrope n'est pas en ce qui me concerne un aspect discriminant.
La grande rupture (qui est une rupture formelle), c'est la fin de sa collaboration avec sa monteuse Susan Morse en 1998. En ce qui concerne la misanthropie, il avait de l'empathie pour la plupart de ses héros et héroïnes dans ses films des années 1980, au sens où il comprenait très bien leurs état d'âmes et justifiaient ainsi leur comportement, les décrivant avec finesse, même s'il a toujours été caustique - sa misanthropie s'est aggravée à partir de Maris et Femmes en 1992 (année du début de son divorce difficile avec Mia Farrow avec le déballage de sa vie privée qui a suivi), a repris du poil de la bête avec Harry dans tous ses états, pour finir dans certains films des années 2000 par ressembler parfois à une forme de condescendance pour certains personnages (notamment ceux qui ne sont pas de son milieu), lesdits personnages apparaissant alors peu crédibles et artificiels, ce qui est embêtant sur un plan cinématographique (voilà pour l'aspect "discriminant"). Il semble avoir un peu perdu cette finesse psychologique qui l'avait caractérisé dans les années 1980. Du moins est-ce mon impression (schématisée pour te répondre). Si la misanthropie est la première chose que note Tavernier dans son entrée sur Woody, je suis en désaccord avec lui.
My mistake, il le compare à Molière (ce qui m'a entraîné à parler de misanthrope) par sa vision de moraliste.
Il n'empêche qu'elle a toujours été là et qu'à l'instar d'autres (je pense à Moretti) sa position reste celle de quelqu'un qui se voit supérieur au reste du genre humain (position avec laquelle je n'ai aucun souci :mrgreen: ) et qu'il peut se permettre vu qu'il ne s'épargne pas beaucoup non plus.
Je serais curieux de savoir ce que tu penses du cinéma de Todd Solondz :mrgreen:
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Re: Café Society (Woody Allen - 2016)

Message par Strum »

AtCloseRange a écrit :My mistake, il le compare à Molière (ce qui m'a entraîné à parler de misanthrope) par sa vision de moraliste.
Il n'empêche qu'elle a toujours été là et qu'à l'instar d'autres (je pense à Moretti) sa position reste celle de quelqu'un qui se voit supérieur au reste du genre humain (position avec laquelle je n'ai aucun souci :mrgreen: ) et qu'il peut se permettre vu qu'il ne s'épargne pas beaucoup non plus.
Je serais curieux de savoir ce que tu penses du cinéma de Todd Solondz :mrgreen:
Ah "Molière", cela lui va beaucoup mieux que simplement "misanthrope" ! :mrgreen: Allen est manifestement un type supérieurement intelligent, et ses meilleurs films sont de ce fait des chefs-d'oeuvre d'observation ou de description psychologique. Dire pour autant qu'il "se voit supérieur aux autres", c'est différent. Sinon, je n'ai vu aucun film de Todd Solondz. :oops:
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Alexandre Angel
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Re: Café Society (Woody Allen - 2016)

Message par Alexandre Angel »

AtCloseRange a écrit : Je serais curieux de savoir ce que tu penses du cinéma de Todd Solondz :mrgreen:
Ça m'amuse beaucoup que tu poses cette question et là je suis obligé d'intervenir. Parce qu'en 1999, lorsque sort Happiness, de Todd Solondz, j'en vois la bande-annonce. Et, je me dis, en voyant cette BA: "Oh, ça fait Woody Allen!" Il se trouve qu'une sortie ciné était à prévoir avec mes parents et là, je leur dis, benoitement, quand le film est à l'affiche : "On peut essayer ça, vous allez voir, ça fait comédie à la Woody Allen: ça va être rafraîchissant!" Après les 2h10 de vicissitudes sexuellement déviantes et névrotiques du film, alors qu'un berger allemand, dans le plan final, fait un bisou à sa maîtresse juste après avoir léché du sperme et que le générique de fin se met à défiler, ma mère, tout doucettement, presque tendrement, me glisse à l'oreille : "Il était très rafraîchissant ton film" :mrgreen: :lol: Je n'oublierais jamais.. Faut dire que j'ai manqué de jugeote car je connaissais Solondz pour avoir vu Bienvenue dans l'âge ingrat qui était moins hard qu'Happiness mais tout de même déjà décapant.
Cela ne m'a pas empêché de l'avoir adoré, Happiness ,film incroyablement gonflé, d'une franchise et d'une incorrection absolument affolantes, qui laissait pourtant suinter une émotion réelle et puissante, notamment lors d'une séquence de confrontation entre un gamin et son père pédophile. Son meilleur film, je pense. Sinon, j'ai beaucoup aimé le dernier en date : Dark Horse.
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Re: Café Society (Woody Allen - 2016)

Message par 7swans »

Alexandre Angel a écrit :
Thaddeus a écrit :(celui secondaire de Blake Lively, tout à fait adorable, est caractéristique de ce regard),
Eh bien oui,c 'est d'elle dont je suis tombé amoureux. La scène où Jesse Eisenberg la drague dans son club ("Vous aimez le jazz?") est le sommet secret du film : Blake Lively y est géniale de naturel radieux et de réalisme dans le jeu (on croit voir un documentaire très court sur la meilleure façon de jouer, pour une comédienne, le plaisir émoustillé et fier d'être draguée).
Totalement en phase avec Alexandre. Une découverte, pour moi, de Blake Lively à l'écran et je l'ai trouvée d'un naturel incroyable. Contrairement à Kristen Stewart, que j'ai presque trouvée "anachronique", dans son jeu, sa gestuelle, ses mimiques.
Lively hérite du rôle totalement sacrifié (Woody s'est pas foulé pour la caractérisation), mais elle l'habite presque naturellement, sans fantaisie, se fondant totalement dans l'imaginaire de l'époque.

Sinon je ne reviens pas sur le film, grosse déception. Trouvé toute la première partie à Hollywood assez pénible.
J'ai préféré les 3 précédents...
Comme les Notting Hillbillies : "Missing...Presumed Having a Good Time (on Letterboxd : https://letterboxd.com/ishenryfool/)"
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Flol
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Re: Café Society (Woody Allen - 2016)

Message par Flol »

L'équivalent d'un bon bain chaud : c'est agréable, on s'y sent bien ; mais on connait ça par coeur et il ne faut pas que ça dure trop longtemps.
Parmi les bons points, il est quand même impossible de ne pas en citer 2 :
- la photo absolument splendide de Storaro : certains plans sont de véritables tableaux vivants
- Kristen Stewart n'a jamais été aussi belle (même si physiquement, elle ne fait pas très années 30)

Pas désagréable, mais Woody ne sort vraiment pas de sa zone de confort. Son dernier grand film, ça reste quand même Blue Jasmine.

PS : je viens de me rendre compte que mon avis sur Personal Shopper a été viré...il y aurait moyen de le retrouver quelque part ?
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