Hollywood est mort. On fait quoi maintenant ?

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Hollywood est mort... ou juste à l'agonie ?

Message par Jeremy Fox »

En même temps, en sachant que ce tu avances est de la pure science fiction, difficile de savoir comment ça nous toucherait car nous ne pourrons pas vivre l'expérience que tu décris.

Et en plus j'ai bien dit que je serais probablement déçu par la révélation mais que ça ne m'empêcherait pas de prendre - je pense- le même plaisir au film. Ce seraient pour moi deux choses différentes, déconnectées.
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Thaddeus
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Re: Hollywood est mort... ou juste à l'agonie ?

Message par Thaddeus »

Jeremy Fox a écrit :En même temps, en sachant que ce tu avances est de la pure science fiction, difficile de savoir comment ça nous toucherait car nous ne pourrons pas vivre l'expérience que tu décris.
Crois-moi, on a beau être dans le spéculatif, je sais parfaitement ce que je ressentirais si une telle expérience devait m'arriver. :mrgreen:

Quand au fait que ce soit de la pure science-fiction, les exemples donnés ici indiquent bien qu'on pourrait y arriver très vite.
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Jeremy Fox
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Re: Hollywood est mort... ou juste à l'agonie ?

Message par Jeremy Fox »

Thaddeus a écrit :
Jeremy Fox a écrit :En même temps, en sachant que ce tu avances est de la pure science fiction, difficile de savoir comment ça nous toucherait car nous ne pourrons pas vivre l'expérience que tu décris.
Crois-moi, on a beau être dans le spéculatif, je sais parfaitement ce que je ressentirais si une telle expérience devait m'arriver. :mrgreen:

Quand au fait que ce soit de la pure science-fiction, les exemples donnés ici indiquent bien qu'on pourrait y arriver très vite.
Je reprenais les exemples sur lesquels tu m'interrogeais. Pour ce qui risque d'arriver, nous en sommes conscients, nous y sommes préparés et la découverte d'une telle "supercherie" nous étonnerais bien moins à mon avis. Quoiqu'il en soit encore une fois, elles ne changeraient en rien ma perception initiale d'une œuvre de fiction que j'aurais découverte sans le savoir.
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cinephage
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Re: Hollywood est mort... ou juste à l'agonie ?

Message par cinephage »

Jeremy Fox a écrit :
Thaddeus a écrit : J'ai volontairement donné des exemples radicaux pour bien définir le cadre du débat qui m'intéresse.


Donc, tu écris une critique élogieuse sur, mettons, Yvonne de Carlo. Tu loues sa présence, sa sensibilité, sa beauté, son charisme, l'intensité de son jeu. Tu apprends après coup que cette actrice n'existe pas, qu'elle n'est que la marionnette d'un informaticien. Aucun problème de ton côté, aucune impression d'avoir été "berné", pas la moindre trace de déception ? La nature de ton émotion par rapport à ce que tu estimais être une prestation d'actrice, captée par une caméra sous la direction d'un réalisateur qui est dans un rapport de collaboration créative et émotionnelle avec elle, cette émotion-là reste absolument identique ?
Tu auras beau inventer les exemples les plus improbables qui soient... certes ça me surprendra, ça m'étonnera ou me décevra de l'apprendre... mais au final mon ressenti quant au film en lui-même ne devrait pas être modifié ; pour moi le fait que le résultat final n'ait pas été modifié ne devrait pas impacter non plus mon avis initial. Donc oui donc je pense que mon émotion sera identique d'autant plus que je n'ai pas de mal à ressentir autant d'émotion devant un film d'animation que devant un film avec acteurs réels.

Et encore une fois, j'adore les acteurs, là n'est pas le problème non plus. Lorsque je regarde une fiction, peu m'importe ce qui se cache derrière, dans les coulisses... comment ça a été fait. Je ne me pose pas ces questions au moment où je visionne un film : j'essaie juste de me laisser porter par ce qui se déroule devant mes yeux.
Et je partage ton point de vue, car si la performance produite est bouleversante, pourquoi refuser l'expression d'un talent qui s'offre à nous ? Il s'agira bien ici non de l'exploit d'une actrice, mais plutôt de l'exploit d'un animateur, ou d'une équipe d'animation, c'est entendu. Pour autant, l'exploit serait-il moins grand, si le résultat, à savoir un film bouleversant, est obtenu ?

J'ai l'impression de lire ici une sorte de fétichisme de l'acteur, qui serait, par nature, forcément plus intéressant qu'une image animée. Forcément, et pour ainsi dire indépendamment de tout talent. Pour moi, un personnage très bien animé peut être tout aussi bouleversant qu'un acteur. Les talents en jeu sont différents, mais il y a plus d'une route qui conduit à l'ivresse, et je ne trouve pas particulièrement pertinent d'en favoriser une sur les autres...

L'artifice est pourtant profondément lié à la nature du cinéma, on donne l'impression du vrai avec du faux. J'ai beau savoir que cette actrice est dans la vie assez normale, je me laisse épater par son glamour devant la caméra, après 3 heures de maquillage, d'habillage, et avec un éclairage de 3 à 5 HMI ultra-puissants sans parler d'une optique ultra-sophistiquée... Là aussi, il y a tromperie, l'actrice n'est pas "nue", elle est préparée, mise en forme. J'accepte de me laisser émouvoir par son texte, quand bien même je sais qu'il n'est pas naturel, qu'il est écrit, qu'on l'a écrit pour elle. J'admets que ce carton pâte est un vrai mur, dans le film, que le pistolet tire de vraies balles, que les larmes du personnages sont vraies, tout en admettant que ce n'est pas le cas, "en vrai"...
Pourquoi alors refuser une émotion devant une image, pour la seule raison que ce qui y est montré n'est pas "un véritable acteur" ? Laissons-nous tromper et, le cas échéant, émouvoir, le temps du film...
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Alexandre Angel
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Re: Hollywood est mort... ou juste à l'agonie ?

Message par Alexandre Angel »

Dites, suivre deux discussions parallèles qui abordent le même sujet sur deux topics différents, c'est pas de la tarte! :mrgreen:

Bien, sinon, pour ma part, je pense que le débat est un peu biaisé . Ce n'est pas tant une affaire d'anticipation, ou d'acceptation sans préjugés du règne du numérique pourvu qu'il véhicule des émotions, qu'un problème de veille de la sensibilité.
Je suis persuadé qu'une sensibilité exigeante, aguerrie et aiguisée saura trier le grain de l'ivraie, non pas entre une image "vraie" et son substitut, ou entre le mensonge et la vérité de ce qui apparaît sur l'écran, mais entre les bonnes ou les mauvaises intentions. A tout le moins lorsqu'elles ont l'heur de se déployer ou de sévir au sein d'un canevas artistique.
Bien avant l'avènement du numérique, on sait qu'un simple trucage photographique pouvait rendre tricard un apparatchik que l'on voulait faire tomber en le faisant apparaître dans une situation compromettante. C'était une méthode fort courue derrière le Rideau de Fer, de l'Union Soviétique à la Tchécoslovaquie. Mais il s'agissait là d'un simple collage donnant sur une image réduite à sa plus simple expression, publiée en noir et blanc. On ne cherchait sans doute pas à comprendre. Au cinéma, dans le déploiement d'un film, il n'y a que l'"œuvre" (et ceux qui sont derrière)pour risquer de se compromettre.
A un moment donné, la question se pose de savoir si on nous ment, non pas sur la réalité puisque l'on sait qu'on est dans le monde de l'illusion, mais sur le sens.
Pour l'instant, l'œil est capable de déceler le fake, du moins quand il est au centre de l'écran (je ne parle pas des parasols de The Wolf of Wall Street, ou du bureau de The Ghostwriter car on est dans le périphérique) comme les clones de Carrie Fisher et de Peter Cushing. Dans ces derniers cas, le toc numérique est gros comme le nez au milieu de la figure mais le sens feuilletonesque de la saga n'est pas trahi.
En imaginant, comme le fait Thaddeus, que des progrès dans ce domaine soient tels que la planète entière ne voit que du feu dans le mimétisme numérique, Il conviendrait juste de s'interroger sur la finalité d'une telle révolution. Technologiquement, la question ne se pose pas : la finalité est extensible à l'infini (avec toutes les conséquences funestes que l'on peut imaginer) mais artistiquement?
Quel est l'intérêt de reproduire en numérique (et en admettant qu'on puisse y parvenir jamais) le frémissement exact d'un visage humain si ce n'est pour tromper quelqu'un?
Or j'en reviens à ma proposition de départ : une sensibilité entretenue n'a rien à craindre de cela. Car d'une manière ou d'une autre, ça se voit quand une œuvre ment : son nez s'allonge...
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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O'Malley
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Re: Hollywood est mort... ou juste à l'agonie ?

Message par O'Malley »

Alexandre Angel a écrit : En imaginant, comme le fait Thaddeus, que des progrès dans ce domaine soient tels que la planète entière ne voit que du feu dans le mimétisme numérique, Il conviendrait juste de s'interroger sur la finalité d'une telle révolution. Technologiquement, la question ne se pose pas : la finalité est extensible à l'infini (avec toutes les conséquences funestes que l'on peut imaginer) mais artistiquement?
Quel est l'intérêt de reproduire en numérique (et en admettant qu'on puisse y parvenir jamais) le frémissement exact d'un visage humain si ce n'est pour tromper quelqu'un?
Or j'en reviens à ma proposition de départ : une sensibilité entretenue n'a rien à craindre de cela. Car d'une manière ou d'une autre, ça se voit quand une œuvre ment : son nez s'allonge...
C'est beau ce que tu dis. :)

Ceci-dit, j'aime pour ma part dans le cinéma le procédé photographique, la captation du réél et le trucage optique, le trompe l'oeil effectué par une caméra (photochimique ou numérique, peu importe) et avec un travail de montage en post-production (même effectué numériquement).
Le numérique en tant que remplacement de la pellicule ou en tant qu'outil de montage ne me gêne absolument pas; par contre, le cinéma réalisé en monde virtuel ne m'intéresse absolument pas. Je n'y vois aucun intérêt car le cinéma est dans son essence, captation du réel, même recrée illusoirement, qu'il s'agisse d'un paysage, du visage et les expressions d'un acteur ou d'un celluloid. Il est consubstantiel de son origine photographique. Et c'est ce qui m'intéresse. Et c'est dans ce sens que pour moi, avec le cinéma virtuel, nous sommes bien dans une autre forme de cinéma, dans une autre nature.
Ce n'est pas seulement une sensibilité visuelle différente mais aussi une manière de réaliser différente, aux antipodes de ce que je recherche (la composition et la longueur d'un plan, le travail effectué sur un vrai paysage à la manière d'une peinture, le jeu de focale sur des éléments de réalité, une photographie entièrement réalisée sur plateau...).

Ce n'est plus le même monde sauf en de trop rares occasions (Avatar, Le secret de la licorne, Speed Racer et un peu Gravity) ou le talent peut transcender leur frontière. En gros, faut qu'il y ait quelqu'un de vraiment costaud derrière pour que je m'y retrouve et encore... Hugo Cabret de Scorsese, j'aime bien mais je trouve que le film est souvent moche visuellement.

Car un monde créé totalement en virtuel ne dégage de beauté, de poésie qu'en de très rares occasions, en ce qui me concerne. Et surtout, la magie a disparu. Je ne me pose même plus la question: comment ont-ils fait? Non seulement le pacte de confiance évoqué par Thaddeus est rompu mais aussi le mystère du cinéma en tant qu'art de l'illusion et qui reposait en très grande partie sur son origine photographique. Et donc finalement une grande partie de mon intérêt pour cet art du divertissement s'évapore avec cette disparition.

Après ce n'est pas la mort de Hollywood, loin de là, mais une transformation radicale, comme jamais vu auparavant et qui n'est qu'une composante d'une restructuration plus globale du paysage hollywoodien avec l'intrusion de nouvelles formes de diffusion, de nouveaux formats... C'est vers plutôt ces bouleversements là que mon intérêt se porte et la possibilité aussi pour certains cinéastes de bénéficier avec l'aide du numérique d'une véritable caméra-stylo qui permet de s'affranchir des carcans traditionnels d'un tournage. Là, nous revenons à la captation du réel, à la nature photographique du cinéma.
Les nouvelles étapes de la création audiovisuelle américaine se font sur ces terrains là pour ma part; pas vraiment au sein des studios US pour lequel le cinéma virtuel a permis à la salle de cinéma de revenir à ses origines premières: le spectacle de fête foraine 2.0.
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AtCloseRange
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Re: Hollywood est mort... ou juste à l'agonie ?

Message par AtCloseRange »

Alexandre Angel a écrit :Quel est l'intérêt de reproduire en numérique (et en admettant qu'on puisse y parvenir jamais) le frémissement exact d'un visage humain si ce n'est pour tromper quelqu'un?
La même raison qui pousse Martin Scorsese à utiliser tous ces plans truqués dans The Wolf of Wall Street: le contrôle absolu au millimètre de tout ce qui apparaît à l'écran même si ça n'a aucun intérêt.
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Thaddeus
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Re: Hollywood est mort... ou juste à l'agonie ?

Message par Thaddeus »

Alexandre Angel a écrit :Quel est l'intérêt de reproduire en numérique (et en admettant qu'on puisse y parvenir jamais) le frémissement exact d'un visage humain si ce n'est pour tromper quelqu'un?
Outre la raison évoquée par AtCloseRange, si cela peut permettre d'éviter les aléas et la lourdeur du tournage, d'outrepasser le facteur humain et ce qu'il peut générer de problématiques, si en plus on s'y retrouve financièrement (au cas où l'opération technique finirait par s'avérer moins onéreuse que le cachet de l'acteur), je ne vois pas ce qui empêcherait bien des réalisateurs d'être tentés.
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Michel2
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Re: Hollywood est mort... ou juste à l'agonie ?

Message par Michel2 »

Alexandre Angel a écrit :
Rockatansky a écrit :Pourtant le premier est bien plus "malsain" que le second.
Ce n'est pas ce qu'il a voulu dire?
Parce que oui, Mad Max, tu me dis si je me trompe, a attendu avant de sortir chez nous (en 81-82 alors que le film datait de 80 il me semble) car un classement X lui pendait au cul.
Alors que Mad Max 2 n'était frappé d'aucune interdiction, comme rappelé plus haut.
Je reviens un peu en arrière parce qu'on parle quand même d'un des films cultes de mon adolescence là... :mrgreen:

Mad Max 1 date de 1979 et s'était fait remarquer chez nous début 1980 au festival d'Avoriaz : j'ai même encore dans mes archives la critique de Robert Schlockoff dans l'Ecran Fantastique n° 12, qui a probablement été la toute première recension du film dans la presse française. Le climat ambiant de la France encore giscardienne lui a valu d'écoper d'un classement X (exploitation obligatoire dans le circuit du X, soit les salles porno, plus taxation alourdie), ce qui revenait à une interdiction de fait, mais sans vouloir dire son nom. Du coup, la Warner, qui était distributeur pour l'Europe, l'a gardé sous le coude et a préféré ne pas le sortir en France. Les choses en sont restées là mais dans la foulée de l'élection de Mitterand en 81, il y a eu assouplissement relatif de la position de la Commission de Contrôle des films et Mad Max 2 se profilant à l'horizon avec un excellent buzz à l'étranger, Warner a tenté un deuxième passage en commission en ayant au préalable amputé le film de six scènes, et ce de son propre chef. La version charcutée du film a alors pu sortir en salles en janvier 82 assortie d'une interdiction aux moins de 18 ans, et ce n'est que beaucoup plus tard que la version intégrale a pu être montrée chez nous, sans d'ailleurs que la République ne succombe sous les assauts d'une horde déchainée de punks motorisés.

Cerise sur le gâteau, lorsque Mad Max 2 est sorti quelques mois plus tard en août 82 sans interdiction aux mineurs et avec un simple avertissement au public, la Warner s'est fendue d'un poulet remarquablement hypocrite qui figurait dans un coin de l'affiche (de mémoire, le texte disait quelque chose de l'ordre de " il y a six mois, nous vous avons présenté Mad Max dans une version amputée de plusieurs scènes : nous en sommes désolés. Nous vous présentons aujourd'hui Mad Max 2 en version intégrale : nous nous en réjouissons...")
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Alexandre Angel
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Re: Hollywood est mort... ou juste à l'agonie ?

Message par Alexandre Angel »

Michel2 a écrit : Je reviens un peu en arrière parce qu'on parle quand même d'un des films cultes de mon adolescence là... :mrgreen:

Mad Max 1 date de 1979 et s'était fait remarquer chez nous début 1980 au festival d'Avoriaz : j'ai même encore dans mes archives la critique de Robert Schlockoff dans l'Ecran Fantastique n° 12, qui a probablement été la toute première recension du film dans la presse française. Le climat ambiant de la France encore giscardienne lui a valu d'écoper d'un classement X (exploitation obligatoire dans le circuit du X, soit les salles porno, plus taxation alourdie), ce qui revenait à une interdiction de fait, mais sans vouloir dire son nom. Du coup, la Warner, qui était distributeur pour l'Europe, l'a gardé sous le coude et a préféré ne pas le sortir en France. Les choses en sont restées là mais dans la foulée de l'élection de Mitterand en 81, il y a eu assouplissement relatif de la position de la Commission de Contrôle des films et Mad Max 2 se profilant à l'horizon avec un excellent buzz à l'étranger, Warner a tenté un deuxième passage en commission en ayant au préalable amputé le film de six scènes, et ce de son propre chef. La version charcutée du film a alors pu sortir en salles en janvier 82 assortie d'une interdiction aux moins de 18 ans, et ce n'est que beaucoup plus tard que la version intégrale a pu être montrée chez nous, sans d'ailleurs que la République ne succombe sous les assauts d'une horde déchainée de punks motorisés.

Cerise sur le gâteau, lorsque Mad Max 2 est sorti quelques mois plus tard en août 82 sans interdiction aux mineurs et avec un simple avertissement au public, la Warner s'est fendue d'un poulet remarquablement hypocrite qui figurait dans un coin de l'affiche (de mémoire, le texte disait quelque chose de l'ordre de " il y a six mois, nous vous avons présenté Mad Max dans une version amputée de plusieurs scènes : nous en sommes désolés. Nous vous présentons aujourd'hui Mad Max 2 en version intégrale : nous nous en réjouissons...")
Voilà qui est précis! Merci.
Petite question, la version dvd/br qui existe est bien la version intégrale?
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Re: Hollywood est mort... ou juste à l'agonie ?

Message par Michel2 »

Oui, c'est bien la version complète (avec même la version australienne d'origine au lieu de la version doublée avec des accents américains qui avait été montrée en France à l'époque). A à ma connaissance, la version censurée sortie en France n'a jamais eu les honneurs d'une sortie vidéo, hormis sans doute en VHS et en v.f dans les années 80. Le master utilisé pour le BR français de Mad Max est le master international utilisé partout dans le monde par Warner : aucune chance donc de tomber sur un montage tronqué.
Dernière modification par Michel2 le 17 nov. 18, 05:29, modifié 1 fois.
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Re: Hollywood est mort... ou juste à l'agonie ?

Message par Alexandre Angel »

AtCloseRange a écrit :
Alexandre Angel a écrit :Quel est l'intérêt de reproduire en numérique (et en admettant qu'on puisse y parvenir jamais) le frémissement exact d'un visage humain si ce n'est pour tromper quelqu'un?
La même raison qui pousse Martin Scorsese à utiliser tous ces plans truqués dans The Wolf of Wall Street: le contrôle absolu au millimètre de tout ce qui apparaît à l'écran même si ça n'a aucun intérêt.
Thaddeus a écrit : Outre la raison évoquée par AtCloseRange, si cela peut permettre d'éviter les aléas et la lourdeur du tournage, d'outrepasser le facteur humain et ce qu'il peut générer de problématiques, si en plus on s'y retrouve financièrement (au cas où l'opération technique finirait par s'avérer moins onéreuse que le cachet de l'acteur), je ne vois pas ce qui empêcherait bien des réalisateurs d'être tentés.
Comme vous me cassez mon nouvel espoir :mrgreen:

Plus sérieusement, oui, bien sûr. Mais jusqu'à quelles limites de la (dé)incarnation ?
Là où je veux en venir c'est que je pose la question suivante : où est le point de rupture entre l'illusion et la tromperie?
J'aime à croire que la tromperie se repère d'une manière ou d'une autre, que ce soit en 2018 ou en 2047, là où l'illusion reste, par définition, indétectable.
Dernière modification par Alexandre Angel le 17 nov. 18, 05:54, modifié 1 fois.
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Re: Hollywood est mort... ou juste à l'agonie ?

Message par Alexandre Angel »

Michel2 a écrit :Oui, c'est bien la version complète (avec même la version australienne d'origine au lieu de la version doublée avec des accents américains qui avait été montrée en France à l'époque). A à ma connaissance, la version censurée sortie en France n'a jamais eu les honneurs d'une sortie vidéo, hormis sans doute en VHS et en v.f dans les années 80. Le master utilisé pour le BR français de Mad Max est le master international utilisé partout dans le monde par Warner : aucune chance donc de tomber sur un montage tronqué.
OK merci.
Bon, c'est pas tout ça mais je vais me recoucher, moi :mrgreen:
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Message par Outerlimits »

Michel2 a écrit : La version charcutée du film a alors pu sortir en salles en janvier 82 assortie d'une interdiction aux moins de 18 ans, et ce n'est que beaucoup plus tard que la version intégrale a pu être montrée chez nous, sans d'ailleurs que la République ne succombe sous les assauts d'une horde déchainée de punks motorisés.
De mémoire, la version intégrale de "Mad max 1" n'est sortie que quelques mois après la version charcutée ; j'avais assisté aux 2 versions en salles ; je me souviens des cartons dans les cinémas et qui vantaient cette version intégrale en disant, à peu près : 6 scènes coupées à nouveau dans leur montage intégral et 10 minutes de réintégrées pour toutes ces coupes.
Au final peu de choses réintégrées : le plan sur la main arrachée, le bras carbonisé de Jim le gorille, l'explosion finale de la voiture où se trouvé piégé Johnny the Boy...
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Message par pol gornek »

Thaddeus a écrit :Le sujet est vraiment intéressant, il soulève tellement de questions.

A ceux que l'avènement de ce nouveau type de cinéma indiffère ou stimule, j'aimerais poser une question. Si l'on vous annonce les choses suivantes :
- vous savez, le délicieux haussement de sourcils d'Audrey Hepburn dans Vacances Romaines, hé bien c'est virtuel, l'actrice n'a jamais existé. Ce n'est que le résultat du travail élaboré des infographistes
- et vous savez, dans Apocalypse Now, la scène de l'attaque des hélicos n'a jamais été filmée. Une armada de techniciens l'a conçu sur des ordinateurs, c'est le fruit d'années de travail. D'ailleurs aucun tournage n'a jamais eu lieu aux Philippine, tout a été conçu depuis les locaux de la Silicon Valley
- et vous savez, lorsque Gena Rowlands pique sa crise de nerfs dans Opening Night, là encore il s'agit d'une illusion virtuelle : l'actrice que l'on voit à l'écran est en fait la doublure numérique d'un mannequin sur lequel ont été appliqués tout un tas de manipulations et de traitements d'images, destinés à reconstituer jusqu'à moindre frémissement l'état physique d'un visage en ébullition.
- et vous savez, le frisson épidermique que l'on ressent devant Conte d'été de Rohmer, cette sensation du soleil, du sable, de la peau, du vent, captées par une caméra ultra-sensible et transmise par les corps saisis au plus près de leur concrétude : là encore, ce n'est que de la haute technologie, l'étape ultime de l'animation. Rohmer a tout piloté depuis les consoles de ses infographistes, ses personnages n'ont jamais été que des 1 et des 0.

Sachant tout cela, la relation que vous auriez à ces films serait-elle exactement la même ? L'émotion demeurerait-elle identique, serait-elle de la même nature, serait-elle aussi forte ? Parce que les film est les images sont inchangés, eux.
Quand tu es touché, ému, par la mort d'un personnage à l'écran, tu ne te pose la question de savoir si c'est vrai ou pas, tu es touché ou ému parce que la réalisation (au sens global du terme, de la construction de l'histoire au jeu de l'acteur ou actrice, en passant par la réalisation, etc....) t'a amené à ressentir ces émotions ; tu ne vas pas te dire « c'est faux, l'acteur ou l'actrice n'est pas vraiment mort ». En quoi la « réalisation assistée par ordinateur » (toujours au sens global du terme) est différente ? Le cinéma c'est du faux pour faire ressentir des choses réelles. Que ce soit créer physiquement ou numériquement, c'est seulement une question de moyen, pas de résultat.
Le public qui grandit devant la télé affine son regard, acquiert une compétence critique, une capacité à lire des formes compliquées. Il anticipe mieux les stéréotypes et finit par les refuser car il ne jouit plus d'aucune surprise ni curiosité, les deux moteurs de l'écoute.Il faut donc lui proposer des programmes d'un niveau esthétique plus ambitieux. La série télé s'est ainsi hissée, avec ses formes propres, au niveau de la littérature et du cinéma.
(Vincent Colonna)
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