Les Chaussons rouges (Powell & Pressburger - 1948)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Major Tom
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Les Chaussons rouges (Powell & Pressburger - 1948)

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LES CHAUSSONS ROUGES (1948). Un film de Michael Powell et Emeric Pressburger. Scénario d'Emeric Pressburger et Keith Winter, d'après le conte de Hans Christian Andersen. Musique de Brian Easdale, Kenny Baker. Photographie de Jack Cardiff. Montage par Reginald Mills. Chorégraphies de Robert Helpmann. Produit par Michael Powell et Emeric Pressburger.
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Un jeune compositeur inconnu, Julian Craster (Marius Goring), découvre que son maître lui a volé sa musique. Au même moment, une jeune ballerine, Victoria Page (Moira Shearer), veut intégrer la prestigieuse troupe de Boris Lermontov (Anton Walbrook), célèbre chorégraphe et directeur de ballet. D'abord irrité par l'ambitieuse danseuse, Lermontov accepte de la prendre dans sa troupe...
Si Le Colonel Blimp (The Life and Death of Colonel Blimp, 1943), découvert récemment, demeurera probablement pour moi une déception, mais le genre de déception à laquelle on reconnaît tout de même d'indiscutables qualités, je reste largement conquis par Les Chaussons rouges que le duo britannique Powell (à la réalisation) & Pressburger (au scénario) réalisera à la fin des années quarante. Comme pour n’importe quel classique du cinéma, les années passent mais la force de cette grande leçon de cinéma reste intacte.
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Le film tout entier est d'une beauté à couper le souffle à chaque instant, chaque plan. Mais s’il est esthétiquement splendide, sous ses jolies couleurs magnifiées par une merveilleuse photographie en Technicolor signée Jack Cardiff, Les Chaussons rouges n’en demeure pas moins d’un profond pessimisme. L’intrigue, parfois à la limite du fantastique, propose à la fois une réflexion sur la jalousie et la mégalomanie tyrannique incarnée par Lermontov, et sur la privation pour l'art, ou plus précisément les sacrifices exigés pour n’importe quel artiste en quête de réussite. Vickie Page se retrouve partagée entre deux hommes: Julian ou Lermontov, l’amour pour le talentueux compositeur, ou celui qu'elle voue à la danse? Comme dans le conte des Souliers rouges d’Andersen dont il est l’adaptation, la mort est désespérément liée à la passion. Déstabilisé par la fameuse représentation des Chaussons rouges qui donne son titre au film, le spectateur se retrouve face à un morceau d'anthologie, l'apothéose située en plein milieu du long-métrage. Ce récit dans le récit, d'une densité et d'une force dramatique extraordinaires, est un exemple du style et du savoir-faire des deux cinéastes anglais. Novateur pour l’époque, il dure dix-sept minutes (dans un spectacle qui en compte cent vingt-six) durant lesquelles Vickie Page se déplace en dansant de décor en décor, entourée d’une cinquantaine d'autres danseurs évoluant autour d’elle.
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Julian Crasner, Vickie Page et la danse, symbolisée par Boris Lermontov, un triangle amoureux particulier.
Boris Lermontov considère le ballet comme une religion. Il fonctionne au coup de cœur mais n'accepte pas la moindre romance parmi ses protégées. Perfectionniste, impitoyable mais fin psychologue, ce qui lui permet de se sortir des brouilles même tenaces, Lermontov représente l’artiste total qui sacrifie son existence pour son art. C'est un esprit déterminé, directif et indépendant, alimenté d'un courage et d'un acharnement exemplaires dans le travail, ce qui n'exclut pas des rancunes et des colères terribles où il ira jusqu'à se blesser en frappant un miroir. Difficile de ne pas penser au rôle tenu par Michael Powell dans le domaine créatif, le réalisateur de cinéma, métier qui nécessite la même implication, le même orgueil, le même esprit de compétition et le même sens de la perfection, qualités ou défauts, c'est selon, mais qui permettent au créateur de livrer une œuvre parfaitement aboutie.
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L'interprétation du directeur de ballet revient à l'acteur autrichien Anton Walbrook, qui jouait un important second rôle dans Le Colonel Blimp, offrant ici, comme dans le précédent film d'ailleurs, une remarquable interprétation. Pour le rôle principal de Vickie Page, la jeune ballerine un peu naïve, Powell a insisté pour qu’il soit interprété par une danseuse professionnelle et non une actrice nécessitant une doublure. Moira Shearer, conseillée par un ami de Powell, a longtemps hésité avant d’accepter le rôle, son premier pour le cinéma. Néanmoins, cette rouquine enflammera à nouveau la pellicule des cinéastes à deux reprises, d’abord pour Les Contes d'Hoffmann en 1951, puis pour Le Voyeur en 1960 du seul Powell, qui demeure mon film préféré du réalisateur à ce jour...

Inutile d'être connaisseur ni d'aimer le ballet pour apprécier ce film dont il est difficile de ne pas sortir la gorge nouée. À la vision, on comprend pourquoi Martin Scorsese, Francis Ford Coppola ou Brian De Palma ne semblent s'en être jamais remis. Les Chaussons rouges est un véritable bijou à côté duquel aucun cinéphile ne peut passer.
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Jeremy Fox
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Re: Les Chaussons rouges (Powell & Pressburger - 1948)

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Les Chaussons rouges

C'est l'effervescence chez les jeunes étudiants londoniens amateurs de danse ; c'est la première à Covent Garden de "Cœur de feu", la nouvelle création de la prestigieuse troupe des ballets Lermontov. Julian Craster (Marius Goring), jeune compositeur inconnu, s'aperçoit avec stupéfaction que des pans entiers de son travail ont été insérés au sein de la partition. Il s'en plaint immédiatement au directeur de la troupe, Boris Lermontov (Anton Walbrook). Ce dernier lui demande d'oublier cet emprunt probablement inconscient et, pour le "dédommager", l'engage en tant que répétiteur d'orchestre. Dans le même temps, lors d'une soirée donnée en son honneur, Lermontov fait la connaissance de la jeune et belle Victoria Page (Moira Shearer), une danseuse qui brûle de passion pour son art et qui le persuade de l'accepter au sein de sa troupe. Intransigeant, Lermontov ne supporte pas que ses danseurs fassent passer leur vies privée avant la danse, au point même qu'il en vient à se séparer de sa danseuse étoile qui avait décidé de convoler en juste noces, la célébrissime Boronskaja (Ludmilla Tcherina). Lorsque le tyrannique Lermontov décide de monter "Les Chaussons rouges" d'après un conte d'Andersen, il en confie la composition à Julian et offre à Victoria d'en être la vedette principale. Il leur promet à tous deux le succès et la gloire internationale, tout en leur faisant bien comprendre qu'ils devront pour ce faire tout sacrifier à leur art. Malheureusement (pour lui), Julian et Victoria finissent par tomber dans les bras l'un de l'autre...

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« Indéniablement le plus beau film en Technicolor. Une vision jamais égalée » affirmait encore tout récemment Martin Scorsese qui est à l'origine de l'extraordinaire restauration numérique du film en 2009 supervisée par Robert Gitt (UCLA Film and Television Archive). Comme le disaient Michael Powell et Emeric Pressburger, The Red Shoes était leur première tentative en vue de réaliser à partir d'un scénario original un "spectacle total" au sein duquel la couleur devait tenir un rôle primordial. Mêlant musique, danse, peinture et cinéma, The Red Shoes pourrait être considéré comme le point culminant de leur fabuleuse carrière, le "spectacle total" étant double puisque le ballet de 17 minutes, sorte de film dans le film, s'avère l'une des séquences les plus parfaites et les plus éblouissantes jamais vues sur un écran de cinéma (dans le domaine du ballet, seul Vincente Minnelli à Hollywood rivalisera avec ce morceau de bravoure, par l'intermédiaire de celui d'une durée à peu près équivalente clôturant Un Américain à Paris) ! Après avoir signé quelques films de propagande durant la Seconde Guerre mondiale, Michael Powell et Emeric Pressburger ont très vite fondé leur propre compagnie de production, The Archers. Ils réalisèrent par la suite quelques grands classiques qui n'ont aujourd'hui encore, presque 70 ans plus tard, rien perdu de leur splendeur. Ce furent entre autres Colonel Blimp (1943), I Know Where I'm Going (Je sais ou je vais - 1945), Une Question de vie ou de mort (A Matter of Life and Death - 1946), Le Narcisse noir (Black Narcissus - 1947) ou Les Contes d'Hoffman (The Tales of Hoffmann - 1951). Non seulement le duo s’occupa de la mise en scène, mais les deux hommes furent aussi les auteurs des scénarios ainsi donc que les producteurs. Avec successivement Le Narcisse noir et Les Chaussons rouges, on peut dire qu'ils sont arrivés à l'apogée de leur art aussi bien en ce qui concerne leur créativité visuelle que leurs innovations techniques, sans oublier la fluidité et l'intelligence de leur écriture scénaristique. Ils ont atteint et réussi ce qu'ils ont toujours dit vouloir faire, ce fameux spectacle total !
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Après s'être séparés (mais le succès n'était plus franchement au rendez-vous, le duo s'avérant trop avant-gardiste), Michael Powell réalise Le Voyeur (Peeping Tom) en 1960 ; c'est un énorme scandale et l'opprobre lui tombe dessus ainsi du même coup que sur toute sa carrière antérieure. Les productions The Archers deviennent des pestiférées ; elles seront dénigrées encore quelques temps avant que les "barbus" des années 70, les Spielberg, Coppola, De Palma ou Scorsese tombent en pamoison devant elles (de même que des personnalités plus inattendues pour ce type d'œuvre comme George Romero). Ils seront les premiers à réhabiliter le duo de cinéastes d'autant que Les Chaussons rouges fait partie de ces quelques films qui leur auront donné envie de se lancer à leur tour dans le milieu du septième art. A sa vision aujourd'hui encore, il est facile de comprendre pourquoi il s'avère toujours aussi moderne, intelligent, sensible et esthétiquement bluffant : un chef-d'œuvre immortel et magique sur lequel tout a été déjà dit à maintes et maintes reprises - et dont on a beaucoup reparlé récemment lorsque est sorti en salles, voici à peine plus d'un an, le film Black Swan qui comportait effectivement de nombreux points communs avec The Red Shoes sans qu'il soit utile de les comparer qualitativement parlant, Darren Aronosky étant lui aussi un cinéaste loin d'être inintéressant.

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Tout d'abord écrit par Emeric Pressburger à la fin des années 30 pour le producteur Alexander Korda, qui était à la recherche d'un projet pour son épouse Merle Oberon, l'histoire des Chaussons rouges est ensuite mise de côté avant d'être ressortie des tiroirs dix ans plus tard pour devenir la dixième production de la compagnie The Archers. La tâche la plus difficile fut de trouver la comédienne principale qui, condition sine qua non, devait être également danseuse. Les deux cinéastes finirent par convaincre l'écossaise Moira Shearer, alors ballerine au Sadler's Wells Theatre aux côtés de Margot Fonteyn. Ce sera son premier et unique rôle au cinéma, la danseuse préférant ensuite se consacrer exclusivement à son art de prédilection. Shearer nous aura cependant laissé le souvenir indélébile de sa chevelure fauve encadrant un visage bouleversant, mais aussi bien évidemment de ses immenses talents de danseuse et de comédienne.

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« Pourquoi voulez-vous danser ? » demande Lermontov à Victoria lorsque cette dernière tente de s'incruster au sein de sa troupe. « Pourquoi voulez-vous vivre ? » lui rétorque-t-elle du tac au tac avec un bel aplomb. Le principal enjeu du film est en quelque sorte résumé par ce jeu de répliques : l'art que l'on exerce avec passion peut-il résumer votre vie sans qu'aucun autre élément ne soit venu interférer, pas même les sentiments ? Peut-on en quelque sorte vivre exclusivement pour son art ? « You shall dance, and the world shall follow » prédira un peu plus tard Lermontov à une Victoria qu'il a désormais prise sous son aile et qui est devenu la danseuse étoile de la troupe. Mais pour que cette prévision se réalise, l'exigeant directeur devra tout contrôler, y compris la vie privée de la jeune femme qui nécessitera selon lui d'être réduite à peau de chagrin. Doit-on tout sacrifier à son art ? Est-il inconcevable de concilier travail et sentiments ? Lermontov n'en doute pas une seconde et répond affirmativement à ses deux questions puisqu'il applique ces principes à sa propre vie ; il a d'ailleurs énormément de mal à comprendre que de telles "évidences" ne viennent pas frapper ses danseurs les plus doués. Le mystérieux personnage joué avec perfection par Anton Walbrook est probablement le plus fascinant du film : un démiurge qui ne vit et qui ne respire que pour la danse, obsédé par la beauté du geste, des silhouettes et des visages. La séquence où il apprend que sa danseuse et son compositeur sont tombés dans les bras l'un de l'autre et qui se termine - de retour chez lui - par le plan qui le voit envoyer son poing dans le miroir, est la meilleure preuve du talent du comédien dont on ressent et partage alors l'atroce souffrance ; rarement le douloureux isolement de l'artiste n'avait été montré avec une telle force. L'acteur et son personnage seront d'ailleurs fabuleux tout au long du film grâce à la riche écriture d'Emeric Pressburger.

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Si Marius Goring (le compositeur) souffre un peu de la comparaison avec son "rival", il n'en demeure pas moins également excellent aussi bien lors des séquences de travail que lors des scènes romantiques : les images qui l'unissent à Moira Shearer lorsqu'ils se promènent en amoureux sur les corniches de la Riviera aux environ de Monte-Carlo, ou lorsqu'on les voit endormis côte à côté au sein d'une photo bleutée, sont assurément inoubliables. Le personnage de Julian Craster est celui qui, contrairement à celui de Lermontov, arrive à concilier vie et travail ; il s'agit donc pour les deux cinéastes du personnage qui se révèle le plus pragmatique et par-là même le plus fade du "triangle" ; c'est néanmoins avec lui que la plupart des spectateurs pourront le mieux s'identifier, comme parfait représentant du bon sens. Quant à Victoria, elles se trouve tiraillée entre ces deux conceptions de vie antinomiques. C'est ici que se situe donc la véritable thématique du film : la dévotion névrotique à sa passion pour la danse, entretenue par un despote qui ne vit que pour elle, peut-elle survivre à cet élément importun qu'est l'amour ? Le personnage de Boronskaja prouvera que non puisque la danseuse étoile préfèrera quitter la troupe pour vivre le parfait bonheur auprès de son nouvel époux. Mais chez une femme plus sensible et psychologiquement plus faible comme l'est Victoria, l'issue sera tragique ; et je ne pense pas dévoiler quoi que ce soit puisque la plupart d'entre nous connaît le conte de Hans Christian Andersen qui présage évidemment du final du film.

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Cette histoire qui préfigure la déchirure du personnage de Victoria, ses rêves de terreur et la projection de ses conflits intérieurs, est d'ailleurs illustrée au sein du ballet central, véritable morceau de bravoure baroque et fantasmagorique, d'une liberté et d'une audace folles, suite ininterrompue de fulgurances visuelles chorégraphiée par deux des acteurs du film : Robert Helpmann et Léonide Massine. Un cordonnier démoniaque conçoit une paire de souliers rouges qui exercent immédiatement un puissant pouvoir de fascination sur une jeune danseuse. La jeune femme les enfile et se met à danser, heureuse et légère. Epuisée d'avoir tant virevoltée, elle tente de s’arrêter mais les chaussons ne sont pas fatigués et, sans se préoccuper de la santé de celle qui les porte, ils continuent tyranniquement de danser… interminablement. La pauvre fille, poussée par une force irrésistible, se voit obligée de danser jour et nuit, partout et par tous les temps, jusqu’à en mourir. Ce ballet permet l'intrusion du fantastique au milieu de cette description minutieuse et passionnante du monde du spectacle. Dire que lors de la première du film, les dirigeants de la Rank voulurent éliminer cette longue séquence du montage final parce qu'ils la trouvaient horrible !! Et du coup, n'ayant pas eu gain de cause, ils refusèrent de lancer une campagne marketing pour aider au lancement du film. D'ailleurs celui-ci ne décolla jamais vraiment au box office en Angleterre, où les spectateurs demeurèrent circonspects alors que son succès international ne fut jamais démenti. Les Chaussons rouges se paya même le luxe de faire partie des rares films "étrangers" à Hollywood à être resté des années dans le Top 100 des œuvres qui ont le mieux marché aux Etats-Unis.

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En plus de cette flamboyante et tragique histoire romantique et de passion destructrice, de cette réflexion sur l'art et les sacrifices qu'il impose et de la description minutieuse de la genèse d'un ballet, le film de Powell et Pressburger brosse donc dans le même sens un captivant tableau du monde de la danse. La plupart des comédiens ont d’ailleurs été choisis parmi des danseurs professionnels et on a parfois l'impression de visionner à un documentaire. Le constat n'est d'ailleurs pas forcément lumineux mais au contraire plutôt amer et sombre, les membres du groupe se déchirant et ne se faisant pas forcément de cadeaux, étant tous un peu imbus de leurs personnes et beaucoup d'entre eux d'un égoïsme forcené. En dire plus reviendrait à reprendre ce qui a déjà été écrit à multiples reprises. Laissons donc, avant de conclure, parler celui qui est à l’origine de cette fabuleuse restauration, Martin Scorsese.

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« La passion guide chaque instant extraordinaire des Chaussons rouges, c’est ce qui rend ces merveilleuses images en Technicolor si vivantes et si touchantes, dont la beauté étincelante est aujourd’hui pleinement restaurée. Les personnages et le monde qui les entourent ont été ravivés avec toute la splendeur douloureuse qu’ils s’efforcent eux-mêmes de créer. Les rouges vifs et les bleus profonds, les jaunes vibrants et les noirs intenses, les chairs brillantes des gros plans, tantôt en extase et tantôt en agonie, ou les deux à la fois… tant de moments, tant d’émotions en conflit, un tel tourbillon de couleurs, de lumière et de sons qui enflammèrent mon esprit dès la première fois, la première de très nombreuses visions. » On ne peut qu'aller dans le sens du cinéaste américain tellement tout dans The Red Shoes confine à la perfection et ne peut que susciter l'admiration, de la fougueuse interprétation des comédiens et danseurs à la formidable mobilité de la caméra de Michael Powell, du foisonnement visuel de l'ensemble à l'écriture acérée d'Emeric Pressburger, de l'éclat de la photographie de Jack Cardiff aux décors délirants de Hein Heckroth, de la beauté des chorégraphies (oscillant entre avant-gardisme et Broadway) à celle de la partition de Brian Easdale dirigée puissamment par Thomas Beecham et le Royal Philharmonic Orchestra. Une véritable œuvre d'art à la maestria jamais démentie et toujours aussi intrigante !
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Re: Les Chaussons rouges (Powell & Pressburger - 1948)

Message par wontolla »

Jeremy Fox a écrit :Enfin un topic pour ce qui demeure pour moi le plus grand chef-d'oeuvre du duo, une véritable leçon de mise en scène en même temps qu'un concentré d'émotions. Revu pas plus tard qu'à la fin de l'année dernière ; j'ai été soufflé tout du long. Bel hommage en tout cas.
Et pour ceux qui n'auraient pas le film dans leur dvdthèque, je signale qu'il est passé récemment sur TCM et qu'il est reprogrammé pour ce jeudi à 15h20 et lundi 28/2 à 00h50.
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Re: Les Chaussons rouges (Powell & Pressburger - 1948)

Message par Strum »

Mon deuxième film préféré du duo magique Powell & Pressburger, après Colonel Blimp. Tu as raison d'insister sur l'extraordinaire séquence de ballet au sein du film, où celui-ci par la seule inventivité de la mise en scène, de la photographie et des décors s'envole sur les ailes du rêve (j'en parlais dans les quinzaines thématiques ). Belle sélection d'images que tu fais, qui montre la beauté des couleurs du film.

Autant Blimp, qui doit beaucoup à Pressburger, s'inspire dans le ton de la littérature Mitteleuropa mélancolique du début du 20e siècle (voir ici ), autant Les Chaussons Rouges, plus moderne dans son inspiration et qui doit davantage à Powell, se place sous l'égide du conte (et non du roman) et de la flamboyance visuelle, une flamboyance de l'instant, celle du mélodrame. Voilà, c'est ça la différence : Colonel Blimp se vit dans le temps, Les Chaussons Rouge se vit dans l'instant. L'un est mélancolique, comme une lumière qui s'éteindrait très doucement, l'autre plus vif, comme le feu crépitant d'une allumette. Enfin, dans des genres différents, les deux films flirtent avec le fantastique.

De manière générale, je compte Powell & Pressburger parmi les grands génies de l'histoire du cinéma, et je suis extrêmement sensible à leur style qui fusionne expérimentations visuelles et épaisseur littéraire. Et Powell sans son compère a bien sûr aussi fait ce film renversant qu'est Le Voyeur.
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Re: Les Chaussons rouges (Powell & Pressburger - 1948)

Message par wontolla »

Strum a écrit :Et Powell sans son compère a bien sûr aussi fait ce film renversant qu'est Le Voyeur.
Et qui se trouve étonnamment, mais fort heureusement, dans le coffret n°2 des éditions Lumières consacré au duo Powell & Pressburger. :wink:
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Major Tom
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Re: Les Chaussons rouges (Powell & Pressburger - 1948)

Message par Major Tom »

Strum a écrit :Mon deuxième film préféré du duo magique Powell & Pressburger, après Colonel Blimp. Tu as raison d'insister sur l'extraordinaire séquence de ballet au sein du film, où celui-ci par la seule inventivité de la mise en scène, de la photographie et des décors s'envole sur les ailes du rêve (j'en parlais dans les quinzaines thématiques
Oui je l'avais déjà lue en recherchant un topic pour ce film. Très bonne chronique. En effet, la séquence du ballet m'a beaucoup plu, et m'est apparu comme le "'morceau d'anthologie" à retenir dans un film qui compte beaucoup de fulgurances visuelles. C'est une séquence de comédie musicale sombre, au moment de laquelle je savais déjà que Les Chaussons rouges allait être mon film du mois. :mrgreen:
wontolla a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Enfin un topic pour ce qui demeure pour moi le plus grand chef-d'oeuvre du duo, une véritable leçon de mise en scène en même temps qu'un concentré d'émotions. Revu pas plus tard qu'à la fin de l'année dernière ; j'ai été soufflé tout du long. Bel hommage en tout cas.
Et pour ceux qui n'auraient pas le film dans leur dvdthèque, je signale qu'il est passé récemment sur TCM et qu'il est reprogrammé pour ce jeudi à 15h20 et lundi 28/2 à 00h50.
Il est même en entier, en VOST, sur Dailymotion (pour ceux qui n'ont rien contre une qualité disons différente de mes captures). Est-il passé dans le domaine public?
Dernière modification par Major Tom le 24 févr. 11, 13:52, modifié 1 fois.
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Watkinssien
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Re: Les Chaussons rouges (Powell & Pressburger - 1948)

Message par Watkinssien »

Les chaussons rouges, c'est un vrai chef-d'oeuvre du cinéma, et un de mes plus grands chocs vus sur grand écran au festival de La Rochelle, lors de la rétrospective Powell-Pressburger.

Rarement le travail sur la mise en abîme a atteint une telle splendeur, une telle évidence, une telle puissance audiovisuelle.

Tout dans le film emporte l'adhésion, l'enthousiasme et les affects du spectateur : un scénario remarquablement structuré, proposant des niveaux de lecture constamment passionnants, complexes et ce de manière infinie ; des comédiens parfaits dans des rôles difficiles, des caractérisations audacieuses, voire subversives, où le manichéisme ne se manifeste jamais comme un poncif mais comme une solution inévitable et logique, évidente ; des musiques et des chorégraphies absolument époustouflantes de création, d'inventivité, qui s'imprègnent inextricablement dans le récit et dans les enjeux dramatiques de l'intrigue ; des décors magnifiques, toujours porteurs de sens ; une utilisation magistrale de la couleur et enfin une mise en scène qui confine au génie, avec envolées lyriques, sens du tempo et de la composition...

Un régal, un chef-d'oeuvre, mais là je me répète !!!
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Re: Les Chaussons rouges (Powell & Pressburger - 1948)

Message par Strum »

Major Tom a écrit :En effet, la séquence du ballet m'a beaucoup plu, et m'est apparu comme le "'morceau d'anthologie" à retenir dans un film qui compte beaucoup de fulgurances visuelles.
Oui, et c'est d'ailleurs ce passage que Scorsese aime tout particulièrement. Tout comme Coppola, qui y rend hommage dans son très beau Tetro en reprenant exactement le plan sublime où Vicky est portée sur scène devant le public noyé dans l'ombre, qui se transforme soudain en une mer déchainée (qui semble sortie d'un tableau de l'époque romantique, comme il se doit chez Powell). Tetro reprend aussi pas mal de plans et de personnages des Contes d'Hoffman, toujours de Powell & Pressburger, dans ses passages imaginaires dansés.

Je n'ai pas encore vu Black Swan, mais je me suis figuré que le film devait, entre autres, probablement s'inspirer des Chaussons Rouges. Est-ce le cas ?
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Re: Les Chaussons rouges (Powell & Pressburger - 1948)

Message par Miss Nobody »

Strum a écrit : Je n'ai pas encore vu Black Swan, mais je me suis figuré que le film devait, entre autres, probablement s'inspirer des Chaussons Rouges. Est-ce le cas ?
Clairement oui, à la fois dans la passion destructrice que porte l'héroïne à la danse et dans la figure du metteur en scène exigeant, sans parler de l'identification avec le personnage du ballet (Les chaussons rouges/Le lac des cygnes). Mais les deux films ne partagent pas la même qualité en revanche.
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Re: Les Chaussons rouges (Powell & Pressburger - 1948)

Message par Strum »

Miss Nobody a écrit :Clairement oui. Mais les deux films ne partagent pas la même qualité en revanche.
Ok, merci ! J'ai tout de même assez envie de le voir (si j'y arrive).
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Watkinssien
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Re: Les Chaussons rouges (Powell & Pressburger - 1948)

Message par Watkinssien »

Strum a écrit :
Major Tom a écrit :En effet, la séquence du ballet m'a beaucoup plu, et m'est apparu comme le "'morceau d'anthologie" à retenir dans un film qui compte beaucoup de fulgurances visuelles.
Oui, et c'est d'ailleurs ce passage que Scorsese aime tout particulièrement. Tout comme Coppola, qui y rend hommage dans son très beau Tetro en reprenant exactement le plan sublime où Vicky est portée sur scène devant le public noyé dans l'ombre, qui se transforme soudain en une mer déchainée (qui semble sortie d'un tableau de l'époque romantique, comme il se doit chez Powell). Tetro reprend aussi pas mal de plans et de personnages des Contes d'Hoffman, toujours de Powell & Pressburger, dans ses passages imaginaires dansés.

Je n'ai pas encore vu Black Swan, mais je me suis figuré que le film devait, entre autres, probablement s'inspirer des Chaussons Rouges. Est-ce le cas ?
Malheureusement pour le film d'Aronofsky, oui ! :fiou:
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Re: Les Chaussons rouges (Powell & Pressburger - 1948)

Message par Major Tom »

Il en reprend aussi des plans très précis.

À 11:50 dans cet extrait : http://www.dailymotion.com/video/x8373p ... 7_creation
À 46 secondes dans la bande-annonce, on trouve juste une trace de cet effet: http://www.youtube.com/watch?v=T9DevdBithM mais dans le film, c'est très proche des Chaussons rouges, avec justement une même surprise à la fin du mouvement...

Ça ne me gêne absolument pas (si je commençais à faire la même chose avec De Palma, j'aurais du boulot :mrgreen: ) mais le problème du film d'Aronofsky c'est qu'il ne ne va pas au-delà de la citation dans les références qu'il aligne... Après, on n'est pas obligés de relever. ;)
Dernière modification par Major Tom le 24 févr. 11, 15:02, modifié 2 fois.
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Re: Les Chaussons rouges (Powell & Pressburger - 1948)

Message par Père Jules »

Belle chronique Major Tom. Plus largement, je rejoins les avis précédents, Powell et Pressburger ont signé ensemble au moins quatre films d'une inestimable qualité: Colonel Blimp (mon preum's), Une question de vie ou de mort (mon deuz), Le narcisse noir et Les chaussons rouges. Merci à des types comme Scorsese et Tavernier qui ont activement participé à leur redécouverte.
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Re: Les Chaussons rouges (Powell & Pressburger - 1948)

Message par styx »

C'est le genre de film où tu prends cinquante images arretées au hasard dans le film, tu les disposent sur la table, et t'essaye de trouver un défaut... :D

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Demi-Lune
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Re: Les Chaussons rouges (Powell & Pressburger - 1948)

Message par Demi-Lune »

Monument de cinéma. Ce film m'a terrassé il y a deux mois. Dans mon top 50 direct !
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