Demi-Lune a écrit :Avec amusement, Truffaut semble en effet pousser au maximum le principe d'invraisemblance hitchcockienne dans une démarche référentielle et parodique, accumulant les malentendus et renouant avec le badinage haut en couleurs des tandems du gros Alfred entre faux coupable et femme forte et aimante - démarche dont la légèreté est aussi gentiment sympathique qu'elle pointe à mon sens les limites de l'entreprise. Une enquête "à la manière de" un peu pataude, qui tourne pas mal en rond et capitalise sur son charme rétro sans que cela ne m'ait été très communicatif. Vivement dimanche! ne me paraît pas sublimer son postulat folâtrant, comme parvenait notamment à le faire Hitchcock avec une intrigue "mineure" et prétexte à la récréation classieuse et frivole comme La Main au collet. Truffaut semble en fait surtout se préoccuper du visage de la lumineuse Fanny Ardant, qu'il filme de manière fascinée et amoureuse sous toutes les coutures (accentuant en cela la parenté hitchockienne). Bref, un film pas déplaisant, très bien mis en scène, mais qui m'a malheureusement paru assez vain.
Du point de vue de la mise en scène, c'est dans la Peau Douce, je pense, que Truffaut parvient le mieux à transformer son admiration pour Hitchcock en un matériau dans lequel il est parfaitement à l'aise. La Peau Douce est superbement mise en scène avec de belles inspirations (voir cette scène formidable où de joie, Jean Desailly allume toutes les lumières de sa chambre). Le film a toute les chances de te plaire. Et puis, la musique de Delerue est magnifique.
Je te conseille ensuite La Nuit Américaine, drôle et plein de joie - sur le milieu du cinéma, tel qu'idéalisé par Truffaut. Géniale musique de Delerue encore.
Puis, l'Enfant Sauvage, très émouvant, filmé dans un beau noir et blanc, et dont tu aimeras la beauté formelle.
Il faut voir aussi, comme dit Major Tom, toute la série des Doinels à l'énergie et à la tendresse communicatives.
Et il y en d'autres que j'aime beaucoup aussi : Les Deux Anglaises et le Continent - très beau mais très littéraire -, La Chambre Verte, étonnante exploration d'une fascination morbide pour le passé.
Dans La Femme d'à côté, il filme de manière douloureuse, une passion dévorante. Une fois que l'on est rentré dedans, c'est un film tranchant comme une lame.
Comme Anorya, je ne suis pas convaincu en revanche que Jules et Jim te plaise, où Truffaut essaie de susciter le sentiment de la liberté - liberté des moeurs, liberté dans la manière dont on vit sa vie, en s'affranchissant des règles et des convenances, liberté formelle dans le mélange du cinéma et de la littérature, liberté narrative quant à la conduite de l'intrigue (accélération soudaine, sauts temporels, ellipses), affranchissement de certaines règles de mise en scène qui donne au film un aimable côté amateur parfois - ce qui pourrait t'irriter étant donné ton goût de la perfection formelle. Le film avait eu un grand retentissement dans les années 60 en France et aux Etats-Unis ; il est peut-être un peu daté aujourd'hui.
Par rapport à tous ces films, Vivement Dimanche me parait plus relever de l'exercice de style.