Kiyoshi Kurosawa

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Votre préféré du cinéaste ?

Cure (1997)
16
36%
Serpent's Path (1997)
0
Aucun vote
License to live (1998)
2
5%
Charisma (1999)
0
Aucun vote
Séance (1999)
0
Aucun vote
Kaïro (2000)
16
36%
Doppelgänger (2002)
0
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Jellyfish (2003)
0
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Loft (2007)
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Rétribution (2007)
2
5%
Tokyo Sonata (2008)
8
18%
 
Nombre total de votes : 44

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Supfiction
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Re: Kiyoshi Kurosawa

Message par Supfiction »

C’est pas didactique effectivement mais c’est quand même sans détour et pour moi central dans le film que je ne vois absolument pas comme un film de genre d’espionnage mais bien comme un mélodrame historique, un peu comme le Siri par exemple.
En revanche, comparer la France au Japon.. non pas d’accord.
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Beule
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Re: Kiyoshi Kurosawa

Message par Beule »

Alibabass a écrit : 23 avr. 22, 21:54 Ah oui ... vous allez un peu loin dans le traitement historique du film Les amants sacrifiés. Surtout que le film est un prétexte de film d'espionnage pour un très beau mélodrame. Rien de plus ... c'est pas didactique, et franchement, tant mieux.
Mais je suis en fait complètement d'accord avec ça. C'est aussi pour cette raison que la remarque de Supfiction en préambule de son retour sur Les amants sacrifiés m'a, une fois de plus, fait littéralement bondir sur mon siège. En dépit d'une connaissance à peine balbutiante du cinéma japonais, il me paraît évident qu'il y a préalablement eu nombre de films qui traitaient des horreurs et des crimes de guerre du Japon impérialiste, et dont l'approche du sujet se voulait bien plus frontale.
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Alibabass
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Re: Kiyoshi Kurosawa

Message par Alibabass »

En tout cas, c'est la première fois que le cinéaste cherche une forme de vérité des personnages dans le passé.
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Supfiction
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Re: Kiyoshi Kurosawa

Message par Supfiction »

Je confirme mon propos. Pour moi, cela va bien au delà du simple prétexte historique. En outre, je considère que ce sont les mélodrames qui parlent le mieux de l’Histoire d’un pays et non les films « frontalement » didactiques ou pointus. C’est pour cela qu’un tel film plutôt grand public me semble important d’autant plus qu’il bénéficie d’une exploitation dans le monde et de prix.
J’avais effectivement oublié La condition de l’homme (dont il faut que je retrouve les dvds, et qui ne m’avait pas conquis lors de sa sortie Carlotta il y a une quinzaine d’années, ceci expliquant cela).
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Ender
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Re: Kiyoshi Kurosawa

Message par Ender »

Supfiction a écrit : 24 avr. 22, 08:26 Je confirme mon propos. Pour moi, cela va bien au delà du simple prétexte historique.
Je pense aussi. Kurosawa a des ambitions historique et politique avec ce film. Et c'est surtout un mélodrame d'idées qui se noue dans les rapports compliqués entre vies publique, privée et clandestine et la recherche des formes justes de loyauté, de fidélité.
C'est effectivement loin d'être le premier ou le seul film à examiner les crimes de l'armée impériale, mais les précédents historiques type Kobayashi rappelés dans ce topic sont à la limite hors de propos : en début 2020s, dans le courant de fond de révisionnisme d'État et d'ambitions de remilitarisation dus au parti conservateur au pouvoir, la démarche du Kurosawa, qui traite le sujet sur le mode du dossier, de la preuve, est très bonne à prendre et a une importance stratégique dans sa propre époque, comme par ailleurs les ultimes films de feu Ôbayashi Nobuhiko.
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Beule
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Re: Kiyoshi Kurosawa

Message par Beule »

C’est probablement très juste. Le cinéma japonais contemporain reste trop largement méconnu pour pouvoir mesurer à quel point la démarche de Kurosawa et Hamaguchi peut s’inscrire à rebours des standards idéologiques de sa production. Ou pour même statuer sur la rareté actuelle de pareils témoignages. En tout cas pour moi. Mais par-delà ses coutures scénaristiques parfois usées et son didactisme un peu boy-scout, asséné de mémoire en particulier par la subite prise de conscience de l’épouse, le film a le mérite de remettre sur le métier l’exploration de la mauvaise conscience que les administrations successives d’Abe n’ont eu cesse de vouloir taire. Et donc de se poser en piqûre de rappel sans doute salutaire en ces temps de révisionnisme et de réformes visant à la réappropriation exacerbée de la fibre patriotique. Et tu as raison bien sûr : sans doute les témoignages nombreux (crimes de guerre, institutionnalisation martiale de la prostitution, etc) d’une génération de cinéastes qui ont vécu les dérives les plus abjectes de l’impérialisme sont-ils aujourd’hui obsolètes au regard du formatage étatique des nouvelles générations par les forces vives les plus conservatrices du PLD. Mais je ne crois pas que Sup prenait en compte ce contexte particulier quand il saluait l’apparition inespérée d’un film se penchant sur le « Japon impérialiste » et les exactions commises durant la/les guerre(s).
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Supfiction
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Re: Kiyoshi Kurosawa

Message par Supfiction »

Merci grace à Ender de finalement confirmer mes intuitions, malgré tout. :uhuh:
Nul besoin pourtant de rentrer dans le détail de la politique japonaise contemporaine pour comprendre l’importance de ce sujet dans un mélodrame populaire comme celui-ci.
En outre, pour revenir au film, pour moi l’épouse agit avant tout par amour, et non par une profonde conviction suite à une subite prise de conscience.
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Beule
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Re: Kiyoshi Kurosawa

Message par Beule »

Supfiction a écrit : 2 mai 22, 08:40 En outre, pour revenir au film, pour moi l’épouse agit avant tout par amour, et non par une profonde conviction suite à une subite prise de conscience.
Probablement. Disons que si la mise en scène de l'épouse pour disculper son mari procédait de la défense coûte que coûte de leur amour, le précipité dans l'enchaînement m'avait peu convaincu. L'incompréhension manifestée au moment où son conjoint, après lui avoir révélé les faits, l'instruit sur sa position subversive n'y préparait guère. Mais surtout elle m'avait semblé gagnée rapidement par la même même ferveur que son mari. Peut-être par mimétisme amoureux, mais sans que les auteurs ne parviennent à rendre compte de cette évolution caméléon de manière véritablement satisfaisante. D'où cet aspect trop démonstratif que je regrettais, comme certains emprunts aux gimmicks hitchcokiens (Notorious en particulier pour la découverte du simili McGuffin) trop voyants pour se révéler crédibles. Difficile à étayer dans la mesure où la découverte du film remonte à l'automne dernier en salle. Mais malgré ces réserves j'avais plutôt apprécié cet opus.
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Profondo Rosso
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Re: Kiyoshi Kurosawa

Message par Profondo Rosso »

Eyes of the spider (1998)

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Après avoir retrouvé et assassiné le meurtrier de sa fille, Nijima rejoint le gang d'un vieil ami de lycée.

Eyes of the spider est une production vidéo constituant une sorte d'exercice de style pour Kiyoshi Kurosawa. Le réalisateur se voit proposer de réaliser deux films en deux semaines avec le même casting sur le sujet commun de la vengeance. Le premier film sera Serpent’s Path et le second Eyes of the spider pour un résultat et un traitement très original de ce sujet imposé. Le film s'ouvre directement sur cet assouvissement de la vengeance lorsque Nijima (Shô Aikawa) retrouve capture l'homme qui a assassiné sa fille six ans plus tôt. Il va le séquestrer, longuement le battre et l'interroger avant de le tuer prématurément et faire disparaître son corps. De brefs inserts en flashbacks au traitement formel très différent donne à voir la douleur passée de ce deuil avec la découverte du corps de sa fille par Nijima. Ce seront les seuls éléments qui "justifient" en quelque sorte l'acte auquel nous venons d'assister mais finalement par ce choix narratif Kurosawa désamorce, faute de montée en puissance dramatique, le côté dramatique et cathartique de la vengeance. Ce n'est nullement un soulagement et le héros ne s'en sentira pas mieux pour autant, bien au contraire.

Nijima va par hasard retrouver Iwamatsu (Dankan), un vieil ami de lycée qui exerce avec un groupe d'associés le métier de tueur à gages. Connaissant le secret de Nijima, il l'incite à les rejoindre. Notre héros à la fois décomplexé et désensibilisé par son acte initial va montrer des aptitudes et une froideur exceptionnelle dans l'exercice. Nijima s'avère un être désormais éteint qui n'éprouve ni plaisir, ni remord dans ses exécutions, ce que Kurosawa traduit par la tonalité décalée du film. Cette extinction des sentiments s'exprime par un rapport au monde étrange, les environnements traversés sont désertiques, tant dans l'espace urbain que la campagne où va parfois s'évader le groupe. Leur existence ne semble avoir aucun sens quand ils ne tuent pas, Kurosawa les associant à des enfants dissipés et incapable de se concentrer. Les moments où ils n'assassinent pas sont des apartés tour à tour absurdes, contemplatifs et étranges fait d'activités tel que le frisbee, la pêche ou les balades en forêt. Lorsque Nijima retrouve le domicile conjugal auprès de sa femme Noriko (Kumi Nakamura), on retrouve ce sentiment de vide du réel. Le couple n'a plus rien de pertinent à se dire, d'instants privilégiés à partager, d'amour à se donner. Leur seul lien est ce deuil qui les hante implicitement, et bien que le film n’ait pas de velléités fantastique, Kurosawa nous livre une séquence spectrale et glaçante dont il a le secret où littéralement le fantôme de la fillette disparue réapparaît.

On retrouve finalement les thèmes du réalisateur sur l'aliénation, les bas-instincts qui nous hante et l'extension de cet état d'esprit sur notre environnement. Des films comme Cure (1997), Seance (2001) ou Kaïro (2001) explore cela à travers le thriller et le fantastique dans une approche profondément désespérée et plus tard le mélo introspectif pour Tokyo Sonata (2009), Shokuzai (2012) ou le beau Vers l'autre rive (2015). Là ce côté décalé, absurde mais profondément désespéré est une autre forme de proposition singulière mais creusant le même sillon de manière captivante. 4,5/6
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Profondo Rosso
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Re: Kiyoshi Kurosawa

Message par Profondo Rosso »

Licence to live (1998)

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Yutaka Yoshii sort d'un coma qui a duré dix ans. Il a aujourd'hui vingt-quatre ans et se retrouve dans un monde qui a considérablement changé. Sa famille a éclaté, ses parents ont divorcé tandis que sa soeur revient tout juste des Etats-Unis. La maison familiale qui était un hôtel ranch est devenue une sorte de pisciculture tenue par le très peu conformiste Fujimori, un ami du père. Yutaka aimerait rouvrir le ranch. Il s'aperçoit bien vite que c'est un rêve d'enfance qui ne pourra pas se réaliser..

Licence to live est un film qui au premier abord semble un peu à part à ce stade de la carrière de Kiyoshi Kurosawa. Il sort après la sensation Cure (1997) qui l'installe en tant que maître du thriller, et précède Charisma (1999), Seance (2000) ou encore Kaïro (2001) qui confirmeront ce statut. On en semble bien éloigné ici avec ce mélodrame introspectif nous dépeignant le retour à la vie de Yutaka (Hidetoshi Nishijima), jeune homme de 24 ans se réveillant après avoir passé dix ans dans le coma. On s'attendrait logiquement à des retrouvailles familiales heureuses pour le personnage mais il ne trouvera que Fujimori (Kōji Yakusho), un vieil ami de son père (Shun Sugata) pour l'accueillir et le loger. Les grands films d'angoisses de Kurosawa articulent le suspense et définissent la menace (surnaturelle ou non) comme une matérialisation métaphorique de maux existentiels. Dès lors l'approche formelle de Kurosawa reste dans la continuité de ses films à suspense, toujours au service du mal-être de son héros.

Yutaka est resté l'adolescent de 14 ans du moment de son accident, même si habitant un corps désormais adulte. Ses réactions vives, inattendues et parfois brutales face aux évènements provoquent ainsi un décalage semblable aux dérapages violents des quidams sous emprises de Cure. La différence est que Kurosawa troque ici la sidération inquiète pour l'absurde à travers les attitudes d'homme-enfant de Yutaka, notamment l'hilarante scène où il s'en prend au propriétaire du cheval qu'il avait recueilli. Cela marche aussi dans l'attitude des autres envers lui comme lorsque Fujimori là de ses facéties lui administre ponctuellement un coup de pied aux fesses, attitude spontanée envers l'ado qu'il est intérieurement mais à l'image saugrenue en voyant un adulte subir pareille punition. Tout au long du récit, Yutaka court après une cellule familiale éclatée qu'il tente en vain de reconstituer. Il ne sait pas où se trouve sa mère (Lily), son père le quitte à peine retrouvé et sa sœur (Kumiko Aso) ne renoue contact que dans la perspective de partager les gains de vente potentiels de la maison familiale. Dès lors l'imagerie spectrale chère à Kurosawa va se rattacher aux membres démissionnaires de cette famille. Lors d'une scène où Yutaka se réveille et voit son père le veiller avant son départ, ce dernier est représenté dans une composition de plan isolée et une photo de Jun'ichirô Hayashi aux teintes flottantes comme s'il s'agissait d'un fantôme - anticipant les apparitions les plus terrifiantes de Kaïro qui fonctionneront sur ce motif. Lors des retrouvailles avec la sœur, Kurosawa use par moment du cadre dans le cadre ainsi que de l’hors-champ pour signifier leur schisme, mais là aussi cela correspond à certains mécanismes de terreur vus dans Cure qui laissaient le spectateur dans l'incertitude. Cette absence de socle intime donne à son existence une nature intangible qui justifie cette illustration de l'absence/présence de sa famille, le faisant en définitive se questionner sur la nature rêvée de son quotidien. Même certains éléments du scénario explorent de manière sous-jacente des peurs typiques du Japon des années 90 comme les sectes lorsque l'on découvrira plus avant la situation du père.

Kurosawa se montre cohérent tout en mettant son style au service d'une émotion différente, bien aidé par la très touchante prestation de Hidetoshi Nishijima. Sa candeur maladroite n'est pas sans évoquer un Takeshi Kaneshiro, que le réalisateur tire vers une émotion silencieuse ou le gag surprenant ravivant l'espièglerie enfantine tel ce moment où il va dévaliser la librairie manga de son adolescence. Le ranch qu'il cherche à ouvrir est un moyen de prolonger cette enfance, de recréer un cocon ludique et innocent qu'il a perdu. Mais la prise avec une existence normal et les années qu'il a perdu semble trop difficile, à l'image de sa némésis inattendue à savoir Murota (Ren Osugi) l'homme qui l'a renversé et jamais remis de la culpabilité de ce drame. Un très joli film qui préfigure l'évolution plus tardive de Kurosawa vers le pur mélodrame intimiste et dénué de suspense avec des films comme Tokyo Sonata (2008), Shokuzai (2012), Vers l'autre rive (2016) ou le récent Les Amants sacrifiés (2021). 4,5/6
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Re: Kiyoshi Kurosawa

Message par Shinji »

Un entretien avec le réalisateur Ryusuke Hamaguchi au sujet de Cure :

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Re: Kiyoshi Kurosawa

Message par Shinji »

Kurosawa a retrouvé son acteur fétiche pour discuter du film lors d'une rétrospective au festival de Tokyo en 2018 :

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Re: Kiyoshi Kurosawa

Message par Kiké »

You said it, man. Nobody fucks with the Jesus.
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Alibabass
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Re: Kiyoshi Kurosawa

Message par Alibabass »

Mais ouais ^^
Triple bonne nouvelle ... enfin pour nous ça sera double bonne nouvelle, je vois mal son moyen-métrage sortir en France.
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Kiké
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Re: Kiyoshi Kurosawa

Message par Kiké »

Oui, ou alors directement en streaming via Mubi, Arte?
You said it, man. Nobody fucks with the Jesus.
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