Premake/Remake

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Cathy
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Re: Premake/Remake

Message par Cathy »

J'ai été agréablement surprise par the Opposite sex, j'y ai vu une des ces productions typiques en technicolor, il n'y aurait pas le premier film, sans doute le verrait-on avec encore plus de plaisir ! Maintenant il est vrai que le côté glamour est effacé, quand on voit Joan Crawford ou Joan Collins, on ne joue pas dans la même cour !
joe-ernst
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Message par joe-ernst »

Cathy a écrit :The Opposite Sex (1956) - David Miller

June Allyson est parfaite dans ce rôle d'américaine moyenne, ex-chanteuse qui revient à sa carrière après son divorce
AU SECOURS !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
L'hyperréalisme à la Kechiche, ce n'est pas du tout mon truc. Alain Guiraudie
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Re: Premake/Remake

Message par Cathy »

joe-ernst a écrit :
Cathy a écrit :The Opposite Sex (1956) - David Miller

June Allyson est parfaite dans ce rôle d'américaine moyenne, ex-chanteuse qui revient à sa carrière après son divorce
AU SECOURS !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Je savais que j'allais te faire bondir, mais j'ai l'impression que tu n'aimes pas Miss Allyson. Comme je l'ai écrit dans les erreurs de casting, je pense que le caractère de Mrs Hilliard n'est pas le même dans les deux films. Dans le premier Norma Shearer est une grande dame de naissance, elle est mariée à quelqu'un totalement de son monde, alors que June Allyson n'est qu'une obscure chanteuse de jazz qui épouse un producteur. Ce sont des parvenus, donc les deux conceptions du rôle se complètent totalement. Norma Shearer est plus classe c'est bien évident, et la robe rouge ne va pas à June Allyson, mais dans la conception des deux rôles, je les trouve aussi bien. Hormis que je trouve que Norma Shearer est horriblement fausse quand elle court dans le couloir à la toute fin du film.
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Message par Cathy »

Eve éternelle, Easy to wed (1946) - Edward Buzzell

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Afin d'empêcher que le journal pour lequel il travaille soit condamné pour diffamation envers une riche héritière, un reporter est envoyé pour faire chanter la jeune femme.

Assez curieux comme film, car on s'attend forcément à un numéro aquatique et non, il n'y en a pas un seul. Pour rassurer les fans d'Esther Williams, elle apparaît par deux fois en maillot de bain, et deux fois dans une piscine, mais ici c'est la comédienne qui est mise en valeur, et non la nageuse. Comme dans beaucoup de comédies musicales de cette époque, le début est censé se dérouler à Mexico, permettant une chanson "locale" et le seul grand numéro évoque aussi l'ambiance mexicaine, avec une longue introduction à l'orgue interprétée par Ethel Smith.
Le film n'est pas non plus réellement une comédie musicale, même s'il y a deux numéros dansés un par Lucille Ball l'autre par Esther Williams et Van Johnson. Le film est surtout basé sur celui-ci, et la scène de la chasse au canard est un grand moment de drôlerie ! Keenan Wynn complète le casting ainsi que Lucille Ball comme à son habitude survoltée.
Le tout forme quand même une comédie fort agréable, (qui n'est pas un sommet de mauvais goût et kitsch) avec naturellement la fameuse piscine que l'on voit dans That's entertainement et que présente Donald O Connor, il me semble :) !
Les sous-titres anglais sont assez faciles à comprendre (même si je n'ai pas saisi toutes les nuances et sans doute la drôlerie de toutes les répliques, par contre la copie n'est pas exempte de défaut !

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Une fine mouche, Libeled Lady (1936) - Jack Conway

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Eve Eternelle est en fait le remake de Libeled Lady, la seule chose est la différence entre le casting du premier opus et du second, Myrna Loy est la jeune héritière, froide, cynique, mais aussi légère et troublante, Jean Harlow est la fiancée du journaliste mariée pour provoquer le fameux scoop et le scandale, par son tempérament volcanique, elle s'oppose à la première sans tomber dans l'excès. Côté masculin, William Powell et Spencer Tracy rivalisent d'humour dans le rôle de ces deux journalistes canailles, le premier ajoutant son charme et sa spiritualité au côté plus bonhomme du second. Les différences entre les deux films sont minimes, ici la chasse aux canards est remplacée par la pêche à la truite, sans doute plus raffinée pour l'époque, et la scène où William Powell apprend la peche et la pratique est aussi un des grands moments du film, comme la fameuse chasse aux canards du second épisode. Nous sommes aussi dans une screwball type avec des dialogues qui vont à deux cent à l'heure, le film est sans doute plus glamour de par ces deux actrices magistrales. Finalement ce qui est une charmante comédie dans le remake est ici une excellente comédie, sans doute et surtout grâce aux acteurs bien meilleurs dans ce premier opus.
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Message par Cathy »

Anna Karenine (1948) - Julien Duvivier

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On ne peut pas parler réellement de remake mais de nouvelle version, toutefois quand on regarde ce film, on ne peut s'empêcher de penser à l'Anna Karenine de Garbo. 13 ans après la seconde Anna de Garbo, Duvivier illustre la même histoire avec Vivien Leigh. La vision de Duvivier intègre certains nouveaux éléments du roman tout en édulcorant d'autres, certes cela peut paraître anecdotique, mais parfois cela permet de mieux comprendre les relations entre les différents personnages et le caractère de ceux-ci. Par exemple Kitty qui apparaît comme étant amoureuse de Vronsky dans la version parlante de Garbo, apparaît ici comme sa fiancée, et elle fait une dépression, dont elle se guérit en comprenant qu'elle aime un autre homme avec qui elle vivra une histoire d'amour parfaite. Dans la version Garbo, le personnage de Kitty est assez présent au départ, alors qu'ici, il n'a finalement qu'un rôle assez secondaire.

Duvivier n'insiste pas sur le folklore et la tradition russe, pas de soldats qui se livrent à un tournoi de vodka ou "banquettent", mais entrée dans un monde plus bourgeois qui explique la droiture d'esprit de Karenine, le caractère d'Anna. Sans doute est-ce là aussi la principale différence, si Garbo campe une Anna amoureuse complète, qui se suicide par amour, Vivien Leigh est une Anna plus sombre, plus tourmentée, qui sombre dans une sorte de folie qui la conduit à ce suicide, le personnage est sans doute plus fouillé avec cette fausse couche et tout ce passage qui n'existe pas dans la version précédente mais permet de mieux comprendre la rigueur de Karenine, sa droiture. La grosse différence vient aussi du traitement de Vronski, Fredric March est loin de l'amoureux romanesque de Kieron Moore, le premier est un soldat qui ne semble jamais s'abandonner et son départ apparaît comme un abandon, alors que le second est totalement épris d'Anna, son départ ne sonne pas comme un abandon, mais comme le détonateur d'une crise de folie. Il y a enfin le personnage du mari qui avec Basil Rahtbone pourtant parfait semble monolithique, droit dans ses bottes, qui semble plus aimer les convenances et le qu'en dira-t'on qu'Anna. Alors qu'avec Ralph Richardson, le personnage apparaît plus fouillé, on comprend mieux son sens du droit, il aime Anna, mais pas comme elle le voudrait. D'ailleurs les scènes avec le mari sont plus nombreuses et plus importantes finalement que celles avec l'amant. Le personnage du fils semble plus anecdotique chez Duvivier, alors qu'il est très important dans la version Garbo. Finalement le Duvivier semble plus s'intéresser au caractère profond d'Anna qu'à ses aventures. On reprochera toutefois la dernière scène où Anna parle visiblement de ce qu'elle ressent, alors qu'on imaginerait mieux Anna marcher et entendre ce qu'elle ressent, ceci étant cela conduit sans doute mieux à cette crise de folie qui la jette sous le train.

Les relations entre les deux amoureux sont sans doute plus sensibles dans la première version, avec cette superbe scène du bal et la scène du jardin, alors que dans le second, les relations ne sont pas réellement décrites. Duvivier insiste sans doute, plus sur la relation entre les deux époux, qu'entre les deux amants. Il garde les passages obligés comme le bal, le steeple chase, d'ailleurs la vision de Vivien Leigh vivant la course à travers ses jumelles, sans qu'on ne la voit est sans doute plus subtile et plus belle que dans la première version où on voit l'accident de Vronski , la vie à Venise. Dans la version Garbo, on entend juste le cri d'une personne écrasée par le train qui va avoir tant d'importance pour Anna, alors que dans la version Leigh, on assiste à ce qui est un accident, et un autre employé des trains hantera ses rêves

Les deux versions semblent donc deux vecteurs pour les actrices qui livrent chacune une vision différente de l'héroïne, amoureuse passionnée chez Garbo plus fragile chez Vivien Leigh.

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Anna Karenine (1935) - Clarence Brown

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Une jeune femme russe mariée Anna Karenine abandonne son mari et son fils pour suivre son amant, un militaire russe le comte Alexis Vronski.

Greta Garbo avait déjà incarné l'héroïne de Tolstoi dans un film muet de 1927, elle incarne à nouveau ce rôle dans cette version tournée presque dix ans après. Sans doute avons nous le droit à une Russie revisitée par Hollywood, mais Clarence Brown réussit à nous faire croire à cette russie de soldats qui ripaillent, la scène du banquet du début ou le tournoi de "vodka"-table en sont de parfaits exemples, que ce soit dans leurs manières truculentes ou dans la manière de filmer, notamment ce fameux duel de beuverie. Les détails sont nombreux comme dans la superbe mazurka qui voit la naissance de l'amour entre les deux héros, et qui pour une fois sonne juste et fait penser aux chorégraphies qui subsistent de cette époque, notamment dans les ballets académiques.
Il y a évidemment les légers problèmes de l'époque avec ces transparences qui sont vraiment voyantes, particulièrement dans la course hippique et les gros plans de Fredric March. Il y a cette renconstitution un peu folklorique de l'Opéra russe, avec des danses hautes en couleurs et très "traditionnelles". Et puis naturellement il y a le roman de Tolstoi, même si le film met plus en lumière les différents adultères que les vies plan-plan de Kitty et son mari, ne retenant que son amour et sa rivalité avec Anna Karenine envers Vronski. Bref tout cela n'est guère important, pour qui n'a pas lu le roman de Tolstoi.

Le film est porté par Greta Garbo magnifiquement filmée, de son apparition certes attendue, mais vraiment superbe dans la fumée du train. Même si le jeu de l'actrice ressemble sans doute à celui qu'elle utilise dans d'autres rôles du même acabit, elle n'en reste pas moins lumineuse, et vampirisant l'écran. Fredric March est tout à fait crédible en comte "amoureux", raide et finalement préférant la guerre à l'amour. Il y aussi Basil Rathbone impressionnant qui certes campe une fois encore un rôle détestable, mais différent car lié aux convenances de l'époque et à sa caste de Karenine. Maureen O Sullivan est charmante en Kitty, frivole ou épouse parfaite, tout comme Freddie Bartholomew qui se montre parfait en fils "larmoyant". Il y a aussi les très beaux plans réalisés par Clarence Brown qui donne à l'histoire toute son émotion comme dans le suicide de l'héroïne, annoncé par l'accident d'une voyageuse au début du film. Dommage seulement que le film semble s'enliser dans un certain académisme alors que le début s'avère vraiment impressionnant de maitrise technique et de fougue. Seule fausse note aussi, ce portrait photographié tellement contemporain du tournage de Garbo qui clot le film. Anna Karenine n'en demeure pas moins un beau film où on comprend vraiment pourquoi Garbo était la Divine, malgré ses défauts.
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Message par Commissaire Juve »

Très intéressant... A titre perso, la version DVD du Vivien Leigh était tellement exécrable que j'ai gardé un souvenir également "exécrable" du film. Dommage. La belle édition zone 1 serait peut-être une occasion de lui redonner sa chance.

Sinon, tout ça me fait penser qu'il en va des adaptations ciné comme des traducs littéraires. Il y très longtemps, quand je me préparais à faire de la traduc, j'avais justement pris différentes versions d'Anna Karenine (en magasin), j'avais comparé les 1ers paragraphes et j'avais compris bien des choses.
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Re: Premake/Remake

Message par Cathy »

Commissaire Juve a écrit :Très intéressant... A titre perso, la version DVD du Vivien Leigh était tellement exécrable que j'ai gardé un souvenir également "exécrable" du film. Dommage. La belle édition zone 1 serait peut-être une occasion de lui redonner sa chance.

Sinon, tout ça me fait penser qu'il en va des adaptations ciné comme des traducs littéraires. Il y très longtemps, quand je me préparais à faire de la traduc, j'avais justement pris différentes versions d'Anna Karenine (en magasin), j'avais comparé les 1ers paragraphes et j'avais compris bien des choses.
J'ai vu la copie qu'avait diffusé Ciné Classic il y a quelques mois, et qui me semble assez correcte, hormis une scène qui semble avoir perdu son contraste.
Peut-être était-ce le master utilisé pour le DVD Fox dont tu avais signalé la parution sur le topic Vivien Leigh :) !
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Re: Premake/Remake

Message par Cathy »

Gaslight ou The Murder in Thornton Square (1940)- Thorold Dickinson

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Une femme est sauvagement assassinée dans une maison de Pimlico Square, près de 20 ans après le crime, un couple emmenage dans cette maison. La jeune femme semble sombrer petit à petit dans la folie, mais son mari n'y semble pas étranger.

Le film a été exploité visiblement sous plusieurs titres, Murder in Thornton Square, ou Gaslight. Le remake qu'en signa George Cukor quatre ans plus tard seulement est beaucoup plus connu. Gaslight est donc un film anglais à l'ambiance assez spécifique de son cinéma. Déjà le crime initial est d'une rare violence, avec l'étranglement de la vieille dame et le saccage que commet le meurtrier pour trouver quelque chose qu'il cherche visiblement. Nous sommes dans une ambiance essentiellement nocturne ou d'intérieur, seules deux scènes se déroulent de jour, une sortie d'église et une promenade au parc. Il y a aussi cette reconstitution d'un cabaret anglais avec ses attractions, et puis cette évocation d'un Londres social où se cotoient jeunes enfants qui s'amusent dans le parc avec cerceaux et autres jeux et gamins des rues qui visiblement n'ont pas le droit de pénétrer dans le parc.

Même si on sait quasiment tout de suite que la jeune femme est relativement saine d'esprit que ce soit par les gestes de son mari ou les soupçons d'un ancien policier qui a enquêté sur le crime. Il y a cette scène légère de la valse qui tourne à une première torture pour l'épouse, ou encore ce concert de charité où la jeune femme subit une fois encore les accusations de son mari. La dernière confrontation entre les deux époux est assez impressionnante, il y a aussi un naturel dans certaines scènes qui est assez typique du cinéma anglais, certains détails comme un pendentif qui retombe sur la poitrine de l'héroïne quand elle se redresse sur son lit. Il y a aussi cette très bele scène où le visage de la jeune femme se reflète dans sa boite à musique alors qu'elle entend les bruits de pas dans la chambre au-dessus de la sienne.

Il y a donc cette maison à l'ambiance étouffante et inquiétante, le film arrive à maintenir une angoisse évidente, avec cette fameuse lumière du gaz qui diminue d'où le fameux Gaslight, beaucoup plus évocateur du film finalement que le Hantise français et puis naturellement les interprètes, Anton Walbrook excellent dans ce personnage si inquiétant à la double personnalité et n'offrant pas le charme qu'offrira quelque part Charles Boyer quatre ans plus tard, Diana Wynyard est elle aussi parfaite en jeune femme qui sombre plus ou moins dans la folie, elle est totalement fragile. Ici le rôle du policier n'est pas du tout exploité de la même manière que quatre ans plus tard, nous avons affaire à un ancien inspecteur qui cherche à coincer l'assassin de la vieille femme, et pas du tout à un amoureux de la jeune femme.
Gaslight est donc un très beau film à l'ambiance étouffante, à la fois chronique d'une certaine société anglaise, avec ces convenances, mais aussi portrait d'une victime superbe.
Dernière modification par Cathy le 25 août 10, 20:03, modifié 1 fois.
someone1600
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Message par someone1600 »

Ayant vu le remake et enregistré le premier, il faudrait bien que je le regarde celui-la aussi pour comparer.
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Re: Premake/Remake

Message par Cathy »

Je suis en train de regarder les remake et le traitement est totalement différent. J'y reviendrai quand j'aurai fini de le visionner :) !
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Message par Cathy »

Hantise, Gaslight (George Cukor) - 1944

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Une jeune chanteuse, nièce d'une femme assassinée, épouse son pianiste accompagnateur. Sitôt rentrés à Londres, la jeune femme semble perdre petit à petit la tête, et son mari change d'attitude.

Attention spoilers un peu partout !

Quatre ans après l'adaptation anglaise de la pièce par Thorold Dickinson, George Cukor s'attèle à la même histoire. Pourtant le traitement est très différent, naturellement certaines scènes clés sont identiques, comme celle où Paula va chercher le tableau qui a disparu, le décor de la maison est d'ailleurs très semblable, il y a évidemment la scène de la broche qui disparaît mais qui est traitée différemment dans la première version, elle ne peut la mettre quand elle va assister au concert, dans cette version, le mari lui offre avant d'aller visiter la Tour de Londres, mais aussi la scène du concert et de la disparition de la montre où la jeune femme craque. Il y a aussi la fameuse scène où la cuisinière et la femme de chambre viennent embrasser la bible pour assurer qu'elles disent la vérité. Par contre le côté très religieux de la famille disparait, et la Bible n'apparaît qu'à ce moment-là, alors que dans le premier opus, le couple se rend à l'église, récite des prières avant de passer à table mais qui ne ressemble pas à un simple benedicite. S'il y a donc ces fameuses scènes incontournables, l'esprit est totalement différent, où dans la première version, il n'y avait aucune relation entre la jeune femme et la victime, ici, Paula est la nièce de la cantatrice assassinée, car ici la victime est célèbre, et vivait avec sa tante, et les relations entre les deux époux sont bien plus développées.

Si la version anglaise était concentrée sur la vie des époux dans la maison et la "folie" progressive de l'épouse, ici on suppose la rencontre entre les deux futurs époux, et on voit leur vie de couple avant leur retour à Londres, ainsi Paula est-elle montrée en train de prendre des leçons de chant, partir seule à Come, et devenir la femme de son accompagnateur. D'ailleurs Cukor apporte de nombreux éléments autres à cette histoire, notamment avec une vieille dame voisine curieuse du couple et rencontrée dans le train et qui va servir quelque part de fil conducteur jusqu'à l'ultime scène. Le couple est montré assez différemment que dans la version anglaise qui finalement se limite à la partie purement angoissante, avec un couple qui suscite des interrogations dès son arrivée, alors que là il y a toute une grande scène qui montre le déclenchement de la machination de l'époux, avec la découverte de la fameuse lettre qui n'est qu'évoquée dans le premier film, on a aussi tout le decorum de cette vieille cantatrice avec le tableau, la vitrine, la partition, en réalité Cukor développe tous les points ébauchés précédemment et brode autour avec cette histoire de cantatrice, d'admirateurs, de nièce, etc. Il change aussi complètement le rôle de l'homme qui va aider Paula. Si dans la première version, l'ancien policier croit reconnaître dans l'époux quelqu'un de mêlé à l'assassinat de la vieille femme, ici l'homme est troublé par la ressemblance de Paula avec sa tante qu'il a connue enfant à l'époque de son meurtre. Il ne cherche pas non plus à trouver pourquoi l'époux agit bizarrement; il ne comprend les agissements du mari qu'en allant parler avec son épouse, alors que précedemment, il suppose tout ce qui est, et cherche les preuves de la culpabilité, il se demande plus pourquoi l'épouse ne sort pas, et a des attitudes étranges comme lors du fameux concert. Les relations sont donc celles d'un triangle "amoureux", entre mari, amoureux et femme !

Ce qui change aussi énormément et ne fait pas de ce Gaslight un remake servile, est le traitement des personnages. Dans le premier Anton Walbrook est assez monolithique complètement détestable, on ne comprend jamais vraiment comment son épouse a pu tomber amoureuse de lui tant il montre un visage haineux, plein de dédain et de mépris, alors que Charles Boyer ne campe pas du tout le même personnage, il est plus hypocrite, plus mielleux, prenant plus les choses sur le ton d'une plaisanterie amère, voire très amère ou alors distillant petit à petit son venin et créant les doutes de son épouse. Il ne devient véritablement odieux qu'après la scène du concert avec cette dispute où lui le coupable accuse sa femme de s'être ma conduite. Il y aussi dans la version Cukor, le côté romanesque qu'instille Charles Boyer à la folie de sa femme, en lui faisant croire que sa mère était, elle-même folle et qu'elle montrait exactement les mêmes symptomes.
Paula est aussi très différemment traitée, Ingrid Bergman semble beaucoup plus névrosée et infiniment plus fragile que Diana Wynyard, quelque part elle devient très, voire trop vite complètement soumise à son mari. Elle frôle même quelque part l'hystérie dans certaines scènes, là où dans la première version Diana Wynyard semblait épouvantée mais pas folle. Ce qui est aussi à noter, c'est qu'ici, le mari ne paraît pas immédiatement responsable des agissements de sa femme, on se demande vraiment si l'épouse n'invente pas les choses. L'ultime face à face prend par contre un tout autre sens, si dans la première version, on se demande si la femme ne va pas tuer son mari dans un véritable accès de démence, dans cette version, on voit une épouse qui prend sa revanche sur toutes les insinuations de son mari. D'ailleurs, elle n'a pas réellement de doutes devant les révélations de l'homme, alors que dans le premier, elle semble avoir encore quelques sentiments pour ce mari et semble vouloir l'épargner, car c'est celui qu'elle a épousé !

Joseph Cotten a donc un rôle totalement différent, car il s'intéresse à Paula par amour et non par vengeance ou souhait de voir une enquête se cloturer. Autre personnage traité totalement différemment et pourtant fort important celui de la femme de chambre. Dans la première version, elle semble encore se tenir et même si elle a des relations avec le mari, elle ne semble pas participer à l'humiliation de l'épouse, ce qui est le cas dans cette seconde version ! Si Ingrid Bergman est un peu too much par moment dans son jeu, Charles Boyer est absolument admirable dans son rôle, tout comme Joseph Cotten qui est tout de même quelque peu sous-employé. Quant à Angela Lansbury, elle est vulgaire à souhait dans ce rôle de femme de chambre, tout comme Dame May Whitty apporte toute sa faconde à son personnage de vieille fille curieuse.

Sans doute film américain et casting obligent, les personnages devaient-ils être traités de manière différente, par contre, si au niveau de l'intrigue, le premier film est plus resserré et plus "policier" - il ne dure d'ailleurs qu'1h20 contre 1h50 pour le remake - le second est plus traité dans une atmosphère angoissante (même si les fameuses scènes de baisse du gaz sont moins longues) et esthétiquement est bien plus abouti avec cette scène, où une dispute n'est montrée qu'à travers des ombres, ou encore des cadrages bien plus artistiques. De plus, Cukor rend admirablement l'ambiance anglaise que ce soit dans les décors (même s'il n'y a pas la scène du cabaret typique), et naturellement dans le fameux brouillard londonien. A noter aussi qu'il n'y a pas ce côté social du premier opus, ici le couple évoque dans son monde. Et jamais il n'est fait allusion aux pauvres de Londres. Alors si les deux films sont semblables dans les grandes lignes, ils sont tout de même fort différents dans leurs traitements. Maintenant si le premier film est un très bon film d'ambiance, le second est une oeuvre beaucoup plus aboutie, à tous les niveaux.
Dernière modification par Cathy le 15 août 10, 10:25, modifié 1 fois.
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Message par villag »

[quote="Cathy"]Anna Karenine (1948) - Julien Duvivier

Dans les adaptations de ce roman de Tolstoï, les realisateurs s'attardent toujours sur le rôle titre en oubliant tres souvent l'histoire de Levine, pour moi, beaucoup plus interessante; d'ailleurs, je relis souvent ce bouquin, et je saute systematiquement, à chaque fois les épisodes Anna !...sans doute preférai-je dans ce roman les episodes campagnards, ( les moissons, les chasses au petit matin...)aux episodes plus mondins , ceux concernant directement Anna...De plus, dans le roman, les chapitres Levine, sont plus nombreux que ceux concernant Anna; TolstoÏ lui même preferait son heros, un peu le reflet de lui-même , à son heroïne......
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Message par Cathy »

villag a écrit :
Cathy a écrit :Anna Karenine (1948) - Julien Duvivier

Dans les adaptations de ce roman de Tolstoï, les realisateurs s'attardent toujours sur le rôle titre en oubliant tres souvent l'histoire de Levine, pour moi, beaucoup plus interessante; d'ailleurs, je relis souvent ce bouquin, et je saute systematiquement, à chaque fois les épisodes Anna !...sans doute preférai-je dans ce roman les episodes campagnards, ( les moissons, les chasses au petit matin...)aux episodes plus mondins , ceux concernant directement Anna...De plus, dans le roman, les chapitres Levine, sont plus nombreux que ceux concernant Anna; TolstoÏ lui même preferait son heros, un peu le reflet de lui-même , à son heroïne......
Certes au départ le roman voulait-il opposer deux couples celui de Levine et de Kitty à celui d'Anna et son mari, mais finalement le choix fut porté sur Anna, donc même si Levine est l'image de Tolstoï sans doute Anna qui était l'opposé de lui-même l'intéressait-elle plus au point de donner le titre du roman et de ne pas s'appeler, deux familles, deux mariages titre initialement prévu ! Sans doute l'histoire d'Anna est-elle plus cinématographiquement intéressante que celle de Levine ! Personnellement je préfère les histoires mondaines à celles des chasses et autre moisson ! Je n'ai pas lu le roman, mais j'imagine plus un côté descriptif aux scènes champêtres (et ce qui peut faire des pages dans un bouquin, peut-il être résumé en quelques images à l'écran) que de côté narratif pur ! Donc cela est sans doute difficilement transposable à l'écran !
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Message par villag »

Cathy a écrit :
villag a écrit :
C'est pas faux en effet, et c'est sans doute ce qui explique le choix des adaptateurs; l'adultere, le cadre mondain, ça passe sans doute mieux à l'ecran que la brume stagnant sur un etang au petit matin....c'est vrai, mais si tu as l'occasion, ou l'envie, lis Tolstoï....!
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Re: Premake/Remake

Message par Cathy »

villag a écrit :
Cathy a écrit :
C'est pas faux en effet, et c'est sans doute ce qui explique le choix des adaptateurs; l'adultere, le cadre mondain, ça passe sans doute mieux à l'ecran que la brume stagnant sur un etang au petit matin....c'est vrai, mais si tu as l'occasion, ou l'envie, lis Tolstoï....!
Voir les deux films m'a donné envie de lire le roman, même si les longues descriptions ne sont pas ma lecture favorite :) !
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