Entre les premières accusations contre Jackson (donc 1993) et aujourd'hui, le producteur des Simpson a eu 26 ans pour faire interdire l'épisode en question. Il l'a fait ce mois-ci (10 ans après la mort du chanteur qui n'est plus là pour se défendre), sur la base d'accusations dans un documentaire, documentaire qui "détruit totalement la réputation du Roi de la Pop" comme on peut le lire. L'onde de choc, c'était pourtant il y a déjà 26 ans. Les radios anglaises, canadiennes, hollandaises, norvégiennes et néo-zélandaises qui ont retiré l'intégralité du catalogue de Michael Jackson de leurs playlists ne l'ont pas fait en 93, elles l'ont fait ce mois-ci.
Ne dérive pas en évoquant notre soi-disant crainte d'une censure totale et d'un bannissement façon pays totalitaire de Off the Wall des rayons dans un futur proche (en faisant mes courses hier, j'entendais "Who Is It?" qui passait dans les hauts-parleurs de ma supérette et personne n'a demandé à changer de station), car ce n'est pas de ça dont il s'agit, et ce qui se passe actuellement, entre les boycotts, l'amnésie, la suppression d'épisodes où il apparaît, c'est déjà suffisamment effrayant comme ça.
L'affaire Polanski est un contre-exemple parfait de tout ce que tu avances.
L'affaire n'était pas inconnue. Elle avait fait les gros titres des journaux en son temps. Polanski ne s'en cachait pas et y consacrait 3 chapitres dans son autobiographie. Le public savait.
Pourtant si tu regardes entre 1977, c'est-à-dire l'année où ça s'est produit, et 2009 quand elle est réapparue aidée et amplifiée par les réseaux sociaux, c'est seulement à partir de la seconde année que les tensions, les polémiques, les débats, et les hystéries via les twittos qui le comparaient et le comparent toujours à Dutroux, sont apparues.
Ce forum s'en souvient.
Avant 2009, il recevait un Oscar. Après 2009, il se faisait exclure avec Bill Cosby de l'Académie (en 2018 précisément, suite au désordre Weinstein et les tentatives de rachat d'une conscience toute neuve à Hollywood).
En 1980, trois ans seulement après "l'affaire", on le voyait déconner avec Romy Schneider sur la scène des César (
l'année précédente, Romy Schneider poussait un coup de gueule en direct contre les nominés qui ne venaient pas chercher leur prix, s'en prenant en fait à Miou Miou qui n'était pas venue chercher son César pour La Dérobade, et l'année suivante pour Tess, Polanski lui déclarait sur scène être venu par crainte de se faire engueuler). Puis en 1990, il présidait le Festival de Cannes.
Ça ne posait pas problème (
comme pour Naissance d'une nation en son temps )... Mais c'est en 2017 qu'il renonçait à présider les César suite à l'énorme polémique que cela suscitait auprès du public et des associations (si on regarde les images des révoltées devant la Cinémathèque, on peut voir que la plupart n'étaient même pas nées en 1977). Tout à coup c'était "Polanski le violeur d'enfants", et non "Polanski le cinéaste" tel qu'il était encore considéré après 1977. Sup' a raison, Bonnaud a été héroïque de persévérer à faire la rétrospective quand on voit le tollé que ça a suscité (il y a même eu un débat dans
C à vous, punaise, dans
C à vous avec Naulleau face à une féministe pour défendre la Cinémathèque et les cinéphiles qui ne sont pas des dégénérés célébrant les pédophiles).
Comme pour Michael Jackson, que l'on soit défenseur ou non, pour ou contre lui, peu importe, mais l'exemple polanskien montre qu'il y a, bel et bien, deux époques, deux approches du public qui peuvent être très, très, très différentes. Parce que les temps. Ont. Changé.
Pour moi notre époque a quelques bons côtés, mais elle est aussi très anxiogène, déprimante, a un regard biaisée sur le passé et est marquée par d'inquiétantes montées de répression et de haine d'un public qui, ça lui arrive, se croit juge et jury derrière l'invulnérabilité de son pseudo.