Né le 10 novembre 1891 à Lexington, Missouri, le jeune Carl apprend le piano à 6 ans. A 12 ans, il est le principal accompagnateur musical du cinéma local (muet, of course). Grandissant en talent et en renommée, il dirige autour de ses vingt ans son propre orchestre orchestre, et joue les accompagnateurs du fameux Isis Movie Theater, la plus prestigieuse salle de cinéma de Kansas City. C'est là qu'il rencontre un jeune producteur local, un certain Walt Disney, producteur de courts films d'animation.
Il compose alors quelques bandes accompagnant des cartoons de Disney (Plane Crazy, Gallopin' Gaucho), avant de lui proposer un autre concept : des cartoons qui partiraient de la bande sonore, déjà composée, et dont on demanderait aux animateurs de trouver l'illustration graphique. Il en résulte une série de dessins animés qui connaîtront le succès, les Silly Symphonies. Développant des techniques (les bar sheets) permettant au compositeur de travailler sur un cartoon en même temps que les animateurs, Stalling finira par se trouver à l'étroit chez Disney. Profitant du départ de l'animateur (de génie AMHA) Ub Iwerks, Stalling suit ce dernier en Californie, tout en continuant à composer en freelance pour Disney et d'autres.
La seconde rencontre décisive de la carrière de Stalling se fait en 1936, lorsque Leon Schlesinger, producteur de la maison Warner, l'embauche à plein temps pour composer des bandes musicales pour les films d'animation dont il a la charge (les fameux Looney Tunes). Jouissant du droit de puiser dans l'immense catalogue Warner (et de faire jouer les musiciens sous contrats affiliés au studio, là aussi un immense vivier), Stalling composera alors en moyenne une bande son par semaine, chaque semaine, pendant vingt-deux ans.
Travaillant avec tous les grands animateurs du studio, Chuck Jones, Bob Clampett, Tex Avery, Fritz Freleng, Robert Mc Kimson, entre autres, Carl Stalling a pour ainsi dire inventé la plupart des règles régissant l'illustration musicale des dessins animés. La spécialité de Stalling, dans laquelle il est passé maître, c'est l'arrangement très rapide entre différents morceaux préexistants. Un travail assez complexe à mettre en oeuvre, pour lequel il développa une technique particulière, à partir d'un métronome utilisé comme point de repère (la click track, une de ses inventions, est une technique encore actuellement utilisée pour synchroniser image et musique).
Ses oeuvres illustrent parfaitement l'action, et il suffit d'écouter un Looney Tunes sans l'image pour se rendre combien la musique, même seule, permet de deviner quasiment tout ce qui se passe à l'écran. Stalling se faisait un plaisir de réarranger des morceaux dont les titres collaient particulièrement bien aux situation, ce qu'il appelait des « blagues musicales », que seul la partie la plus experte du publique était à même d'apprécier. Par exemple, qu'une jolie femme déploie ses charmes, et voici que retentit le thème de You Must Have Been a Beautiful Baby (Harry Warren). Un personnage saoul titubait forcément sur un thème tiré de How dry I am (Irving Berlin). Un réveil se fait forcément sur Au matin, air classique de Grieg. Toute allusion à l'ouest américain, ou toute sortie de champs rapide s'accompagne de California, Here I come (Buddy da Silva), par exemple dans Hair-raising Hare (Chuck Jones, 1946).
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Je ne saurais trop recommander aux curieux les deux disques The Carl Stalling Project (disponibles, par exemple, sur Amazon), qui permettent de se rendre compte du talent du monsieur et se prêtent assez bien à l'écoute.
Par ailleurs, en amateur de cartoons, je recommanderais également à tout un chacun de visionner (et d'écouter) sans plus attendre What's Opera, doc (Chuck Jones, 1957), The Rabbit of Seville (Chuck Jones, 1950), One Froggy Evening (Chuck Jones, 1955) ou Rhapsody Rabbit (Fritz Freleng, 1946).