7h58 ce samedi-là (Sidney Lumet - 2007)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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le Yéti
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Message par le Yéti »

angel with dirty face a écrit : Encore un truc : Je rejoins les puristes qui pensent qu'il ne faut pas changer les titres originaux. Je préfère Before The Devil Knows You're Dead à 7 h 58...
Le plus amusant, c'est la manière dont l'effet du carton d'ouverture tombe à l'eau avec le titre traduit (pour ceux qui ne l'ont pas vu, le titre est précédé d'un carton qui contient une phrase d'introduction, que le libellé du titre complète. Quand on en change complètement le sens, ça ne marche plus du tout...).
Tom Peeping
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Re: 7h58 ce samedi-là (Sidney Lumet, 2007)

Message par Tom Peeping »

Vu en DVD Z1. Pour moi, un film presque parfait où chaque pièce du puzzle s'emboîte avec les autres dans une construction d'une rigueur implacable. Le "presque", c'est juste pour quelques allers-retours temporels sans doute un peu superflus (et encore !) et la scène finale, nécessaire mais traitée sur un mode un peu trop froid à mon goût. La transposition des codes et rythmes de la tragédie antique dans une famillle petite-bourgeoise new-yorkaise est géniale, chapeau au scénariste ! Il y avait bien longtemps que je n'avais pas vu un film d'une telle noirceur, qui plonge le spectateur dans les abysses et ne le laisse plus refaire surface.

Dans le court making-of du DVD, Sidney Lumet (quel type ! à 83 ans, il en fait 15 de moins et a les idées beaucoup plus claires que ses acteurs) insiste sur le fait qu'il a voulu faire un mélodrame et pas un drame. Il dit (je cite de mémoire) que "dans le drame, ce sont les actions des personnages qui font font avancer l'histoire alors que dans le mélodrame, c'est l'histoire qui pousse les personnages à agir". Une assez bonne définition. Du coup, le jeu parfois outrancier des acteurs est justifié, il obéït parfaitement aux règles du mélodrame noir des années 40-50 dont le film est une adaptation contemporaine, libérée du Code de Censure de l'époque.

Le titre original Before the Devil Knows You're Dead vole évidemment à des lieues au-dessus de son adaptation française au ras du sol. Le titre vient d'un toast irlandais traditionnel que je ne connaissais pas mais qui est tétanisant dans ses possibles interprétations : "May you be in Heaven a full half hour before the Devil knows you're dead!" (Puissez vous passer une demi-heure au Ciel avant que le Diable ne se rende compte que vous êtes mort!). Le Diable, dans le film, est bien sûr le vieux receleur de diamants derrière son comptoir, un des personnages les plus inquiétants qu'il m'ait été donné de voir dans un film.

Un très grand film qui réussit la prouesse de lier le théâtre antique, l'âge d'or hollywoodien et le cinéma contemporain. Une bombe !
... and Barbara Stanwyck feels the same way !

Pour continuer sur le cinéma de genre, visitez mon blog : http://sniffandpuff.blogspot.com/
joe-ernst
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Re: 7h58 ce samedi-là ( Sidney Lumet, 2007)

Message par joe-ernst »

Puisque les distributeurs suisses se sont enfin décidés à le sortir sur grand écran, j'ai pu découvrir ce film, mais je ne vais pas en faire une critique, Tom ayant parfaitement exprimé ce que j'ai ressenti. J'ajouterais que Lumet, en plus de nous avoir donné là une tragédie antique, se livre à une implacable critique de la société américaine, avec son obsession de la réussite, exclusivement matérialiste, et qui pousse dès lors des gens à de pareilles extrémités. On rejoint là certains de ses grands films des années 70. En plus, il sait choisir ses acteurs, Philip Seymour Hoffman, Ethan Hawke et Albert Finney en particulier,
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et je ne suis pas près d'oublier le regard de Hawke lorsque son frère veut le tuer. Poignant. Le grand frisson même.
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takezo
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Re: 7h58 ce samedi-là ( Sidney Lumet, 2007)

Message par takezo »

Beaucoup de qualités : fluidité narrative malgré les allers-retours chronologiques, beaux moments d'intimité et peinture sans fard des rapports de couples, très bons numéros d'acteurs, mais la tragédie qui se joue m'a laissé totalement froid.
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Re: 7h58 ce samedi-là ( Sidney Lumet, 2007)

Message par Frank Einstein »

C'est sans doute l'un des rares très grands films récents, en tout l'un de ceux qui obtiendra assurément un statut de classique.
Une grande intelligence et une maîtrise dramaturgique fascinante font de ce film une tragédie bouleversante.
Magnifique.
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Colqhoun
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Re: 7h58 ce samedi-là ( Sidney Lumet, 2007)

Message par Colqhoun »

On peut par contre reprocher au montage une certaine lourdeur.
Intéressant au début, il finit par se transformer en une succession de gimmicks quelque peu assommants.
Le film reste puissant, mais cette construction mécanique tend à tuer tout le drame qui se joue.
Et si la première partie est passionnante, ce qui suit ne m'aura pas autant convaincu.
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Joe Wilson
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Re: 7h58 ce samedi-là ( Sidney Lumet, 2007)

Message par Joe Wilson »

Impression mitigée. Si Lumet parvient à exprimer un engrenage, une fatalité, une déchéance, avec une aisance parfois saisissante, la construction du récit, inutilement alambiquée, casse à plusieurs reprises un élan remarquable.
L'interprétation, à double tranchant, me pose aussi problème : Seymour Hoffman est parfois pathétique et poignant, mais ses tics et mimiques alourdissent une composition en demie teinte. Ethan Hawke, avec un air de chien battu, surjoue aussi une fragilité et n'apporte pas à son personnage suffisamment d'ambiguité, de force.
D'où le constat d'un film assez maladroit, un grand potentiel malheureusement trop souvent gâché par des facilités d'exécution.
En l'état, cela reste intéressant, la description de la cellule familiale dévoile une rude intensité (bien que les dernières séquences surlignent exagérément des tensions et enjeux dévoilés précédemment avec davantage de subtilité), le mécanisme de décomposition, dans la transmission d'une souffrance et d'une frustration, scelle définitivement une tragédie. Pourtant, chacun lutte contre ses démons, considérant le poids d'une vie face au rêve et à un idéal. Mais cette incapacité à maîtriser ses choix, à combler un manque, entraîne à l'abîme.
L'ambition du propos est très nette, mais Before the devil knows you're dead manque de linéarité, d'épure, pour convaincre pleinement. Et si le sujet est extrêmement dense, je n'ai été que trop rarement impliqué. Même s'il témoigne de la vitalité du cinéma de Lumet, dans ses thèmes et propositions.
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Demi-Lune
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Re: 7h58 ce samedi-là ( Sidney Lumet, 2007)

Message par Demi-Lune »

Je l'ai découvert hier soir, et j'ai beaucoup aimé. Je comprends les défauts énoncés ci-dessus (Marisa Tomei peu convaincante, structure lassante, incohérences lors de la scène finale, etc.) mais personnellement, cela ne m'a gêné en rien, car l'histoire demeure vraiment passionnante et originale (le scénario est superbe), une tragédie antique intense et nerveuse que la réalisation posée mais précise de Lumet, qui a décidément plus d'un tour dans son sac, sublime à chaque instant. Une longue descente aux enfers avec des interprètes masculins particulièrement convaincants (excellents Ethan Hawke, dépassé par les évènements, et Philip Seymour Hoffmann, constamment à deux doigts d'exploser) qui, malgré une ou deux imperfections (cette fameuse scène finale), demeure un très grand film, que je serais presque tenté de préférer à Fargo, sur un sujet similaire (mais l'humour en moins).
Et la scène introductive est chouette. :mrgreen: :fiou:
5/6
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Re: 7h58 ce samedi-là ( Sidney Lumet, 2007)

Message par Federico »

Demi-Lune a écrit :Je l'ai découvert hier soir, et j'ai beaucoup aimé. Je comprends les défauts énoncés ci-dessus (Marisa Tomei peu convaincante, structure lassante, incohérences lors de la scène finale, etc.) mais personnellement, cela ne m'a gêné en rien, car l'histoire demeure vraiment passionnante et originale (le scénario est superbe), une tragédie antique intense et nerveuse que la réalisation posée mais précise de Lumet, qui a décidément plus d'un tour dans son sac, sublime à chaque instant. Une longue descente aux enfers avec des interprètes masculins particulièrement convaincants (excellents Ethan Hawke, dépassé par les évènements, et Philip Seymour Hoffmann, constamment à deux doigts d'exploser) qui, malgré une ou deux imperfections (cette fameuse scène finale), demeure un très grand film, que je serais presque tenté de préférer à Fargo, sur un sujet similaire (mais l'humour en moins).
Et la scène introductive est chouette. :mrgreen: :fiou:
5/6
Je viens de le découvrir à l'instant. Je ne le mettrais pas parmi le meilleur de Lumet* mais c'est tout de même impressionnant et laisse la bouche pâteuse. L'histoire est terrifiante, portée par d'excellents acteurs avec mention très spéciale à deux "monstres" : Hoffmann et Finney (quelle superbe idée d'en faire un père et son fils car les deux comédiens sont de la même trempe, de la même "famille"). Plaisir aussi de revoir Leonardo Cimino (inoubliable Mr Bernstein de la série V) qui interprète le vieux "fourgue" et dont ce fut l'ultime apparition à l'écran. Mise en scène sobre et efficace comme toujours chez Lumet mais j'ai un peu tiqué sur la lourdeur des flashes-back (était-il nécessaire de les plomber par un "flash" tout court suralimenté d'un "whoosh !" sonore comme dans les blockbusters à la pelle ?).
Quant à la "scène introductive" (sic :mrgreen: ), ça m'a aussi surpris de la part de Lumet...

(*) Franchement, en "blindfold test", je ne crois pas que j'aurais deviné l'identité du réalisateur. Je me serais peut-être même complètement planté en pensant à Gus Van Sant.
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Re: 7h58 ce samedi-là (Sidney Lumet - 2007)

Message par Alfred Kralik »

C'est tout de même ce qui s'appelle quitter l'histoire du cinéma -et la vie- par la grande porte.
Chapeau bas.
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Re: 7h58 ce samedi-là (Sidney Lumet - 2007)

Message par Watkinssien »

Alfred Kralik a écrit :C'est tout de même ce qui s'appelle quitter l'histoire du cinéma -et la vie- par la grande porte.
Chapeau bas.
Tout le reste...
Oui peu de cinéastes peuvent se targuer de pondre un dernier film qui demeure un grand cru dans leur filmo...
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Re: 7h58 ce samedi-là (Sidney Lumet - 2007)

Message par Jericho »

Oui mais c'est frustrant également, de finir sur un excellent film alors qu'il avait fait plus ou moins une traversée du désert dans les années 90/2000...
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Watkinssien
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Re: 7h58 ce samedi-là (Sidney Lumet - 2007)

Message par Watkinssien »

J'ai revu très récemment, en sortant le DVD un peu poussiéreux, ce film de Lumet et je le trouve toujours aussi magnifique. Par contre, quelqu'un sait si ce film va sortir en BR en France?
Étrange que nous n'avons pas le droit à ce traitement encore sur nos contrées, alors que le film est quand même bien estimé et qu'il a été tourné entièrement en vidéo numérique...
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El Dadal
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Re: 7h58 ce samedi-là (Sidney Lumet - 2007)

Message par El Dadal »

Film assez moyen pour ma part. J'aime beaucoup Jugez-moi coupable, dosant à la perfection son humour et sa tristesse, avec Vin Diesel dans son meilleur rôle à ce jour, ainsi qu'une formidable galerie de personnages secondaires (le juge joué par Ron Silver, l'avocat joué par le toujours génial Peter Dinklage...).
Ici, je suis mitigé sur quasiment tous les points: certains acteurs sont justes (Marisa Tomei en premier lieu, mais je me sens seul en lisant les commentaires précédents), d'autres dépassant la limite du cabotinage (Hoffman), ou encore la déception de retrouver un Albert Finney un peu transparent, alors que le rôle réclamait une présence bien plus prégnante. Et puis donc cette structure bancale, qui fait qu'on s’intéresse à tous les personnages et à aucun à la fois, faute de temps et de build-up. Lumet aurait gagné à se focaliser sur un parcours en particulier, ou bien abandonner les aller-retours temporels assez ringardement montés. Dernier grief, j'ai du mal à croire que le "bon fils" joué par Hawke puisse se laisser convaincre de participer à ce plan foireux, quand bien même sa situation personnelle devient délicate à gérer. La position du grand frère, quand l'on découvre la relation conflictuelle qu'il entretien avec son père, semble logique, mais l'enchainement global parait dicté par des ficelles scénaristiques un peu grosses. Je veux bien faire une distinction entre drame et mélodrame, mais il aurait fallu ajouter un peu de chair sur ces pantins pour que la sauce prenne vraiment.
Par contre, j'aime beaucoup ce que fait Lumet de l'environnement, d'une neutralité dérangeante (banlieue ensoleillée, NY vraiment très propre, appartements sans âme). C'est à la fois très théâtral et bien plus proche d'une certaine réalité que bien des films. Jolie compo de Carter Burwell également.
Pas une honte, juste un film moyen, à la noirceur un peu factice donc.
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