Sacha Guitry (1885-1957)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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spideroman59
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Message par spideroman59 »

Ann Harding a écrit : Faisons un rêve (1936)
Un vrai petit bijou d'humour et d'élégance. Le prologue du film permet de voir défiler: Michel Simon, Arletty, Claude Dauphin, Marguerite Moreno, etc...avec des mots d'anthologie! ('Elle s'est fait tiré la peau du visage tant de fois qu'elle a dû être décoré de l'ordre des grands blessés de la face!' :lol: ) le reste du film à trois personnages est interprété à la perfection par Raimu, en époux infidèle cocufié guère doué pour le mensonge, Jacqueline Delubac, en épouse infidèle et Sacha dans le rôle de l'amant impatient.
Je suis d'accord, ce "petit", ou au moins court, film est grand. Je crois que je n'avais jamais vu, au cinéma, un personnage parler tout seul pendant plus de vingt minutes. Je m'attendais à un grand numéro de Raimu mais c'est Guitry qui m'a impressionné et vraiment fait rire. Sa vitesse d'élocution, ses ruptures de ton sont le parfait, on a l'impression que tout s'enchaîne naturellement. Et, bien sûr, le texte qui va avec est formidable. C'est ahurissant; la situation n'est pas originale, il ne se passe rien, mais c'est tellement malin que c'est formidable.
Je retiendrais particulièrement le moment où le personnage de Guitry s'imagine le parcours de Jacqueline Delubac qui doit le rejoindre. Tout est dit, rien n'est montré. C'est un peu l'anti "Le roman d'un tricheur" où on voit les images sans voir celui qui les commente, les narre.
Peut-être plus qu'aux personnes elles-mêmes c'était à leur indocilité, à leur capacité à s'extirper de ce avec quoi on les confond, de ce qu'on voudrait qu'elles soient, qu'il fallait faire confiance.
bruce randylan
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Message par bruce randylan »

Je l'ai été trois fois ( 1952 ).
Il semble s'agir de l'un des films les plus libres de Guitry qui se laissent aller à de nombreuses séquences poétiques et originales.
Ca commence trés fort par un générique qui nous présente les différentes membres de l'équipe du film ( acteurs et technicien ) rentrer dans le studio de cinéma par différents moyen de transports. C'est trés drôles et encore une fois un déclaration passionnés à l'art.
D'autres moments tout autant suprenantes parsèment le film : un dialogues géné par un rasoir éléctrique qui anticipe le cinéma de Tati et un délicieux remplissage d'un club où les musiciens apparaissent les uns après les autres au grés de l'imagination des personnages.
Sans parler bien sur de l'histoire ( et du montage !! )même qui font intervenir un êveque, un sosie, un prince arabe et des flash-backs en pagaille pour des donner lieu à des dialogues tout plus jubilatoire les uns que les autres. Certains répliquent étaient tellement suptible que la salle ne semblait d'ailleurs pas les avoir comprises ( "cette jeune femme ecervellée si elle n'était pas encyclopédique n'en demeurait pas moins rousse" :shock: :lol: ). Mais bon, les répliques mémorables s'enchainement tellement rapidement qu'il est bien difficile de s'en souvenir de toutes.
Et puis autre chose qui continuera de m'emerveiller, l'aspect politiquement incorrect de l'auteur qui fait de ce film une ôde à l'adultère. Le discours final de guitry déguisé en homme d'église face un bertrand Blier dépassé par la situation est un immense moment où l'auteur prend à malin plaisir à raisonner par l'absurde pour imposer son (im)moralité de manière indiscutable. Rien que pour ce passage et quelques autres tout autant gratinés ( et la sublime musique ), on excusera les quelques baisses de rythme.

La poison ( 1951 )
La aussi, on commence par un autre générique trés suprenant où Guitry vient saluer l'ensemble de ses collaborateurs sur leur lieu de travaille. C'est Michel Simon qui a droit bien sur au plus grand hommage par le cinéaste qui ne joue d'ailleurs pas dans le film. Toujours est-il que ce moment où il apparait résume à merveille son amour pour l'écriture : lisant à Simon l'éloge écrit par ses soins, on le voit rapidement et spontannément corriger un faute de ponctuation. Loin d'être anecdotique ce geste en dit long sur le soin que Guitry avait à paufiner ses dialogues et c'est peu dire que ce poison est une vraie tuerie du point de vue du verbe.
Si la aussi, on y trouve quelques moments en creux, mais c'est pour mieux rebondir sur des echanges tout simplement surréalistes et hilarants entre Simon et son avocat puis devant la cour lors de son procés. 3 scènes étourdissantes qui n'en finissent plus de surprendre dans leur (il)logique et d'aveugler les oreilles tant tout est brillant.
Du grand art qui se repose pas uniquement sur le texte mais aussi sur le son utilisé de manière trés décalé avec une radio en contrepoint des sentiments du couple haineux. Et que dire de cette direction d'acteur ! Pas un second rôle ou un figurant qui ne soit dirigé parfaitement ( le gardien venant allumant la clope de Simon :lol: ).
Bref, un régal qui ne vole pas sa réputation et si Guitry reste assez sage dans ses audaces visuelles pour rester centré sur un excellent scenario dont le regard sur les medias/faits divers n'a pas pris une ride avec notament cette phrase ironique d'un vraie justesse .

- Tuer, c'est tout de même attroce
- oui, mais ça fait vivre tellement de monde.
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Ann Harding
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Message par Ann Harding »

bruce randylan a écrit :bertrand Blier
:shock: Bernard Blier
bruce randylan
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Message par bruce randylan »

Je fais toujours l'erreur :oops:
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Abronsius
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Message par Abronsius »

LA VIE D'UN HONNETE HOMME

Vu tout à l'heure à l'Institut Lumière dans une copie très correcte. Film assez sombre où les personnages sont presque tous détestables, je n'avais jamais vu un Guitry teinté de tant de pessimisme. La fin me paraît surprenante puisqu'on offre l'opportunité au bourgeois de vivre son rêve alors qu'il n'y croyait plus. Je vois là une critique supplémentaire de ce personnage principal qui allait refaire les mêmes erreurs, qui semblait revivre sa vie qui le déprimait si bien sans lutter, sans se débattre, comme aveuglé...c'est une remarque du médecin qui le forcera à prendre in extremis la poudre d'escampette pour devenir, on l'imagine, un Boudu...
omnismundi
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Message par omnismundi »

Je viens de revoir Quadrille et je me demande si ce film n'aurait pas dû rester une pièce de théâtre.

Quand à l'expo, elle est très belle, mais je la trouve assez difficile d'accès lorsqu'on connaît peu l'oeuvre de Guitry. On passe à côté de beaucoup de choses à mon avis.
bruce randylan
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Message par bruce randylan »

Ils étaient neuf célibataire ( 1939 )
Bon, pour le coup, c'est un peu une deception.
Ca vient surtout de la durée bien trop longue : 2 heures. Ca fait beaucoup pour uen comédie et il bien sur dur à ce niveau de garder l'intêret du spectacteur intact du début à la fin. Ca l'est d'autant plus que Guitry adopte une structure de faux film à sketch. Neuf célibataire et donc 9 histoires qui se décomposent à chaque fois en plusieurs volet ( rencontres, découverte de la mariée puis retrouvaille avec celle-co à l'extérieur ).
Et comme d'hab, certaines segments sont aussi réussis que d'autres trainent méchament la pate sans parler du sentiment de répétition évident.
Réduire le nombre de personnage à 5 ( donc 10 ) aurait été bien plus digeste.
Et surtout le problème de ce grand nombre d'acteur, c'est qu'on voit finallement assez peu Guitry. Ca n'enlève celà dit rien à la qualité exceptionnel du casting qui assure un quota sympathie bien élévé.
Bon, j'en dis du mal, mais quand Guitry s'en donne la peine ( inspiration également en dent de scie dans les dialogues ), on retrouve avec plaisir la verve jubilatoire de ces échanges endiablés irresistible qui continue de ravir les zygomathique et l'esprit.

Petite parenthèse sur le McGuffin de l'intrigue ( Guitry monte un hospice de vieux célibataire français pour permettre à de riche femme étrangère de se naturaliser pour échapper à une nouvelle loi expulsant tout étranger du territoire français ) prend une tournure malheureusement prophétique quand on connait son année de réalisation.

DVD studio canal trés moyen dont la restauration n'a pas du prendre beaucoup de temps.

Au deux colombes ( 1949 - vu à la cinémathèque )
La par contre, c'est du lourd et même du trés lourd. Ca fuse, ça vole, ça explose de partout. Pas un instant de répit au niveaux des dialogues exptionnels qui sont tellement incroyables qu'on s'en voudrait presque de rire ce qui ne nous fait pas entendre la réplique suivante. Guitry est dans une forme olympique et pour voir que c'est sans aucun doute le film le plus bavard que je connaisse ( en attendant son fameux roman d'un tricheur composé à 98% d'une voix-off :o ), on ne s'ennuie pas un moment. Il y a bien sur quelques ralentissement, mais vu la vitesse de la locomotive, c'est évident que le train doit freiner de temps en temps.
En tout cas, Guitry fait ici une démonstration d'écriture qui se permet absolument tout avec une aisance fabuleuse, parvenant à caser les répliques les plus improbables et inimaginables ( la conjugaison du verbe "glapir" :lol: :lol: ).
A ce niveau, il faut bien sur rendre crédit à un casting qui se fait plaisir comme jamais ( vive Pauline Carton ! ) et encore une fois vu les textes, ils auraient tort de se priver.
Après, certains pourront reprocher à Guitry son aspect théâtre filmé ( tout le films se déroule dans une seule pièce ), ca serait vite oublier le sens du cadre de Guitry qui fait toujours oublier l'espace clos grace à une réalisation jamais plan-plan.
En bonus, le générique qui nous plonge une nouvelle fois dans l'envers du décor de la création du film est toujours aussi frais, originale et amoureux des collaborateurs du cinéaste.
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Message par bruce randylan »

Le trésor de Cantenac ( 1950 )
Etonnante voire déconcertante comédie dont la forme trés particulière a de quoi larguer quelques spectateurs en court de route.
En effet au moins 80% du film est raconté en voix par Guitry y compris de nombreuses scènes dialoguées où interviennent d'autres acteurs. De plus une bonne moitié du film s'avère être en fait une mise en place de l'intrigue avec la présentation d'un vingtaine de personnages, tous habitants d'un village rural qui se meurt.

Comme pour ils étaient neuf célibataire, les différents portraits que dressent Guitry sont inégaux. Certains, souvent les plus long, sont fabuleusement drôle ( le centenaire dont la famille attend en vain la mort ) tandis que d'autres tombent regrettement à part ( les jumeaux maire et prêtre ). Bon point tout de même, cette structure fragmentée n'accompagne pas le film jusqu'à fin évitant ainsi la redite et la lassitude.
Pour la voix-off, j'ai trouvé ça la pluspart du temps bien foutu et bien écrit. Il y a là aussi quelques baisses de régime mais ça semble justement conserné les personnages avec lesquelles Guitry ne semblent pas bien à l'aise ( l'idiot du village )

Sinon, l'histoire est assez joli mais loin d'être aussi "extraordinnaire" que l'annonce le prologue, le gros interet venant de la mise en scène de Guitry qui offre des séquences délicieusement poétique et amusante ( le bal aux claques ou la ballade en vélo étant les meilleurs exemples ). Il est revanche étonnant que le film soit si moralisateur quand on connait son réalisateur : ici, c'est l'éloge du travail sain qui est vanté.

Dernier élément qui en fait une oeuvre recommendable quoique mineur : un générique dans la grande tradition Guitry qui demeure parmi ceux que j'ai vu comme son meilleur. Un vrai court-métrage à lui tout seul et qui justifie le visionnage.
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astral_week
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Message par astral_week »

En ce moment diffusion de "le diable boiteux" sur Public Sénat :shock: je viens de tomber dessus par hasard, la vraie bonne nouvelle est qu'il le rediffuse encore 3 fois :
jeudi 27/12/2007 à 22h00
lundi 31/12/2007 à 11h00
samedi 05/01/2008 à 14h00 :wink:
Pour rappel cette chaine est notamment dispo sur la TNT.
http://www.publicsenat.fr/cms/emission/ ... ?idE=56344
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Message par AtCloseRange »

bruce randylan a écrit :Le trésor de Cantenac ( 1950 )
Etonnante voire déconcertante comédie dont la forme trés particulière a de quoi larguer quelques spectateurs en court de route.
En effet au moins 80% du film est raconté en voix par Guitry y compris de nombreuses scènes dialoguées où interviennent d'autres acteurs. De plus une bonne moitié du film s'avère être en fait une mise en place de l'intrigue avec la présentation d'un vingtaine de personnages, tous habitants d'un village rural qui se meurt.
Tu n'as donc pas vu Le Roman d'un Tricheur qui fonctionne exactement sur le même principe.
bruce randylan
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Message par bruce randylan »

AtCloseRange a écrit :Tu n'as donc pas vu Le Roman d'un Tricheur qui fonctionne exactement sur le même principe.
Et non, mais maintenant que j'ai le coffret Gaumont, ça sera fait plus ou moins prochainement ( à ces DVD qui s'entassent les uns sur les autres ).

Je me suis fait d'ailleurs Faisons un rêve que j'ai beaucoup aimé
La mise en scène de Guitry est vraiment trés hésitante et peu imaginative excepté un succulent prologue où la caméra se ballade dans une soirée mondaine pour capter une sucession de bons mots tous plus gratinés les uns que les autres ( "la pire chose qu'on puisse faire à un homme qui vous a volé votre femme, c'est de la lui laissé" :lol: ).
Passée donc cette scène, la réalisation manque cruellement de rythme allignant plan-séquence quasi fixe et inserts maladroits sur un gros plan le temps d'une réplique.
Pour le reste, c'est presque que du bon, Guitry met cependant juste un peu de temps à arriver en scène pour vraiment lancer la machine. Une fois arrivée, c'est parti pour 50 minutes de dialogues au débit mitraillette qui donne l'impression de faire une séance d'apnée tant son débit est rapide.
Le meilleur moment est l'incroyable séquence de près de 20 minutes où seul à l'image il parvient à demeurer alerte, drôle, poétique et passionnant. Au passage, le moment au téléphone ( souvent réccurrent chez lui ) témoigne d'une sens prophétique de la communication dans les décennies à venir.
La fin, elle aussi, toujours autant géniale d'immoralité et de frivolité est une grande réussite.

Bref, je suis une nouvelle fois conquis, ce qui n'est pas le cas de Brucette dont ce fut la première ( et seule ? :cry: ) découverte du cinéaste-acteur. C'est vrai qu'on ne rentre pas facilement dans son cinéma trés théatrale à l'interpretation et au phrasé si particuliers. Pourtant une fois qu'on s'y mit, voir et entendre Guitry est une véritable drogue.
astral_week a écrit :En ce moment diffusion de "le diable boiteux" sur Public Sénat :shock: je viens de tomber dessus par hasard, la vraie bonne nouvelle est qu'il le rediffuse encore 3 fois :
jeudi 27/12/2007 à 22h00
lundi 31/12/2007 à 11h00
samedi 05/01/2008 à 14h00 :wink:
Pour rappel cette chaine est notamment dispo sur la TNT.
http://www.publicsenat.fr/cms/emission/ ... ?idE=56344
:D
Alors là merci pour le plan
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Message par Abronsius »

Soirée Guitry à L'Institut Lumière...

La Malibran / 1943

Image

Je m'attendais à un film assez chiant à cause du côté "biographie" et aussi parce que je ne connais pas grand chose à l'opéra. Et puis aussi parce que Tulard n'a donné qu'une étoile à ce film, même si depuis le temps je ne devrais plus tenir compte de cela mais on ne se refait pas. J'ai été comblé.
Le film commence par la présentation d'objets ayant appartenus à la cantatrice. Objets qui deviennent des reliques, le ton est donné, il s'agira d'adoration. On connaît le goût fétichiste des objets par Guitry, ceux-ci lui appartenaient sûrement. Il termine cette présentation par le masque mortuaire de la cantatrice. Un peu morbide me direz-vous, le spectateur comprend mieux avec la séquence suivante. On trouve le père de la Malibran qui explique que le chanteur d'opéra a un masque et qu'il doit faire en sorte que sa voix, un chant de vérité, doit traverser ce masque. Ainsi le film traversera le masque mortuaire de la chanteuse pour exprimer une vérité. Quelle vérité ? Celle de la Malibran ou celle de l'auteur ? Les deux bien entendu.
Le tout, il me semble, est placé sous le signe de la dévotion, de l'amour pour son art, c'est par là que Guitry et la Malibran se rejoignent. Idée romantique. Agrémenté d'un désir didactique passionnel. La Malibran est partageuse, dès le berceau elle apprendra à son père à déclamer correctement, elle enseignera au roi de Naples à applaudir au bon moment et enfin elle donnera une modeste leçon de chant à sa voisine et ce, au seuil de la mort. Le spectateur apprend beaucoup dans ce film... Tous les personnages de ce film sont attachés profondément à l'art : les artistes romantiques du salon de la comtesse amie de la Malibran : Hugo, Lamartine, Berlioz...aphone la Malibran réussit à chanter, cette envie, ce désir de partager son art sera souligné par Guitry en une étonnante plongée ostentatoire, montrant par là que l'auteur se joint à son personnage. Ou encore ces napolitains qui font boire une coupe de champagne à la cantatrice après un concert et qui se font passer la coupe en y buvant un peu en une communion buccale autour de ce Saint Graal. Tout le film respire ce dévouement du personnage principal, apprécié de son entourage, excepté de Malibran, joué par Guitry, qui lui ne voit qu'une "voix d'or", c'est-à-dire une voix qui peut rapporter.
Guitry, en 1943, donne à voir ses préoccupations premières, l'art avant tout. Ce film est soigné, les cadres sont précis (voir la manière dont Malibran entre dans la loge de la chanteuse et entoure, encercle sa proie. Son reflet apparaîssant en entier dans le miroir, doublant sa présence à l'écran. Alors que le père qui entre juste après aura son reflet coupé puisque Guitry aura reculé suffisamment la caméra). Le film est une sorte de manifeste, de prise de position à travers cette biographie qui peut paraître banale si ce n'était l'émotion profonde et un peu inhabituelle que le film diffuse.
La Malibran meurt en chantant, arrêt sur image sur cette bouche ouverte qui voudrait encore pouvoir chanter, ce que permet Guitry en laissant le chant continuer en off. Le corps meurt, l'art reste.

La Poison / 1951

Générique habituel et généreux où Guitry fait la présentation ds techniciens, décorateur, musiciens, producteur et autres qui ont contribués à l'oeuvre, avec un hommage appuyé à l'immense Michel Simon. Film d'une méchanceté appuyée où tous les personnages sont vils, avares, intéressés, hypocrites, cons et méchants. Les entretiens entre Simon et Debucourt qui joue l'avocat sont grandioses. Les numéros au tribunal également, Pauline carton étincelle de connerie. Un merveilleux divertissement.

Aux deux colombes / 1949

Générique assez long où Guitry présente ses collaborateurs mais ici avec un souci de comment-c'est-fait-comment-ça-marche. Avec un gag qui concerne un acteur voulant se faire engager pour le film, qui finira par l'être in extremis mis qu'on ne verra pas du tout dans le film, il sera seulement évoqué comme valet avec peu d'expérience, qui ne pourra donc pas converser avec le maître de maison, pas encore. Le rouge est mis, Guitry lance un "moteur" et le film commence. Guitry regarde alors le spectateur droit dans les yeux et explique la situation, il renouvellera le procédé par la suite, Guitry s'amuse avec le matériau filmique et ça se voit. Suit une comédie endiablée, façon théâtre filmé où les bons mots fusent. je retiens celui-ci :
"Les femmes ont toujours huit ans même si elles les ont cinq ou six fois !"
bruce randylan
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Message par bruce randylan »

Spoiler (cliquez pour afficher)
Je suis content je viens justement de trouver ces trois films ( ainsi que Deburau ) en divx en précisant qu'ils sont inexistants à ma connaissance en DVD. :)

Surtout content pour le malibran et Deburau que j'avais raté à la cinémathèque
La vie à deux ( Clément Duhour - 1958 )

Hommage à Guitry, ce film posthume au génial auteur est une sorte de compilation de différentes pièces rassemblées dans un patchwork pas toujours heureux dans les collages ( Désiré et l'illusionniste se croisent assez mal ).

L'histoire est celle justement d'un auteur sur le point de mourir dont le testament demande à ce qu'on retrouve 4 couples qui l'avaient inspirer quelques années avant. Si ceux-ci sont toujours heureux, son héritage leur ira, sinon ce sont ses éditeurs qui en profiterons.
Ca permet donc de construire un film à sketch assez réussi puisque chez Guitry, il y a rarement du dechet. La faiblesse de certaine partie tient plus à leur longueur qu'autre chose ( Celui-ci sur la belle-mère envahissante est trop court pour fonctionner, désiré trop long à s'installer pour finallement accoucher maladroitement ). Deux moments sortent du lot : l'illusionniste qui fera taire ceux qui trouve Guitry misogygne. C'est un portrait de femme assez mélancolique et trés juste. Quand au passage de la giffle c'est une vraie merveille avec des dialogues miraculeux, drôle et une situation jubilatoire comme seul Guitry savait en mettre en place. On en vient à regretter à ce que ces 2 pièces n'aient jamais été adaptées entièrement en cinéma.

Les scènes de transitions sont plus anecdotiques mais assez brèves pour ne pas être trop envahissantes. L'intrepretation est généralement trés bonne ( sauf Gérard Philipe ) et culmine une nouvelle fois dans la giffle.

Enfin il est difficile de ne pas voir dans la figure de l'auteur, celle de Guitry lui-même. Celà donne un petit plus sur la fin qui y gagne une vraie émotion et livre un hommage mérité à l'inspirateur de ce film trés recommandable.
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Message par Abronsius »

Deburau est magnifique, extrêmement poignant...
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Major Dundee
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Message par Major Dundee »

Nestor Almendros a écrit :LE DIABLE BOITEUX (1948)

C'est toujours un grand plaisir de retrouver Guitry, dont ce film m'amène toujours les mêmes remarques, à savoir que c'est (pour moi) un film qui s'écoute davantage qu'il ne se suit comme un film classique. Ici, le scénario ne m'a pas capté autant que les dialogues, même si l'histoire est intéressante. Dans le bonus intéressant (au début) de Jean Douchet, celui-ci fait des remarques extrêmement importantes et que j'ignorais.
Après la guerre, Guitry est mis en prison pour ses relations apparemment sans équivoque avec les allemands pendant l'Occupation. Sa réputation est au plus bas, et il décide quelques années après, de revenir sur le devant de la scène avec une sorte de biopic historique prenant pour sujet un homme conspué à son époque mais qui était en fait un vrai stratège diplomatique au service, d'abord, de son pays. Un personnage dont l'analogie avec Guitry lui-même, et ses mésaventures, sont effectivement évidentes (pour qui était au courant).
Je l'ai gravé il y a deux ou trois jours sur la chaine "LCP" mais je ne l'ai pas encore visionné.
Par contre je ne résiste pas à l'envie de vous livrer une petite anecdote glanée dans L'ENORME bouquin de Jacques Lorcey paru aux éditions PAC.
C'est pendant le tournage du "Diable boîteux".
"Pendant la dernière prise de l'après-midi, l'acteur Emile Drain se trompe douze fois de suite ! Il s'agit pourtant d'une scène de Napoléon, qu'il joue tous les soirs... Sacha sourit :
- Coupez ! Ce n'est pas grave. Nous la referons demain matin.
Jean Mugeli, directeur de production, s'approche de lui :
- C'est incroyable !... Vous ne pensez pas qu'il aurait tout de même pu finir la séquence ?
Sacha Guitry le toise :
- Je vous en prie, monsieur. Vous êtes le financier. Je suis le réalisateur, l'auteur et aussi le principal représentant des comédiens. A ce titre, je puis vous dire que je viens de vous faire réaliser une économie. Je pouvais effectivement demander à cet artiste de reprendre une nouvelle fois, il n'aurait rien fait de bon. Dès lors, nous aurions perdu davantage encore de temps et d'argent... Demain matin, à la première prise, tout ira bien !... Je connais parfaitement le talent de M. Drain, qui joue en ce moment près de moi, au théâtre Edouard-VII. Or il se fait tard, vous et moi nous avons une voiture. M. Drain est à pied. Il doit prendre le métro et n'aura même pas le loisir de manger un sandwich avant de se préparer. Voilà tout le secret de son énervement.
- Mais tout de même, on pouvait...
- Non, monsieur!... Je n'aime pas entendre ce genre de réflexion. Et veuillez à l'avenir ne pas recommencer, sinon je serai contraint d'arrêter le tournage. Je n'ai jamais eu pour habitude d'être dirigé par mes producteurs !..."


Voilà, j'ai trouvé cela assez joli. 8)

Et pour ceux qui sont intéressés par ses mésaventures sous l'occupation, je conseille le bon téléfilm de Fabrice Cazeneuve "L'affaire Sacha Guitry" avec Jean-François Balmer dans le rôle de Guitry.
Sans oublier bien sûr (et surtout) le bouquin que Guitry a écrit lui -même et qui s'intitule "Soixante jours de prison".
Charles Boyer (faisant la cour) à Michèle Morgan dans Maxime.

- Ah, si j'avais trente ans de moins !
- J'aurais cinq ans... Ce serait du joli !


Henri Jeanson
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