Kenji Mizoguchi (1898-1956)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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The Eye Of Doom
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Re: Kenji Mizoguchi (1898-1956)

Message par The Eye Of Doom »

Thaddeus a écrit : 10 oct. 23, 23:14 The Eye of Doom, un grand bravo pour ta constance à rédiger un avis sur tous ces films que tu découvres. Cette régularité est précieuse et contribue à faire vivre le forum.
Merci :oops:

Il y a chez Mizogushi une forme de sensualité sublimée qui pour moi le rapproche des maitres muets, d’un Sternberg par exemple.
Mais il faudrait que je revois Le desir et Madame De où effectivement Danielle Darrieux fait l’objet d’une attention toute spécifique du cineaste.
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Re: Kenji Mizoguchi (1898-1956)

Message par The Eye Of Doom »

Image

Oharu, fille d’un officiel du palais s’éprend d’un jeune homme de classe inférieure. Ils payeront tres cher leur tres courte idylle.

Dès les premières images deux choses saissisent : la puissance de la mise en scene de Mizoguchi, la magie de son n&b unique.
Aucun suspense dans ce film où une fois de plus nous allons assister à la chronique de l’enfer vécu par une femme sous le joug de la société japonaise de l’époque.
Quoi qu’elle fasse, quoi qu’elle tente, elle est brisée par la société ou son entourage qui l’exploite.
Cette chronique de la déchéance annoncée est douloureuse à suivre, tant l’espoir en est absent.
J’avoue avoir du mal sur ce type de recit aujourd’hui. Du mal à m’intéresser à un propos aussi ouvertement pessimiste…. A ces femmes que la société s’échine à détruire.

Ceci étant dit, j’ai trouvé les travellings de Mizoguchi bouleversants, notamment ceux où il suit l’héroïne qui avance.
Trois exemples
premier plan de dos où elle quitte le quartier des plaisirs
Un peu plus tard , on la voit toujours de dos suivre tres lentement une musique, ca dure, ca dure….
La dernière scene où d’un travelling transversale on suit là misérable qui mendie porte à porte.
Quelle intensité incroyable!
Sommet du film, tragique, quand elle tente de suivre son fils qui passe sans un regard vers elle….

De toute façon, les mouvements d’appareils sont tellement porteurs de sens, notamment quand Mizoguchi les utilise pour traduire un passage, un transition, un changement de lieu et d’état.

J’ai parlé de la photo. J’arrive pas à voir qui d’autre filmait comme cà. J’avais dit que pour Les amants crucifiés, on etait comme dans une mer sans fin ni fond de nuances de gris, mer qui vous absorbe à la 1ere image et ne vous libère qu’à la dernière, comme une drogue dont la jouissance est si forte qu’elle devient insoutenable.
Je suis moins rentré dans ce film, mais les moments sont nombreux où ce sentiment m’a saisi, notamment les passages sur les banlieues misérables, un mur, un cahute sordide, la face cachée de cette société de soieries luxueuses et autres attributs de civilisation.
L’artifice est au coeur du film. L’homme et la femme ne sont que des objets, des représentations, des rouages, dont la place est assignée.
Lors du seul passage « leger », on s’amuse du chambellan mandaté pour trouver la concubine idéale, aux mensurations strictes et définitives jusqu’à la pointure des pieds…
Plus cru, le cas de la femme effrayée à l’idée que l’on découvre sa calvitie, source de risque de déclassement.
Ou ces vielles qui n’ont plus plus aucune place « utile », et qui tentent de paraître jeunes pour retrouver le statut ou l’apparence de prostituées.

D’Oharu, quant à elle, on ne saura rien ou presque. C’est peut etre la vraie limite du film.
Deux façons de voir la chose. Mizoguchi tout a sa démonstration, consacre peu à la personnalité de son « héroïne », cantonnée à être victime.
On la voit certes subir voir s’emporter (la déclaration d’amour au debut, la course dans la foret, l’effondrement face à la mort de son mari) mais tout ne fonctionne pas je trouve dans ces scenes.
A contrario, on voit passer furtivement le poids de la résignation sur le visage de Kinuyo Tanaka. Jusqu’àu moment où rendue au bout de son parcours physique et moral , elle se résigne à sa fonction d’épouvantail et renvoie les pèlerins à leur stupidité.
Moment intense.

Vu dans la belle copie Criterion UK.
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