Sans doute par nostalgie et mon côté dessineux, j'ai depuis 3 ans une vraie boulimie d'animation, principalement japonaise.
J'ai dévoré l'intégralité de ce fil et reviens régulièrement consulter ce topic depuis plusieurs mois, pour y trouver des conseils de visionnage ou confronter mon ressenti aux avis qui y ont été détaillés. Donc merci
J'ose une petite exhumation pour parler à mon tour de quelques découvertes récentes.
Master Keaton (1998 - 2000) - Masayuki Kojima, Hokusei Katushika et Naoki Urasawa
On y suit les enquêtes de Taichi Keaton, anglais d'origine japonaise, ancien SAS et prof d'histoire, et enquêteur pour le compte de la Lloyd's, la célèbre compagnie d'assurance. Les épisodes sont autonomes, racontant chacun une histoire qui se suffit à elle-même, sans pour autant enfermer la série dans une routine. Elle parvient régulièrement à rompre le schéma qui, de fait, disparait complètement au bout de quelques épisodes : enquêtes donc, mais également attentats, prise d’otages, aventures viticoles ou culinaires, survie dans le désert,... Les sujets, enjeux et genres abordés sont donc très variés, la tonalité change elle aussi au grès des épisodes, tout en conservant une belle finesse dans le traitement de chacun des 39 récits. Le héros endosse tour à tour sa casquette de prof, d'enquêteur, d'ancien militaire, ou tout simplement de père, et laisse parfois même la place à d'autres personnages dans la conduite du récit, ce qui empêche encore toute monotonie. On y voyage beaucoup, principalement en Europe, avec un soin particulier pour restituer l'ambiance des lieux visités, et le contexte historique qui se cristallise sur l'après-chute du mur de Berlin. Pas de fil conducteur, si ce n'est le personnage principal, son entourage et son passé qui se dévoile progressivement au fil des épisodes. J'ai trouvé la série passionnante : chaque petite histoire est particulièrement bien ficelée, ne négligeant pas les moments de pause, et regorgeant d'enseignements historiques / scientifiques. L'humanisme discret de son héros le rend très attachant, et l’émotion m'a cueilli souvent au détours de ses aventures. Visuellement, ça a le charme de l'animation de l'époque, sans rivaliser techniquement avec les sommets des années 90 : mais l'animation est très correcte, avec de beaux décors peints à la main, le tout soutenu par une belle musique assez originale. Rétrospectivement, je ne peux m'empêcher d'y voir un prototype de
Monster, du même auteur (j'y reviens plus bas). Bref je recommande, d'autant que le coffret DVD est abordable et de bonne facture (avec une VF très correcte), même si la copie n'a clairement pas été remastérisée.
9/10 sans doute trop généreux mais j'ai vraiment été touché.
Vision of Escaflowne (1996) - Shōji Kawamori, Kazuki Akane et Hajime Yatate
Lycéenne transportée dans un monde merveilleux, à la lisière du rêve,
Escaflowne est une sorte de variation du
Magicien d'Oz, nous transportant dans un univers de fantasy résolument original : pas de nains ni d'Elfes ici mais des êtres humains et des animaux hybrides, baignant dans un monde médiéval teinté de quelques saillies futuristes et steampunk particulièrement bien intégrées, et des enjeux pour le moins inhabituels portant sur la maîtrise scientifique du destin, ce qui a le mérite de dévier de la sempiternelle quête d'objet de pouvoir, mais qui dans le même temps rend l'intrigue un peu absconse. Plastiquement, c'est vraiment de haute tenue : les graphismes sont excellents, à la fois l'univers riche et cohérent, merveilleusement rendu et parfois poétique, les personnages qui se démarquent par leurs traits originaux, et la musique de Yoko Kanno et d'Hajime Mizoguchi qui est vraiment somptueuse. Reste donc le récit, passionnant lorsqu'il s'attache aux personnages et à leurs problématiques, au décalage entre cette adolescente timide, romantique et pleine de doute, et son entourage fantastique, à la façon aussi dont ce monde fantastique devient une sorte de matérialisation de ses fantasmes et de ses frayeurs, mais récit qui devient un peu confus vers la fin, faute sans doute à cette ambition d'introduire un concept résolument original mais compliqué à appréhender.
7/10
Par contre, côté produit, et j'ai l'impression que c'est malheureusement récurrent avec Dybex, un DVD du coffret est difficilement lisible, il m'a fallu contourner en naviguant dans les chapitres par le menu de mon lecteur plutôt que par le menu du DVD.
Ajin (saison 1 - 2 / 2016) - Hiroyuki Seshita et Andou Hiroaki
L'idée de départ est intéressante, avec cette nouvelle espèce humaine émergente qui a la faculté de revenir systématiquement à la vie. Le problème est que cela vire rapidement à une sorte d’ersatz d'
X-Men : même clivage entre les protecteurs de l'humanité et ceux qui veulent au contraire leur revanche par l'asservissement, même animosité des humains mortels envers ces mutants, même phase d'apprentissage des pouvoirs, etc. Le personnage principal est curieusement antipathique : adolescent surdoué froid, égoïste et calculateur, il n'aide vraiment pas à s'impliquer dans ses aventures. Quelques moments assez spectaculaires sont appréciables ici et là, notamment dans le déroulé du plan machiavélique de l'antagoniste qui reste intéressant à suivre même s'il a de fort relent de celui du Joker dans
The Dark Knight. Esthétiquement, il ne faut pas être allergique au cel-shading, qui ajoute encore à la froideur et à l'artificialité de l'ensemble. Assez moyennement convaincu par cet anime que j'avais vu pourtant bien noté par ailleurs :
5/10. Deux coffrets trouvés pas cher en début d'année en grande surface, un épisode à moitié illisible encore une fois, mais visiblement disponible sur Netflix (qui le produit).
Monster (2004) - Masayuki Kojima et Naoki Urasawa
De
Master Keaton on retrouve Urasawa l'auteur du matériel original, le même réalisateur Kojima, et le même compositeur, et tous augmentent d'un sérieux cran la qualité de leur production. Kenzo Tenma, le héros de
Monster, est une variation plus romantique de Taichi Keaton, avec qui il partage les mêmes traits, mais agencés de manière plus fine et réaliste. On y retrouve aussi certains ponts thématiques : le contexte de l'Allemagne en pleine réunification sur lequel le récit se focalise complètement ici, un héros japonais expatrié dont le quotidien se retrouve ici soudainement vampirisé par les zones sombres de l'Histoire européenne. Il y a la même profusion de personnages, avec son flot de destins qui s'entremêlent, bénéficiant tous d'un soin égal dans leur écriture, chacun ayant sa propre histoire et ses propres enjeux. Mais cette fois, tout cela se noue autour d'une intrigue passionnante et complexe, d'une richesse incroyable et déroulée avec une minutieuse perfection tout au long des 74 (!) épisodes recouvrant plus d'une décennie dans le récit. Une petit trentaine d'heures sans aucun temps mort, absolument trépidantes, sans pour autant négliger la mise en place d'une atmosphère étrange, presque fantastique à certains endroits (il faut cependant avoir cette trentaine d'heures à investir avant de se lancer la série, et adhérer au rythme de la série). Bien sûr, on y voit bien les inspirations, du
Fugitif à certains romans de Stephen King (
Bazaar notamment), mais tout cela est parfaitement assimilé pour offrir une épopée policière et humaine captivante et poignante. La façon dont la série entremêle ses arcs, fait se croiser ses personnages, les fait se séparer puis se retrouver, est fabuleuse, et se rapproche en cela de la narration de certaines grandes séries "live" plus récentes (même si le sujet n'est pas du tout le même, j'ai pensé à
The Leftovers par moment, sur cet aspect). Techniquement, l'animation est très bonne même si elle n'occasionne aucun moment d'une grande virtuosité, ce n'est pas l'objet de la série. La mise en scène est impeccable, elle capte à merveille toute la tension sourde et la noirceur insidieuse du récit sans jamais s'y complaire, il y a toujours un contre-point lumineux qui éclaire l'intrigue. Et pour une fois, la "résolution", exercice périlleux inhérent au genre, et souvent déceptif, est ici complètement satisfaisante. Bref, complètement conquis.
9/10
Le coffret est impeccable, mais ne propose aucun bonus. La VF est excellente et se prête bien au contexte européen de la série. Il est curieux de ranger les DVD l'un sur l'autre dans le boitier, mais c'est sans doute pour gagner de la place (74 épisodes sur 20 DVD). Il semble épuisé actuellement, alors que je l'ai vu en grandes surfaces en fin d'année.
Iczer One (1985) - Toshihiro Hirano
Série B aussi délirante que déviante, qui mêle romance saphique et érotisme soft, action à coup de méchas et sabres-laser (!), extraterrestres parasites occasionnant des transformations gores bien dérangeantes dignes d'un Rob Bottin, et une bande-son pop bien des 80s. L'histoire est complètement WTF, prétexte à un défouloir qu'autorisait sûrement le format vidéo débarrassé de toute censure. Une curiosité quoi.
6/10.
Yu Yu Hakusho (19982) - Akiyuki Arafusa et Noriyuki Abe
Ça commence un peu comme
Wingman : le ton est léger, avec son lycéen aux pouvoirs surnaturels, accompagné d'une fille d'un autre monde, et amoureux de la première de la classe, devant composer entre ses missions et son quotidien d'élève turbulent. Puis, ça bifurque assez rapidement vers des horizons franchement et définitivement fantastiques, et sur des arcs plus conséquents, s’étalant sur plusieurs épisodes, permettant de déployer un univers bigarré, sombre et violent, avec une cohérence intéressante, et de développer sa troupe de personnages attachants. C'est au final presque un brouillon du
Hunter x Hunter du même auteur, dont on y retrouve ici le prototype des personnages principaux, l'ébauche d'un univers qui sera bien plus complexe et travaillé dans son œuvre suivante, toute une technicité particulièrement cohérente sur la gestion des pouvoirs issue des jeux de rôles et des jeux de cartes, et certains chapitres qui préfigurent les grands arcs de
Hunter x Hunter : les épreuves de Genkai rappellent l'examen final des Hunters, le tournoi des arts martiaux de l'ombre rappelle ce que sera la tour du tournoi céleste, la porte des ténèbres évoque l'arc York Shin City, etc. Ça n'a pas encore la richesse et la rigueur de
Hunter x Hunter, mais j'ai suivi l'aventure avec un vrai plaisir, si ce n'était 3 DVD partiellement illisibles (encore Dybex) sur les deux coffrets, et que j'ai donc pu rattraper par d'autres moyens.
6/10.