Peter Bogdanovich (1939-2022)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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manuma
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Re: Peter Bogdanovich

Message par manuma »

Nickelodeon

Méga-flop qui écarta durablement … définitivement même … Peter Bogdanovich de la A-list des réalisateurs US de son époque. Pas vraiment une réussite, mais pas non plus une purge que cette description sur un mode burlesque des balbutiements / premières grandes heures de l’industrie du cinéma américain. Principal problème, assez handicapant pour une comédie j’en conviens : le film n’est pas très drôle. Mais disons qu’une fois qu'on est dans le bain on peut se laisser prendre au jeu : Burt Reynolds, avec son accent de péquenot à couper au couteau, est amusant, le film a peut-être coûté cher mais la thune investie se retrouve à l’écran et si l’on ne peut faire abstraction de ses nombreuses lourdeurs et maladresses, il faut tout de même concéder à ce Nickelodeon une indéniable sincérité dans le regard admiratif et passionné qu’il porte à son sujet.
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Jack Carter
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Re: Peter Bogdanovich

Message par Jack Carter »

le 21 avril, en zone 1 (avec stf)

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7swans
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Re: Peter Bogdanovich

Message par 7swans »

Nickelodeon :

Après l’échec de At Long Last Love et Daisy Miller, Bogdanovich se rapproche d’une formule qui avait, par le passé, fait son succès. Son Nickelodeon est un fourre-tout au rythme effréné, mélangeant des ingrédients visuels et des éléments narratifs repris de ces précédents films les plus populaires.

Grossièrement, Ryan O’Neil interprète, comme dans What’s up doc, un jeune WASP, gauche et naïf, Tatum O’Neil est une jeune enfant à fort caractère et au comportement d’adulte (comme dans Paper Moon) qui n’évolue d’ailleurs qu’au contact de ceux-ci. Narrativement, un élément important est repris de What’s up Doc (le fameux échange de valises) et Bogdanovich se paye même le luxe d’un clin d’œil comique a son snipper de Targets (ici Burt Reynolds sur le toit d’un immeuble, snipper pied nicklé, dont le contrat est la mise à mort, par balles, d’une caméra).
Bogdanovich nous raconte alors les balbutiements du Cinéma populaire, avec son humour burlesque, une pointe d’amertume et une vraie émotion (cette déclaration d’amour au Cinéma par un producteur indépendant, vers la fin du film après la projection de The Birth of a Nation de D.W. Griffith).
Un mélange déséquilibré de genres, mis en scène avec énergie et un sens du montage sec propre aux meilleurs comédies. La mise en scène accompagne le gag (oui, on est bien dans l’hommage du burlesque du débuts du siècle, du moins dans la première partie) avec brio mais alourdi par un sens du rythme difficile qui brouille d’abord les pistes.

Le premier tiers du film s’enchaîne de façon effréné, confus, les personnages se croisent, se recroisent, le cadre est rempli de protagonistes plus ou moins importants et les séquences présentent de façon aléatoires un grand nombre de personnages (un travers Altmanien) sans y accorder beaucoup d’attention. On serait sur le point de se perdre, mais Bogdanovich finit par condenser son énergie et resserre son viseur sur une petite troupe de personnages fraîchement formée, et sur une unité de lieu, dans son deuxième tiers.

La version couleur du film est une merveille. Laszlo Kovacs (What’s up Doc, The Last Movie, New York New York, Shampoo, etc…) travaille les dominantes de couleur de façon incroyable. Le ciel est d’un bleu éclatant, la pierre des dunes de ce désert sec (décor des plus grandes scènes du film) est d’un jaune pétant et un halo de lumière vient baigner tous les personnages. Le train a une grande importance dans le film (c’est un lieu de rencontre, de premiers pas amoureux, de retrouvailles, etc…) et son passage est souvent magnifié dans de très beaux plans de couché ou de levé de soleil.
Alors si la version voulue par le réalisateur (et par Orson Welles, puisque encore une fois, l’idée vient de lui) est en noir et blanc, il est inutile de cracher sur la version d’origine qui bénéficie d’une très belle mise en image et d’une beauté plastique indéniable.

On pourra aussi reconnaître un certain mérite à Bogdanovich : celui de découvrir, et de donner des rôles importants, dans les années 70 à de jeunes actrices inexpérimentées… mais absolument divines :mrgreen: (après Cybill Shepherd dans La dernière séance, Jane Hitchcock ici et pour son seul rôle au cinéma, crève l’écran).

Au final, un film sympathique, mais brouillon, servit par des acteurs enthousiastes dont les personnages nous semblent familier (le petit monde Bogdanovich, réalisateur de troupe, se remet en place). C’est d’un humour désuet (donc plein de charme), et d’une rare et belle émotion pour les premiers pas d'un certain Cinéma…

7/10
Dernière modification par 7swans le 4 août 13, 12:40, modifié 2 fois.
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Boubakar
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Re: Peter Bogdanovich

Message par Boubakar »

Pendant ce temps, mon dvd est au-dessus de l'Atlantique !! :x
Mais merci pour ta critique, ça donne envie ! :)
Joe Wilson
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Re: Peter Bogdanovich

Message par Joe Wilson »

Paper moon

Comme dans La dernière séance, la valeur du film tient à l'équilibre entre un cadre, une photographie et des attitudes sortis d'un John Ford comme une persistance de l'âge d'or hollywoodien ; et une lucidité désenchantée offrant un tempo et une expression singulières.
Si Paper moon n'a pas la sensibilité du film précédent, il se concentre sur son duo Ryan/Tatum O'Neal et apporte un regard marquant sur une résistance au quotidien, face à un monde en mouvement. Si Ryan O'Neal est isolé et désabusé, son trafic de bibles ne masquant pas une forme d'errance sans but, c'est bien Tatum qui représente, dans son ambiguité, une époque tourmentée...reflet d'une société désunie. Enfant ayant grandi trop vite, sa recherche d'affection est profonde (la tendresse de la mise en scène est souvent suggérée mais évidente) mais passe derrière une quête d'affirmation.
Son culot et son audace manipulatrice pourraient faire sourire, mais Bogdanovich ne perd jamais de vue la perception d'une détresse. Paper moon séduit précisément par une variété de tons, par sa capacité à faire ressentir une subtilité éprouvante derrière un masque de légèreté.
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Nestor Almendros
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Re: Peter Bogdanovich

Message par Nestor Almendros »

LA BARBE A PAPA (PAPER MOON) - 1973

Je viens moi aussi de découvrir ce film, actuellement diffusé sur TCM. De Bogdanovich, je connaissais surtout l'historien et le participant aux bonus dvd, et j'avais peu de souvenir du réalisateur (vu LA DERNIERE SEANCE sans vrai enthousiasme il y a plus de quinze ans).

Autant dire que cette découverte est une très bonne surprise. C'est un film simple, humble, à la mise en scène discrète et à la reconstitution d'époque crédible car elle n'en fait pas trop. Ajoutons aussi un très beau noir & blanc.
Comme l'a souligné Joe Wilson, sous des airs de comédie avec des personnages truculents et presque décalés, on ressent une forte sensiblité, un manque affectif, une fuite des réalités. C'est une histoire où les rôles sont presque inversés, où l'adulte (Ryan O'Neal) n'a finalement pas beaucoup de consistance et où l'enfant se montre souvent plus malin et plus intelligent. Le scénario utilise habilement ces oppositions pour faire régulièrement surgir l'humour, et c'est souvent très réussi.
Je n'ai pas reconnu tout de suite Tatum O'Neal, qui a bien changé depuis, mais ce duo avec son vrai père est réellement enthousiasmant: elles est confondante de réalisme et d'émotion, surprend par son talent. Le duo fonctionne parfaitement.
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odelay
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Re: Peter Bogdanovich

Message par odelay »

Je viens aussi de découvrir PAPER MOON, mais en DVD. Quelle excellente suprise! Evidemment ce qui frappe en premier c'est l'interprétation d'une justesse incroyable de Tatum O'Neal. Le duo, forcément complice dans le jeu, qu'elle forme avec son père est intéressant dans sa façon d'inverser les rôles, et ce de manière très subtile. Au bout d'un moment, on se demande "mais qui veille sur qui ?" avant d'avoir définitivement la réponse dans les scènes suivantes.
Bogdanovich reconstitue parfaitement un Kansas coincé dans la dépression et donc dans une absence d'ouverture à la modernité où, par exemple, toutes les voitures (élément très important dans le film) semblent être plus vieilles de 20 ans rapport à la date de l'action. Comme dans La Dernière Séance, le photo en N&B qu'il utilise a une profondeur de champ incroyable (comme chez son idole Orson) et donne un côté très réaliste et en même temps soigné à cette histoire imprégnée de poésie. Tout cela accentue l'émotion qui gagne fortement le spectateur lors des dernières séquence lorsqu'ils arrivent enfin à destination.

Je conseille vraiment le DVD Paramount, qu'on trouve pour 5 € chez les revendeurs de DVD pas chers, car en plus d'un bon transfert, il contient un docu en trois partie de Bouzereau qui présente des images de tournage d'une grande qualité où on s'aperçoit que la petite Tatum ressemblait assez à son personnage (dommage que la famille O'Neal ne soit pas interviewée dans les docu).

5/6
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Boubakar
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Re: Peter Bogdanovich

Message par Boubakar »

Pour compléter ma collection Bogdanovich, je viens de prendre Texasville chez Play, vendu pour quelques pièces...
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Boubakar
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Re: Peter Bogdanovich

Message par Boubakar »

Et tout le monde riait (1981)

Dans le bonus du dvd, Bogdanovich considère que c'est son meilleur film, car il adore le genre de la comédie romantique.
Sinon, ça reste un chasse-croisé assez classique, filmé comme un téléfilm, avec une jolie découverte, Dorothy Stratten, hélas morte peu avant la sortie du film (elle fut assassinée par son ex-mari, ce dernier étant jaloux qu'elle ait une liaison avec Bogdanovich).
Et dans un de ses derniers rôles, on voit aussi Audrey Hepburn, avec une coupe à la choucroute qui ne l'avantage pas, mais elle a de belles scènes, en particulier en présence de Ben Gazzara.
Je ne sais pas ce qu'en pense 7swans, mais je trouve le film assez mineur, bien que là encore, le réalisateur convoque la carte de la nostalgie, et on y retrouve quelques-uns de ses thèmes.
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Re: Peter Bogdanovich

Message par 7swans »

Boubakar a écrit : Je ne sais pas ce qu'en pense 7swans, mais je trouve le film assez mineur, bien que là encore, le réalisateur convoque la carte de la nostalgie, et on y retrouve quelques-uns de ses thèmes.
Un de mes Bogdanovich préféré.
Il avait de quoi inspirer toute une génération de réalisateurs. Bogdanovich se réapproprie New York d'une façon décalée et colorée qui ne pourra que poser les bases du future cinéma de Wes Anderson (l'exemple le plus évident). Le réalisateur réussit a regarder vers l'avant en réactualisant des acteurs connotés (John Ritter "le bouffon", Dorothy Stratten "la playmate") ou figures historiques du cinéma (Ben Gazzara, Audrey Hepburn). C'est le seul film du réalisateur (à ma connaissance) dans lequel il réussit a prouver son amour du cinéma (voire d'historien du cinéma) tout en modernisant la narration (le film choral, chassé-croisé de personnages hauts en couleurs qui prendra toute son ampleur dans la décennie suivante, chez Altman, PT Anderson ou plus largement tout un pan du cinéma américain indé).
Le film est moins prétentieux que ses premiers (d'ou une ambition moins affirmée, peut être plus indirect) et beaucoup plus maitrisé que les suivants (Illegally yours, Noises Off) dans lesquels il retentera le coup de la comédie moderne aux multiples personnages.

Tarantino soulevait le coté romantique du film, ça n'est pourtant pas (de mémoire) ce que le film a de plus réussi.
ITW: (...) but just to be really obnoxious, do you have a favorite romantic comedy?

Tarantino: Oh yeah, "His Girl Friday," and after that, it would be Peter Bogdanovich's "They All Laughed."

ITW: Really?

Tarantino: Yeah. To me, "They All Laughed" is the most romantic movie I've ever seen.
D'ailleurs Tarantino se serait inspiré du film pour Jackie Brown :
Les inrocks a écrit :Pour la forme, il parlait bizarrement de They all laughed, comédie romantique tourbillonnante de Bogdanovitch située à Manhattan, et un de ses films les moins visibles.
Selon une logique toute tarantinienne, il a choisi pour ce faire un roman d'Elmore Leonard, Rum punch, situé à Miami.'
Bref, j'avais beaucoup aimé...
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Re: Peter Bogdanovich

Message par Boubakar »

7swans a écrit :Il avait de quoi inspirer toute une génération de réalisateurs. Bogdanovich se réapproprie New York d'une façon décalée et colorée qui ne pourra que poser les bases du future cinéma de Wes Anderson (l'exemple le plus évident). Le réalisateur réussit a regarder vers l'avant en réactualisant des acteurs connotés (John Ritter "le bouffon", Dorothy Stratten "la playmate") ou figures historiques du cinéma (Ben Gazzara, Audrey Hepburn).
Merci, j'aime beaucoup ta lecture du film, je le reverrais d'ici quelques temps. :)
A noter qu'Anderson interviewe Bogdanovich, on lui sent une admiration pour ce dernier, comme un enfant qui verrait "sa" star. Ca donne un bonus très intéressant, dommage qu'il ne soit pas stf, car Bogda semble parfois marmonner ce qu'il dit.
J'ai deux autres de ses films sur le gril, je me demandais si un film comme Enfin, l'amour existe en dvd ?
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Re: Peter Bogdanovich

Message par Boubakar »

Nickelodeon (1976)

C'est une bonne petite surprise, certes assez confuse, mais les pérégrinations du personnage de Ryan O'Neal ont de quoi faire sourire (surtout quand il commence à devenir réalisateur, ou quand il se bat contre Burt Reynolds). Ça fait penser à du Altman dans l'enchevêtrement des séquences, mais c'est bien fichu (le Z1 est très beau), et un vraie déclaration d'amour au Cinéma et à ses origines (d'ailleurs, il y a une très belle séquence à la fin, avec Naissance d'une nation).
Mention spéciale aux acteurs, tous très bons, surtout Burt Reynolds qui est très drôle dans son rôle d'Indien (il est incapable de se servir d'un fusil, ni de jouer son rôle sans frapper le pauvre O'Neal).
Un film méconnu, mais qui montre les qualités du cinéma de Bogdanovich car là, il s'attaque à ce qui lui est cher.
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Re: Notez les films naphtas - Octobre 2009

Message par Miss Nobody »

La dernière séance - The last Picture Show - Bogdanovitch - 1971

« La dernière séance » est un peu l'écho mélancolique à tous les mélo hollywoodiens qui ont traité du malaise adolescent avant lui (« La fureur de vivre », « La fièvre dans le sang », par exemple). Cependant, puisque la nouvelle indépendance du cinéma américain le permettait, le réalisateur fait bien plus qu'effleurer les dessous des bonnes moeurs. Ainsi, le puritanisme propre aux années 50, cette époque faite de désirs avortés, d'ennui, et de solitude, semble se révéler enfin au travers de ce village insignifiant du Texas, bien trop petit pour laisser respirer l'incandescente jeunesse ou pour ignorer les ragots, mais idéal pour constituer un microcosme des Etats-Unis de l'époque.
La mise en scène, lente et délicate, prend le temps d'observer longuement les personnages pour mieux s'immiscer dans leurs failles. Ils sont tantôt adultes, habités pas leur souvenirs et leur regrets, tantôt jeunes, perdus dans leur quotidien et dans des rêves flous d'avenir. Chacun d'eux étouffe son désespoir dans une sexualité naissante ou passée, dans des instants de bonheurs éphémères, presque aussitôt suivis de désillusions.
Quelque soit leur âge, les acteurs portent tous superbement l'atmosphère douce et amère du film. C'est néanmoins, et sans aucun doute, le jeune et beau visage éteint de Cybill Shepherd qui se grave le plus durablement dans nos mémoires... car c'est finalement celui qui résume le mieux le film: un visage aux traits délicats mais au regard désabusé qui représente avec grâce et naturel la nostalgie d'une jeunesse perdue et les désillusions du passage à l'âge adulte.


7,5/10
Nestor Almendros
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Re: Peter Bogdanovich

Message par Nestor Almendros »

manuma a écrit :Nickelodeon

Méga-flop qui écarta durablement … définitivement même … Peter Bogdanovich de la A-list des réalisateurs US de son époque. Pas vraiment une réussite, mais pas non plus une purge que cette description sur un mode burlesque des balbutiements / premières grandes heures de l’industrie du cinéma américain. Principal problème, assez handicapant pour une comédie j’en conviens : le film n’est pas très drôle. Mais disons qu’une fois qu'on est dans le bain on peut se laisser prendre au jeu : Burt Reynolds, avec son accent de péquenot à couper au couteau, est amusant, le film a peut-être coûté cher mais la thune investie se retrouve à l’écran et si l’on ne peut faire abstraction de ses nombreuses lourdeurs et maladresses, il faut tout de même concéder à ce Nickelodeon une indéniable sincérité dans le regard admiratif et passionné qu’il porte à son sujet.
Pas grand chose à ajouter à ce bon résumé. Je continue ma découverte de Bogdanovich-cinéaste au hasard des diffusions tv (cette fois-ci ce fut sur TCM) et suis tombé sur ce NICKELODEON plein de défauts mais finalement très attachant, surtout pour nous les cinéphiles. C'est certainement ce que je reprocherais le plus au film, d'ailleurs: ne pas être forcément très passionnant pour ceux que l'histoire du Cinéma n'intéresse guère.
Ce film veut trop en faire, il est très chargé, fourre-tout, débordant d'une énergie qui rappelle par son rythme très soutenu les comédies des années 40, les dialogues très écrits en moins malheureusement. Bogdanovich saupoudre son film de clins d'oeils aux genres et aux époques, recréant avec ses personnages des situations de slapstick (la bagarre O'Neil/Reynolds, la poursuite sur la planche, etc.). Mais c'est vrai que ce n'est pas forcément très drôle (le quiproquo des valises est un peu léger) et parfois pas très passionnant (le début qui tarde à démarrer). Le cinéphile sera intéressé par les discours sur le cinéma ("c'est de la musique pour les yeux"), un apparté pertinent sur la place de l'auteur face au producteur tout puissant (qui, dans le film, remonte les oeuvres de son catalogue), quelques détails historiques oubliés (la guerre des Brevets).
Malgré des boursouflures, le film reste en effet très attachant et déborde de cet amour du Cinéma, jusque dans ses dernières scènes. Bogdanovich est faciné, comme nous, par ces coulisses et cette ambiance de création si particulières. Il capte d'ailleurs assez bien cette folie des balbutiements où tout n'est pas encore forcément très écrit, où ce qui importe est d'abord de produire de quoi être projeté dans les salles de plus en plus nombreuses. Pas étonnant non plus que la fin soit centrée sur Griffith, le premier à être entré dans une forme de cinéma adulte, au-delà de la simple attraction de foire. L'hommage de Bogdanovich est par ailleurs intéressant: l'entrée du cinéaste après la projection, tout petit dans le cadre et salué chaleureusement par le public.
Ca m'a fait surtout plaisir de revoir la famille O'Neill, depuis PAPER MOON. Je trouve de plus en plus que Ryan O'Neill n'a pas eu la carrière qu'il méritait par la suite, et qu'il n'est pas mauvais dans la comédie.
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Jack Carter
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Re: Peter Bogdanovich

Message par Jack Carter »

O'Neal :wink:
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