Broken Flowers (Jim Jarmusch - 2005)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

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Margo

Message par Margo »

Un poil déçu, même si ça reste un des bons films de cette année...

La première heure patine un chouia, et si la magie fonctionne dans certaines rencontres (Sharon Stone et Chloé Sevigny surtout...), l'effet de répétition joue contre le film, traçant une droite un peu monotone, émaillée de rencontres pas désagréables - mais pas bien géniales non bien plus. Un peu plus sineux, ça n'aurait pas fait de mal... Arrivé au bout de son périple, Bill Murray donne toute la mesure de son talent dans le dernier tiers, ouvrant le film vers une émotion jusque là un peu ténue : les scènes du retour à la maison, la relation avec le voisin, le gamin qui fait la route et leur magnifique scène commune et surtout un dernier plan tout bonnement génial modifient sacrément la donne et concluent le film sur une note bien plus enthousiasmante. Reste cette première heure...

Je suis toujours aussi réservé sur Jarmusch, cinéaste éminemment sympathique, parfois doué (deux chefs d'oeuvre tout de même : Ghost Dog et Dead Man), parfois un peu trop "facile" à mon goût. Ce sont les deux qui cohabitent dans ce Broken Flowers tantôt un brin fanné, tantôt franchement chatoyant.

6/10

A noter une présentation suréaliste hier lors de l'avant-première au Max Linder : une nana de RTL (à priori, une auditrice membre du jury RTL Prix des auditeurs Cannes 2005) a voulu introduire le film par une sorte de petit speech légérement pédant et sacrément faiblard (grosso modo, ça donnait ça : "le film est très beau, les actrices sont très bien filmées, il y a de jolies couleurs, et ne vous inquiétez pas, on ne s'ennuie pas comme aux Jarmusch précédents... quant à la fin, elle est vraiment..."), speech ponctué d'invectives de plus en plus violentes du public - qui ne voulait à juste titre rien savoir. Grand prix 2005 de l'embarras cinéphile

:lol:
gozusim
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Message par gozusim »

Margo a écrit :(deux chefs d'oeuvre tout de même : Ghost Dog et Dead Man)
j'aurais pour ma part pas avancé ceux-là comme chefs d'oeuvre, il faut dire que j'aime bien toute sa filmo même si certains sont plus "faciles" que d'autres. down by law, stranger than paradise, mystery train... à voir pour broken flowers.
Bob Harris

Message par Bob Harris »

C'est un peu un contre-sens pour moi de reprocher à ce film la linéarité de son intrigue... Bien sûr, il s'agit d'une série de rencontres avec des différentes ex, mais résumer le film comme cela serait un peu trop hâtif. Je pense que c'est le côté "effet de répétition" de toute une vie qui fait autant souffrir Don Johnston, célibataire endurci habitué aux ruptures. C'est un crescendo vers le pathétique. Alors qu'on aurait pu s'attendre à un bilan d'une vie passée, chaque rencontre n'apporte rien, ne fait rien avancer, et d'ailleurs ça se passe de plus en plus mal à chaque fois. Broken Flowers est même flippant quand il montre à quel point on est prisonnier de son propre destin, coincé dans la répétition absurde du quotidien dérisoire. Désolé, mais je ne vois rien d'autre qui serait plus triste. Le tout dernier plan, vraiment magnifique, m'a d'ailleurs bien déprimé. :)
Margo

Message par Margo »

Disons que la mécanique du scénario (une rencontre + une rencontre + une rencontre etc) m'a paru d'autant plus monotone que l'on sait rapidement combien de femmes il va aller voir : reste ensuite à dérouler pour Jarmusch, ce qui n'est pas désagrable en soi (il a quand même un sacré don pour pas mal de choses, notamment ces incroyables BOs :shock: ) mais pas bien révolutionnaire non plus. Le spleen cotonneux qui se dégage de l'ensemble a du coup un côté un peu factice - dans l'enchainement des scènes surtout, d'autant plus qu'on voit un peu trop rapidement à mon goût où Jarmusch veut en venir (le "crescendo vers le pathétique" dont tu parles).

Ca n'en fait pas un film déshonorant pour autant, loin de là, juste un beau film sympa dans la filmo du bonhomme.
Pancake
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Message par Pancake »

Bon j'ai trouvé ça vraiment très beau. Comme dit plus haut c'est tout simple, mais j'adore le rythme de Jarmusch, que je découvre peu à peu en fait. Le rythme des échanges, des gags, de la narration, un côté flottant qui permet à certains personnages d'exister dans une petite parenthèse qui parait pourtant anodine (Sun Green par exemple), quelque chose qui m'avait déjà beaucoup plu dans Ghost Dog. Et les fleurs brisées, du beau bouquet au bouquet de cimetière en passant par les fleurs arrachées dans les champs. J'adore plus qu'ailleurs le regard de Murray, fixé sur le ruban rose qu'il suit à droite à gauche, et puis il y a pas mal de choses très drôles. Voilà bravo.

5/6
Bob Harris

Message par Bob Harris »

Margo a écrit :Le spleen cotonneux qui se dégage de l'ensemble a du coup un côté un peu factice - dans l'enchainement des scènes surtout, d'autant plus qu'on voit un peu trop rapidement à mon goût où Jarmusch veut en venir (le "crescendo vers le pathétique" dont tu parles).
Je peux comprendre ce côté "prévisible" (même si ça ne l'est pas tant que ça pour moi, car chaque rencontre est plutôt surprenante en soi). Mais j'admire la manière qu'a Jarmusch de traiter son sujet avec une épatante simplicité, sans jamais chercher à jouer au gros malin. Son sens du rythme et sa maîtrise exemplaire rappellent celui des grands cinéastes japonais. (si Ozu faisait un film aujourd'hui, est-ce qu'on l'aurait reproché de ne pas être "révolutionnaire"?) :wink:
Bob Harris

Message par Bob Harris »

D'ailleurs, je sens que ce film vieillira très très bien...
Margo

Message par Margo »

C'est pas tant que ce le film soit révolutionnaire ou non qui me gêne (et encore, je persiste, le film est sympa), c'est plus sa linéarité par trop mécanique. Pour un road-movie émaillé de rencontres, je trouve que ça manque un peu de liant.
Bob Harris

Message par Bob Harris »

Margo a écrit :c'est plus sa linéarité par trop mécanique. Pour un road-movie émaillé de rencontres, je trouve que ça manque un peu de liant.
En même temps, ce sont justement des rencontres "forcées", ce qui ajoute au ridicule des situations. Ce n'est pas un vrai road-movie où il faut se laisser guider par l'aventure...
Sergius Karamzin
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Message par Sergius Karamzin »

Comme Margo.
J'avais déjà donné mon avis page 3.
Pour moi c'est répétitif, ça se veut décalé dans les rencontres, c'est quand même beaucoup de lourdeurs dans les coups de coude (10 références à Lolita dans la saynette référentielle), Bill Murray n'a qu'une expression (pourquoi reproche-t-on le Botox aux femmes alors que la pose Droopy est si valorisée ?)...
Alors oui, ça se regarde, c'est vaguement sympa ici ou là, il ya même de bonnes choses (les scènes du début avec son voisin notamment).
J'avoue ne pas me rappeler de ce fameux dernier plan, mais il ne m'a pas marqué.
Pour moi ça reste quand même un peu "facile", terme qu'il me gêne d'employer, mais je vois un peu la "cuisine" derrière par la porte entrebaîllée et la facture du film est évidente, cousue de fil blanc et sans surprise. C'est comme prendre l'autoroute et trouver qu'il y avait une des aires de repos un peu plu sympa que les autres.

Loin d'être un grand film, même pas un vrai bon film à mes yeux.
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vic
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Message par vic »

Bob Harris a écrit :
Margo a écrit :Le spleen cotonneux qui se dégage de l'ensemble a du coup un côté un peu factice - dans l'enchainement des scènes surtout, d'autant plus qu'on voit un peu trop rapidement à mon goût où Jarmusch veut en venir (le "crescendo vers le pathétique" dont tu parles).
Je peux comprendre ce côté "prévisible" (même si ça ne l'est pas tant que ça pour moi, car chaque rencontre est plutôt surprenante en soi). Mais j'admire la manière qu'a Jarmusch de traiter son sujet avec une épatante simplicité, sans jamais chercher à jouer au gros malin. Son sens du rythme et sa maîtrise exemplaire rappellent celui des grands cinéastes japonais. (si Ozu faisait un film aujourd'hui, est-ce qu'on l'aurait reproché de ne pas être "révolutionnaire"?) :wink:
Voilà. Entièrement d'accord avec Bob ce point. Apparemment le film est volontiers comparé à Ozu et j'y ai moi-même pensé souvent. Sens du rythme, plans naturalistes, humour léger et subtile utilisation de la musique (peut-être le point commun le plus évident) sont partagés par les deux réalisateurs.
Ce Broken Flowers me parait être une pièce maitresse dans la filmo de Jarmusch. Il y atteint la pleinitude de son style. Sans aucune scorie, chaque plan va à l'essentiel et est habité par des émotions ténues mais irrésistibles. Tout le film respire la plénitude et la vie. Ce film est une évidence, je ne vois pas de meilleur compliment de ma part.


(Tronche de cuir, au rapport ! :wink: )
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Sergius Karamzin
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Message par Sergius Karamzin »

Comparer ce film à Ozu, c'est étonnant.
Où est le linge qui pend ? Où sont les scènes de tatami (hormsi chez Jessica Lange) ? Où sont les scènes de nuits avec les néons des bars et les cuites ? Où sont les plans de gare ?

Non, sans plaisanter, je me refuse à voir une parenté. Certes il y a des intérieurs, mais je ne sens jamais l'intensité dramatique ou les enjeux. Il a un fils, et franchement on dirait qu'il n'en a rien à secouer (c'est joué et montré comme ça) et pourtant il va sillonner l'Amérique juste pour faire plaisir à son pote ou alors (j'adore cette idée) "se retrouver". C'est les clés de bagnole, version paternité. J'étais là, je ne m'étais pas vu....
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Bob Harris

Message par Bob Harris »

T'exagères, Sergius. :o
Sergius Karamzin
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Message par Sergius Karamzin »

Evidemment j'exagère un peu, histoire de tempérer ce concert de louanges... :wink: 8)
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Dilem
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Message par Dilem »

Opus mineur dans la filmographie de ce réalisateur que je ne connais, je dois l'avouer qu'a travers Ghost Dog et Dead Man et Stranger than Paradise...
De ce film je ne retiendrais que la B.O (merci de nous faire découvrir ce délicieux jazz éthiopien) et la capacité de Jarmush à filmer le temps, son écoulement, ce qui comme vous avez pu l'évoquer nous rappel Ozu...
Bref je rejoins les avis de Margo et Sergius :wink:
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