Pier Paolo Pasolini (1922-1975)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Alphonse Tram
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Pier Paolo Pasolini (1922-1975)

Message par Alphonse Tram »

cette semaine, Rendez-vous avec X était consacré à Pasolini.
http://sites.radiofrance.fr/franceinter ... ?id=101679
samedi 12 mars 2011
1975, l'assassinat de Pier Paolo Pasolini

Qu’y avait-il dans le chapitre disparu, sans doute volé, du roman de Pier Paolo Pasolini, "Pétrole" ? Et est-ce pour éviter la publication d’un ouvrage accusateur que l’écrivain-cinéaste a été assassiné ?

La semaine passée, Monsieur X a évoqué la mort en 1962 d’une autre grande figure italienne, Enrico Mattei, l’homme qui, en édifiant un considérable empire industriel nationalisé, a permis à son pays d’acquérir son indépendance énergétique. Mais un homme qui gênait beaucoup de monde… Or il est vraisemblable que dans ce chapitre qui a mystérieusement disparu, Pasolini donnait sa version de la mort de Mattei, assassiné dans un crash d’avion maquillé en accident… Il y aurait donc un lien entre ces deux morts brutales auxquelles il faut ajouter la disparition en Sicile d’un journaliste, Mauro di Mauro, qui lui aussi enquêtait sur l’affaire Mattei et a été vraisemblablement liquidé par la Mafia en 1970…

Et Monsieur X d’alléguer que derrière ces assassinats on retrouve les mêmes commanditaires… Les responsables d’une pieuvre qui a travaillé tout au long de ce que l’on a appelé les « années de plomb » à semer la terreur et à déstabiliser la démocratie italienne en mettant sciemment en œuvre une véritable stratégie de la tension où ont alterné les actions violentes d’extrême droite et d’extrême gauche. Une pieuvre dont l’existence ne sera dévoilée qu’en 1981, la Loge P2 ! Son Grand-Maître, Lucio Gelli, aurait réussi à rassembler dans cette organisation pseudo-maçonnique la plupart des responsables des forces de sécurité et d’importants personnages politiques. Mais, nous a dit Monsieur X, le véritable cerveau de la pieuvre s’appelait en réalité Eugenio Cefis. Et, numéro deux de l’empire Mattei, il a succédé à ce dernier après sa disparition.

Autant de secrets qu’avait sans doute percés Pasolini, qu’il avait donc couchés sur le papier dans un chapitre de son livre posthume, "Pétrole", et qui lui ont certainement coûté la vie une nuit de novembre 1975. Un meurtre qu’on a longtemps attribué à un jeune garçon qui aurait refusé les avances sexuelles du cinéaste… Une thèse qui est aujourd’hui raisonnablement battue en brèche.
Téléchargement de l'émission de France inter ici ou bien par là.
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Père Jules
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Re: Pier Paolo Pasolini (1922-1975)

Message par Père Jules »

Passionnante émission que je ne loupe jamais.
Pour ceux que ces deux épisodes auraient convaincu, vous pouvez trouver un bon nombre d'archives ici
Dernière modification par Père Jules le 4 sept. 11, 09:56, modifié 1 fois.
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Profondo Rosso
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Re: Pier Paolo Pasolini (1922-1975)

Message par Profondo Rosso »

Mamma Roma (1962)

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Mamma Roma, prostituée d'une quarantaine d'années pense être libérée de son jeune souteneur, Carmine, et tente de refaire sa vie. Elle reprend à ses côtés son fils, Ettore, qui ignore son passé. Ils emménagent dans l'appartement d'une nouvelle cité de banlieue qu'elle rêve idéale. Mamma Roma travaille désormais comme vendeuse sur le marché, pleine d'espoirs pour Ettore et la nouvelle vie qui commence.

Tout comme avec son premier film Accattone, Pasolini transcendait avec ce second essai l'inspiration néo réaliste pour délivrer une oeuvre toute personnelle et pétrie de ses thématiques. Tout comme dans Accatone ou dans les films qu'il a scénarisé pour Bolognini (notamment le diptyque Les garçons/Ca s'est passé à Rome) on retrouve ce cadre banlieusard romain peuplé de jeunes voyous sans repères dont ici le jeune Ettore. Ce qui change la donne ici c'est le fait de placer au centre du récit un personnage d'adulte bienveillant et sacrificiel incarné par Anna Magnani, montrant ainsi un Pasolini en passe d'étendre son registre et de dépasser la description des moeurs des petites frappes qu'il connaît si bien. A l'opposé des récits d'errances des précédents films, Mamma Roma croise leur modernité à un mélodrame puissant et intense.

La scène d'ouverture annonce parfaitement les différents sentiments traversés tout au long du film entre humour, tendresse, cruauté et rapport de force. Mamma Rome est une prostituée fraîchement libérée de son proxénète grâce au mariage de ce dernier qui ouvre le film. Les rapports complexes amour/haine et dominant/dominés qui les unis s'expriment brillamment le temps d'une joute verbale chantée entre la mariée, le maquereau et la prostituée repentie. Cette liberté durement acquise donne donc l'occasion à l'héroïne d'enfin élever son fils de seize dont elle a toujours été séparée. C'est sans compter sur l'existence sauvageonne que ce dernier à connue livré à lui même et le tempérament orageux de Mamma Roma ne sera pas de trop pour le mettre au pas.

Anna Magnani délivre une prestation d'une profonde humanité avec ce personnage déterminé, caractériel et si touchant dans sa volonté de vaincre le destin et de donner une position à son fils. Ce dernier est joué par le jeune (et non professionnel comme la plupart du casting) Ettore Garofolo est coincé entre l'enfance qu'il n'a pas vraiment eu (toute les premières scène entre lui et Magnani étouffe la dureté attendue pour verser constamment dans une belle tendresse comme ce tango entre mère et fils) et l'adolescence délinquante qui le guette, sa figure juvénile et poupine se durcissant au fil de la perte de son innocence. Pasolini use d'ailleurs beaucoup des séquences en parallèle se répondant au début et à la fin pour marquer le basculement tragique des évènements. Les retrouvailles entre Mamma Roma et Ettore au début lorsqu'elle le suit derrière ses amis pour le rappeler à elle trouvera son pendant négatif dans la dernière partie où Pasolini use du même découpage pour cette fois la montrer incapable de le rattraper et symbolisant la rupture puisqu'il a découvert que sa mère est une ancienne prostituée. L'usage le plus brillant de cette idée reste cependant le plan séquence nocturne en travelling qui suit Mamma Roma au départ s'extirpant de ses ruelles de passe habituelle et abandonnant ses anciennes "collègues" pour symboliquement voguer vers une nouvelle vie avec son fils. Le passage a également une valeur psychanalytique puisque Anna Magnani perdue dans ses pensées s'y confie métaphoriquement à plusieurs passant se donnant le relai une part son passé douloureux (mariage précoce, pauvreté, prostitution...) et son bonheur de s'en sortir. La même scène en conclusion aura une toute autre portée puisque là les déambulations accompagnent un profond désespoir et se solde par une rechute lorsqu'elle cède à ses clients.

Ces deux passages démontre une stylisation affirmée de la part de Pasolini qui dépasse la touche naturaliste qu'on ressent dans l'ensemble. C'est particulièrement vrai dans l'usage qu'il fait d'un concerto de Vivaldi qui donne un ton élégiaque et majestueux à toute cette fange environnante dans les moments apaisés et qui bouleverse totalement lorsque le drame s'intensifie. Difficile ainsi de rester de marbre lorsqu'on assiste au terrible sort final de Ettore. A la musique s'ajoute ainsi le symbolisme religieux l'associant au Christ crucifié (que le début du film annonce avec La Cène reprise le temps d'un cadrage durant le mariage) et un montage alterné puissant montrant l'ultime dialogue à distance entre Mamma Roma et Ettore redevenu un petit garçon craintif appelant sa mère dans l'obscurité de ses derniers instants. Dès lors alors que tout est perdu, le pathétique le plus éprouvant peut s'inviter dans un ultime moment où Anna Magnani s'abandonne totalement à une démence hébétée qui marquera longtemps après le mot fin. Grand film. 6/6
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Père Jules
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Re: Pier Paolo Pasolini (1922-1975)

Message par Père Jules »

Le jeune Ettore que l'on retrouvera dix ans plus tard dans Affreux, sales et méchants.
Grand film en effet et belle chronique au passage ;)
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Profondo Rosso
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Re: Pier Paolo Pasolini (1922-1975)

Message par Profondo Rosso »

Ah je ne savais pas qu'on le retrouvais dans Affreux, sales et méchants il a quel rôle déjà ? Et merci pour le texte :wink:
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Père Jules
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Re: Pier Paolo Pasolini (1922-1975)

Message par Père Jules »

Profondo Rosso a écrit :Ah je ne savais pas qu'on le retrouvais dans Affreux, sales et méchants il a quel rôle déjà ? Et merci pour le texte :wink:
Il joue un des fils de Manfredi.
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Profondo Rosso
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Re: Pier Paolo Pasolini (1922-1975)

Message par Profondo Rosso »

Ah excellent ça me donne envie de le revoir pour situer sa tête adulte :D
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Père Jules
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Re: Pier Paolo Pasolini (1922-1975)

Message par Père Jules »

Il a de la barbe et est un peu plus bouffi :D
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Re: Pier Paolo Pasolini (1922-1975)

Message par giftongue »

pour les amateurs de Pasolini : un lien vers une interview "retrouvée" qui a eu lieu trois jours avant sa mort (en espèrant que vous lisez en anglais fluently!)

http://mubi.com/notebook/posts/the-lost ... -interview
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Re: Pier Paolo Pasolini (1922-1975)

Message par Jeremy Fox »

C'est aujourd'hui que s'ouvre à la Cinémathèque française l'évènement Pasolini Roma. Jusqu'au 26 janvier, cette exposition vous invite à partir à la découverte du cinéaste-poète-écrivain depuis son arrivée à Rome en 1950 jusqu'à son assassinat le 2 novembre 1975 sur la plage d'Ostie. Cette exposition sera accompagnée jusqu'au 2 décembre par une rétrospective de son oeuvre, des conférences, des rencontres, des projections de documentaires et de reportages, un spectacle performance par l'auteur de bandes dessinées Davide Toffolo ou encore une journée d'étude complète.

Cet évènement est l'occasion pour Carlotta de ressortir en salle trois films majeurs du cinéaste dans des versions numériques restaurées :

Mamma Roma

Médée

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Re: Pier Paolo Pasolini (1922-1975)

Message par Federico »

Ninetto et Pier Paolo, un documentaire radiophonique de l'Atelier de la création sur France Culture qui a est parti à la rencontre de Ninetto Davoli, alors à Rome sur le tournage du film qu'Abel Ferrara tourne sur les derniers jours de Pasolini.
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Re: Pier Paolo Pasolini (1922-1975)

Message par El Dadal »

J'ai découvert son Médée il y a quelques jours, et le film ne me lâche pas.

L’aridité du système mis en place rend l'ensemble vraiment hypnotique. Passé ce prologue schizophrène (récapitulatif et exposant les origines de ce monde, mais également contemplatif, encore en phase avec la nature avant de se perdre), toute la section muette donne l'impression d'avoir réellement fait un retour aux origines d'un monde qui, s'il reste injuste et barbare, n'a pas encore subi les affres du compromis civilisationnel. On retrouvera bien entendu cette dichotomie durant la deuxième partie, Médée en étant la garante. Pasolini avait vraiment l'art de recréer des univers crédibles et tangibles malgré tous les partis pris venant interférer avec la représentation dans son sens le plus classique, a fortiori au cinéma.
Niveau technique, c'est juste sublime, avec une photo d'une majesté à faire pâlir Terrence Malick, et une bande-son babylonienne assez culottée. On note quelques expérimentations comme ces fondus enchaînés qui "cassent" brutalement et créent le malaise, ou ce plan truqué de Chiron le centaure.

Pasolini me semble avoir touché un entre-deux avec ce film, entre arridité, volupté, décadence et douceur. Si le discours socio-politique et la critique de notre monde ethnocentré sont présents, c'est aussi bien parce qu'ils sont déjà présents dans la tragédie d'Euripide (d'où le choix de cette adaptation) que parce que la mise-en-scène s'en fait le vecteur: le dépouillement global leur offre ainsi une incarnation de chaque instant, que le recours à tour de rôle aux quatre éléments de la philosophie naturelle ne vient à peine contrecarrer.

Et Maria Callas est fabuleuse, aussi.
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Demi-Lune
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Re: Pier Paolo Pasolini (1922-1975)

Message par Demi-Lune »

Aridité du système, c'est peu de le dire. En ce qui me concerne, c'était tellement aride que je n'ai pas tenu plus d'une demi-heure.
A vrai dire, je ne garde aucun autre souvenir du film que celui de son prologue, avec Laurent Terzieff en centaure.
A retenter un de ces quatre, en sachant à quoi s'en tenir...
zeotrope
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Re: Pier Paolo Pasolini (1922-1975)

Message par zeotrope »

Tiens puisque ça parlait morale et cinéma une nouvelle fois sur un autre sujet j'ai repensé à Salo. Je réfléchissais et me disais que A serbian film en est une actualisation. Les deux films parlent de l'exploitation totale du corps. L'un est devenu un classique parce que c'est Pasolini et qu'il a été un pionnier sur ce sujet, l'autre à des chances de rester relégué comme un truc mineur et dégueulasse. Vous en ferez bien ce que vous voulez, par principe rien :mrgreen:
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El Dadal
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Re: Pier Paolo Pasolini (1922-1975)

Message par El Dadal »

Demi-Lune a écrit :Aridité du système, c'est peu de le dire. En ce qui me concerne, c'était tellement aride que je n'ai pas tenu plus d'une demi-heure.
A vrai dire, je ne garde aucun autre souvenir du film que celui de son prologue, avec Laurent Terzieff en centaure.
A retenter un de ces quatre, en sachant à quoi s'en tenir...
Ça ne me paraît pourtant pas insurmontable. Je suis sûr que tu vois chaque mois des tas de films plus impénétrables. C'est même un Pasolini relativement facile d'accès je trouve, si ce n'est peut-être l'angle d'approche biaisée des mythologies.
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