Baby Face de Alfred E. Green (1933)
Après la mort de son père dans l'incendie d'un bar minable qu'il tenait dans le sud des USA, Lily Powers écoute les conseils d'un client qui l'encourage à quitter la ville et à utiliser les hommes pour réussir au lieu d'être utilisée par eux. Débarquée à New York, elle se fait engager dans une banque et gravit les échelons de la hiérarchie, en même temps que les étages du building, en séduisant les hommes, du chef du personnel au directeur, les renvoyant au fur et à mesure qu'elle n'en a plus besoin.
Baby Face s'affirme comme une réponse de la Warner au sulfureux
Red-Headed Woman sorti par la MGM l'année précédente et où Jean Harlow gravissait en usant de ses charmes les échelons de la haute société. Bien que marqué chacun par le spectre de la Grande dépression, les deux films diffèrent pourtant dans le ton et principalement à cause de la personnalité de leurs actrices et héroïnes.
Red-Headed Woman justifiait par un ton rigolard et coquin les exactions de Jean Harlow dont la capitale sympathie faisait tout passer. Le ton sera bien plus sombre dans
Baby Face faisant office de vrais manifestes féministes pour justifier l'attitude de Lily Powers (Barbara Stanwyck). Celle-ci a grandi dans la véritable fange d'un quartier pauvre d'une ville du sud des États-Unis. Servante dans le bar miteux de son père, elle y est régulièrement confrontée au machisme et à l'attitude libidineuse des répugnants clients qui entre mains baladeuses et remarques salaces donne une vision désastreuse de la gent masculine. Les hommes s'avèrent des porcs indignes de confiance dont le dégout de Lily remonte à loin, un dialogue suggérant que son propre père a déjà abusé d'elle et ce dernier n'hésitant pas à la donner en pâture aux les plus puissants et pouvant contribuer à ses affaires. Lorsque ce géniteur indigne meurt accidentellement, le seul homme l'ayant jusque-là soutenue la pousse à endosser son destin. Son attrait physique ayant toujours fait d'elle la proie des hommes doit désormais devenir une arme lui servant à les dominer et accéder aux sommets.
Dès lors les airs aguicheurs, les robes moulantes et les regards brûlants constitueront des pièges implacables dans lesquels tous les hommes se laisseront prendre.
Baby Face s'avère moins ouvertement "sexy" qui]Red-Headed Woman[/i] et son festival de nudité mais bien plus provocateur. Les hommes tels qu'ils sont dépeints justifient ainsi pleinement l'attitude de l'héroïne. Lily arrive en guenilles et sans le sou au pied de l'immense building qui abrite la banque et la caméra d'Alfred E. Green arpente les étages de l'extérieur au fil de son ascension. À l'intérieur, les chefs de service, directeur et vice-président succombent à tour de rôle, leur rang, âge et supposée morale étant balayés par le désir irrépressible qu'éveille en eux Lily. Les tenues se font plus sophistiquées, la séduction plus subtile et les cibles à conquérir toujours puis pluissantes. de Barbara Stanwyck est comme d'habitude formidable, la froide détermination se lisant constamment sous les attitudes provocantes et son propre passé difficile et misérable déteint aisément dans vérité que véhicule le personnage. La présence glaciale dissimule pourtant un vrai dépit se révélant par intermittences, que ce soit ce soir de Noël passé en solitaire où le Terrible fait divers qu'elle va provoquer mais comme toujours l'inconsistance masculine fera disparaître tout état d'âme. La rencontre avec un homme sachant ce qu'elle est (George Brent) mais prêt à l'aimer au-delà du simple assouvissement charnel pourrait peut-être faire vaciller l'ambitieuse. C'est en tout cas ce que suggère le beau final même si justifié par la censure qui refusa la conclusion initiale bien plus cinglante et amorale. Une séquence retrouvée en 2004 et incluse lors de la restauration du film, dommage qu'elle ne soit pas visible sur le DVD mais
Baby Face demeure un des Pré-code les plus brillants de l'époque. 5/6