Kiju (Yoshishige) Yoshida (1933-2022)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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The Eye Of Doom
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Kiju (Yoshishige) Yoshida (1933-2022)

Message par The Eye Of Doom »

Je crée un topic dedié car le seul existant est celui en lien avec lee coffret dvd sortis il y a quelques temps.
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Re: Kiju (Yoshishige) Yoshida (1933-2022)

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Une histoire écrite sur l’eau
Un jeune homme doit épouser la fille de son patron mais il s’avère que ce dernier entretient une liaison avec sa mère, veuve, d’une grande beauté.

Decouverte de ce cineaste à l’occasion du bluray Radiance.
Le film est fascinant dans sa forme et prenant dans son propos.
C’est un mélodrame à 4 personnages, creusant les relations amoureuses, parentales et surtout sexuelles.
En effet, le jeune homme, élevé seul par sa mère, auquel tout semble réussir, n’arrive pas à gerer les pulsions sexuelles de sa promise (« jamais avant le mariage » lui reponds t’il !) et l’assiduité de sa mère à entretenir une relation avec son futur beau père.
Au delà de sa forme plastique incroyable, j’y reviens plus bas, la force du film vient qu’il dévoile le coeur de son propos que sur le tard:
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La relation ambiguë, incestueuse, entre la mere et le fils.
Qui est devoilée frontalement dans le plan saisissant où la mère laisse la porte de sa chambre entrouverte, invitation frontale à la suivre.
Il y a bien sur des premises:
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L’incroyable scene de l’osen au début ou le garçon tourne autour du corp de la mère.
L’amie de la famille qui abuse le jeune garçonnet.
Mais le film entretient une tension assez remarquable le long de ses 2 heures, passant d’une situation quasi de vaudeville à un drame.
Tout passant par la mise en scene.
Et le fétichisme de l’ombrelle.

Cette mise en scène, parlons en.
Plus je vois de films nippons des années 60, plus je me dit que le scope n&b aura été créé pour les cinéastes japonais (et pas pour quelques obscurs hollywoodiens).
On a ici une science du cadrage et de la mise en scène qui laisse pantois.
Il y a un nombre incroyable de plans, le plus souvent fixes, composés savamment mais sans clinquant, qui defilent sous nos yeux naturellement, a tel point qu’on en percoit plus ni la variété ni la richesse, porté uniquement par le recit et les emotions.
Pour celles et ceux qui voudraient se faire une idée, je renvoie au test sur dvdbeaver et ses 200 (!?!?) copies d’ecran…
http://www.dvdbeaver.com/film12/blu-ray ... lu-ray.htm
On peut inscrire bien sur cette démarche plastique dans le courant formaliste des années 60 (Antonioni, Resnais,…), mais le film n’est jamais un manifeste esthétique.
D’aucuns pourraient trouver cette forme un peu pesante à la longue, mais cela n’a pas été mon cas.
Yoshida se montre d’une remarquable finesse quand il glisse d’un temporalité à l’autre, de la réalité au rêve.
En témoigne la longue scène magnifique de l’onsen au debut, où Yasuo se remémore le bain qu’il a pris, enfant, dans ce meme lieu avec sa mere et son pere.
L’ambiguïté temporelle est aussi amenée par Mariko Okada qui joue la mère et qui a 32 ans lors du tournage. (Alors Yasunori Irikawa qui joue son fils en a 26). Elle n’ai pas particulièrement maquillée pour tenter de la vieillir un peu dans son role de (jeune) veuve, ce qui surprend pas mal au debut.
La seule faiblesse du film est pour moi l’acteur choisi pour incarner le fils justement qui n’a pas une grande presence…

J’avoue avoir été dérouté par la fin, dont j’ai pas compris le ressort.
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Yasuo propose à sa mère un double suicide. Qui n’a pas lieu ? Mais que ce passe t’il ensuite? Pourquoi l’accident de voiture ? Et que font Yasuo et son epouse dans une barque au milieu du fleuve ? La mere est aller se noyer ? Quand ? Pourquoi ?
Je me demande si ce n’est pas le reve des derniers instants de Yasuo.
Help welcome !

Belle découverte donc. Dans une copie somptueuse proposée par Radiance.
A quand la suite ???

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Re: Kiju (Yoshishige) Yoshida (1933-2022)

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Quelques avis rapatriés du topic dvd:
Commissaire Juve a écrit : 15 avr. 08, 22:26 La fin d'une douce nuit...

Tant que je n'avais pas vu la fin, ce film m'a pas fait penser à Bel-Ami de Maupassant*...

Cela dit, le montage est un peu bizarre. Récit linéaire pendant 40 minutes, et puis... pouf ! ça se met à passer du coq à l'âne avec des trous dans la narration ! Et puis, 15/20 minutes plus tard, hop ! ça reprend son cours normal. Bizarre !

A un moment, je me suis demandé s'il n'y avait pas eu un mélange de bobines. :mrgreen:

* Yoshida dit s'être inspiré de le Rouge et le noir de Stendhal.
Phnom&Penh a écrit : 16 avr. 08, 06:54 Vu hier Le sang séché.
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Un employé se suicide face à un patron qui annonce publiquement de prochains licenciements. Des journalistes sont présents, il se rate, est sauvé, mais sa photo, le pistolet sur la tempe, fait le tour des rédactions.
Une jeune publicitaire, mignonne et cynique, séduit la direction de sa société d'assurance-vie en les convainquant d'utiliser cet employé et l'image de son suicide pour promouvoir les ventes (quel goût! :mrgreen: ).
L'employé accepte, devient un people, est rapidement accusé d'avoir mis en scène son suicide initial...
Un beau cinémascope N&B, une ambiance jazzy (voire Mambo! :D ), de mignonnes japonaises en jupe-fourreau ( :wink: ). Vague nouvelle sans doute, mais c'est surtout très sixties, Paris-Match grande époque. Le sujet est très moderne mais le traitement est un peu daté, ce qui n'est pas déplaisant, au contraire. La photographie, comme la composition de l'image, est somptueuse.
bruce randylan a écrit : 19 mars 09, 21:54 Le sang séché ( 1960 )

Un employé dépressif tente de mettre fin à ses jours pour empêcher la fermeture de on entreprise. Son geste est bientot récupérer par une société d'assurance qui l'engage pour rejouer tous les soirs sa tentative de suicide pour des écrans de pub.

2ème film du cinéaste et le talent se précise. Son scénario est plus écrit, plus intéressant bien que son aspect engagé ait pris un sérieux coup de vieux. Ca manque toujours un peu de rythme et l'acteur en mode Droopy en fait surement un peu trop, ce qui nuit à la crédibilité de son évolution psychologique.
La fin est également prévisible mais heureusement le film conserve une certaine force et le cynisme des boites de comm' est toujours d'actualité.

Pour le reste, le noir et blanc est très classe avec un scope parfaitement maitrisé ( sans excès non plus ). On sent par contre sur quelques passages qu'un style personnel et original ne demande qu'à s'exprimer. Il y a ainsi un stupéfiante scène qui filme avec une beauté irréelle et expérimentale les coucheries et les états d'âmes de la publicitaire au lit avec son amant. Le noir et blanc et le cadrage audacieux scultent littéralement les corps dénudées pour en faire des toiles abstraites qui détonnent au milieu de la critique acerbe de la publicité et de la presse à scandale.
Cette scène est pratiquement hors-sujet mais demeure la plus stupéfiante du film, quelque part entre Persona et Godard.
bruce randylan a écrit : 7 janv. 18, 15:44 L'évasion du Japon (1964)

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Rêvant de devenir chanteur, Tatsuo se laisse convaincre par un ami de braquer le coffre d'un bain turc. Le vol se passe mal entre assassinat d'un policier, une témoin sur les bras et de violentes tensions chez les cambrioleurs

Aussi stupéfiant qu’agaçant, Kiju Yoshida détourne une commande commerciale pour l'emmener vers un portrait très pessimiste du Japon à l'heure où celui-ci est sur le point d'atteindre la reconnaissance internationale via les Jeux Olympiques de Tokyo et ses promesses d'avenir radieux. Mais le Japon ne fait pas rêver le cinéaste et Tetsuo ne cherche qu'à fuir ce pays écrasant où les possibilités d'émancipation semblent en fait impossibles.

C'est peut-être l'un des films les plus désabusés sur le Japon. Peut-être pas le plus cruel ou le plus virulent dans son portrait de la société nippone des 60's mais celui où la psychologie du héros n'est réduite qu'à une seule idée : la fuite. Les autres personnages masculins ne sont pas beaucoup plus glorieux, ce qui se traduit par un direction d'acteurs très discutable (et dommageable) : l'hystérie à tout va. Ca crie, ça gesticule, ça pleurniche, ça renifle, ca vocifère, ça tremble, ça transpire....
C'est très rapidement usant et très artificiel comme procédé où les nerfs de tout le monde craquent trop facilement.
Fort heureusement pour moi, c'est compensé par une réalisation ahurissante de virtuosité avec un sens du cadrage et de l'espace fabuleux qui joue comme jamais de l'architecture, des lignes, des perspectives, des lieux fermés et vides. Yoshida déploie des trésors d'imaginations pour ne jamais reproduire deux fois le même cadre et mieux traduire ce sentiment d'étouffement et d'impasse. Toute la première moitié est un modèle de réalisation, surtout la partie dans le stade abandonné où chaque nouveau plan impressionne par sa claustrophobie immédiatement viscérale.
La seconde moitié perd en intensité dramatique (et en interprétation exacerbée, ouf !) mais gagne en mélancolie en se déplaçant à la campagne. Les personnages parviennent enfin à s'approfondir vraiment et nous intéressent un peu plus.
Surtout la critique du Japon se fait plus ironique et donc percutante avec ce coréen cherchant à rejoindre ses compatriotes communistes, les GI's US et surtout cette idée géniale qui fait croiser le parcours de la flamme olympique.
Ca manque un peu de finesse et de développement dans la dernière ligne droite où la réalisation pourrait être un peu plus incisive mais ça reste souvent passionnant malgré donc des partis pris déstabilisant.
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