Guerre et paix (Sergei Bondarchuk - 1965)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Alexandre Angel
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Re: Guerre et paix (Sergei Bondarchuk - 1965)

Message par Alexandre Angel »

Barry Egan a écrit : 26 mars 24, 20:20 C'est enfin vu, et je ne peux que rejoindre les avis de Demi-Lune et de bruce randylan : c'est monstrueux, c'est fou, c'est au-delà des mots. Imaginer simplement l'entreprise humaine (le chiffre du budget virtuel "tout payé" donné par l'intervenant de 700 millions de dollars de 2021 donne le vertige) ne suffit pas. Le film dépasse l'imagination dans sa grandeur et dans son ambition. Et moi qui croyais que "Mad Max 2" c'était épique, j'en ai eu pour mon compte avec les 3 derniers quarts d'heure de la partie 3... Ce que j'admire le plus, c'est que le film obéit à une sorte de nécessité et se moque des limites, tous les moyens sont bons : il faut des costumes, on les fait, il faut des figurants, on les prend, il faut des décors à brûler, on les construit, on prend le kérosène en quantité, il faut des chiens, il faut des chevaux, il faut des loups, il faut une guitare... Il faut de la lumière, il faut de l'ombre... Tout est au service de l'art et de la narration, on pense pas, on fonce, on montre ce qu'il y a à montrer et on suggère magnifiquement ce qu'on ne peut pas (la nature humaine, la mort). Je pense que c'est ce qui m'a le plus ému.

Sinon, au début, je n'ai pas compris le personnage de Pierre, mais son évolution pendant les deux dernières parties en fait un être aimable et même louable, même quand il a des moments de (grande) lâcheté. Le propos joue d'ailleurs de ces contrastes extrêmes, des soldats qui s'entretuent sans la moindre pitié avant de chanter ensemble... et en joue avec une empathie qui confine au cosmique. Une humanité qui ne pense pas décroissance et ascèse, mais qui jouit de la vie et de la mort, et qui s'aime elle-même inconditionnellement. Difficile de faire plus romantique. Touchante dans l'excès comme une symphonie de Mahler, ou une 9ème de Beethoven.
Tu en parles bien.
Je suis un peu partagé. Je ne trouve pas que la note soit tenue tout le long car les moyens ne peuvent suffire à hisser le film aux cimes de ce qu'il adapte. Très souvent, le film prend des poses arty pour faire, justement, littéraire comme si Bondartchouk cherchait coûte que coûte à tutoyer le monument tolstoïen ; ce qui nous vaut pas mal de moments aussi ouatés que languissants.
Une fois que j'ai dit ça, le film est une dinguerie à l'audace sensorielle qui annonce le Requiem pour un massacre, d'Elem Klimov, en nettement plus familial, encore que les scènes de bataille, surtout celle de Borodino, présentent une telle idée du chaos guerrier napoléonien qu'on a l'impression de l'expérimenter. Et le sac de Moscou n'est pas en reste.
Mais il arrive aussi que cette démesure déborde sur l'intime comme dans la séquence de la danse scandée par une balalaïka, après une partie de chasse.
Le Cimino de Heaven's Gate a de qui tenir..
Dernière modification par Alexandre Angel le 27 mars 24, 09:19, modifié 1 fois.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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Barry Egan
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Re: Guerre et paix (Sergei Bondarchuk - 1965)

Message par Barry Egan »

Alexandre Angel a écrit : 26 mars 24, 21:15Très souvent, le film prend des pauses arty pour faire, justement, littéraire comme si Bondartchouk cherchait coûte que coûte à tutoyer le monument tolstoïen ; ce qui nous vaut pas mal de moments aussi ouatés que languissants.
Je suis d'accord avec ça, et je trouve que ça contribue à rendre les personnages un peu opaques et inconsistants, surtout au début du film, et à laisser le spectateur en attente de plus de caractérisation, de psychologie. Cela crée une légère déception. Mais en dernière partie, quand le fatalisme de l'ensemble finit par être évident, et que les êtres eux-mêmes sont déchirés par leur expérience, ce côté onirique un peu forcé prend tout son sens. Tout se déroule de façon déterminée, comme dans un rêve.
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