Le Cinéma asiatique

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Profondo Rosso
Howard Hughes
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Profondo Rosso »

Summer Vacation 1999 de Shūsuke Kaneko (1988)

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Quatre garçons passent leurs vacances d'été ensemble dans un pensionnat. Yu, un des garçons, décide de mettre fin à ses jours en sautant d'une falaise suite à l'amour à sens unique qu'il porte pour Kazuhiko, un autre garçon. Un jour, un nouveau, nommé Kaoru arrive au pensionnat. Il ressemble fortement à Yu mais prétend être quelqu'un d'autre. Kazuhiko commence par être fasciné par Kaoru...

Summer Vacation 1999 est une superbe adaptation libre d'un des chefs d'œuvres du manga shojo, Le Cœur de Thomas de Moto Hagio publié en 1975. Le Cœur de Thomas appartient au shōnen'ai, un des sous-genres du shojo qui se caractérise par sa description des relations intimes entre jeune garçon. Par son côté chaste et sa prédilection pour les atmosphères romantiques, il anticipe mais se différencie également du boy's love qui sera bien plus explicite dans sa description de l'homosexualité masculine. On peut considérer que Moto Hagio, avec d'autres de ses collègues féminines ayant émergé du mouvement du groupe de l'An 24, est une des fondatrices de ce courant qu'elle alimentera aussi avec un autre de ses titres phares, le récit vampirique Le Clan des Poe publié à la même période. Esthétiquement et thématiquement, ces titres se caractérisent par la profonde androgynie de ses personnages masculins, la délicatesse et l'onirisme de ses atmosphères trouvant leur inspiration dans la culture européenne, et notamment cinématographique puisqu'une des influences de Moto Hagio sur Le Cœur de Thomas sera le film Les Amitiés particulières de Jean Delannoy - on peut soupçonner aussi qu'un film comme Marianne de ma jeunesse de Julien Duvivier a très certainement eut un impact important sur ce courant.

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Le film de Shusuke Kaneko s'avère une adaptation assez fidèle, suivant en grande partie la trame du manga hormis sa conclusion assez différente. Summer Vacation 1999 possède cependant sa propre identité, ses singularités que l'on peut en partie attribuer à Rio Kishida, collaboratrice phare du cinéaste d'avant-garde Shūji Terayama pour lequel elle signa les scripts de Les Fruits de la passion (1981) et Adieu l'Arche (1984). Summer Vacation 1999 se caractérise ainsi par un côté hanté et une dimension fantastique bien plus prononcée. Le film s'ouvre sur le suicide de Yu (Eri Miyajima), désespéré après avoir été éconduit par son camarade de pensionnat Kazuhiko (Tomoko Ōtakara), et qui va se jeter d'une falaise non sans avoir adressé une ultime lettre d'adieu à son aimé. Cette entrée en matière mystérieuse et désespérée envoute d'emblée, par son côté flottant et gothique jouant du contraste entre l'incroyable décor isolé du pensionnat à la pure architecture occidentale et le fait d'avoir des adolescents japonais. Shusuke Kaneko assume les spécificités et influence du manga, et en use pour installer un climat d'inquiétante étrangeté, entre psychanalyse et expression du surnaturel. C'est notamment le cas en choisissant de rejouer l'androgynie des héros de papiers en les faisant jouer par des actrices, les traits, la silhouette et démarche de ces dernières ne laissant jamais planer le doute quant à leur genre (et laissant planer l'influence du théâtre Takarazuka, forme sous laquelle fut d'ailleurs aussi adapté Le Coeur de Thomas) mais provoquant un trouble croissant chez le spectateur - on peut soupçonner un Bertrand Mandico d'avoir probablement vu ce film avant de s'attaquer à Les Garçons sauvages (2017). Autres partis-pris audacieux, celui de s'appuyer justement sur la photogénie de ses actrices uniquement, tout en les faisant doubler par d'autres interprètes ce qui ajoute une touche de bizarrerie mais contribue aussi à la dissonance de leurs émotions.

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Cette tonalité hantée s'illustre par le choix de vider le pensionnat de ses élèves en faisant se dérouler l'intrigue durant les vacances d'été. Cependant, le dernier jour de classe et le tumulte des départs n'existe que par le son tandis que les espaces sont vides, hormis les trois élèves contraints de rester, et qui avaient tous un lien affectif avec le disparu Yu. Un quatrième et nouvel élève va s'ajouter à eux, Kaoru (Eri Miyajima) qui s'avère le sosie parfait de Yu. Coïncidence étrange, fantôme venu les hanter, doppelgänger cherchant à les tourmenter, les questions abondent quant à cette ressemblance improbable. Cependant, le caractère bien trempé de Kaoru s'avère aux antipodes de la timidité de Yu même si chacune de ses actions constitue une réminiscence déstabilisante pour ses compagnons. Sa présence sert de révélateur aux autres quant à leur sentiments non résolus par rapport à Yu. Pour l'aîné Naoto (Miyuki Nakano) c'est le "retour" d'un rival alors qu'il est amoureux de Kazuhiko. Ce dernier est rongé par la culpabilité de sa responsabilité dans le suicide de Yu, sentiment ravivé par la présence de Kaoru. C'est aussi l'occasion pour lui de s'interroger sur les raisons l'ayant amenée à rejeter Kaoru dont on comprend qu'il partageait sans doute l'attirance. Enfin le cadet Norio (Eri Fukatsu, seule actrice non doublée et qui fera une grande carrière par la suite, vue dans Haru de Yoshimitsu Morita (1996) ou encore Vers l'autre rive de Kiyoshi Kurosawa (2015)) voyait en Yu son seul ami et camarade de jeu alors qu'il était rejeté par les autres.

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Shusuke Kaneko installe un décorum rétrofuturiste, où la modernité incongrue (les adolescents travaillant sur des écrans d'ordinateur qui ajoutent involontairement à la touche vintage) s'invite dans un cadre convoquant justement un certain romantisme occidental et nostalgique. On se demande parfois si tous les protagonistes ne sont pas justement des fantômes rejouant la comédie d'émotions et culpabilités passées, par exemple par le fait qu'ils soient livrés à eux-mêmes sans la moindre présence d'un adulte, et l'aspect isolé du pensionnat. L'ambiance est en tout cas envoutante, les futilités et rires adolescents se disputant à des questionnements plus profonds sur l'amour, le deuil et le temps qui passe. Shūsuke Kaneko capture les extérieurs dans une magnificence pastorale baignée dans la photo diaphane de Kenji Takama, tandis que les intérieurs constituent un écrin sensuel où se libèrent les pulsions intimes, mais aussi se manifestent les possibles fantômes à travers les jeux d'ombres inquiétants et la colorimétrie bleutée. On est vraiment happé par cette touche étrange et introspective, appuyée par le score délicat de Yuriko Nakamura au piano, l'émotion fonctionne vraiment et l'ambiguïté sur les identités et intentions de chacun plane jusqu'au bout. Le film assume en effet une résolution fonctionnant davantage de façon sensitive et psychanalytique que logique, le côté hanté et répétitif existant jusqu'au bout, mais pour des protagonistes désormais apaisés et assumant leurs natures. Beau film s'emparant avec grâce et originalité des émois adolescents. 5/6

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Beule
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Beule »

À noter qu'à partir du 3 avril et jusqu'au 7 juillet, le Forum des images propose une thématique Portrait de Hong Kong.

C'est Nomad de Patrick Tam qui fera l'ouverture en avant-première de son exploitation salle par Carlotta.
On ne connaît pour le moment que la programmation d'avril. En dehors de deux vrais raretés, Mariage reporté de Bai Chen (1951) et The Wild Wild Rose de Wang Tian-lin (1960), on y trouve a priori peu d'inédits, du moins en vidéo. Il faut espérer que d'autres films seront programmés par la suite.
Reste que pouvoir découvrir ce délice de huangmeixi qu'est The Love Eterne sur grand écran, ça fait envie.

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Profondo Rosso
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Profondo Rosso »

Love and Action in Osaka de Yoshimitsu Morita (1988)

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Un jeune banquier convainc son père yakuza de se ranger et d’investir dans les casinos pour faire Osaka un nouveau Las Vegas. Les clans rivaux vont contrecarrer ses plans.

Tout au long de sa filmographie, Yoshimitsu Morita semble vouloir capturer dans ses intrigues et personnages une sorte de conflit entre intérêt matériels et questionnements existentiels. Sa manière d’aborder cet aspect oscille entre une approche ironique, stylisée et distanciée et au contraire une tonalité de mélodrame au choix flamboyant ou feutré. La première tendance paraît davantage s’inscrire dans ses films des années 80. La comédie noire The Family Game (1983) fait exploser le modèle de la famille japonaise traditionnelle, Sorobanzuku (1986) pose un regard outré et moqueur de la bulle économique par sa description farfelue d’une agence économique, et Kitchen (1989) semble détourner le premier degré du roman de Yoshimoto Banana qu’il adapte pour quelque chose de plus décalé dans l’imagerie et l’interprétation. Les années 90 sont au contraire le théâtre de drame poignants et osant le romantisme le plus appuyé dans des films comme Haru (1996) et Lost Paradise (1997). Cette interprétation n’est cependant pas figée puisque And Then (1985) est un somptueux mélo historique situé dans ces années 80 sardonique, quant au contraire le thriller Black House (1999) déchaîne une folie sidérante.

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Love and Action in Osaka constitue un intéressant entre-deux sur cette tonalité changeante de Morita. Il s’agit d’un film de yakuza, genre codifié s’il en est mais qui a déjà opéré sa mue, notamment dans les années 70 lorsqu’un Kinji Fukasaku a brisé l’image romantique du yakuza dans sa saga Combat sans code d’honneur. Durant les années 80, un Hideo Gosha tente aussi d’adapter les passages obligés du genre à des problématiques plus contemporaines, aux évolutions sociétales (l’importance stratégique des femmes dans Femmes de yakuzas (1986)). Creusant de nouveau cette problématique du matériel et de l’existentiel, Yoshimitsu Morita surprend encore dans Love and Action in Osaka. Les éléments classiques du film de yakuza, les rivalités et guerres de clans, sont bien présent mais comme étouffés, en sourdine tout au long du récit. Aux guerres d’égo et affrontements fratricides s’oppose un intérêt autrement supérieur, le profit financier. Le héros Toru (Toru Nakamura) est le fils d’un boss yakuza cherchant à se retirer du milieu. Toru est devenu un respectable banquier dont l’héritage familial ressurgit par intermittence lorsque la situation se tend, faisant presque figure de surhomme. Son passif lui sert à être sobrement mais fermement plus convaincant durant ses transactions, mais néanmoins il n’a pas suivi le chemin criminel. Dès lors il va choisir de reprendre les affaires et les membres du clan pour le démanteler et le faire muer en business respectable. Son rêve ? Façonner un Las Vegas japonais à Osaka. Il va se heurter à l’ancien clan rival Miike qui, fonctionnant selon les anciens codes, va chercher à contrecarrer ses plans sans même réfléchir au propre profit qu’il pourrait tirer d’un tel projet.

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Sans forcément se montrer condescendant envers les petites mains yakuzas, Morita montre un conditionnement au crime, un déterminisme insurmontable pour eux. Les anciens hommes de main et désormais employé de Toru ne peuvent s’empêcher de monter un trafic de drogue à son insu au sein du casino, Kirimiya (Masahiro Takashima) membre du clan Miike et ami d’enfance de Toru refuse les propositions de travail légal de ce dernier en se sentant redevable à sa « famille ». Morita exprime cette dualité à travers l’esthétique du film. D’un côté nous avons des décors transpirant le luxe et la superficialité « bling-bling » de cette opulence vulgaire de la bulle économique. De l’autre la photo de Yonezo Maeda gorge le film d’une teinte et de filtres violet constituant dans une sorte d’espace mental la prison et spirale inéluctable qui piège les protagonistes.

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On retrouve le brio de Morita pour capturer magnifiquement les espaces urbains, ici avec les vues nocturnes et omniscientes de la ville d’Osaka, notamment la réminiscence de ces travellings avant sur le fleuve Yodo-gawa entouré de néons représentant l’avancée inéluctable d’un destin tragique tracé - - le tout porté par le tube City Pop Osaka Bay Blues de Masaki Ueda. L’interprétation est remarquable, particulièrement Toru Nakamura sortant de ses rôles de chiens fous adolescents (dans la série Bebop High School ou The Shinjuku Love Story (1987)) pour incarner un élégant ambitieux, taciturne et charismatique. L’ironie de Morita par rapport au genre et codes yakuza se joue dans le duo aussi sournois qu’abstrait de chefs du clan Miike, et par certains éclats de violence aux excès dont le grotesque laisse apparaître la vacuité de ces batailles mafieuses. 4,5/6

Pour info la rétro Yoshimitsu Morita commencée l'an dernier à la Maison de la Culture du Japon à Paris reprend la semaine prochaine https://www.mcjp.fr/fr/la-mcjp/actualit ... a-31e94296
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Vic Vega
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Vic Vega »

Beule a écrit : 21 mars 24, 15:30 À noter qu'à partir du 3 avril et jusqu'au 7 juillet, le Forum des images propose une thématique Portrait de Hong Kong.
Le programme détaillé des séances dans le dossier de presse. Précision : les séances de juin et juillet ne sont pas encore définitives.
A noter que Christophe Gans profitera de la Carte Blanche qui lui est accordée pour présenter R.R.R..
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shubby
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par shubby »

Vic Vega a écrit : 8 avr. 24, 14:14
A noter que Christophe Gans profitera de la Carte Blanche qui lui est accordée pour présenter R.R.R..
RRRelève ? :)
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Profondo Rosso
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Re: Le Cinéma asiatique

Message par Profondo Rosso »

Haunted School de Hideyuki Hirayama (1995)

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C'est la veille des vacances d'été. Alors que la petite Mika se promène dans la cour de son école, un ballon rebondissant tout seul semble lui indiquer un chemin ; elle le suit, jusqu'à ce que dernier entre dans une aile de l'école fermée depuis des années... Une légende dit que cette partie du bâtiment est hantée par un fantôme nommé Hanako. Sans aucune nouvelle de la fillette, Aki, sa grande sœur, décide de partir à sa recherche. Arrivée sur les lieux, elle y rencontre trois garçons, et leur demande leur aide pour retrouver sa petite sœur... mais, à peine entrés dans l'école, nos quatre bambins se retrouvent pris au piège, enfermés avec d'étranges fantômes qui vont leur jouer bien des tours...

Gakkō no Kaidan est la première itération cinématographique d'une très fameuse franchise de l'horreur et du fantastique japonais des années 90. Il s'agit au départ d'une série d'ouvrages de Toru Tsunemitsu, un professeur qui se plaisait à conter à ses élèves des histoires de fantômes. Ce loisir ludique évolue en voyant les récits de Tsunemitsu passer de légendes urbaines locales à des histoires plus spécifiquement centrées autour de l'établissement scolaire, alimentés par les histoires inventées par les élèves entre eux. Cette somme va être couchée sur écrit et faire l'objet de plusieurs recueils dont le premier est publié en 1990, et qui va rencontrer un grand succès. En 1994, une première mini-série de six épisodes est produite avant que le studio Toho lance cette version cinéma réalisée par Hideyuki Hirayama.

Les livres et bien sûr le film participent à un mouvement voyant le folklore fantastique japonais s'inscrire dans l'ère moderne par un travail de préservation et de réinvention. Le mangaka Shigeru Mizuki avec son manga Kitaro le repoussant, puis ses dictionnaires des yokais (dans lesquels il répertorie, revisite les yokais traditionnels tout en en inventant de nouveaux) initie ce phénomène dans les années 60 et rend donne une dimension pop, familière et accessible au grand public (et plus précisément le jeune public) à ce bestiaire. L'autre élément reposera sur la dimension de légendes urbaines qui inscrit cette tendance dans le quotidien et marque l'essor de la j-horror dans de nombreux films, séries télévisées anthologiques. Dès la scène d'ouverture Gakkō no Kaidan témoigne de cet héritage par une séquence à la fois ludique et inquiétante, voyant un malheureux se faire approcher puis happer par un spectre à coup d'appels téléphoniques (qui évoque l'introduction du Scream de Wes Craven (1996) le fantastique en plus)). Cette entrée en matière s'avère être une histoire qu'un groupe d'écoliers se racontent sur les fantômes qui hanteraient l'ancienne écoles abandonnée qui jouxte la leur. Différentes circonstances amènent plusieurs enfants à être piégé le temps d'une nuit dans le fameux bâtiment, et de les confronter à des phénomènes surnaturels bien réel.

La structure du film est au carrefour de plusieurs influences. On pense dans un premier temps à une sorte de version pour enfant du célèbre House de Nobuhiko Obayashi (1977). Mais alors que ce dernier est un pur prolongement filmique des idées les plus folles de son auteur, dont la logique interne naît du seul inconscient, Gakkō no Kaidan avance davantage selon une formule. Le film est donc moins imprévisible et extravagant, apparaissant comme une variation japonaise des production Amblin des années 80, notamment par l'aspect spectaculaire et pyrotechnique des effets spéciaux. Les situations frisent donc constamment une horreur plus dérangeante et malsaine sans jamais y tomber, le plaisir reposant avant tout sur les dispositifs et les situations mises en place par Hideyuki Hirayama. Le travail sur le visible et l'invisible s'articule d'abord en développant ce monde parallèle des esprits, d'abord par les histoires puis par des éléments insidieux jouant sur des objets. Un artefact semble rompre la frontière entre les mondes dont les différences semblent plus poreuses. Hirayama use d'objets familiers dont le mouvement semble surnaturel avec ce ballon aux rebonds étranges intriguant une fillette, les raccords en mouvements et arrière-plans inquiétants participes à ce glissement grâce à une caméra tour à tour omnisciente ou subjective. Une fois piégé dans l'ancienne école, cette porosité passe par les miroirs reflétant un outre-monde angoissant et en définitive c'est l'architecture, la topographie même du lieu qui acquiert des proportions insaisissables. Les pièces s'agrandissent, rétrécissent, glissent et deviennent de plus en plus difficiles à distinguer.

Il y a parfois des idées inexploitées mais ayant exercé leur influence (la salle de musique et son orchestre démoniaque, idée réutilisée récemment dans le manga Dan Dadan), d'autres assez géniales mais pas totalement poussées à leur paroxysme comme la salle de classe à l'envers. Les effets spéciaux, entre numérique balbutiant, stop-motion, créatures oscillantes entre monstre tokusatsu et body-horror, sont très réussis et offrent des situations extravagantes à souhait même si la dimension de film pour enfant freine le tout avant la bascule plus inquiétante (les mains happant un jeune garçon au sol). Les personnages sont assez archétypaux tout en restant attachants, dont un personnage de professeur immature lié au passé de l'ancien bâtiment. Il manque donc un petit quelque chose pour faire du film un classique, mais c'est une belle réussite néanmoins qui rencontrera un immense succès au Japon. Trois suites (sorties en 1996, 1997 et 199) et d'innombrables spin-off seront produits dans la foulée, dont une série d'animation au début des années 2000. 4,5/6

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