Anecdotes des jurys cannois

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Répondre
Avatar de l’utilisateur
ed
Le Cary de l'hypoténuse
Messages : 24428
Inscription : 19 janv. 06, 15:33
Localisation : Californie, années 50

Anecdotes des jurys cannois

Message par ed »

Cela fait peut-être doublon, mais je n'ai pas retrouvé.
Je propose ici de lister - et je recenserai ensuite dans le post initial par ordre chronologique - les anecdotes, avérées ou supposées, des négociations ayant mené au palmarès du festival de Cannes - réécriture de l'histoire, trahisons et ressentiment inside.

Cannes 1960 : Georges Simenon et Henry Miller pongistes
Cannes 1961 : Viridiana in extremis
Cannes 1967 : Claude Lelouch démissionne du jury
Cannes 1976 : Sergio Leone et Costa Gavras parviennent à convaincre Tennessee Williams
Cannes 1977 : Rossellini se bat pour Padre Padrone et en meurt (oui, je fais un raccourci)
Cannes 1979 : Favre Le Bret impose Apocalypse Now à Françoise Sagan
Cannes 1980 : Favre Le Bret veut imposer Mon Oncle d'Amérique à Kirk Douglas
Cannes 1987 : Elem Klimov s'oppose aux Yeux noirs
Cannes 1989 : Spike Lee fait graver le nom de Wim Wenders sur sa batte
Cannes 1991 : Polanski n'a d'yeux que pour Barton Fink
Cannes 1996 : Le Président Coppola n'aime pas Crash
Cannes 1997 : Moretti-Machiavel
Cannes 2005 : "Bagarre" Toni Morrison-Emir Kusturica
Me, I don't talk much... I just cut the hair
Image
Avatar de l’utilisateur
ed
Le Cary de l'hypoténuse
Messages : 24428
Inscription : 19 janv. 06, 15:33
Localisation : Californie, années 50

Re: Anecdotes des jurys cannois

Message par ed »

Cannes 1967 :

Claude Lelouch démissionne du jury
"En 1967, j'étais l'un des membres du jury, présidé par le réalisateur italien Alessandro Blasetti. Je voulais voter pour J'ai même rencontré des Tziganes heureux du Yougoslave Aleksandar Petrovic. Le président du Festival, Robert Favre-Le Bret, m'a invité à déjeuner et m'a dit qu'il avait promis la Palme d'or à Michelangelo Antonioni pour Blow-up. Tout était donc arrangé à l'avance. Du coup, j'ai démissionné du jury avant les délibérations."
https://www.purepeople.com/article/clau ... _a184477/1
Me, I don't talk much... I just cut the hair
Image
Avatar de l’utilisateur
Thaddeus
Ewok on the wild side
Messages : 6181
Inscription : 16 févr. 07, 22:49
Localisation : 1612 Havenhurst

Re: Anecdotes des jurys cannois

Message par Thaddeus »

Le genre de topics que j'adore. Je sens que je vais me régaler à la lecture des anecdotes.
Du peu que je connais, il me semble avoir lu quelque part que Nanni Moretti avait subtilement (voire sournoisement) manoeuvré lors de l'édition 1997 (Présidente du Jury : Isabelle Adjani) pour faire triompher son chouchou Le Goût de la Cerise, qui n'avait pas forcément les faveurs des autres membres du Jury. Bien entendu, il faudrait des déclarations officielles et solides pour étayer ce "ouï-dire", mais je n'en ai pas. Ce sera donc à prendre ou à laisser...

edit d'ed : pour ce que la source vaut, c'est raconté ici : https://buzzles.org/2015/06/12/nanni-mo ... machiavel/
mais aussi là, plus simplement: https://fr.wikipedia.org/wiki/Festival_de_Cannes_1997
Avatar de l’utilisateur
ed
Le Cary de l'hypoténuse
Messages : 24428
Inscription : 19 janv. 06, 15:33
Localisation : Californie, années 50

Re: Anecdotes des jurys cannois

Message par ed »

Cannes 1996

Le Président du Jury, Francis Ford Coppola, n'aime pas Crash de David Cronenberg
"When then-jury president Francis Ford Coppola announced the award "for originality, for daring and for audacity", he stated that it had been a controversial choice and that certain jury members "did abstain very passionately".
Cronenberg lui en veut toujours
« Quand on me demande pourquoi Crash a eu ce Prix spécial du jury, je réponds que c’était une façon pour le jury de contourner la négativité de Coppola, parce qu’ils avaient le pouvoir de créer leur propre prix sans l’approbation du président. C’est comme ça qu’ils ont réussi, mais Coppola était vraiment contre ». Et Cronenberg de préciser que Coppola n’a même pas voulu lui remettre en mains propres « durant la cérémonie de clôture… Il a demandé à quelqu’un d’autre de le faire. Il ne voulait pas le faire lui-même. » Depuis, Cronenberg a croisé Coppola de nombreuses fois, « dans plusieurs festivals. Et la première chose qu’il me dit à chaque fois est : ‘Tu te souviens, on t’a donné ce prix’. Je me suis promis que la prochaine fois qu’il dit ça, je lui rappelle qu’il ne faisait pas partie de ceux qui voulaient donner un prix à Crash ». Le réalisateur acquiesce quand on lui parle d’un comportement « mesquin » et ajoute qu’il a lui-même été « président du jury de Cannes. Il y a toujours des prix qui ne vous semblent pas justifiés, mais ce n’est pas l’avis des autres membres du jury. Alors il faut rester élégant. Je ne crois pas que [Coppola] ait été très élégant ».
https://www.premiere.fr/Cinema/News-Cin ... Palme-d-or
Me, I don't talk much... I just cut the hair
Image
Avatar de l’utilisateur
ed
Le Cary de l'hypoténuse
Messages : 24428
Inscription : 19 janv. 06, 15:33
Localisation : Californie, années 50

Re: Anecdotes des jurys cannois

Message par ed »

Cannes 1991

La sélection est belle, mais le Président du Jury, Roman Polanski, n'a d'yeux que pour Barton Fink

"La veille de la délibération, il a organisé une petite soirée avec tous les membres du jury. Avec champagne à volonté. Et là, le Roman a fait picoler tous les jurés. Arrivé en fin de soirée, il lance : "Pourquoi on ne voterait pas maintenant pour la Palme d’Or, hein ce sera fait. De toute façon, on est tous d’accord hein ? C’est Barton Fink !"

Comme les jurés étaient tous murgés, ils ont validé… "Oui c’est bon ! Et le prix d’interprétation féminine, on le donne à la Veuve Cliquot !" Mais le lendemain, passé la gueule de bois, ça râle dans le jury. Ils remettent en cause le choix de la Palme d’Or. Polanski refuse de changer la décision alcoolisée de la veille. Pire, il décide de donner le prix d’interprétation masculine et celui de la mise en scène à Barton Fink.

En panique, la direction décerne des prix d’honneur à d’autres films. Par exemple, ils inventent un prix du meilleur second rôle masculin pour Samuel Jackson. Et surtout modifient le règlement : depuis 91, le jury ne peut plus donner 2 récompenses à un même film, sauf prix d’interprétation."

https://www.rtl.fr/culture/culture-gene ... 7900189849
Me, I don't talk much... I just cut the hair
Image
Avatar de l’utilisateur
AtCloseRange
Mémé Lenchon
Messages : 25426
Inscription : 21 nov. 05, 00:41

Re: Anecdotes des jurys cannois

Message par AtCloseRange »

Avatar de l’utilisateur
AtCloseRange
Mémé Lenchon
Messages : 25426
Inscription : 21 nov. 05, 00:41

Re: Anecdotes des jurys cannois

Message par AtCloseRange »

Wim Wenders et Do The Right Thing

https://www.cnc.fr/cinema/actualites/sp ... es_1496976

C'est un peu différent de ce que j'avais entendu à l'époque comme quoi Wenders aurait milité contre le film parce que Lee n'avait pas choisi à la fin de son film en citant à la fois Martin Luther King et Malcolm X.
Avatar de l’utilisateur
ed
Le Cary de l'hypoténuse
Messages : 24428
Inscription : 19 janv. 06, 15:33
Localisation : Californie, années 50

Re: Anecdotes des jurys cannois

Message par ed »

Cannes 1980

"Au début, tout se passa bien. Tout le monde donna son opinion sur les fils, et nous décidâmes d'attribuer la Palme d'Or ex-aequo à deux films : All that jazz et Kagemusha. A onze heures du soir, la décision était prise et l'on se sépara.
Les résultats devaient être proclamés le lendemain à midi. je demandai à M. Favre Le Bret si ma présence était nécessaire pour la lecture du palmarès. "Non, non, me répondit-il, ça n'est pas important". Le lendemain matin, à l'hôtel, je signai les papiers officiels.
Quelques heures plus tard, le directeur du festival voulut me faire signer une déclaration selon laquelle Mon oncle d'Amérique, un film français que nous avions placé en deuxième position, était en fait l'égal des deux films primés.
"Nous avons déjà voté, et j'ai signé les papiers", répondis-je
Favre le Bret insista pour que je signe ce nouveau papier, qui instituait trois vainqueurs ex-aequo.
"C'est malhonnête, je ne signerai pas ça".
Ce fut pourtant bien ce qu'il annonça lors de la conférence de presse où il m'avait dit que ma présence n'était pas nécessaire. Pour expliquer mon absence, il déclara à tout le monde que j'étais malade. J'étais furieux.
Je m'étais battu pour que All That Jazz remporte la palme parce que j'aimais ce film, mais les gens qui avaient travaillé dessus, estimant qu'ils n'avaient aucune chance de gagné, avaient quitté le Festival (...)
Peter Sellers et sa femme, eux, attendaient patiemment : on lui avait assuré qu'il allait remporter le prix du meilleur acteur pour Being There. En fait, on n'avait jamais envisagé de lui attribuer ce prix...
(...)
Je n'aurais pas dû enfreindre la règle que je m'étais fixée depuis mes années d'université : ne jamais présider quoi que ce soit"


Kirk Douglas, Le fils du chiffonier
Me, I don't talk much... I just cut the hair
Image
Avatar de l’utilisateur
Bens1912
Machino
Messages : 1292
Inscription : 9 juil. 19, 15:03

Re: Anecdotes des jurys cannois

Message par Bens1912 »

Cannes 1987

Elem Klimov a empêché Mikhalkov d'empocher la Palme d'Or pour Les yeux noirs, au seul motif qu'il n'aimait pas ses opinions politiques en URSS. Il a menacé de démissionner et le Président du Jury Yves Montand, a du la décerner à Sous le soleil de Satan, avec la réaction que l'on connaît ensuite. :mrgreen:
Avatar de l’utilisateur
Thaddeus
Ewok on the wild side
Messages : 6181
Inscription : 16 févr. 07, 22:49
Localisation : 1612 Havenhurst

Re: Anecdotes des jurys cannois

Message par Thaddeus »

Huit messages et déjà pas mal de casseroles pour Favre-Le Bret.
Avatar de l’utilisateur
ed
Le Cary de l'hypoténuse
Messages : 24428
Inscription : 19 janv. 06, 15:33
Localisation : Californie, années 50

Re: Anecdotes des jurys cannois

Message par ed »

Cannes 2005

"Nous avions attribué la Palme d'Or à L'enfant des frères Dardenne. Mais je me souviens surtout de la bagarre que j'avais eue avec la romancière Toni Morrison, qui faisait elle aussi partie du jury. Elle n'aimait pas du tout Broken Flowers, le film de Jim Jarmusch, que moi j'adorais. Bien sûr, elle avait le droit de ne pas l'aimer, mais elle utilisait des mots qui étaient trop durs. Dieu merci, on a quand même réussi à mettre le film au palmarès avec le Grand Prix."
https://laval.maville.com/actu/actudet_ ... 2_actu.Htm
Me, I don't talk much... I just cut the hair
Image
Avatar de l’utilisateur
ed
Le Cary de l'hypoténuse
Messages : 24428
Inscription : 19 janv. 06, 15:33
Localisation : Californie, années 50

Re: Anecdotes des jurys cannois

Message par ed »

Cannes 1976

Les jurés Sergio Leone et Costa-Gavras convainquent le président Tennessee Williams d'attribuer la Palme à un film qu'il juge "trop violent"

"Tennessee Williams, le président du jury, avait déclaré à la presse qu'il n'aimait pas du tout Taxi Driver, qu'il le trouvait beaucoup trop violent. Au dîner, Sergio Leone et Costa-Gavras nous dirent qu'eux aimaient le film. Nous pensions que Taxi Driver pouvait quand même décrocher un prix, peut-être pour son scénario, ou pour ses acteurs. Mais il a eu la Palme d'or ! Et ça, c'est grâce à Sergio Leone."
https://www.lemonde.fr/festival-de-cann ... 66360.html

https://faroutmagazine.co.uk/tennessee- ... xi-driver/
Me, I don't talk much... I just cut the hair
Image
Avatar de l’utilisateur
ed
Le Cary de l'hypoténuse
Messages : 24428
Inscription : 19 janv. 06, 15:33
Localisation : Californie, années 50

Re: Anecdotes des jurys cannois

Message par ed »

Cannes 1960

Georges Simenon, président du jury en 1960, milita contre ses jurés afin que la palme revînt à La Dolce Vita, de Fellini, qui l’avait enthousiasmé, et ne l’emporta que d’une voix après avoir convaincu entre deux parties de ping-pong l’écrivain Henry Miller de voter comme lui
https://www.radiofrance.fr/francecultur ... ry-9797200
Me, I don't talk much... I just cut the hair
Image
Avatar de l’utilisateur
ed
Le Cary de l'hypoténuse
Messages : 24428
Inscription : 19 janv. 06, 15:33
Localisation : Californie, années 50

Re: Anecdotes des jurys cannois

Message par ed »

Cannes 1961

La copie de Viridiana arrive le dernier jour sur la croisette, alors que les prix ont déjà été distribués, mais les jurés décident quand même de le voir. Bouleversés, le jury, présidé par Jean Giono, se réunit une dernière fois et s'accorde pour donner au film la Palme d'or. Luis Bunuel partagera la victoire avec Henri Colpi, qui avait été initialement choisi pour Une aussi longue absence.
https://www.francetvinfo.fr/culture/cin ... 90903.html
Me, I don't talk much... I just cut the hair
Image
Avatar de l’utilisateur
ed
Le Cary de l'hypoténuse
Messages : 24428
Inscription : 19 janv. 06, 15:33
Localisation : Californie, années 50

Re: Anecdotes des jurys cannois

Message par ed »

Cannes 1977

Le président du festival, Robert Favre Le Bret ne cache pas son soutien à Une journée particulière d'Ettore Scola.
Mais le président Rossellini tient à ce que ce soit Padre Padrone, des frères Taviani. Au risque de sa santé. Il meurt 5 jours plus tard.
Jacques Demy reprochera à Favre Le Bret d'avoir fait des jurés les « assassins » de Rossellini.

Giving the Palme d’Or to Padre Padrone was controversial. Most of the jury apparently wanted Ettore Scola’s A Special Day to win (though one jury member, Pauline Kael, disputes this). “The pressures on Rossellini to reconsider the decision were enormous,” wrote Mira Liehm in her book Passion and Defiance. The director stood firm. It has been suggested that behind-the-scenes arguments contributed to his death from a heart attack five days after returning to Rome from Cannes.

“I was keeping my father company in Cannes,” recalled his daughter, the actor Isabella Rossellini. “He loved Padre Padrone and was very proud that a film made in 16mm for television had won at such an important festival. It was a victory for my father’s ideas about what film should be. He was very involved with social problems and very much for low-budget cinema and reaching the largest number of people through television.”

https://www.theguardian.com/film/filmbl ... re-padrone
Me, I don't talk much... I just cut the hair
Image
Répondre