Michelangelo Antonioni (1912-2007)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Profondo Rosso
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Re: Michelangelo Antonioni (1912-2007)

Message par Profondo Rosso »

Le Cri (1957)

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Aldo est un journalier du nord de l'Italie. Il vit en couple avec Irma, tandis que le mari de cette dernière travaille en Australie. À la mort de ce dernier, Irma lui annonce qu'elle renonce au mariage et le quitte. Il quitte alors la ville avec sa petite fille et voyage pendant plusieurs mois sur les routes d'Italie, et rencontre alors de nombreuses femmes

Le Cri est pour Michelangelo Antonioni la fin d'un premier cycle dans son œuvre, d'ailleurs marquée par une pause de trois ans avant de revenir avec L'avventura (1960) qui inaugurera son âge d'or des années 60. Le Cri s'avère le croisement parfait entre l'influence néoréaliste et la veine plus existentielle de ses films à venir. L'aspect néoréaliste se ressent dans le choix de l'environnement du film, la plaine du Pô dans le nord de l'Italie, qui lui a déjà inspiré sa première réalisation, le documentaire de 11 minutes Les Gens du Pô (1943). Il y observait les populations démunies de la région dans ce style néoréaliste naissant, la coïncidence voulant que Luchino Visconti tourne à quelques kilomètres de là Les Amants diaboliques (1943), une des œuvres fondatrices du mouvement. Les premiers long-métrages d'Antonioni n'exploitent pas tant que cela ce cadre social démuni rattaché au néoréalisme avec les milieux bourgeois observés dans Chronique d'un amour (1950) ou encore Femmes entre elles (1955). De même le questionnement existentiel, le sentiment de vide et l'errance qui caractériseront les grands films des sixties n'y sont présent que par intermittence, Antonioni malgré un style formel qui s'affirme se reposant encore beaucoup sur le dialogue et le jeu d'acteur.

Le Cri vient poser une vraie évolution sur ces points. La désolation et la grisaille du cadre rural et ouvrier sert moins la vision d'un contexte social ici que le tourment des personnages. Les enjeux sont à la fois nébuleux et très concrets. Irma (Alida Valli) au premier abord délivrée par la mort de son mari éloigné depuis sept ans, y voit au contraire une source de culpabilité naître alors qu'elle s'apprête à quitter pour un autre l'homme qui fut son compagnon illégitime toute ces années et espérant le mariage. C'est Aldo (Steve Cochran), meurtri par la décision d'Irma qu'il ne peut accepter. Il y a également quelque chose d'insaisissable dans la décision d'Irma (pourquoi attendre la mort d'un époux absent pour aller avec l'homme qu'elle aime vraiment) dont on ne verra jamais le nouvel amour. La réaction d'Aldo s'avère tristement terre à terre, violent et machiste tout en témoignant de son désespoir lorsqu'il va gifler Irma sur la place du village aux yeux de tous. C'est d'ailleurs un des éléments où la quête de réalisme d'Antonioni ressurgit, puisqu'il avait soumis certains pans du scénario à des ouvriers de la région qui lui avaient signalés la fausseté de cette scène. Dans le scénario Aldo giflait Irma dans l'intimité de leur maison, réaction dissimulée trop "bourgeoise" alors qu'un "vrai" homme le ferait devant témoin. N'y tenant plus, Aldo s'enfuit avec leur petite fille Rosina (Mirna Girardi) pour une longue errance sans but.

Loin d'aller reconstruire sa vie ailleurs, Aldo traverse la désolation et le vide des paysages boueux formant les rives du fleuve Pô. Il n'a plus l'envie de travailler malgré ses compétences de mécanicien, plus le goût d'aimer malgré les tendres rencontres qu'il fera durant le voyage, et tout simplement plus la volonté de vivre même pour sa fille. Chaque "conquête" féminine représente un avenir possible à travers des femmes qui chacune à leur manière sont prête à l'aimer et le soutenir avec l'amour passé Elvia (Betsy Blair), la sensuelle et esseulée Virginia (Dorian Gray) ou la frivole Andreina (Lynn Shaw). A l'opposé des extérieurs où la silhouette d'Aldo s'estompe, les compositions de plan dans les intérieurs traduisent aussi sa distance aux individus, à l'humanité et à l'existence.Le rythme et la narration du film, incertains, contribuent à traduire le renoncement du héros, aidé par la présence éteinte de Steve Cochran étonnant quand on connaît son registre plus viril dans le polar ou western hollywoodien. Antonioni pousse cette logique jusqu'au bout et une conclusion traumatisante qui justifie le titre du film. Dernière marche avant les chefs d'œuvres, Le Cri est un film charnière. 4,5/6
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Courleciel
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Re: Michelangelo Antonioni (1912-2007)

Message par Courleciel »

Rétrospective Michelangelo Antonioni du 10 au 26 avril 2024 à la Cinémathèque Française
"- Il y avait un noir a Orly, un grand noir avec un loden vert. J'ai préféré un grand blond avec une chaussure noire a un grand noir avec un loden vert
- Dites-moi, mon petit vieux, pour faire de la littérature, attendez la retraite. Bonne appétit."
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