Ken Burns (et Lynn Novick)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Alexandre Angel
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Ken Burns (et Lynn Novick)

Message par Alexandre Angel »

Je profite de l'actualité de son beau Vietnam pour créer le topic d'un des plus grands documentaristes contemporains, qui le méritait bien.
Et pour l'inaugurer, voici un petit billet que j'avais posté ailleurs sur The War.
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Je sors d’un second visionnage de The War (le 1er avait eu lieu en 2008).J’aimerais un jour faire l’expérience de le voir en V.O. ne serais-ce que pour échapper aux chevauchements des voix des interviewés avec celles de leurs interprètes. Mais rien ne presse car je ne suis pas prêt de renoncer à la présence vocale de Philippe Torreton, habitué que je suis à l’entendre égrener, comme une litanie lancinante, les quatre villes protagonistes que sont Luverne dans le Minnesota, Waterbury dans le Connecticut, Mobile en Alabama et Sacramento en Californie.
The War est un film à deux facettes en fonction d'où l'on se positionne pour l'appréhender. Il est une americana dont les héros sont aspirés par le plus grand cataclysme de l’histoire humaine et il est aussi, dans le même jaillissement, l’histoire directe de ce cataclysme. Bertrand Tavernier, dans le substantiel texte qu’il consacre à Ken Burns, en général, et à The War en particulier, dans un numéro de Positif d’Avril 2008, souligne l’indélicatesse de ceux qui ont pu reprocher à The War son américano-centrisme. Ce n’est effectivement pas bien malin de leur part car l’œuvre est conçue de telle sorte que la spécificité de l’engagement américain dans la guerre est indissociable de la singularité tragique de ce qui s’est joué en Europe. The War raconte à peu près ce que narre The Deer Hunter (évocation douloureuse et humble du basculement d’une communauté dans la guerre) mais à une échelle incommensurable. Pas de place ici pour l’exaltation, pour l’élan patriotique, la célébration.. The War est ni plus, ni moins l’ histoire insondablement déchirante d’êtres de chair et de sang précipités dans la plus gigantesque tempête de métal de l’Histoire. Ce documentaire est aussi le plus grand film de guerre, complément indispensable d’œuvres de fiction que l’on a aimée et que bons nombres d’images vraies font ressurgir. The War rend caduque toute objection sur l'ambiguïté du spectacle de la guerre au cinéma et pas seulement parce qu'il est un documentaire. Car on y trouve ce spectacle (certaines images sont incroyables) en même temps que l'effroi qu'il suscite. Jamais un spectateur n’aura ressenti avec une telle acuité ce qu'il imagine être la réalité physique d’un combat, le sentiment d’insécurité, l’abattement psychique du soldat grâce à un montage aussi virtuose que savant qui agence au rasoir des archives de toutes origines, et prend le soin maniaque (c’est ce qui impressionne le plus) de toujours corroborer un propos tenu par l’image correspondante. De la solennité intimidante de William Walton à la respiration poignante du Concerto pour clarinette d’Aaron Copeland, en passant par les volutes aussi plaintives que félines de Wynton Marsalis, la musique, soigneusement établie, participe de la poésie incantatoire de l’œuvre. Des images cinéphiliques, disais-je, ressurgissent. J’en choisirais deux, pour moi parmi les plus fortes que le cinéma m’ait données sur le sujet. Celles qui nous montrent, à la fin de Hair, de Milos Forman les Marines s’engouffrer dans les ténèbres d’un avion de transport de troupes en partance pour le Viêt-Nam. Soldats aspirés, puis régurgités sous forme de spectres nippons par les mêmes ténèbres dans le génial segment de Rêves, de Kurosawa, intitulé « Le Tunnel ».
Deux images à la forte puissance métaphorique entre lesquelles nous ravage ce chef d'œuvre de Ken Burns, sur lequel je ne manquerai pas de revenir.
Concerto pour clarinette, d'Aaron Copland, qui renvoie au film le temps des 7 premières minutes, très poignantes, de l'interprétation ci-jointe, avec Benny Goodman à la clarinette.
Dernière modification par Alexandre Angel le 30 sept. 17, 23:09, modifié 5 fois.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Joshua Baskin
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Re: Ken Burns (et Lynn Novick)

Message par Joshua Baskin »

J'ai vu The war et The Civil War et j'ai évidemment adoré.
C'est de la grande fresque à l'américaine racontée par la petite porte puisqu'on est toujours proche de quelques personnages.

j'aimerai bien découvrir sa fresque sur l'histoire du Jazz.
En bonus, une musique qu'on entend de manière récurrente dans The Civil War et qui fait toujours son petit effet sur moi.

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Alexandre Angel
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Re: Ken Burns (et Lynn Novick)

Message par Alexandre Angel »

La classe! Je n'ai pas vu The Civil War, en entier mais ce n'est que partie remise.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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innaperfekt_
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Re: Ken Burns (et Lynn Novick)

Message par innaperfekt_ »

Le dernier récent sujet sur le documentaire d'OJ Simpson m'a fait, même si ce n'est pas son oeuvre, me replonger dans Ken Burns et je me suis rendu compte que je n'avais fait qu'esquisser un dixième de la filmographie du monsieur, souvent épaulé de Lynn Novick. Quand on creuse, y a évidemment énormément de choses intéressantes. Par exemple, j'ai vraiment hâte de me plonger dans le film retraçant l'expédition Lewis & Clark. On m'a aussi chaudement recommandé les 10 heures sur le baseball, même si on n'est pas adepte du sport. Mark Twain, l'histoire des Roosevelt, le jazz, Thomas Jefferson ou même les Shakers dans ses premiers travaux. Tout a l'air incroyable et passionnant. Je pense donc passer un peu l'année avec Ken et je m'en réjouis. J'espère réussir à tout trouver, étant finalement plutôt friand des adaptations françaises parfois chez lui, qui sont remarquables pour les oeuvres de Burns je trouve.

Très intrigante aussi, la mini-série The West par Stephen Ives où Burns n'est que producteur mais qui a l'air dans un style assez calqué, les deux ayant longuement travaillés ensemble sur PBS. Je ne sais pas si quelqu'un l'a déjà vu et recommande ?

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La filmographie complète :

Brooklyn Bridge (1981)
The Shakers: Hands to Work, Hearts to God (1984)
The Statue of Liberty (1985)
Huey Long (1985)
Thomas Hart Benton (1988)
The Congress (1988)
The Civil War (1990; 9 episodes)
Empire of the Air: The Men Who Made Radio (1992)
Baseball (1994; 9 episodes – updated with The Tenth Inning in 2010, with Lynn Novick)
Thomas Jefferson (1997; 2 episodes)
Lewis & Clark: The Journey of the Corps of Discovery (1997)
Frank Lloyd Wright (1998, with Lynn Novick)
Not for Ourselves Alone: The Story of Elizabeth Cady Stanton & Susan B. Anthony (1999)
Jazz (2001; 10 episodes)
Mark Twain (2001)
Horatio's Drive: America's First Road Trip (2003)
Unforgivable Blackness: The Rise and Fall of Jack Johnson (2005; 2 episodes)
The War (2007, with Lynn Novick; 7 episodes)
The National Parks: America's Best Idea (2009; 6 episodes)
Prohibition (2011, with Lynn Novick; 3 episodes)
The Dust Bowl (2012; 4 episodes)
The Central Park Five (2012, with Sarah Burns and David McMahon)
Yosemite: A Gathering of Spirit (2013)
The Address (2014)
The Roosevelts: An Intimate History (2014; 7 episodes)
Jackie Robinson (2016, with Sarah Burns and David McMahon; 2 episodes)
Defying the Nazis: The Sharps' War (2016, with Artemis Joukowsky)
The Vietnam War (2017, with Lynn Novick; 10 episodes)
The Mayo Clinic: Faith – Hope – Science (2018, with Erik Ewers and Christopher Loren Ewers)
Country Music (2019, 8 episodes)
Hemingway (2021, with Lynn Novick; 3 episodes)
Muhammad Ali (2021, with Sarah Burns and David McMahon; 4 episodes)
Benjamin Franklin (2022, 2 episodes)
The U.S. and the Holocaust (2022, 3 episodes, 7 hours total; produced and directed with the assistance of Lynn Novick and Sarah Botstein)
The American Buffalo (2023)
Dernière modification par innaperfekt_ le 9 févr. 24, 08:08, modifié 1 fois.
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harry callahan
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Re: Ken Burns (et Lynn Novick)

Message par harry callahan »

Très client des docus du monsieur. Vu The war, Vietnam, The civil war, Prohibition, The dust bowl, The Roosevelts, celui sur Ali bien sûr, sur les Etats-Unis face à l'Holocauste ( je crois bien ), je les ai tous aimés à divers degrés. Mes préférés doivent être ceux sur le dust bowl ( des images et des récits qu'on croirait échappés de l'Apocalypse, d'ailleurs un certain nombre d'habitants croyants de ces contrées reculées ont VRAIMENT cru voir arriver l'apocalypse biblique ), la prohibition, le Vietnam ( ce conflit était assez confus dans ma tête, grâce à Ken Burns c'est un peu plus clair ). Toujours très complet ( presque trop, moi qui adore l'histoire de la 2nde guerre mondiale, par moments j'ai calé devant The war ), avec des illustrations sorties d'on ne sait où mais très à propos, des anecdotes éclairantes. Pour les amateurs, je crois les avoir tous vu sur Arte ou Arte.tv, donc si vous en cherchez, commencez par là.
J'aimerais beaucoup découvrir ses films sur l'affaire des cinq de Central Park, Hemingway, le jazz, Lewis & Clark.

PS : en effet reprocher à The war son américano-centrisme c'est aberrant : ce serait comme reprocher à son film sur Ali de parler de Mohamed Ali ou à Bird de parler de Charlie Parker. C'est le principe même du film : on cause de l'Amérique pendant la seconde guerre mondiale à l'arrière, la vie chez l'Oncle Sam, les familles vivant la guerre par procuration, et tous les habitants envoyés sur les divers fronts où ont combattu les Américains. Je trouve ça même plutôt sain que Burns se limite à la guerre vu par le prisme américano-américain : déjà, j'imagine même pas la masse de documents qu'ils ont dû se fader pour aboutir à ce résultat, alors s'il avait fallu évoquer les fronts germano-soviétique, sino-japonais, les Balkans etc, la guerre vue par les Britanniques, Français etc, ils seraient encore dans la phase de recherches. Ken Burns parle de l'Amérique et seulement de l'Amérique dans The war et le restant de ses œuvres. C'est déjà suffisant et très bien comme ça.
[...]But being this a .44 magnum, the most powerful handgun in the world, and would blow your head clean off, you have to ask yourself one question : "Do I feel lucky ?". Well, do you, punk ?
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Re: Ken Burns (et Lynn Novick)

Message par innaperfekt_ »

harry callahan a écrit : 5 févr. 24, 09:39 Pour les amateurs, je crois les avoir tous vu sur Arte ou Arte.tv, donc si vous en cherchez, commencez par là.
Actuellement sur arte, y a les séries sur la country music, l'Amérique et l'holocauste et la guerre de Sécession. Le reste n'est plus disponible en streaming gratuit.
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Alexandre Angel
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Re: Ken Burns (et Lynn Novick)

Message par Alexandre Angel »

Je réitère tout le bien que je pense de Country Music, un des grands opus de Burns (et le seul que j'ai en VO).
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Ken Burns (et Lynn Novick)

Message par innaperfekt_ »



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Re: Ken Burns (et Lynn Novick)

Message par harry callahan »

J'ignorais que ça existât : merci.
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Re: Ken Burns (et Lynn Novick)

Message par innaperfekt_ »

harry callahan a écrit : 30 mars 24, 22:51 J'ignorais que ça existât : merci.
C'est le tout dernier de Ken Burns, sorti en fin d'année dernière. On appréciera la réactivité d'arte sur l'adaptation et la diffusion.
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Re: Ken Burns (et Lynn Novick)

Message par Demi-Lune »

innaperfekt_ a écrit : 31 mars 24, 10:29
harry callahan a écrit : 30 mars 24, 22:51 J'ignorais que ça existât : merci.
C'est le tout dernier de Ken Burns, sorti en fin d'année dernière. On appréciera la réactivité d'arte sur l'adaptation et la diffusion.
Et c'est passionnant, une plongée dans l'histoire américaine par ce qui semble être de prime abord un petit bout de la lorgnette, mais qui renferme en réalité des perspectives vertigineuses sur la destruction écologique et culturelle charriée par la Conquête de l'Ouest. Moins monumental qu'un travail comme The civil war par exemple, mais peut-être plus fascinant au final. Chaudement recommandé. Tatanka !
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Re: Ken Burns (et Lynn Novick)

Message par harry callahan »

Cette problématique était déjà abordée brièvement dans l'excellent Dust bowl
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Re: Ken Burns (et Lynn Novick)

Message par innaperfekt_ »

Mohamed Ali (2021) disponible sur arte jusqu'en septembre. À ne pas louper.
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