Jean Eustache (1938-1981)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Alexandre Angel
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Re: Jean Eustache (1938-1981)

Message par Alexandre Angel »

Alibabass a écrit : 2 juin 22, 12:13 Votre vie vont changer.
Au tableau..
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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Flol
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Re: Jean Eustache (1938-1981)

Message par Flol »

C'est pour quand la sortie en bluray, déjà ?
(peu de chances que j'aille le découvrir en salle)
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Alibabass
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Re: Jean Eustache (1938-1981)

Message par Alibabass »

Je pense pour la fin de l'année.
Ok au tableau, c'est quoi la phrase, comme dans l'intro de Bart dans les Simpsons.
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AtCloseRange
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Re: Jean Eustache (1938-1981)

Message par AtCloseRange »

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Alibabass
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Re: Jean Eustache (1938-1981)

Message par Alibabass »

Je viens de retrouver une critique écrite par moi-même il y 12 ans pour un Webzine. C'est une de mes premières review pour un film. C'est Mes Petites Amoureuses (1974).

Les films de Jean Eustache sont rares, et dans les deux sens du terme : autant dans la façon de traiter ses personnages que de se procurer ses films. Pour la dernière option d’ailleurs, les cinéphiles attendent depuis plus de 15 ans un (possible) coffret de ses longs et courts métrages. Je sais pas si un jour cet affaire de droits d’auteurs entre Boris Eustache et Tamara Distribution prendra fin, mais c’est assez frustrant. D’ici là, heureusement que la cinémathèque Française continue à parler et à diffuser les films de l’auteur lors des rétrospectives.


Regarder “La maman est la putain” (1973) est un véritable choc cinématographique et personnel pour ma part. Découvert lors de sa diffusion en 1997 sur Canal+ dans la case du lundi soir, son titre portait pour moi le titre d’un morceau de Diabologum, en provenance de l’album #3 (1996). Il m’avait tellement bouleversé que sa diffusion était en soit en évènement. Cette histoire sur les mots et les maux d’amour à trois, dans une temporalité tellement rare au cinéma et dans une progression unique, est resté pour moi comme un modèle inséparable pour comprendre l’âme humaine et le cinéma. Son intelligence et son style était très loin de La Nouvelle Vague, et dans “La maman et la putain” son dosage entre le silence des regards et l'extrême puissance des mots a quelque chose de totalement hors du temps.


Un an après son Grand Prix au festival de Cannes, l’auteur décide de réaliser un film sur l’enfance, et sur la découverte de l’amour. Vue comme ça, à regard d’enfant, ça a l’air très simpliste et à la fois très délicat. Entre “Les 400 Coups” d’un Truffaut et le transgressif “Mais ne nous délivrez pas du mal” de Joel Seria, le choix est de taille. C’est plutôt dans celui du naturalisme qu’Eustache a choisi son traitement, en filmant la campagne et la ville. Dans le film, Daniel découvre le désir d’une fille lors d’une communion et le travail d'émancipation, de la vie en clair, s'accorde à merveille. Le cinéaste raconte le tout avec une certaine rigueur dans le fond et la forme : épuration des plans ; calme serein de l’atmosphère ; textes entre l’écriture cinématographique et littéraire. C’est à la fois abstrait et totalement riche, et ça montre que la perfection au cinéma n’existe pas. En effet, les protagonistes sont parfois approximatifs dans leurs jeux, mais ce côté bancal est d’une délicatesse propre à toucher le réel. “Mes Petites Amoureuses” a aussi le goût d’une époque révolu, touchant à la mélancholie.


La peur et le doute sont au centre du personnage principal, dans la découverte des flirts que des les rapports des corps. Sur ce point là, le film est une leçon de sensibilité, s’abritant jamais dans la vulgarité. La solitude est aussi un point important du film, au moment ou Daniel part pour Narbonne afin d’habiter avec sa mère (Ingrid Caven, dans un rôle passif et à son image). Les séquences dans le cinéma sont touchantes, s’inscrivant dans la fascination qu’avait Jean Eustache pour le cinéma étant adolescent. Le parallèle sur la passion et les rapports amoureux sont du cinéma dans le cinéma : la diffusion de “La Paloma” (Daniel Schmid) et les amours avec l’hésitation de ses premiers moments. Des captations d’une grande sincérité, jusqu’au moment de l’âge adulte. La vérité de l’amour à ce âge s’inscrit hors du cinéma parfois, touchant à chacun de nous. A noter la présence de Maurice Pialat, dans un rôle grincheux en cohérence avec l’auteur.
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Re: Jean Eustache (1938-1981)

Message par leprechaun »

Aucune nouvelle des version physiques ? Pour la Maman et la putain ? J'ai du le revoir par mes propres moyens, ça me désole...
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Jack Carter
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Re: Jean Eustache (1938-1981)

Message par Jack Carter »

Certainement 2024.
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Thaddeus
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Re: Jean Eustache (1938-1981)

Message par Thaddeus »

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La maman et la putain
Bien des cinéphiles, des historiens et des exégètes considèrent ce litanique soleil noir, cette longue éducation senti-mentale d’un jeune dandy intellectuel de Saint-Germain, comme l’un des plus grands films français de l’histoire, quelque part entre La Règle du Jeu et Le Mépris. Incontestablement Eustache s’y livre sans retenue, préférant au récit d’une aventure précise la description d’une période de latence, la lente apparition d’êtres en panne, en vacation, en rupture de vie. Film en guerre contre tous les compromis et tous les accommodements, tableau ironique et désespéré des mœurs parisiennes de l’après-mai 68, de ses impasses affectives et sexuelles, l’œuvre fixe la solitude, le désarroi et la nausée, réfléchit la difficulté d’être, d’aimer et de filmer, en chevauchant le feu d’une logorrhée célinienne. 4/6

Mes petites amoureuses
S’il suffisait d’une certaine austérité de la mise en scène, d’un refus systématique de l’accessoire, d’un découpage rigide refermé sur chaque séquence, d’une direction d’acteurs contraignante avec des comédiens qui disent faux ou parlent de façon monocorde, d’une prédilection pour les moments creux de la vie, alors ce film serait bressonnien. S’il fallait se satisfaire de la vision rugueuse d’une France rurale sans tension ni drame, d’un intimisme parfois goguenard et parfois désespéré, parfois attendri et parfois suicidaire, on pourrait songer à Pialat. Mal assuré, peu rigoureux, trahissant bien des défauts qui sont autant de maladresses et de ruptures dans l’unité du récit, cette chronique estivale des premières atteintes de l’âge adulte témoigne cependant d’un charme et d’une sensibilité personnels. 3/6

Une sale histoire
Eustache filme la confidence crue d’un homme qui raconte comment il est devenu voyeur, puis duplique le document sur le mode de la fiction. Mais il inverse l’ordre de projection, suggérant ainsi que l’œuvre ne peut être séparée de sa genèse et incitant à prendre conscience de l’écart entre la réalité et son image. Ce dispositif, qui tente de se mettre et de nous mettre hors la loi (du récit cinématographique, des convenances morales), est un piège dans lequel on glisse sans point d’appui, et dont l’obscénité est d’abord celle que l’on y met. Métaphore ironique d’une vision arbitraire de l’art, capable d’aller jusqu’au bout du silence sans cesser de parler : un concept très (trop) théorique, certainement pas un beau film, peut-être pas davantage un bon film, mais probablement le seul qui s’imposait à son auteur. 4/6


Mon top :

1. La maman et la putain (1973)
2. Une sale histoire (1977)
3. Mes petites amoureuses (1974)

Le destin d’Eustache ressemble fort à celui d’un réalisateur maudit, bien qu’il ait toujours refusé cette étiquette. Adepte d’un cinéma direct à ras de l’anecdote, l’artiste témoigne d’une sensibilité provocante et écorchée, d’un romantisme désabusé qui s’expriment en un réseau complexe de banalités sentencieuses, de verve crue et de jeu de la vérité. Sans forcément y adhérer pleinement, je ne peux qu’admettre la profonde singularité qui en émane.
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Re: Jean Eustache (1938-1981)

Message par leprechaun »

Merci, on attendra patiemment :)
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Re: Jean Eustache (1938-1981)

Message par Supfiction »

odds against a écrit : 4 janv. 24, 10:18
Jack Carter a écrit : 2 janv. 24, 10:16 Confirmation pour le Coffret Eustache pour le 16 avril
https://www.cinefeel.fr/dvd/35450200879 ... ay-livret/
Bonne Année à tous. La meilleure nouvelle pour démarrer l'année et, avis tout à fait personnel, la sortie la plus importante et la plus attendue.
A signaler sur Canal plusieurs films en ligne (Le père Noel a les yeux bleus, Mes petites amoureuses..) dont certains objets filmiques témoins d'une époque très très lointaine tel que La rosière de Pessac dans lequel on récompense une jeune fille méritante ou encore Numéro zéro /Odette Robert dans lequel il écoute sa grand-mère raconter sa vie d'antan.
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Barry Egan
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Re: Jean Eustache (1938-1981)

Message par Barry Egan »

Du côté des Robinson

Premier essai assez sauvage, tourné sur le vif, à l'arrache avec des comédiens amateurs. De la verve, une peinture sèche d'un milieu parisien versant aride, qui essaie de trouver sa place dans le monde des loisirs. Une belle bande d'obsédés aussi.

Le Père Noël a les yeux bleus

Obsédés qu'on retrouve ici, pas tellement changés, toujours aussi miséreux. Plus de maîtrise technique, et Léaud vraiment à part dans tout le casting, ne serait-ce que par l'accent. On sent qu'il s'est beaucoup amusé à tourner les scènes déguisé en Père Noël, c'est très communicatif.

Mes petites amoureuses

Comme un Bresson qui serait vraiment naturel. La diction des personnages est plate sans être fausse ou forcée. J'ai vraiment eu l'impression d'être parmi ces gens. La photographie est magnifique, le petit acteur est stupéfiant, et le parti-pris de départ fonctionne. Eustache introduit son personnage par la voix off, nous montre un gamin en cogner un autre gratuitement, et puis nous demande de suivre ce garnement et de l'aimer, ce qui n'est guère évident au départ, jusqu'à ce qu'on comprenne ce qui cause ce comportement et qu'il est complètement ailleurs parmi la société de son temps. Voilà un gamin qui recherche une vraie affection plutôt qu'un mariage. La caméra dit que les petits moments de tendresse qu'il aura glanés de ci de là ont leur grande valeur, tout en montrant son personnage essayer de rattraper le groupe (dernier plan). Grande réussite.

Les Jardins des Délices de Jérôme Bosch

35 minutes passionnantes sur une œuvre incroyable dont je ne connaissais pas les détails, que je ne connaissais que par allusions et quelques vues de ci de là. L'impression que c'est un peu le "Salo" d'Eustache par son sujet, une dénonciation directe/indirecte d'un monde qui sombre.

Les Photos d'Alix

Hilarant !

Offre d'emploi

Là encore, on retrouve du Bresson, j'ai pensé à "L'Argent", que ce court précède, pour le ton et quelques plans qui coupent les corps, et pour les silences. Et dire que c'est passé à la télévision en son temps !
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