Agréablement surpris et séduit par
Glass, film fragile imparfait mais aux idées et conception du récit cinématographique extrêmement stimulants, témoignant d’une foi rare dans la capacité d’enchantement du cinéma.
Un peu comme le dernier Eastwood,
Glass est une renaissance qui renoue avec la veine incantatoire et ambitieuse du réalisateur de
Sixième sens, en particulier avec sa part la plus distinctive: la croyance par delà l'invraisemblance et la conception quasi prophétique d’un cinéma fondé sur l’articulation regard, reconnaissance.
Plus réflexif que réellement dramatique, ne rejouant ni la carte de la genèse du super-héros ni celle de l’affrontement attendu entre super-héros,
Glass est un film assumant une forme de passivité, claustrophobe et minimaliste, un peu sur le modèle de la déconstruction d’un
Shock Corridor, et qui interroge la foi sous la pression du questionnement thérapeutique, réussissant à engager une réflexion passionnante sur le statut du super-héros, posé à travers la question du regard. Regard à partir duquel le super héros émerge et est reconnu: qu’il soit négatif comme le regard clinique du psychiatre, regard d’une mère pour son fils Elijah Price, d’un fils pour les exploits de son père, David Dunn ou bien encore d’une victime d’un rapt ( Casey Cooke) amoureuse d’un enfant ensommeillé dans un corps autre, Kevin Wendell Crumb. On le sait chez Shyamalan, et Glass le reconfirme de manière directe: tout spectacle est conditionné au regard d’un spectateur-admirateur. Suite de regards déterminant les corps, les aptitudes extraordinaires, se traduitsant par une lumière sans mystère, mise à plat des faits contre celle enténébrée d’une réalité fantastique, en clair-obscur, d’
Incassable et de
Split.
Il ne s’agit donc pas avec
Glass d’un retour aux sources. Mais d’une conclusion en forme de mise à l’épreuve de la foi, véritable moteur du cinéma de Shyamalan, à travers l’examen critique de la croyance, signe ici de folie ou de lésion cérébrale. A rebours du mouvement
d’Incassable, allant du scepticisme à l’expression d’une foi,
Glass frotte celle-ci au doute sceptique, suite à l’isolement des personnages et au mutisme du personnage central de cette trilogie, le prophète et méchant de l’histoire, Elijah Price.
C’est ce mutisme d’Elijah, ce silence, qui rend possible la crise de
Glass, en cédant la place de la foi, au doute et discours psychiatrique. Mais il est aussi étape nécessaire pour élargir la révélation du phénomène des super héros. Par la diffusion de leurs exploits, le plan d’Elijah ne prône pas seulement la mise en lumière massive du phénomène des super héros, par internet mais rappelle également l’idée que toute émergence procède d’une reconnaissance. Que toute existence d’un phénomène est solidaire d’un témoin, comme le film de ses spectateurs à travers un pacte de foi. À l’heure du flux ininterrompue d’images et du septicisme désenchanté, Shyamalan vient redonner une place de choix au spectateur, en nous rappelant que les spectateurs, loin d’être passifs, participent à leur insu d’une forme de reconnaissance universelle de l’extra-ordinaire, elle-même rendue possible par un saut de foi, suspension d’incrédulité. La foi comme condition d’émergence des futurs super héros.