King Vidor (1894-1982)
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Re: King Vidor (1894-1982)
Théâtre du Temple ressort cette semaine un des films les plus précieux de King Vidor avec Notre pain quotidien. La chronique est signée Justin Kwedi.
- Alexandre Angel
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Re: King Vidor (1894-1982)
Là, j'ai du bol. Cela ne pouvait mieux tomber, je dois le présenter ce soir! Merci Justin!!Jeremy Fox a écrit :Théâtre du Temple ressort cette semaine un des films les plus précieux de King Vidor avec Notre pain quotidien. La chronique est signée Justin Kwedi.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.
m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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Re: King Vidor (1894-1982)
J'avais immédiatement flashé sur Notre Pain Quotidien (1934) lorsque je le découvris il y a de cela une petite trentaine d'années au Ciné-Club d'Antenne 2 ou au Cinéma de Minuit, je ne sais plus (j'opterais pour la seconde solution).
Je me souviens avoir pris un double-pied invraisemblable : celui de la découverte en même temps que le sentiment de tomber sur la définition parfaite, en 1h14, du génie vidorien, comme un précipité de lyrisme et de spontanéité.
Notre Pain Quotidien, nous rappelle Justin Kwedi et nous explique King Vidor, dans son autobiographie intitulée La Grande Parade (A Tree is a Tree, en VO), est un film autoproduit.
Vidor, animé du désir (un pur désir de cinéma, ce qui dénote d'emblée quelque chose de moderne chez le cinéaste) d'exprimer ce que lui inspire l'air du temps, décide de s'atteler à la mise en images d'un sujet que lui dicte l'actualité américaine de 1934 : la collectivisation, par des Okies que la famine et la misère ont jetés sur les routes, des moyens de cultiver une terre qu'on leur a vendue pour une bouchée de pain.
Geste poétique avant d'être politique, ce projet de cinéma, qui pourrait mais qui n'a pourtant rien d'une commande gouvernementale soucieuse de communiquer sur le New Deal, se heurte à la frilosité des financeurs potentiels à tel point que Vidor, malgré le soutien de Charlie Chaplin, qui parvient à lui dégotter un contrat de distribution destiné à rassurer les banques, est obligé, pour financer son film, de mettre en gages sa voiture et surtout, sa maison.
Le hasard faisant bien les choses, sujet du film et conditions de sa réalisation se rejoignent pour ce miracle d'équilibre entre classicisme et expérimentation que constitue Notre Pain Quotidien.
Les comédiens devant être accueillis à l'arrache, abrités sous des tentes, la disposition communautariste qui transparait jusque dans la physionomie de leurs personnages n'a pas du trouver à se forcer.
Vidor a le génie naturel de faire du sujet de son film la condition implicite du tournage, et invente de ce fait le film participatif, la coopérative filmique. Un sentiment de vertige nous étreint lorsque nous prenons la mesure de ce qui sépare la modestie rugueuse des moyens de l'ampleur lyrique du résultat.
En fait, le spectateur est saisi de la même exaltation que la troupe de comédiens (parmi lesquels nous reconnaissons le fordien John Qualen) saisie elle-même du sentiment collectiviste des personnages qu'elle incarne.
Alors, Vidor est-il l'équivalent américain des grands représentants du réalisme soviétique? Il s'en faut de peu, c'est sûr.
Mais le lyrisme vidorien avance à pas feutrés.
Pendant l'écrasante majorité du film, nous avons affaire à une écriture d'un classicisme frontal, primitif et aussi rugueux que le sol durci et poussiéreux que John Keene essaie de crever à coups de pelle.
Les séquences se succèdent (y compris la péripétie convenue de la tentatrice gironde, qui écoute du jazz et roule des hanches, et "manque" d'arracher le héros à sa communauté)avec la simplicité, l'économie de moyens et la spontanéité de certains auteurs de bandes dessinées de l'époque avec lesquels la manière de Vidor entretient une certaine proximité graphique.
Je pense à Al Capp (surtout dans The Champ), voire à Segar ici même lorsque le boucher, en échange d'un violon de guingois que lui refourgue John Keene, lui concède un poulet dont le rachitisme provoque chez le spectateur un rire quelque peu nerveux.
Une science consommée, comme innée, de la vignette naïve et immédiatement signifiante, arrache au réel de ces moments de spontanéité (la danse villageoise et ses gigues échevelées)que l'on avait déjà rencontrés dans le beau Hallelujah (1929).
Si beaucoup de cinéastes américains des années 30 détenaient ce savoir faire concis et désarmant, aucun ne me semble l'avoir maîtrisé comme King Vidor, qui instille à ces enchaînements une subtile et sourde tension poétique (le panotage sur le réveil de la communauté, bicoques par bicoques, que porte une musique remarquablement inspirée, même de manière fruste, d'Alfred Newman).
Et puisqu'il faut bien qu'une tension, aussi subtile et sourde qu'elle puisse être, comme dit plus haut, se relâche, il en sera ainsi d'une manière si éblouissante qu'on a beau le savoir, on se retrouve, à chaque nouvelle vision, saisi de stupeur devant l'hallucinante profusion lyrique qui vient irriguer les 8 dernières minutes de Notre Pain Quotidien, aussi sûrement que l'eau, acheminée vers le maïs desséché par des apprentis géomètres, déblayeurs et terrassiers, viendra désaltérer la terre nourricière.
Séquence dont la musicalité métronomique (le "rumm, rumm, rumm, tchak!", "rumm, rumm, rumm, tchak!" entêtant des terrassiers) et l'engagement physique de ses participants finissent par s'imposer à notre ADN cinéphilique aussi sûrement que l'escalier d'Odessa du Cuirassé Potemkine.
D'ailleurs le film, qui rentrera dans ses frais, sera tout autant boudé par une délégation cinématographique soviétique (trop capitaliste) que par les tribunes de William Randolph Hearst (trop gauchisant).
Irrécupérabilité dont ce grand petit film, un des sommets de la filmographie vidorienne, peut être fier.
Je me souviens avoir pris un double-pied invraisemblable : celui de la découverte en même temps que le sentiment de tomber sur la définition parfaite, en 1h14, du génie vidorien, comme un précipité de lyrisme et de spontanéité.
Notre Pain Quotidien, nous rappelle Justin Kwedi et nous explique King Vidor, dans son autobiographie intitulée La Grande Parade (A Tree is a Tree, en VO), est un film autoproduit.
Vidor, animé du désir (un pur désir de cinéma, ce qui dénote d'emblée quelque chose de moderne chez le cinéaste) d'exprimer ce que lui inspire l'air du temps, décide de s'atteler à la mise en images d'un sujet que lui dicte l'actualité américaine de 1934 : la collectivisation, par des Okies que la famine et la misère ont jetés sur les routes, des moyens de cultiver une terre qu'on leur a vendue pour une bouchée de pain.
Geste poétique avant d'être politique, ce projet de cinéma, qui pourrait mais qui n'a pourtant rien d'une commande gouvernementale soucieuse de communiquer sur le New Deal, se heurte à la frilosité des financeurs potentiels à tel point que Vidor, malgré le soutien de Charlie Chaplin, qui parvient à lui dégotter un contrat de distribution destiné à rassurer les banques, est obligé, pour financer son film, de mettre en gages sa voiture et surtout, sa maison.
Le hasard faisant bien les choses, sujet du film et conditions de sa réalisation se rejoignent pour ce miracle d'équilibre entre classicisme et expérimentation que constitue Notre Pain Quotidien.
Les comédiens devant être accueillis à l'arrache, abrités sous des tentes, la disposition communautariste qui transparait jusque dans la physionomie de leurs personnages n'a pas du trouver à se forcer.
Vidor a le génie naturel de faire du sujet de son film la condition implicite du tournage, et invente de ce fait le film participatif, la coopérative filmique. Un sentiment de vertige nous étreint lorsque nous prenons la mesure de ce qui sépare la modestie rugueuse des moyens de l'ampleur lyrique du résultat.
En fait, le spectateur est saisi de la même exaltation que la troupe de comédiens (parmi lesquels nous reconnaissons le fordien John Qualen) saisie elle-même du sentiment collectiviste des personnages qu'elle incarne.
Alors, Vidor est-il l'équivalent américain des grands représentants du réalisme soviétique? Il s'en faut de peu, c'est sûr.
Mais le lyrisme vidorien avance à pas feutrés.
Pendant l'écrasante majorité du film, nous avons affaire à une écriture d'un classicisme frontal, primitif et aussi rugueux que le sol durci et poussiéreux que John Keene essaie de crever à coups de pelle.
Les séquences se succèdent (y compris la péripétie convenue de la tentatrice gironde, qui écoute du jazz et roule des hanches, et "manque" d'arracher le héros à sa communauté)avec la simplicité, l'économie de moyens et la spontanéité de certains auteurs de bandes dessinées de l'époque avec lesquels la manière de Vidor entretient une certaine proximité graphique.
Je pense à Al Capp (surtout dans The Champ), voire à Segar ici même lorsque le boucher, en échange d'un violon de guingois que lui refourgue John Keene, lui concède un poulet dont le rachitisme provoque chez le spectateur un rire quelque peu nerveux.
Une science consommée, comme innée, de la vignette naïve et immédiatement signifiante, arrache au réel de ces moments de spontanéité (la danse villageoise et ses gigues échevelées)que l'on avait déjà rencontrés dans le beau Hallelujah (1929).
Si beaucoup de cinéastes américains des années 30 détenaient ce savoir faire concis et désarmant, aucun ne me semble l'avoir maîtrisé comme King Vidor, qui instille à ces enchaînements une subtile et sourde tension poétique (le panotage sur le réveil de la communauté, bicoques par bicoques, que porte une musique remarquablement inspirée, même de manière fruste, d'Alfred Newman).
Et puisqu'il faut bien qu'une tension, aussi subtile et sourde qu'elle puisse être, comme dit plus haut, se relâche, il en sera ainsi d'une manière si éblouissante qu'on a beau le savoir, on se retrouve, à chaque nouvelle vision, saisi de stupeur devant l'hallucinante profusion lyrique qui vient irriguer les 8 dernières minutes de Notre Pain Quotidien, aussi sûrement que l'eau, acheminée vers le maïs desséché par des apprentis géomètres, déblayeurs et terrassiers, viendra désaltérer la terre nourricière.
Séquence dont la musicalité métronomique (le "rumm, rumm, rumm, tchak!", "rumm, rumm, rumm, tchak!" entêtant des terrassiers) et l'engagement physique de ses participants finissent par s'imposer à notre ADN cinéphilique aussi sûrement que l'escalier d'Odessa du Cuirassé Potemkine.
D'ailleurs le film, qui rentrera dans ses frais, sera tout autant boudé par une délégation cinématographique soviétique (trop capitaliste) que par les tribunes de William Randolph Hearst (trop gauchisant).
Irrécupérabilité dont ce grand petit film, un des sommets de la filmographie vidorienne, peut être fier.
Dernière modification par Alexandre Angel le 22 nov. 18, 23:46, modifié 3 fois.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.
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- Thaddeus
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Re: King Vidor (1894-1982)
Cela fait longtemps que je cherche à voir ce film sans y parvenir. Je dois avouer qu'en dernier recours, je me le suis procuré par des voies peu scrupuleuses mais... il me manque maintenant des sous-titres français. Puis-je savoir comment tu l'as vu ? Il existe une édition DVD/BR ?
- Alexandre Angel
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Re: King Vidor (1894-1982)
Oui, un dvd chez Lobster. Sinon, Lobster le ressort en salle (prétexte du texte de Justin Kwedi).Thaddeus a écrit :Il existe une édition DVD/BR ?
En fait, en l'espace d'une semaine, je l'ai revu en dvd puis en salle.
Dernière modification par Alexandre Angel le 29 oct. 17, 17:12, modifié 1 fois.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.
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Re: King Vidor (1894-1982)
Ok, merci. Je n'ai pas la possibilité de le voir en salle, d'où ma question.
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Re: King Vidor (1894-1982)
J'ai vu "L'homme qui n'a pas d'étoile" la semaine dernière et je me range du côté de ceux qui adhèrent au cabotinage de Kirk Douglas.. Par contre, je trouve cela dommage d'avoir établi des personnages féminins aussi forts pour les sacrifier de la sorte..
Bon, c'est un constat à nuancer pour le personnage de Claire Trevor, qui se révèle crucial pour l'intrigue mais son temps de présence est relativement réduit.
Pour Jeanne Crain, son personnage est étrangement expédié à la fin du film au profit du patibulaire Richard Boone.. Alors même que le nœud de l'histoire repose sur elle et sa volonté de garder les champs ouverts.
Bref, une demi-satisfaction pour ma part...
Pour moi, cela reste bien loin des sommets du réalisateur, que sont "The Fountainhead" et " Duel au Soleil"
Bon, c'est un constat à nuancer pour le personnage de Claire Trevor, qui se révèle crucial pour l'intrigue mais son temps de présence est relativement réduit.
Pour Jeanne Crain, son personnage est étrangement expédié à la fin du film au profit du patibulaire Richard Boone.. Alors même que le nœud de l'histoire repose sur elle et sa volonté de garder les champs ouverts.
Bref, une demi-satisfaction pour ma part...
Pour moi, cela reste bien loin des sommets du réalisateur, que sont "The Fountainhead" et " Duel au Soleil"
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Re: King Vidor (1894-1982)
Je découvre l'existence de ce coffret, tiens.Alexandre Angel a écrit :Oui, un dvd chez Lobster. Sinon, Lobster le ressort en salle (prétexte du texte de Justin Kwedi).Thaddeus a écrit :Il existe une édition DVD/BR ?
En fait, en l'espace d'une semaine, je l'ai revu en dvd puis en salle.
https://www.iletaitunefoislecinema.com/ ... epression/
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Re: King Vidor (1894-1982)
L'Oiseau de paradis (1932)
Ca met quand même pas mal de temps à démarrer avec quelques scènes qui frôlent le nanar, puis au fur et à mesure cela prend un ton plus aventures, drame avec une fin complètement inattendue qui surprend même pour l'époque. A voir principalement pour cela.
Ca met quand même pas mal de temps à démarrer avec quelques scènes qui frôlent le nanar, puis au fur et à mesure cela prend un ton plus aventures, drame avec une fin complètement inattendue qui surprend même pour l'époque. A voir principalement pour cela.
Blogs Perso, Cinéma de Minuit : http://cineminuit.fr.over-blog.com/
Cinéma Actuel : http://sallesobscures2.over-blog.fr/
"And Now Mr Serling"
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Re: King Vidor (1894-1982)
Ça !
Sauf que moi je mets 2/6. Audrey Hepburn est trop âgée pour le rôle et réussit pourtant mieux dans la première partie en jeune femme que dans la seconde quand elle est censée mûrir. Fonda s'en sort avec les honneurs. Nino Rota semble s'ennuyer à mourir. La "mort" d'Andrei à Austerlitz n'émeut pas. La bataille de 1812 est expédiée en quelques minutes, la toute-fin paraît presque plus développée que dans le Bondarchuk. C'est assez déséquilibré et le résultat ressemble un peu à un "Autant en emporte le vent" en morne, avec quelques moments iconiques. Il ne me reste plus que l'opéra de Prokofiev à découvrir et si je me sens d'attaque, je me mettrai au livre...