Alicia Vikander
Coqueluche de Hollywood et égérie de Louis Vuitton, Alicia Vikander est aujourd'hui à l'affiche de Danish Girl. En exclusivité pour L'Express Styles, elle nous raconte ce parcours fulgurant.
Au téléphone résonne le doux timbre de la voix d'Alicia Vikander, énergique malgré l'heure matinale sur la côte Ouest américaine, où elle émerge d'une nuit écourtée. La comédienne suédoise de 27 ans aborde la dernière ligne droite, décisive, d'une campagne intense pour les oscars, où tout fléchissement est éliminatoire.
La jeune femme prétend au trophée du meilleur second rôle 2016 pour Danish Girl, signé Tom Hooper, le réalisateur du Discours d'un roi. Elle y incarne Gerda Gottlieb, une peintre qui épousa, à 19 ans, en 1904, Einar Wegener (Eddie Redmayne), artiste danois entré dans l'Histoire pour avoir été la première personne à expérimenter la chirurgie de réattribution sexuelle. Einar Wegener deviendra Lili Elbe.
Depuis sa présentation au dernier festival de Toronto, un concert de louanges ne cesse d'entourer la prestation fascinante de naturel d'Alicia Vikander. La nomination qui lui tend les bras viendrait couronner une montée en puissance aussi irrésistible que rapide.
Voilà en effet six ans seulement qu'Alicia Vikander arpente les plateaux de cinéma. Fille d'une comédienne de théâtre, elle se rêvait, enfant, danseuse étoile. Un art pratiqué à la cadence infernale "de sept heures par jour, six jours par semaine" qui lui permet d'intégrer le prestigieux Ballet royal suédois à Stockholm. Au milieu de ce programme stakhanoviste, Alicia trouve le temps de passer une audition pour une série télévisée réalisée par Tomas Alfredson (Morse).
"Je n'ai rien dit à personne, de peur que l'on ne m'écarte du Ballet royal. Mais je savais que, si je décrochais le rôle, rien ne pourrait m'empêcher de l'accepter." Le virus du jeu a déjà pris possession d'elle. Nul besoin pourtant de batailler, car, une fois le rôle empoché, les dirigeants du Ballet ne lui font pas barrage. Mais, petit à petit, les sacrifices indispensables à une carrière dans la danse deviennent inconciliables avec son désir de cinéma.
Le saut dans l'inconnu
"Renoncer à devenir danseuse professionnelle et tirer un trait sur toutes ces années reste la décision la plus complexe que j'ai eue à prendre." Elle fait ce saut dans l'inconnu, en connaissance de cause. "18 films sont produits en Suède chaque année, explique-t-elle. Mener une carrière dans le cinéma n'a aucun sens chez nous. Seule la scène permet éventuellement de vivre de ce métier."
Alicia tente d'intégrer une école de théâtre. Echoue deux fois au concours d'entrée. Le mot "fin" semble donc inéluctablement devoir s'écrire au générique de sa courte trajectoire artistique et la jeune fille opte pour une fac de droit... où elle ne mettra jamais les pieds. Car, deux semaines avant la rentrée, son destin bascule soudain.
Elle passe les auditions pour Pure, que va réaliser sa compatriote Lisa Langseth. C'est l'histoire d'une jeune femme paumée qui tombe sous le charme d'un chef d'orchestre manipulateur. "Je savais que c'était à la fois ma première et ma dernière chance d'embrasser ce métier. Et que ce film me donnerait une reconnaissance inouïe." Ce qui va être le cas. Alicia Vikander rejoint le casting de Pure et la critique va bientôt louer la maturité, la grâce et l'énergie rebelle de son jeu.
La deuxième étape de ses brillants et fulgurants débuts, c'est l'aventure du film Royal Affair, qui va la lancer sur le plan international. Depuis des mois, le cinéaste danois Nikolaj Arcel cherche en vain dans son pays sa reine Caroline-Mathilde, dont la passion vécue avec le médecin de son mari fit scandale au XVIIIe siècle. Il élargit sa recherche à la Suède, et tombe sous le charme d'Alicia Vikander.
Travailleuse effrénée
Seul problème, mais de taille, celle-ci ne parle pas un mot de danois. Pour les essais, elle a appris le texte phonétiquement, mais elle ne saisit pas les consignes du réalisateur. Arcel l'engage malgré tout et lui donne deux mois pour maîtriser parfaitement la langue. Le lendemain, Alicia Vikander s'installe à Copenhague et relève le défi. Cette simple anecdote suffit à décrire le travail effréné mais jamais besogneux de la comédienne.
L'accueil de Royal Affair est enthousiaste et, comme prévu, planétaire. Tous les regards se braquent sur la révélation suédoise. Joe Wright la choisit pour jouer celle à qui Anna Karenine vole le premier amour de sa vie dans son adaptation du classique de Tolstoï. "Joe montait son film précédent à Pinewood, près de Londres, se rappelle Alicia, quand il a proposé de me rencontrer. Je me suis payé un billet d'avion et j'ai débarqué illico en me disant que, quoi qu'il arrive, je pourrais au moins raconter ce moment à mes futurs enfants."
Elle tourne dans la foulée Le Septième Fils face à Julianne Moore, puis Ex machina, film de science-fiction d'Alex Garland, l'adaptation de la série télé Agents très spéciaux par Guy Ritchie et Mémoires de jeunesse, où elle incarne l'écrivain Vera Brittain, méconnue en France mais icône féministe outre-Manche. Des rôles de femmes jamais réduites à des faire-valoir. "J'ai toujours essayé de me diriger vers des personnages forts par leur complexité et la diversité de leurs émotions. Et j'ai eu la chance que des cinéastes m'invitent dans de telles histoires."
Une histoire d'amour hors du commun
Celle de Danish Girl a un écho contemporain. A une époque où la question du genre est soumise à toutes les caricatures, le projet a eu toutes les difficultés à se monter. C'est Nicole Kidman qui, dès 2008, a cherché à porter à l'écran le roman de David Ebershoff qui sert de base au récit du film - elle voulait jouer le rôle finalement tenu par Eddie Redmayne. L'aventure fut de longue haleine, puisque tour à tour Charlize Theron, Gwyneth Paltrow et Marion Cotillard ont été pressenties pour le rôle de Lili.
Le combat semblait perdu jusqu'à ce que les producteurs de l'agence britannique Working Title montent au créneau. C'est que figurer dans Danish Girl tient du geste militant autant qu'artistique. "J'ai le sentiment que, pour la communauté transgenre, rien n'a fondamentalement évolué depuis la publication du roman, en 2000, elle souffre et reste pointée du doigt, regrette Alicia Vikander. Dans plusieurs Etats américains, certains qui avaient fait leur coming out ont même être licenciés sur-le-champ. Il était donc essentiel de participer à cette histoire, ne serait-ce que pour toutes les personnes transgenres rencontrées pendant la préparation du film. La peur naît toujours de l'ignorance. Tout ce qui peut mettre en lumière les transgenres ne peut qu'améliorer la situation."
L'interprétation d'Alicia Vikander est pour beaucoup dans la réussite du film. Elle joue avec finesse le quotidien d'une histoire d'amour hors du commun. Et Hollywood mise désormais sur elle. On l'attend bientôt dans Une vie entre deux océans, de Derek Cianfrance (Blue Valentine), face à son ex-fiancé Michael Fassbender, puis dans le nouveau chapitre de Jason Bourne qu'elle vient d'achever. Mélo, film d'action... aucun genre ne semble lui résister.
Alicia garde la tête, qu'elle a très bien faite, froide. "Je me souviens de mes débuts au moment de Royal Affair. Je me revois encore essayer de me débrouiller en interview avec le peu d'anglais que je maîtrisais, sourit-elle. Avoir vécu tant de choses exceptionnelles en si peu de temps me paraît sincèrement irréel." L'irrésistible ascension de la nouvelle étoile du cinéma commence à peine. L'expression "The sky's the limit" semble inventée pour elle.
Filmographie express
Anna Karenine, de Joe Wright (2012).
Ex Machina, d'Alex Garland (2015).
Royal Affair, de Nikolaj Arcel, avec Mads Mikkelsen (2012).
http://www.lexpress.fr/culture/cinema/l ... 55179.html
Un peu déçu pour ma part à la vision de ce Testament of youth / Mémoires de jeunesse beau, juste mais sans originalité. Là où j'attendais un film sur l'émancipation féminine au début du XXème siècle, j'ai découvert une nouvelle reconstitution de la vie d'une femme durant la grande guerre. Le film arrive un peu trop tard, après Downton Abbey (la saison 2 centrée sur le conflit mondial), Un long dimanche de fiançailles et autres films sur la grande guerre. Les personnages masculins sont trop vite expédiés, à part peut-être Kit Harington (Jon snow). J'aurai aimé voir davantage Dominic West dans le rôle du père. Reste Alicia Vikander toujours aussi juste et (faussement) fragile.Karras a écrit :Mémoires de jeunesse (7/10) : Un biopic un peu long à démarrer mais très émouvant lorsqu'il aborde les horreurs de la grande guerre qui vont forger le pacifisme de l'écrivain Vera Brittain. Le tout est joliment filmé dans une ambiance à la Downton Abbey et surtout interprété avec force par Alicia Vikander, encore une fois remarquable de justesse.