AtCloseRange a écrit :à Demi-Lune:
Je crois surtout que tu as tendance à ne pas prendre les films (ou alors tu te fies trop à certaines "hypes" - Scorsese en parle dans son documentaire sur le ciné Us) pour ce qu'ils sont dans leur contexte, celui d'une série B faite avec des moyens dérisoires.
A mon sens, ce type de film ne peut être jugé autrement, un peu comme les films d'Ida Lupino.
Je ne pense pas non plus qu'on puisse mettre ce Détour dans les grands films noir mais c'est un film ingénieux et original.
Je crois juste qu'il est toujours tentant de "défendre" de façon exagérée ce genre de film pour leur donner une visibilité qu'ils n'auraient pas sinon.
Pour moi aussi, le Ulmer ne vaut pas des films comme Gun Crazy ou The Big Combo même si là encore, l'économie n'est pas tout à fait la même.
Entièrement d'accord avec ACR, mais également Rick et Père Jules, à propos de ce qui pourrait s'apparenter à un délit de réputation.
La question n'est pas précisément, au moment d'aborder ce genre de film, de savoir s'il est à la hauteur de sa réputation, encore moins si les conditions de sa réalisation, et à fortiori de production, justifient cette posture iconique, même si, je te l'accorde, la tentation est grande.
Il faudrait plutôt penser naturellement le film dans son contexte, celle d'un genre qui, même parmi les spécialistes, n'a pas encore en 1945, engendré ses chefs d'oeuvre les plus aboutis (Siodmak a certes déjà livré
Phantom lady et
The strange affair of Uncle Harry, voire
The suspect, mais il n'est pas encore parvenu à cette maturité du traitement stylistique et narratif exprimées dans
The killers,
Criss cross ou
The file on Thelma Jordan, on pourrait dire la même chose d'Anthony Mann qui, en 1945, n'a signé "que"
The great Flamarion, idem pour Fleischer).
Alors qu'en est t-il de la situation du film noir en 1945 ?
Ses oeuvres les plus marquantes, pour l'essentiel, sont des productions au budget confortable,n'ayant pas encore offert ce prétexte aux petits studios d'exprimer avec une liberté presque subversive une autre vision de l'Amérique, celle qui a précisément séduit la critique européenne, celle des laissés pour compte, des marginaux qu'on verra traiter avec un relief rarement vu dans le cinéma américain jusqu'ici.
A tel point que pour nombre de ses auteurs (Abraham Polonsky, John Berry entre autres), Hollywood sera impitoyable et amènera le genre vers une stylisation plus glamour et moins "corruptrice" de l'envers de la société américaine de l'après guerre.
Certes, Detour n'est pas un joyau brut du film noir, en tant qu'aboutissement stylistique et narratif, mais la force de son propos, ses parti pris sociétaux, et la liberté de ton compensent aisément et par la même, le désigne tout naturellement comme un jalon du genre.
Concernant l'inventivité d'Ulmer, outre
The man from Planet X pour la science fiction, voire cet ovni que représente
The naked dawn dans le western, autre genre apparemment codifié qui a laissé une liberté d'action infinie à ses artisans les plus talentueux.