1. Dans leur immense majorité, les adaptations de livres au cinéma sont infidèles. Par là, il faut comprendre non seulement qu’elles s’avèrent incapables de transposer dans un film les thèmes d’un livre (quand bien même un dossier de presse prétendrait le contraire), mais aussi que les sentiments que le premier procure et la morale que l’on en reçoit sont parfois à l’opposé de ce que l’on trouve dans le second. Prenons, parmi tant d’autres, les exemples de deux adaptations récentes.
2. L’Etrange Histoire de Benjamin Button de Fitzgerald s’achève sur des pages qui produisent sur le lecteur une impression profonde : Benjamin, devenu bébé, n’a plus conscience de lui-même et son univers se réduit à quelques visages flous qui l’entourent et au goût tiède et sucré du lait. Et puis, tout est « obscurité», et le lecteur prend soudain peur. Parce que cette évocation de la mort survient dans un contexte nouveau, différent des sempiternelles descriptions de malade, de vieillard ou de jeune homme fauché dans la fleur de l’âge auxquelles nous sommes accoutumés et qui rendent la mort si familière qu’on ne la craint plus, elle fait apparaître devant notre esprit l’image d’un grand vide, d’une grande nuit silencieuse et oublieuse où rien n’est plus. Et l’on comprend alors que le cœur du récit de Fitzgerald ne contenait les thèmes du conformisme et du refus de la différence que pour mieux démontrer leur caractère dérisoire face à la mort, devant laquelle nous sommes tous égaux, Button comme les autres. Cette fable sur notre condition de mortel est contée sur un ton égal, où perce parfois une certaine ironie ; le récit coule comme une rivière, sans à-coups, ni rebondissements sans que rien ne soit dramatisé, ni expliqué, si bien que l’on en formule soi-même la morale. En adaptant l’Etrange Histoire de Benjamin Button au cinéma, David Fincher et son scénariste Eric Roth, ont ajouté l’histoire d’une femme en train de mourir sur un lit d’hôpital, écoutant le récit de la vie de Button (Brad Pitt) que lui lit sa fille, comme s’ils n’avaient pu ou su se confronter directement à la nouvelle de Fitzgerald. C’est au travers des peines et des souvenirs de cette femme que nous voyons l’histoire de Button. Ce dispositif narratif (récurrent dans le cinéma hollywoodien récent) a trois effets : il alourdit le récit par des allez retours temporels entre présent et passé et des évènements dramatiques (morts, histoires d’amour malheureuses ou accident de Daisy), il installe entre nous et Button un écran (cette femme qui se meurt) qui fait que nous ne percevons souvent de son histoire qu’un lointain écho et, surtout, il adjoint à la narration un ensemble de sous-intrigues et de commentaires explicatifs sur le temps (qui tiennent lieu non de contrepoint mais de surlignement inutile et prosaïque de très belles images). Il en va ainsi de cette invention d’une horloge dont les aiguilles tournent à l’envers, suggérant une relation de cause à effet absente du livre entre elle et Button. De la fable de Fitzgerald, ne demeure plus qu’un récit parasité et didactique, lesté de panneaux indicateurs, signes de cette maladie qui accable nombre d’adaptations : la volonté de tout rationaliser.
3. Le Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien finit sur le constat amer que la disparition de l’Anneau unique n’a pas débarrassé les hommes de la potentialité du mal, qui leur est consubstantielle. Lorsque commence le temps historique, et que Frodon revient dans la Comté, celle-ci a été mise à sac et est occupée. La destruction de l’Anneau n’a donc rien réglé, et le mal, d’une incarnation mythologique et extérieure à l’homme, est devenu le mal que nous connaissons, germe intérieur que l’on retrouve dans chaque homme. Surtout, le livre qui raconte l’histoire d’une sanctification, présente la pitié de Frodon à l’égard de Gollum comme la marque d’une force supérieure qui sauvera le monde. Cette pitié est constamment valorisée, et les batailles sont réduites à la portion congrue. L’adaptation cinématographique du Seigneur des Anneaux de Peter Jackson délivre une morale à l’opposé de celle du livre. C’est un film belliqueux, où l’on ne compte plus les scènes de bataille, et la pitié de Frodon, joué par un acteur souvent larmoyant (Elijah Wood), y est présentée comme une tare, qui serait le propre des dupes. Enfin, dans le film, une fois l’anneau détruit, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, la Comté n’étant pas occupée, comme si le mystère du mal pouvait être dénoué par la seule destruction d’un anneau, serait-il mythologique. On pourrait trouver dix exemples de ce type dans le film, où l’on observe une inversion des valeurs et du sens du livre.
4. Il serait futile de s’indigner que chaque adaptation soit infidèle, dans une mesure plus ou moins étendue. C’est un fait qu’il faut accepter, et ce que le cinéma prend à la littérature, il le lui rend ensuite au centuple en lui trouvant de nouveaux lecteurs. En revanche, il n’est pas inutile de chercher à comprendre les raisons fondamentales pour lesquelles un film diffère d’un livre, qui vont bien au-delà des considérations économiques et pratiques des producteurs et des adaptateurs, qui bien que nullement négligeables seront ici laissées de côté. Identifier certaines différences irréductibles existant entre la littérature et le cinéma qui font qu’une transposition est avant tout un processus de destruction d’un livre et de reconstruction d’un film sur les décombres d’un récit, voilà ce que l’on se propose de faire ici, dans l’espoir que, chemin faisant, apparaissent certaines caractéristiques du cinéma.
Le cinéma comme condensation d’un récit
5. Redoutable obstacle à toute adaptation, la durée limitée d’un film oblige l’adaptateur à condenser son récit. Là où le roman étire ses ailes au gré d’une durée de lecture variant selon le temps mis par le lecteur pour finir un livre, entrecoupée d’interruptions qui sont autant de fenêtres où son imagination se repose de la lecture et l’amplifie par son action, le film, sec et tendu, ne propose au mieux que deux ou trois heures de récit. Cette condensation du temps appelle une condensation de l’intrigue. L’adaptateur se trouve alors face à un dilemme connu : soit réduire l’armature de l’intrigue parce qu’elle est trop importante, soit tenter d’en faire rentrer la totalité ou presque dans une durée restreinte, au risque de la compresser. La seconde solution est toujours la plus mauvaise.
6. D’abord, elle accélère le récit et, ce faisant, modifie substantiellement le rythme et l’atmosphère du livre. Car bien qu’Hitchcock prétende que la fonction du cinéma est de dilater ou de contracter le temps, ce n’est qu’un instant, qu’un moment, qu’une scène pourra dilater alors que le film dans son ensemble fera subir au temps pris comme durée ou récit une contraction irréversible. C’est à cette moulinette du récit accéléré, compris comme une montagne russe où cause et effet, renversement de perspectives, révélations surprises, se chevauchent inlassablement que sont passés la plupart des grands romans adaptés. A l’atmosphère contemplative d’un livre est alors substitué dans son adaptation une logique de film d’action où des rebondissements successifs sont censés maintenir l’attention du spectateur. Le nombre de scènes s'est réduit et un effet grossissant se produit pour chaque scène conservée du fait de la condensation de l'ensemble. Ce qui est présenté comme fidélité au matériau d’origine n’est alors qu’un mimétisme de surface. Croire qu’il suffit de suivre l’intrigue d’un livre pour en conserver l’esprit est une idée reçue, car réduire un livre à un synopsis, c’est en perdre la beauté et négliger le sens qu’il véhicule ; en matière d’adaptation, c’est l’esprit qui doit prévaloir sur le texte.
7. Ensuite, cette accélération du récit a pour effet de modifier indirectement les thèmes du livre, qui en sont toujours le cœur, qu’irrigue le style du romancier. L'effet grossissant que nous avons évoqué plus haut bouleverse la hiérarchie des thèmes de l'histoire et une scène de transition dans un livre peut devenir au cinéma moment clef porteur d'un sens différent. Surtout, au rythme d’un livre correspond une fréquence sur laquelle certains thèmes peuvent s’épanouir tandis que d’autres péricliteront. Lorsqu’un livre traite de la mélancolie ou de la nostalgie, le romancier est contraint d’insuffler une langueur à son récit et à son style afin de permettre à cette mélancolie de pénétrer le lecteur. Si le film repose sur une fréquence différente, alors les thèmes qu’il aborde seront différents, et il en ira de même de leur effet sur le spectateur. Le rythme du film dicte le ton du film qui dicte lui-même ses thèmes. Tarkovski dans son livre Le Temps Scellé estime que le rythme d’un film procède du rythme intérieur de chaque scène, le rythme « exprimant le flux du temps à l’intérieur du plan ». Mais le cinéma est protéiforme, et le rythme peut tout aussi bien venir du montage comme chez Welles, où le tournoiement fou des images rend compte d’un monde absurde. Il est une autre difficulté : un film, bien souvent n’est en mesure de ne proposer qu’un seul rythme dans le temps réduit qui lui est imparti (et s’il en propose plusieurs, il n’est pas rare que cela déstabilise le spectateur, A.I. de Spielberg étant un exemple récent) là où un livre peut proposer quatre, cinq, voire dix rythmes différents selon le nombre de ses parties et des narrateurs qui les portent, chacune concourant à la formation d’une symphonie de thèmes quand le film n’est souvent qu’un seul mouvement du même tenant. La plupart des grands livres reposent sur des structures instables, en déséquilibre, où la sensation d’harmonie ne provient pas du livre mais des sentiments qu’il fait naître chez le lecteur. La plupart des films que l’on considère comme des chef-d’œuvres classiques sont à l'inverse des modèles d’équilibre, intrinsèquement harmonieux. En termes de structure, on pardonne moins aux films qu’on ne pardonne aux livres. Peut-être est-ce là l’origine de ces formules aussi vagues que limitatives de « vrai cinéma », « cinéma pur » ou a contrario « grand film malade ».
8. Au contraire, lorsque le cinéaste comprend si bien un romancier qu’il aurait pu écrire lui-même son livre, il n’éprouvera nullement le besoin d’accélérer le récit, et il saura afin d’en restituer l’esprit modifier la structure du livre, ou en couper une partie. Le Guépard de Visconti s’achève par un plan magnifique du Prince Salina (Burt Lancaster) s’éloignant seul au petit matin, le monde né des soubresauts de la révolution italienne n’étant plus le sien. Visconti ne filme pas la mort du Prince racontée par Lampedusa à la fin de son livre, où toute sa famille le pleure. Suprême intelligence, Visconti développe dans la scène du bal un passage où Salina imagine ce que sera sa mort en des phrases qui renvoient à ce qu’elle sera dans le livre. Surtout, en laissant ainsi vivre son récit, Visconti laisse aux spectateurs le soin d’imaginer cette mort dans leur esprit et souligne la solitude de Salina plus que ne le fait encore Lampedusa qui le fait mourir accompagné des siens à son chevet, y compris Tancrède. Alors, on pleure beaucoup en lisant ce passage et l’on pleurera moins chez Visconti, mais le sentiment de la solitude du Prince et de son appartenance à un monde passé, y est plus fort encore. C’est que Visconti faisait comme Lampedusa partie du monde de la noblesse qui disparaissait, et croyait, comme lui, que les révolutions trompaient toujours les paysans et les pauvres, qui selon leur thèse partageaient alors avec les nobles sinon leurs intérêts et leur fortune du moins un même sentiment d’abandon.
Le cinéma comme reflet trompeur de la réalité
9. Bien plus que le roman, le cinéma donne l’illusion de la réalité. Le livre crée peu à peu un monde ex-nihilo, selon les plans d’un architecte dont nous verrions la construction s’ériger chaque jour, qui sollicite l’imagination du lecteur pour venir combler les vides. Là où un film peut tétaniser un spectateur, un livre requiert toujours du lecteur une participation active. Si le livre peut se hisser si haut dans notre esprit et graver sa marque en nous c’est parce qu’il peut parfois prendre appui sur notre imagination.
10. Un film, au contraire, produit dès le premier plan l’illusion d’un monde réel car dans cette image que nous voyons, nous reconnaissons des objets et des contours familiers. Dans son adaptation du Feu Follet, Louis Malle nous donne à voir immédiatement une représentation de l’enfermement mental d’Alain (Maurice Ronet) en filmant sa chambre de célibataire. Ce monde, nous l’acceptons tel qu’il est, sans regimber, car il paraît tel que nous le concevons. La tâche du cinéaste est alors de maintenir par l’artifice cette suspension d’incrédulité première qui fut la nôtre. Il doit continuer à donner à ses images la consistance interne de la réalité. Il y parvient d’ailleurs souvent, ce qui fait toute la magie du cinéma. Si l’on fait parfois aux films historiques le reproche absurde de ne donner qu’une vision orientée et parcellaire de l’Histoire, ou si l’on fait crédit si facilement à un documentaire sans voir qu’il s’agit aussi d’une fiction, c’est que nous avons foi en l’image si bien que nous attendons d’elle qu’elle nous dise la vérité, ce qu’aucun film, reflet subjectif du monde, ne saurait faire.
11. Mais ce monde qui paraît si tangible et défini doit alors obéir à des règles et des limites qui sont celles du cadre et du décor, lequel situe toujours un film dans un champ géographique, historique et social. Il est ainsi d’autant plus difficile au cinéma de transposer des livres qui par leur style, leur absence de description ou de localisation, sont des fables dont la portée est universelle. Une fable ne s’occupe pas de rationalité, et lorsqu’on lit chez Fitzgerald que Benjamin Button naît avec une taille d’adulte, on ne se préoccupe pas du fait de savoir comment un corps de vieil homme d’1m70 a pu sortir du ventre d’une mère. Il en serait tout autrement au cinéma, et c’est pourquoi Fincher donne à Button une taille de bébé à sa naissance. Dès cet instant, nous quittons le domaine de la fable pour un récit d’une autre nature. Et lorsque Button vieillit, Fincher, peut-être parce qu’il l’a fait naître bébé, lui fait perdre la mémoire, comme à un vieil homme. Fitzgerald procédait autrement : Button en devenant enfant perdait la conscience du monde et de lui-même, comme s’il n’avait jamais existé en tant qu’adulte si bien que l’on comprenait avec effroi que son cerveau n’avait pas vieilli, mais qu’il avait été transformé en cerveau d’enfant, aspiré par le processus inverse et irréversible destiné à le faire disparaître. Quelle bien plus terrible destinée que celle du Button du livre !
12. C’est parce que le monde du cinéma paraît si solide, si réel, et que nous lui attribuons les caractéristiques physiques et la logique du monde réel, que le cinéaste a parfois besoin de recourir au rêve, au hors champ et à l’ellipse pour que nous continuions d’y croire. Nous sommes accoutumés au réalisme cinématographique et notre cœur tressaille toujours quand un cinéaste nous entraîne dans un voyage rêvé, quand Michael Powell et Emeric Pressburger nous font voyager sur les traces du Colonel Blimp en quête de son amour perdu. Si nous croyons à la disparition soudaine et propice du vrai Scaramouche, dont le visage est si laid, dans le film de George Sidney, c’est parce que cet escamotage nous est caché : nous n’en saurons rien et alors nous acceptons sans discuter de voir André Moreau (Stewart Granger) revêtir ce masque. Si Indiana Jones peut survivre accroché à un périscope de sous-marin pendant plusieurs jours dans Les Aventuriers de l’Arche Perdu, c’est parce que le film ne le montre pas (la scène, filmée, fut coupée au montage). Si un Tyrannosaure peut se retrouver à l’intérieur d’un bâtiment fait pour des humains à la fin de Jurassik Park, c’est parce que Spielberg ne nous montre pas comment il s’y prend pour rentrer.
A la recherche d’équivalences
13. On commence maintenant à comprendre que le processus de transformation d’un livre en film est improprement appelé « adaptation ». Un livre peut être une chambre d’échos amplifiant les désirs du cinéaste (si ce dernier l’a lu, ce qui n’est pas toujours le cas) ou du scénariste le lisant. Il peut alors devenir la muse du cinéaste, ou l’étincelle qui éveille son imagination. Le cinéaste apercevra dans le livre, un personnage, un motif ou des thèmes qui inspireront son film. L’adaptateur déconstruira le livre, et construira un récit simplifié mais cinématographique, un « traitement ». Les écrivains le savent mieux qu’un autre, en particulier ceux qui adaptent eux-mêmes leurs livres. Graham Greene raconte que lorsqu’Alexander Korda lui demanda d’écrire sur la Vienne de 1948 occupée par les quatre puissances vainqueurs de la seconde guerre mondiale, il ne put se résoudre à écrire directement un scénario. Pour que les personnages du Troisième Homme lui apparaissent dans toute leur ambiguïté et leur épaisseur, pour que dans les veines du récit coule une sève propre à nourrir sa crédibilité, il lui fallait d’abord écrire une nouvelle. Il put ensuite s’atteler au scénario, en collaboration étroite avec le futur réalisateur du film, Carol Reed. On aurait pu penser que Greene ayant écrit son livre en prévision du film allait condenser ce dernier dans un scénario sans changement majeur. Pourtant, le film diffère substantiellement du livre, qu’il s’agisse du traitement du personnage d’Anna ou de cette fin, si belle dans le film quand celle du livre, s’achevant sur les secondes funérailles de Lime (Orson Welles), exhalait une ironie dont Reed craignait à juste titre qu’elle soit perçue pour du cynisme au cinéma. A ce sujet, Greene a expliqué qu’il en allait ainsi parce que l’histoire qu’il contait n’avait pas encore trouvé dans sa nouvelle « son état définitif », comme si un film n’était que le prolongement d’un livre. Et c’était en effet le cas pour Miyazaki lorsqu’il adapta son manga Nausicaä au cinéma pour en tirer un film d’une poésie sublime ou pour Nabokov lorsqu’il écrivit lui-même le scénario de l’adaptation de Lolita pour Stanley Kubrick.
14. Après avoir évoqué les difficultés soulevées par une adaptation, il faut tourner notre attention vers les solutions. Si la transposition d’un livre consiste en une reconstruction d’un récit décomposé afin de l’ajuster aux mesures nouvelles et au langage du cinéma, alors il s’agit d’une re-création où est sollicité le talent créateur du cinéaste. Pour peu que le réalisateur veuille reprendre du livre certains thèmes ou motifs, et quand bien même il ne chercherait pas une fidélité d’ensemble il faut bien qu’il y ait dans le récit d’origine certains éléments qu’il souhaite voir à l’écran, il lui faudra trouver des équivalences cinématographiques aux thèmes et à l’atmosphère du livre. A cette aune, le cinéaste adaptant un livre, est un vrai créateur au même titre que le cinéaste concevant une histoire originale. André Bazin dans son article Pour Un Art Impur, résume cela dans une belle formule : « dans le domaine du langage et du style, la création cinématographique est directement proportionnelle à la fidélité ». On peut ajouter que cette création ne devra alors rien à la littérature, si ce n’est que celle-ci aura été l’inspiratrice du cinéaste. Plusieurs exemples d’adaptation semblent donner raison à Bazin.
15. Voyons d’abord comment Akira Kurosawa a su si bien adapter Dostoïevski et Shakespeare. Dans l’Idiot de Dostoïevski, réside une ambivalence que l’on ne détecte pas immédiatement. Le Prince Mychkine est censé figurer l’homme parfaitement bon et le roman, croit-on, entend démontrer que cet homme n’a pas sa place dans la société, et que celle-ci finira par le détruire. Or, Mychkine est aussi un être faible, incapable de choisir, de trancher, de prendre entre deux maux le moindre, si bien qu’il finit par devenir le protagoniste d’un drame, et même par le provoquer en raison de ses maladresses. Cette ambivalence fondamentale à l’œuvre dans le livre, qui est quelque chose que l’on perçoit confusément sans que Dostoïevski l’écrive, comment la transposer dans le film, sans trahir le grand écrivain russe, et en préservant la pureté et la candeur du personnage de l’Idiot ? Kurosawa y parvient grâce à une très belle idée, qui ne doit rien à Dostoïevski, et qui doit tout au génie créateur du cinéaste japonais : il fait se tenir le récit au Japon, en hiver, dans une sorte de pays de neige. Les personnages, les lieux, les couleurs, l’atmosphère, tout parait lié à cette neige, soumis à son influence. Et la neige est le plus ambivalent des éléments. Elle est un pur manteau qui enveloppe les paysages, un motif d’émerveillement où peuvent se reposer les yeux. Mais, donnez-lui votre main trop longtemps et sa caresse se fera morsure, prêtez-lui votre corps et elle vous engourdira jusqu’à la mort. L’homme qui meurt de froid ressent toujours une sensation de bien-être au moment de mourir. Cette ambivalence suprême de la neige, Kurosawa en joue admirablement. Au début du film, la neige est pure et aimante. Puis, dans la longue scène où Rogojine (Akama dans le film) suit et essaie de tuer Mychkine (Kameda), la neige se fait plus présente au fur et à mesure que monte la tension, et lorsque survient le paroxysme de la tentative d’assassinat, les deux hommes sont entourés d’un étouffant chemin de neige où Mychkine-Kameda soudain saisi par une crise d’épilepsie finit par tomber et se débattre.
16. C’est également en observant la nature que Kurosawa parvient à livrer avec Le Chateau de l'Araignée la plus belle des adaptations du Macbeth de Shakespeare. Affirmer que Macbeth est une pièce sur le mal sera vrai mais cela n’aidera en rien le cinéaste désireux de l’adapter. Faire dire à Macbeth « tout l’océan du grand Neptune arrivera-t-il à laver ce sang de ma main ? » ne rendra à l’écran qu’un son creux. A ce mal qui pénètre les personnages de Macbeth, Kurosawa trouve dans son film un équivalent visuel extraordinairement évocateur : le brouillard. Le film est plongé, presque tout du long, dans un brouillard dont on ne voit jamais la fin, qui enserre les personnages de sa tenaille, qui parvient, froid et visqueux, au plus profond des êtres et des âmes. Quand nous voyons Macbeth au début du film, que Toshiro Mifune incarne avec des yeux fous, perdu dans le brouillard avec son compagnon, parcourant encore et toujours les mêmes sentiers dans un monde absorbé par le brouillard, nous le savons perdu d’avance. Ce brouillard, c’est le virus du mal, que Kurosawa met en image. Le monde est voué au mal, parce que le ciel est un couvercle. Mais aussi : le monde est voué au mal, parce que toujours se répètent les mêmes assassinats, et naissent les mêmes enfants marqués par le mal : contrairement à la pièce, chez Kurosawa, le précédent seigneur a tué son maître pour devenir nouveau seigneur du clan, et Lady Macbeth tombe enceinte. Idées nouvelles là encore, qui sont celles de Kurosawa et non celles de Shakespeare, qui ajoutent pourtant au caractère cyclique et comme viral du mal. Oui, le cinéaste qui a compris l’auteur, et sait l’adapter au mieux, peut ajouter au récit de celui-ci. Ils sont des frères en esprit se relayant pour raconter une même histoire, l’un prolongeant l’existence de l’autre à plusieurs siècles d’intervalle.
17. Adapter un livre, ce n’est pas seulement réfléchir aux différences entre un livre et un film, c’est réfléchir avant tout au cinéma lui-même. De même que l’écrivain regarde ce que font les autres écrivains, le cinéaste doit regarder ce que font les autres cinéastes. Ainsi, le réalisateur souhaitant demeurer fidèle au style d’un écrivain devra parfois prendre garde de ne pas essayer d’imiter ce style. Expliquons ce paradoxe. Comment adapter Bernanos, dont la brûlante langue de pamphlétaire résonne avec tant de violence ? Songeons que les monologues exaltés des personnages de Bernanos sont violents par rapport à d’autres livres. Mais, si l’on essaie de restituer cette violence au cinéma, alors, et parce que la violence au cinéma est dans une large mesure une convention répandue dans de très nombreuses cinématographies, la violence caractéristique du style de Bernanos n’aura plus rien de singulier dans un film, et l’impression produite par ce dernier sera sans commune mesure avec celle produite par le livre. C’est ainsi, dit Bazin, que Bresson adapta Le Journal d’un Curée de campagne, avec douceur et en ayant recours à l’ellipse. C’est ainsi également que lorsque Pialat adapta Sous le Soleil de Satan, il demanda à Depardieu de chuchoter ses textes, de les dire doucement. Ce parti pris de conférer une douceur à un texte où Satan est défié par un saint, semble étrange quand on connaît bien Bernanos et quand on voit le Sous le Soleil de Satan de Pialat pour la première fois. Mais quand on réfléchit au fait que ce qui compte au cinéma, c’est l’effet recherché et non le concept ou l’idée dans sa pureté, et que les plus justes éléments de comparaison pour juger un film sont d’autres films, alors on comprend que c’est Pialat qui a raison. Cette différence de langage fondamentale entre un livre et un film explique aussi un autre paradoxe, qu’on peut facilement observer dans une adaptation si l’on s’en donne la peine : les meilleures scènes du livre ne correspondront presque jamais aux meilleures scènes du film l’adoptant, alors mêmes qu’elles interviendraient dans un même contexte et au même moment de l’histoire.
18. Parfois, l’acte de création du cinéaste consistera à créer dans son film une scène, ou à lui donner une ampleur nouvelle, à partir d’une scène d’un livre dont il aura su percevoir le potentiel cinématographique. A la fin des Gens de Dublin, fabuleuse adaptation de la nouvelle Les Morts de Joyce, John Huston part des dernières lignes du livre en en reprenant l’esprit général et quelques phrases, pour livrer pendant près de quatre minutes où défilent de magnifiques plans de l’Irlande sous la neige une méditation sur la mort plus vaste et qui résonne plus longuement dans notre esprit que celle du livre. Huston était coutumier de ce genre de tour de force. C’est un des plus grands adaptateurs de l’histoire du cinéma, et il a su magnifiquement adapter des écrivains aussi différents que Melville (Moby Dick), Tennessee Williams (La Nuit de L’Iguane), Carson McCullers (Reflets dans un Oeil d’Or) ou Malcolm Lowry (Au-dessous du Volcan) et Joyce.
19. Les exemples qui viennent d'être réunis ont un point commun : dans chaque cas, le cinéaste avait une longue et intime connaissance de l’écrivain adapté. Et c’est ainsi qu’une sorte de fidélité est possible. Pour ne pas trahir un écrivain, le cinéaste doit le comprendre mieux qu’un autre, partager ses vues sur le monde, et s’il ne les partage pas, les regarder avec suffisamment d’empathie pour les comprendre. Avec l’imagination, l’empathie est le plus beau des dons humains. Ce couple-là est l’engrais des plus belles adaptations. Ainsi, si Welles n’a adapté qu’une seule œuvre de Kafka (le Procès), la quasi-totalité de son œuvre (où le monde est soit absurde dès le départ, soit bascule dans l’absurde à un moment donné) a parti lié avec le romancier tchèque, si bien que certains films de Welles semblent tout droit sortis de l’imagination de Kafka. Parfois, l’imagination du cinéaste concorde uniquement avec une partie de l’imagination de l’écrivain, et cela donne le Dune de David Lynch. Si les couleurs d’eau et de marron humide dont il environne la famille des Atréides correspond bien aux visions mélancoliques que leur destin suscite à la lecture du livre de Herbert, le traitement par Lynch des Harkonnen, qu’il plonge dans un enfer rougeoyant et industriel, confine au grotesque. Le baron, personnage intelligent et semblable à un empereur romain décadent dans le roman, devient dans le film, un monstre de carnaval bête et hystérique. Dans son essai L'Eau et les Rêves, Bachelard propose de classer les différents types d’imagination en fonction d’un concept qu’il nomme l’imagination matérielle, selon lequel chaque imagination puise sa nature et sa force dans un des quatre éléments, l’eau, le feu, l’air ou la terre. Cette catégorisation que Bachelard convoque pour parler des poètes pourrait paraître fort abstraite, si l’on ne s’apercevait en l’étudiant (et Bachelard l’a fait dans ses livres avec la sensibilité d’un grand artiste) et en l’appliquant aux livres et aux films qu’elle est féconde. De même que les métaphores du romancier ou du poète désignent une matière première, les images du cinéaste participent d’une substance ou d’une rêverie primitive à laquelle les spectateurs partageant le même type d’imagination seront le plus réceptifs. Ce n’est pas ici le lieu pour discuter en profondeur de ce sujet. Et l'on peut se contenter d’observer, par exemple, que l’imagination d’un J.R.R Tolkien, qui fait appel aux images de l’eau et de la terre, du temps qui s’écoule comme un fleuve et des mers séparatrices des vivants et des morts, est à mille lieues de l’imagination d’un Peter Jackson, toute de feu, de rouages et de dynamisme qui a démultiplié dans son adaptation les images de monstres, de batailles et de flammes.
20. Il est possible de tirer une autre leçon des exemples donnés plus haut : c’est que quelque soit la familiarité du réalisateur avec l’écrivain, quelque soit les idées qu’il veut mettre en scène, il lui faudra les résoudre en s’attachant à des détails pratiques, qu’il s’agisse des décors ou de la diction d’un acteur. Tout ce qui relève du conceptuel au cinéma ne peut être résolu que par une intelligence pratique. Dans le Truffaut-Hitchcock, Alfred Hitchcock livre un nombre considérable d’anecdotes sur ces détails qui assignent à une scène une signification particulière. Ainsi raconte-t-il comment il usait d’accessoire surdimensionnés (main et pistolet géants dans La Maison du Docteur Edwards, verres immenses dans Une Femme Disparaît, tasse de thé reléguant Ingrid Bergman au fond du cadre dans Les Enchainés) pour attirer l’attention des spectateurs sur le sort pesant sur les personnages dans ses films ou encore comment on faisait parfois recouvrir d’un voile de gaze un objectif de caméra pour cacher le travail des années sur un visage de femme. Ainsi, là où Proust consacre de longues pages dans A la recherche du temps perdu (et même tout son récit) à nous montrer qu’un visage de femme peut être transfiguré si on le voit au travers du prisme de l’art (ex. : Swann comparant Odette à la Zephora de Botticelli) ou si on l’aperçoit pour la première fois à une distance adéquate (ex. : Saint-Loup voyant Rachel sur scène), il peut suffire d’un geste d’un opérateur déposant un voile de gaze (ou tout autre procédé moderne utilisé aujourd’hui) pour nous faire aimer une femme au cinéma. Cette primauté pratique du détail, qui se substitue au style général et à la structure patiemment composée du livre, est une différence considérable avec la littérature où le général dicte sa loi au particulier.
21. Que l’on ne s’y trompe pas. Comme cela a été avancé en ouverture de ce texte, les exemples où écrivains et cinéastes sont si proches que les équivalences formelles trouvées par les seconds sont ce qui s’approche le plus de la fidélité à un livre, sont rares et les exemples d’infidélité légion. Et il est des adaptations totalement infidèles où flamboie le talent créateur d’un cinéaste. Scaramouche de George Sidney n’a plus rien à avoir avec le roman original de Rafael Sabatini, ce dont nul ne soucie en France où personne ne connaît Sabatini (dont les romans furent également à l’origine de Capitaine Blood et l’Aigle des Mers de Curtiz). Pourtant, c’est un film où les velours et les costumes sont couleurs de ciel et de soleil, et les levers et couchers de soleil couleurs de velours. Et par un curieux retour des choses, les scénaristes de Scaramouche en inventant l’histoire d’Aline, fausse demi-sœur d’André Moreau, semblent avoir encore plus rapproché le récit du Capitaine Fracasse de Gautier, dont Sabatini s’était manifestement inspiré en écrivant son roman. Il est tant de films infidèles, ou qui ne se soucient aucunement des livres dont ils sont tirés, qu’il serait impossible (et dérisoire) de les évoquer ici. Mais il ne faut pas se priver de citer un des plus beaux films du monde, Le Colonel Blimp de Michael Powell et Emeric Pressburger, qui n'a conservé qu’une seule chose de son matériau d’origine (un comic strip publié dans un quotidien britannique) : son titre. Nous rencontrons ici la limite de la formule de Bazin, qui présupposait que la littérature relevait d’une exigence artistique supérieure à celle du cinéma et qu’elle avait toujours un temps d’avance sur lui en termes d’innovations structurelles (sur ce second point, Bazin a longtemps eu raison ; mais sur la question de l’exigence, on n’en jurerait pas). Sans doute ne sous-entendait-il pas que les adaptations volontairement infidèles ne font pas jamais preuve de génie créateur mais que parmi celles qui se veulent ou se donnent comme fidèles, seul un vrai talent créateur peut parvenir à la fidélité.
22. Il est d’ailleurs des livres qui sont cinématographiques avant l’heure, comme si leur auteur était en avance sur leur temps, si bien que leur adaptation s’en trouve facilitée. Il en va ainsi des Misérables de Victor Hugo, qui est construit selon le principe de paroxysmes narratifs longuement préparés, en vue desquels les évènements se condensent et se teintent peu à peu du drame à venir, se chargent d’une énergie qui les fera rouler plus vite vers le spectacle de leur résolution, à l’image de l’énergie cinétique. Les chandeliers de Monseigneur Myriel, Jean Valjean soulevant la charrette de Fauchelevent pendant que Javert le regarde, Jean Valjean apparaissant au tribunal pour sauver Champmathieu, les Thénardier, les barricades, les égouts de Paris, tous ces évènements scandent le récit. Même mal adapté, Les Misérables reste les Misérables. A l’inverse, un autre grand roman du 19e siècle, Le Comte de Monte-Cristo, s’est révélé irréductible à toute tentative d’adaptation qui en restituerait l’esprit, parce que les évènements et les personnages y sont enchainés inexorablement et très rapidement l’un à l’autre, dans une sorte de linéarité inflexible, si bien qu’en les modifiant, on perd la saveur si particulière du roman de Dumas.
Conclusion : d’un monde de liberté à un monde codé
23. La littérature est un monde de liberté individuelle. L’écrivain écrit pour soi, et est roi en son royaume dont il fixe les règles. S’il est lu, il peut en faire son métier. Alors coexistent cet individualiste qu’est l’écrivain et ces autres individualistes que sont les lecteurs, car la lecture est une expérience personnelle. S’il n’est pas lu, il reste quand même écrivain, fût-il asservi à d’autres contraintes professionnelles. L’écrivain choisira la forme d’écriture qui conviendra le mieux à sa sensibilité, à ses moyens d’expression et à sa vision du monde, qu’elle soit poème, roman linéaire ou à plusieurs voix, fable ou autres, sans avoir à discuter de ses textures avec un chef opérateur ou de ses décors avec un directeur artistique. Il lui faudra bien négocier avec son éditeur, mais sous d’autres auspices, alors, que celles de la création pure.
24. On dit parfois que tout est permis au cinéma, car c’est l’art de faire croire à l’invraisemblable. En réalité, c’est aussi de tous les arts, l’un des moins libres, car il est soumis à l’impondérable. Le cinéma est le produit de centaines d’individus au travail, où le cinéaste, phare dans la tempête, doit lier les volontés, commerciales et artistiques, aussi diverses que le monde, vers un objectif commun, sans perdre de vue cette vision originelle qui l’a décidé à faire un film. Le cinéma est aussi affligé de règles et de codes, de canons dont chaque génération de réalisateurs a tenté de se défaire, et qui reviennent inlassablement, chaque violation d’une règle (absence de regard caméra, règle des 180 degrés ou raccord de plan) devenant à son tour figure de style ou règle d’un genre nouveau venant rejoindre ces codes cinématographiques qu’elle était censée mettre à bas. L’Aurore de Murnau peut bien dater de 1927, on y trouve des plans, des travellings, une structure qui est celle du cinéma contemporain. Le cinéma est un pourvoyeur de récits et même Tarkovski qui en appelle dans son livre Le Temps Scellé aux « liaisons poétiques » au sein d’un film comme reflet plus juste de la pensée humaine que la dramaturgie traditionnelle, même Bunuel et Lynch lorsqu’ils mélangent rêve et réalité, racontent une histoire, avec un début et une fin. Ce sont les sujets traités, au gré des changements de mentalités comme de préjugés, qui ont varié au cours des décennies, mais les formes éternelles du cinéma sont toujours les mêmes, bien que le secret de certaines semble parfois s’être perdu. C’est peut-être pour cela que les réalisateurs sont de si grands cinéphiles, qu’ils le clament haut et fort comme les jeunes turcs de la nouvelles vague ou les cinéastes américains des années 70 ou qu’ils gardent secrètes leurs admirations. Ils recherchent et recyclent toujours ces formes éternelles du cinéma. Le cinéaste cherche à épuiser le champ du possible, mais ce champ, quand bien même il serait fait d’orge blond nous éblouissant de sa lumière, se situe dans un périmètre réduit.
25. Le génie d’un cinéaste réside en ceci : nous faire croire que dans le monde secondaire créé par son film, tout est permis, et nous faire oublier les contraintes cinématographiques. Chez Powell et Pressburger, dit Scorsese dans son introduction au livre de Michael Powell, Une Vie dans le Cinéma, « tout peut arriver ». Mais c’est grâce à leur génie que Powell et Pressburger réussissent à créer cette illusion d’un monde libre de règles. Woody Allen, lorsqu’il répétait dans sa jeunesse des tours de magie, dans sa chambre à Brooklyn, comme il le confie à Eric Lax dans le beau livre d’entretiens qui vient d’être édité, ne le savait peut-être pas encore, mais il s’entraînait en réalité à devenir cinéaste.
C'est donc un processus de passage d'un monde libre à un monde codé et collectif dont nous avons parlé ici.