Les vedettes féminines des films musicaux

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Jordan White
King of (lolli)pop
Messages : 15433
Inscription : 14 avr. 03, 15:14

Message par Jordan White »

Image
Image

Personnalité aujourd'hui mondialement reconnue contrairement à certaines de ses compatriotes, Aishwarya Rai incarne pour certains (et certaines) la grâce ultime et l'ambassadrice idéale de son pays, pour d'autres un mannequin qui n'aura pas particulièrement brillé au cinéma jusqu'à présent. L'aura dont elle bénéficie aujourd'hui demande cependant un portrait.

L'histoire d'Aishwarya Rai pourrait être celle d'une princesse sur laquelle une fée s'est penchée au dessus du berceau dès sa plus tendre enfance. Rien à l'origine ne prédestinait la jeune actrice d'aujourd'hui à une carrière dans le ciné. Celle qui est née le 1 novembre 1973 dans une famille traditionnaliste du Sud de l'Inde à Mangalore dans le Karnataka, dont la maman s'appelle Vrinda et qui a un frère appelé Aditya, a d'abord été une égérie des pubs, apparaissant dans des spots ciblés pour Pepsi par exemple ou plus tard pour Vogue. Elle entame également des études d'architecture qu'elle n'achèvera pas.

Ce n'est qu'en 1994 que sa vie change à jamais grâce à sa participation et à sa victoire dans l'élection de Miss Univers. Agée de vingt ans, le regard bleu-vert (elle a déclaré qu'elle donnerait ses yeux à la science), la jeune indienne s'effondre en larmes à l'annonce du verdict. Elle est alors élue plus belle femme de la terre et s'ouvre un boulevard pour la postérité. A l'époque elle est une fierté nationale pour tout un pays qui la porte à bout de bras.
Ce triomphe la porte vers le cinéma avec une première incursion dans le ciné tamoul, d'où elle est originaire. C'est Iruvar réalisé par Mani Ratnam qui lui propose la première fois de s'exprimer. Elle a Tabu pour partenaire.

Image
Image
Image

Elle gagne sa première récompense comme nouvelle actrice.
L'année suivante elle tourne dans Jeans (longtemps un des VCD les plus vendus, en fait il y a deux VCD du film, avec quelques chorégraphies mémorables dont une qui propose de visiter les 7 merveilles du Monde). Un film à nouveau sans répercussions particulières pour sa carrière qui ne s'envole pas. En parallèle elle continue de tourner pour des pubs.

Image
Image

La gloire ne venant toujours pas au ciné, elle enchaîne après le très remarqué Hum Dil De Chuke Sanam qui permet aussi à Sanjay Leela Benshali de se faire un nom. Le film bénéficie de la BOF de AR Rahman.
Elle gagne une troisième récompense, en l'occurrence le film fare de la meilleure actrice. Elle tourne dans ce film avec Salman Khan, qui se trouve être son compagnon dans la vie. Les déboires sentimentaux d'Aish (comme aiment à l'appeler ses fans) feront la une des journaux people. Brisée dans son couple, Aishwarya décide de quitter l'omniprésent Salman Khan qui ne lui pardonnera jamais. D'ailleurs dans le film on a carrément envie par un partis pris assez simple qu'elle quitte Salman pour aller avec Ajay.


Image
Image
Image

Mais ce n'est pas tout car en 1999 elle tourne toujours avec la BOF de AR Rahman Taal, réalisé par Subhash Ghai capable du meilleur comme du pire qui en fait pourtant ici son égérie à travers le portrait d'une jeune femme de la campagne montant les échelons et se laissant entraîner dans la spirale du showbiz qui la modèle comme il l'entend sous l'égide d'un producteur interprété par un Anil Kapoor délicieux de cynisme. La BOF à tomber à la renverse fait beaucoup pour le succès du film.

Image
Image

Mais il en faut plus à Aishwarya qui désire être plus connue et reconnue pour ses talents d'actrice. Alors qu'elle brille souvent par ses performances scéniques (excellente danseuse à la base), ses interprétations laissent à désirer, tant sur le plan du registre de la comédie que de l'investissement. Bref les fans transis applaudissent à tout rompre pour sa beauté, tandis que les amateurs de Kajol (comme moi) demandent à en voir plus, et à voir ce qu'elle a vraiment dans le ventre. Faire fi de sa beauté plastique pour démontrer un talent d'actrice tout simplement.
Elle trouve un rôle qui fait parler d'elle en 2000 d'abord avec Kondukondain Kondukondain, avec à nouveau Tabu, puis et surtout avec Mohabbatein d'Aditya Chopra, fils de Yash, réal du légendaire Dilwale Dulhania Le Jayenge. Le film-fleuve de 3H40 d'une banalité scénaristique intégrale (un jeune idéaliste veut mettre de la nouveauté dans une école trop propre sur elle dirigée d'une main de maître par un vieux professeur aigri). Célèbre pour son Soni Soni de neuf minutes (seul morceau du bravoure d'une oeuvre très plate) , le film fait d'Aishwarya la seule véritable vedette féminine d'une oeuvre marquée par sa collaboration avec Shah Rukh Khan.

Soni Soni

Image
Image
Image

Il faudra attendre 2002 pour la star devienne superstar, non seulement en Inde, mais aussi dans le Monde. Il est vrai qu'aujourd'hui, hormis elle, qui peut se targuer d'être reconnue sur son seul nom quand on parle de ciné hindi. Son image de top modèle (alors qu'elle n'est pas un au sens strict) lui colle à la peau, mais ses films aussi font parler d'elle, et surtout un, Devdas, réalisé par Sanjay Leela Banshali. Du jour au lendemain, Aishwarya est acclamée comme une grande actrice sur la foi d'un seul film désormais visible partout en France, indépendamment de ses qualités intrinsèques (ou pas). Encensé à sa sortie, le film, immense patisserie surchargée dans une scène sur deux, éclipse totalement la présence de Madhuri Dixit pour mettre en avant celle d'Aishwarya qui incarne alors le rêve d'évasion tout comme l'amour sacrificiel. Elle est Paro, folle amoureuse de Devdas, qui noie son chagrin dans l'alcool, tandis qu'elle disparaît dans la scène finale du film derrière la grande porte. Une image qui ancre sa légende.

Image
Image
Image

Aishwarya devient bankable, ultra médiatisée. Elle signe un contrat mirobolant pour l'Oréal, les photographes et les journalistes se l'arrachent. La jeune actrice est devenue l'ambassadrice d'une marque, au détriment de son jeu. Le teint parfait, l'oeil vif, le sourire carmin, elle enchante et fait même tourner les têtes.
Elle apparaît dans Shakti the power, le temps d'une danse (et rien de plus !). Elle tourne dans des drames (Kuch Na Kaho) drame, qui par ailleurs va sceller son union avec Abhishek Bachchan. Elle laisse Vivek Oberoi, et se rapproche d'un Abhishek qui deviendra son ange gardien.
Ou encore dans un film de guerre, Khakee en 2004, plutôt efficace.
Elle est à l'affiche de Coup de foudre à Bollywood ou le Bolywood pour les nuls, et se risque à son premier rôle difficile dans Mistress of Spices, son premier vrai rôle où elle interprète autre chose que la danseuse rêveuse ou la belle fille idéale. Sensible, le film montre une Aishwarya détachée, qui joue sur la corde raide, marche à tâtillon. Et ça fonctionne. Mais le film lui non. Flop commercial. Comme Shah Rukh quand il s'essaie à l'épique avec Asoka.

Image
Image

La révélation arrive toujours en 2004 avec Raincoat, film intimiste, le genre qui lui réussit le mieux où pour la première fois elle (m')émeut. Son portrait attachant d'une femme seule et pourtant mariée, recluse dans un appartement qui prend la poussière saisit et touche. Bien ouéj.


Image
Image

Elle réitère le caméo avec celui ultra remarqué de Bunty Aur Babli en 2005, où durant Kajra Re elle devient la Reine du Monde, pulvérisant toutes les attentes, faisant revenir des spectateurs en salle rien pour elle, pour huit minutes que certains décrivent comme extatiques.
Kajra re
Le film sera en plus un gros succès populaire. Partout, son nom et son visage apparaissent dans la presse, les journaux spé. La folie Aishwarya !

Image
Image
Elle tourne dans Umrao Jaan pour lequel elle a Abhishek Bachchan pour lui donner la réplique. La rencontre fait une nouvelle fois des étincelles. Les deux tourtereaux tombent amoureux l'un de l'autre.
Remise de ce flop retentissant elle est à l'honneur (façon de parler) dans Dhoom 2, le carton de l'année 2006. Les spectateurs ont déjà collectionné les affiches du film qui appuient à fond sur sa présence aux côtés de...Abhishek Bachchan. Peu à l'aise, elle s'autorise des séquences d'action qui ne lui vont pas et des chants qui ne sont pas non plus époustouflants. Mais le baiser volé avec Hrithik fera beaucoup parler de lui.

Forte de l'impact de Dhoom 2 et Bunty Aur Babli, elle est choisie par Mani Ratnam pour Guru. Abhishek est à nouveau de la partie. Cette fois-ci plus de doutes, ces deux là sont faits l'un pour l'autre. A l'issue du tournage de ce film, par ailleurs formidable, les deux annoncent leurs fiançailles puis leur mariage, sous la bénédiction des familles respectives. La nouvelle fait bien sûr monter la sauce des journaux people qui couvrent pendant six mois l'évènement. Une union ultra privée qui se fera dans l'intimité. Mais qui aura des récupercussions certaines sur le couple le plus glamour de Bollywood.

Aujourd'hui on l'attend dans Jodha Akbar d'Ashutosh Gowariker. Car elle a pu prouver qu'elle était capable du pire comme du meilleur. Irrégulière, parfois peu spontanée, parfois troublante, souvent inégale, mais capable aussi de coups d'éclats. Elle compte aujourd'hui sur de nombreuses et nombreux fans (clin d'oeil à Sharmilee au passage à qui je dédicace ce post :wink: ) et toujours, non pas tapis dans l'ombre, bel et bien présents, ses détracteurs. Gageons qu'elle ait une filmographie qui explose encore dans les années à venir...
Image

Je vote pour Victoria Romanova
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Message par Music Man »

Merci Jordan pour ces deux beaux portraits de deux des plus célèbres stars du cinéma indien. :D J'espère que leur évocation donnera peut être l'envie aux quelques amateurs de comédie musicale américaine, qui parfois interviennent sur ce topic de faire connaissance avec l'univers de Bollywood, où l'on tourne toujours avec beaucoup de régularité et de très gros budgets, des films de valeur certes inégale, mais avec quelques belles pépites pour les amateurs de films chantés et dansés. S'ils ont quelques hésitations sur les films à tester dans la multitude des DVDs désormais disponibles dans les boutiques spécialisées, je les invite à se rendre sur ton topic sur la partie "classiques d'aujourd'hui" où tu passes en revue avec Tite Bouh, Patapin, Marie Paule, A2line et tant d'autres la production indienne: je dois avouer que j'ai fait de belles découvertes en suivant les différents avis.
Comment ne pas être subjugué par exemple par la belle Madhuri Dixit, qui contrairement à certaines actrices de Bollywood qui se contentent de bouger en rythme qur les chorégraphies est une vraie et brillante danseuse, d'une grâce infinie.
ImageS'agissant de Hum Aapke Hain Koun , son célèbre film, je me souviens de l'avoir vu à la FNAC il y a bien 6 ou 8 ans, à un prix très élevé (environ 280 francs!). A l'époque, c'était le seul film bollywoodien disponible dans ce grand magasin : depuis les prix ont bien baissé, et tant mieux.


Madhuri et Ash, les deux reines de Bollywood dans un des meilleurs passage du célèbre Devdas
Dernière modification par Music Man le 3 mai 08, 00:10, modifié 1 fois.
Jordan White
King of (lolli)pop
Messages : 15433
Inscription : 14 avr. 03, 15:14

Message par Jordan White »

Music Man a écrit :S'agissant de Hum Aapke Hain Koun , son célèbre film, je me souviens de l'avoir vu à la FNAC il y a bien 6 ou 8 ans, à un prix très élevé (environ 280 francs!). A l'époque, c'était le seul film bollywoodien disponible dans ce grand magasin : depuis les prix ont bien baissé, et tant mieux.

Pour l'anecdote : le 8 février 2005 je me rends dans une boutique de DVD appelée Espace Temps. C'est encore la période des soldes. Les dernières démarques. Je défriche les bacs, espérant y trouver quelque chose d'intéressant. Pensant ne rien trouver je m'apprête à prendre la sortie, quand mon regard se pose sur un bac que je n'ai alors pas encore fouillé. Le dernier. Ultime chance de faire une affaire. S'y trouvent amassées quelques séries B, et au milieu de ce fouillis, un double dvd. Qu'est-ce que c'est que ce "Hum Aapke Hain Koun" ? Je n'ai vu que quelques comédies musicales, essentiellement américaines. Je me dis que ce serait bien un DVD comme ça dans ma collection. Je regarde alors le verso de la jaquette et aperçoit avec horreur le prix : 39 euros.
Pensant qu'il s'agit du dernier prix, je suis sur le point de tourner les talons quand j'aperçois un sticker indiquant "remise". En dessous du prix de 39 euros est indiqué le prix soldé, quasi massacré. Il est désormais à 3 euros. N'hésitant plus une seconde je pars avec l'exemplaire sous le bras, probablement le seul du film qui ait jamais été à un prix aussi bas.

Trois semaines plus tard, je me balade dans les rayons de la FNAC, celle des Champs. Le rayon des DVD asiatiques est bien fourni (Corée du Sud, Japon, Chine, etc.) Mais pas de celui du ciné hindi et encore moins tamoul. Quelques DVD se battent en duel. Là devant mes yeux, se trouve le seul et unique DVD d'Hum Aapke Hain Koun disponible. Par pure curiosité, je regarde le verso de la jaquette et aperçois le fameux...37 euros. L'enseigne ne pratiquait alors pas le prix des boutiques spé. Aujourd'hui, deux ans et demi après, il n'y a plus de dvd de Hum Aapke Hain Koun. En revanche on peut y trouver la plupart des gros titres sortis chez Carlotta ou encore Bollywood-Zone.

Pour ce qui est du DVD d'Hum Aapke Hain Koun, j'ai conservé précieusement, l'emballage d'origine avec la date et le prix incroyable de 39 euros.

L'ouverture culte du film. Le film démarre, générique de début, premières lettres, voix masculine, "Hum Aapke... Aapke Hain Koun...", le visage de Salman Khan, celui de Madhuri, la voix de Lata :

Hum Aapke Hain Koun
Image

Je vote pour Victoria Romanova
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Sheila

Message par Music Man »

Le début des années 60 a marqué en France de très forts changements dans la musique populaire. L’explosion du rock n’roll ainsi que l’émergence de toute une nouvelle génération issue du baby boom a en effet balayé en un temps record (et de façon assez injuste) toute une variété traditionnelle et tranquille pour la remplacer par de nouveaux rythmes et de nouveaux courants musicaux, et notamment la vague yéyé (version aseptisée du rock). Le métier jusque là mené de façon assez artisanale s’est mu en véritable industrie, dont le principal produit devenait le disque 45 tours. De nouveaux chanteurs très jeunes, dans lesquels pouvait se reconnaître une nouvelle génération, furent alors lancés comme des savonnettes. L’un des exemples symptomatiques de cette variété marketing demeure le cas de la chanteuse Sheila.
Image

Née en 1945, Annie Chancel est fascinée par les comédies musicales et prend très jeune des cours de danse (avec comme camarade Françoise Dorléac).Adolescente, elle aide ses parents en vendant des bonbons sur les marchés.
Au début des années 60, Claude Carrère, ancien coiffeur et chanteur à l’occasion, décide de miser sur la vague yéyé en se lançant dans la production phonographique. Sans doute intéressé par la réussite commerciale fulgurante de toutes jeunes chanteuses comme Sylvie Vartan qu’on surnommait alors la collégienne de la chanson et de Françoise Hardy, il remarque Annie Chancel lors d’une audition et l’engage immédiatement. Rebaptisée Sheila (titre d’une chanson de Lucky Blondo), coiffée de couettes (afin de lui donner un look immédiatement identifiable), la jeune artiste est aussitôt imposée dans une série d’émissions de télévision. Afin d’éviter tous dérapages, on la fait systématiquement chanter en play back en toutes occasions.
Image

Le hully gully « l’école est finie » remporte un succès phénoménal et fait de la chanteuse une vedette (et de Claude Carrère un producteur fortuné). Très vite, Sheila chante dans un court passage d’une comédie sur les difficultés des adolescents « l’année du bac » dans laquelle Jean Dessailly et Simone Valère jouent le rôle des parents.
Les tubes (première surprise partie, vous les copains, folklore américain) s’enchaînent rapidement pour Sheila qui devient rapidement une des idoles les plus rentables de la vague yéyé. Sa griffe de vêtements (boutiques Sheila) et évidemment ses disques rapportent beaucoup. Il s’agit souvent d’adaptation de tubes américains déjà éprouvés, aux paroles souvent confondantes de simplicité et de bêtise (afin qu’elles puissent être comprises jusque dans la Creuse, dixit Carrère- quel mépris au passage pour le public et les provinciaux) et aux orchestrations navrantes. Quand on réécoute ses vieux succès, on est en effet atterré par la pauvreté voire la laideur des arrangements (la volonté délibérée de ne jamais tenter quelque chose d’original et de ne prendre aucun risque étant très préjudiciable à la qualité du produit), quant à la voix banale de la chanteuse, elle n’est ni meilleure ni pire que celle de ses consœurs Sylvie Vartan ou France Gall.
Image

Tentant de dupliquer le succès à l’écran d’idoles de la chanson comme Elvis ou les Beatles, Carrère bâtit un film autour de Sheila. Bang-Bang (dont le titre est emprunté à un des plus gros succès de la chanteuse), une comédie dans laquelle elle hérite d’une agence de détectives privés : Que dire de cet infâme navet rediffusé sur RTL9 ? Franchement, je n’ai pu le regarder jusqu’au bout, tant la réalisation est indigente (le metteur en scène, Serge Piolet n’en fera d’ailleurs pas d’autres) et l’interprétation médiocre. Les passages musicaux sont à l’avenant. seule la chanson « l’heure de la sortie »(que Sheila interprète dans un gymnase) sera un succès populaire.
Image

En 1970, lors d’une veine tentative de séduire le marché italien, Sheila fait une apparition en guest star dans un méli mélo musical italien « Terzo Canale » si mauvais qu’il ne sera pas distribué chez nous.
Toujours très populaire grâce à de nouveaux tubes comme les rois mages, particulièrement appréciés du très jeune public, Sheila épouse le chanteur Ringo Willy Cat (qui abandonnera rapidement le Willy Cat, après avoir été charrié par Philippe Bouvard sur ses initiales Ringo WC !). Si l’on en croit les interviews du chanteur, il s’agissait là aussi d’une vaste opération commerciale !
En 1977, on entend Sheila chanter dans la comédie estivale « hôtel de la plage » avec Daniel Ceccaldi et la toute jeune Anne Parillaud (exemple type d’un cinéma bis des années 70, ras des pâquerettes, mais amusant à voir avec le recul et beaucoup de second degré. Télérama jugea la chanson « aussi décervelante que le film ».Il s’agissait d’un air disco, la chanteuse ayant alors rejoint le nouveau mouvement musical. Une excellente opération commerciale car sa reprise du Singin' in the rain de Gene Kelly et la chanson Spacer seront des tubes planétaires.
Image

L’éclosion des radios libres et le rejet systématique par la nouvelle génération des artistes imposés pendant tant d’années par la télé et les radios périphériques ne vont faire qu’une bouchée de la carrière de Sheila. Victime de grotesques rumeurs, ridiculisée par un play-back raté chez Guy Lux et un répertoire débile (une des chansons ventait les vertus du body building), la chanteuse est devenue synonyme de variété commerciale cheap et ringarde. Je me souviens d’un camarade excentrique au collège qui avait semé l’hilarité en écrivant sur son sac US les noms de Sheila et de Linda de Suza, à une époque où tous les autres jeunes mentionnaient plutôt ceux d’AC/DC ou de Genesis.
Image


Lasse d’être manipulée sans arrêt par son producteur, la chanteuse tente alors d’effectuer un virage artistique avec des chansons moins évidentes (elle refuse d’enregistrer l’Ouragan qui fera la gloire éphémère de Stéphanie de Monaco) qui ne rencontreront pas la faveur du public. Son spectacle au Zénith est un échec. Dépitée, la chanteuse jette l'éponge pour se consacrer à l’écriture et à la sculpture. A l’occasion, on la reverra au cinéma dans l’Ile au trésor de Raul Ruiz, film d’auteur abscons sorti à la sauvette dans une petite salle et dans un feuilleton télé (Van Loc).
Image
Sheila vue par Pierre et Gilles (auxquels une expo est consacrée actuellement au musée du jeu de paume)

Depuis plusieurs années, Sheila est remontée sur les planches pour retrouver un public désormais partiellement de sexagénaires nostalgiques de l’époque Salut les copains et d’un public gay inexplicablement attiré par la vedette.
En résumé, force est de constater que Sheila qui rêvait dans sa jeunesse de Judy Garland, Fred Astaire et Ricky Nelson n’a pas du tout réussi sa carrière au cinéma. Au moins a-t-elle pu rencontrer Gene Kelly sur son chemin. Sur son parcours de chanteuse, il est difficile de formuler un avis objectif : la stricte écoute de ses disques ne penche guère en sa faveur. Probablement la simplicité de la « petite fille de français moyen »et la sincérité et la lucidité de la femme, que l’on devine derrière la machinerie, expliquent davantage la longueur de sa carrière. Elle est également le reflet d’une époque insouciante: un ami cairote connaissant très peu la chanson française, m’avait demandé qui interprétait la chanson « Vous les copains » entendue dans un spot publicitaire : il voulait trouver le disque en m’expliquant qu’en Egypte, il n’existait pas l’équivalent de ce genre de chanson rythmée et joviale.

Sheila chante devant le jukebox en duo avec Akim :
Dernière modification par Music Man le 20 avr. 08, 20:47, modifié 1 fois.
Jordan White
King of (lolli)pop
Messages : 15433
Inscription : 14 avr. 03, 15:14

Message par Jordan White »

Merci pour ce très beau portrait bourré d'anecdotes (je ne savais qu'elle chantait en playback à ses débuts et par la suite) Sheila pour moi ça reste la pop ultra sucrée de Vous les copains, de l'innocence, le tournant intervenant je trouve avec les années 80 où il y a des trucs purement inécoutables (et qui auraient pu figurer dans le cd dont l'évocation ne doit pas te paraître obscure :wink: ). Une jeune fille fraîche, naïve, qui chante à tue-tête pour faire plaisir aux bons élèves de la classe. Un côté très propre, qu'on peut interpréter comme un style très faux-cul si l'on aime pas ou si l'on se positionne en tant que détracteur de cette légèreté revendiquée et chantée comme un style propre. Pour certains le début même du formatage musical au sens large, tout du moins son invention.

Sheila ce sont vraiment les disques de mes parents quand ils étaient ados, leurs sorties au ciné au milieu des années 60, les glaces durant l'entracte, le cinéma permanent, les séances en famille et un seul film à l'affiche, les fauteuils en sky, et c'est aussi lié à la variété de l'époque comme celle de Sasha Distel. Il y a peut-être encore des vinyls qui trainent quelque part dans un vieux carton.

Quant au fait que le public gay soit attiré par Sheila, je pense que c'est comme Kylie Minogue, la chanteuse peut-être pas au début de sa carrière, mais enfin au moins depuis la fin des années 80 début 90's m'a toujours parue très camp dans l'esprit. Et le cliché de Pierre et Gilles n'est pas anodin.
Image

Je vote pour Victoria Romanova
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Message par Music Man »

Jordan White a écrit :je ne savais qu'elle chantait en playback à ses débuts et par la suite.
A ce sujet, j’ai lu dernièrement une interview du chef d’orchestre Raymond Lefèvre qui travaillait avec Guy Lux dans l’émission le Palmarès des chansons.
Ce show était à l’époque (milieu des années 60) tourné en live, ce qui n’était pas toujours évident pour les chanteurs à une époque où le téléprompteur n’existait pas (j’ai revu sur le câble un show où un artiste aussi connu que Jean Claude Pascal, oubliant les paroles d’une chanson de Brassens, était copieusement sifflé par le public).
Afin d’éviter l’épreuve du direct-live, le producteur de Sheila avait inventé une histoire de jambe cassée ! Refusant de rentrer dans le jeu, l’orchestre n’a pas voulu faire semblant de jouer pendant que Sheila « chantait ». Aussi le cameraman a été obligé de filmer la chanteuse en gros plan continuel pour éviter que l’on voit l’orchestre immobile derrière elle !
Dans les années 80, quand Sheila a décidé d’affronter le Zénith, elle a enfin pu prouver qu’elle pouvait chanter « pour de vrai ». Le problème c’est qu’il n’y avait plus beaucoup de public pour l’écouter !
Jordan White a écrit :Sheila ce sont vraiment les disques de mes parents quand ils étaient ados, leurs sorties au ciné au milieu des années 60, les glaces durant l'entracte, le cinéma permanent, les séances en famille et un seul film à l'affiche, les fauteuils en sky.
Merci Jordan d'évoquer tous ces souvenirs d'enfance! :D
Quand j’étais petit, je fréquentais aussi ce genre de cinéma : mon esquimau préféré était le croquim (avec deux cartouches à la pistache !) et je me souviens d’avoir assisté à une curieuse séance du dessin animé Astérix dans un ciné permanent avec mes parents: on a d’abord vu la deuxième moitié du film, puis la première moitié avant de partir : franchement déroutant !
Jordan White
King of (lolli)pop
Messages : 15433
Inscription : 14 avr. 03, 15:14

Message par Jordan White »

Music Man a écrit : A ce sujet, j’ai lu dernièrement une interview du chef d’orchestre Raymond Lefèvre qui travaillait avec Guy Lux dans l’émission le Palmarès des chansons.
Ce show était à l’époque (milieu des années 60) tourné en live, ce qui n’était pas toujours évident pour les chanteurs à une époque où le téléprompteur n’existait pas (j’ai revu sur le câble un show où un artiste aussi connu que Jean Claude Pascal, oubliant les paroles d’une chanson de Brassens, était copieusement sifflé par le public).
Afin d’éviter l’épreuve du direct-live, le producteur de Sheila avait inventé une histoire de jambe cassée ! Refusant de rentrer dans le jeu, l’orchestre n’a pas voulu faire semblant de jouer pendant que Sheila « chantait ». Aussi le cameraman a été obligé de filmer la chanteuse en gros plan continuel pour éviter que l’on voit l’orchestre immobile derrière elle !
Incroyable anecdote. Je ne sais pas si ça pourrait se faire aujourd'hui, dans disons "Hit Machine" sur M6 ! Emission en playback quant à elle.

J'ai toujours eu de la sympathie pour Sheila, même si j'ai trouvé qu'elle avait pris un bon coup de vieux en la revoyant il y a peu dans des émissions de divertissement où le maquillage tentait de cacher des rides très apparentes, des traits tirés. Je trouve dommage que certaines stars tentent de dissimuler leur vieillissement naturel, qui a son charme, par des artifices et un visage fardé qui déplaît plutôt qu'il n'attire au final.
Merci Jordan d'évoquer tous ces souvenirs d'enfance! :D
Quand j’étais petit, je fréquentais aussi ce genre de cinéma : mon esquimau préféré était le croquim (avec deux cartouches à la pistache !) et je me souviens d’avoir assisté à une curieuse séance du dessin animé Astérix dans un ciné permanent avec mes parents: on a d’abord vu la deuxième moitié du film, puis la première moitié avant de partir : franchement déroutant !
Je rapporte en grande partie leurs propres souvenirs de séances avec les enfants et les parents réunis pour regarder le même film, entracte et animation avant le début du long-métrage, avec clowns, jongleurs ou documentaire animalier, totalement impossible à passer aujourd'hui puisqu'on reste rarement trois heures alors qu'à l'époque c'était monnaie courante.
Je n'ai personnellement pas connu les cinémas permanents, ni même les double-séances sur les Champs Elyzées pour quelques francs par exemple qui florissaient au début des années 80.
Les premiers cinés que j'ai connus ce sont ceux qui avaient déjà plusieurs films à l'affiche, adieu les fauteuils en sky, sauf exception, et place à la VOSTF et aux films en exclusivité. Le premier film ou l'un des premiers que j'ai vu en salle c'est Rambo 3 en 1990.
Image

Je vote pour Victoria Romanova
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Message par Music Man »

Pour ma part, les premiers films que j’ai vu sur grand écran sont la belle au bois dormant (au Grand Rex)et les aristochats (tous les deux en 1971). Etant trop petit pour voir l’écran du fond du fauteuil amovible, mais parents ne rabattaient pas le siège : j’étais donc juché au sommet du fauteuil, ce qui faisait grincer des dents dans les rangs suivants (ce que je comprends bien !).
Je me rappelle en effet du documentaire animalier, de petites attractions (jongleurs…) à l’entracte (dans le ciné de ma banlieue), et d’une mini-tombola avec des prix minables (sujets en plastique).
Je me souviens particulièrement d’une séance de l’apprentie sorcière en Noël 1972 (un Disney avec Angela Lansbury) interrompue par une coupure de courant. Espérant que l’interruption ne serait que momentanée, les exploitants ont gardé tous les spectateurs dans la salle pendant plus de 2 heures, avant de capituler et de proposer des tickets gratuits pour un autre jour !
Image
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Joan Leslie

Message par Music Man »

Si vous regardez souvent TCM, et par conséquent les vieux films produits par la Warner Bros et la MGM, vous devez sans doute connaître Joan Leslie, la plus charmante ingénue des années 40, qui s’est illustrée dans quelques classiques de l’époque et de nombreuses comédies musicales. Une ravissante actrice, au visage gracile et au délicieux sourire, dont la gloire fut brève et ne survécut guère à la fin de la seconde guerre mondiale.
Image
Née en 1925, Joan Leslie entame sa carrière au cinéma très jeune, dès l’âge de 10 ans. Remarquée par des producteurs, à l’occasion de photos de mode, la fillette se voit confier, sous son véritable patronyme, Joan Brodel, une série de petits rôles dont notamment celui de la jeune sœur de Robert Taylor dans le plus célèbre film de Greta Garbo, le roman de Marguerite Gauthier (1936). Au tout début des années 40; sa carrière prend son envol, quand un producteur de la Warner Bros a la curieuse idée de confier à l’adolescente un rôle d’adulte, celui de la femme de Gary Cooper dans Sergent York (1941), très beau film de guerre d’Howard Hawks. Malgré son très jeune âge, sa prestation paraît crédible.
ImageImage
Dans la grande évasion, un classique du film noir (un de mes préférés pour tout dire), elle incarne la fiancée d’Humphrey Bogart. Sa lumineuse et gracile présence apporte un peu de douceur à cette traque désespérée.
Mais c’est surtout dans la Parade de la gloire (1942) face à James Cagney, que Joan Leslie va récolter un succès personnel. Cette bio nostalgique et très patriotique du compositeur Cohan, tombe en effet à point nommée, dans l’Amérique en guerre, et les spectateurs lui réservent un accueil triomphal. Evidemment, 60 ans après, le film a beaucoup moins d’attrait et certaines séquences retraçant les balbutiements du vaudeville et du music hall peuvent sembler assommantes et ringardes à un jeune public : en revanche, le dynamisme de James Cagney est indéniable, et Joan Leslie a toutes les qualités pour incarner sa ravissante épouse ;
Image
L’énorme succès du film va aussitôt ranger la toute jeune Joan dans l’étroit cartel des idoles des GI. Contrairement à Rita Hayworth, ce n’est pas une séductrice glamoureuse (quoi que sur certaines photos, avec un maquillage adéquat, elle peut être très glamoureuse et sophistiquée), ni une brave pin-up craquante comme Betty Grable, la coqueluche des bidasses : Joan Leslie est tout simplement la jeune fille idéale que les soldats voudraient présenter à leurs parents pour l’épouser ;
Image
En 1942, la Warner Bros, toute prête à exploiter la célébrité de Joan auprès des soldats, lui confie le rôle principal d’un autre musical patriotique où toutes les stars de la maison de Bette Davis à Errol Flynn viennent pousser la chansonnette. Joan se prête aussi de bonne grâce à cet exercice (en duo avec Dennis Morgan), du moins en apparence car elle est doublée. Il est assez savoureux de voir et surtout d’entendre les rois du film noir ou d’aventure dans cette gigantesque revue destinée à entretenir le moral des troupes.
Image
En 1943, Joan devient la plus jeune partenaire féminine de Fred Astaire (18 ans) dans l’aventure inoubliable, où le merveilleux danseur tient le rôle d’un aviateur en permission. Si globalement le film et l’intrigue sont plutôt moyens, les chansons sont fabuleuses (my shining hour et surtout one for my baby). La prestation dansée de Joan fut pas mal critiquée, y compris dans de récents ouvrages : Franchement, j’ai été plutôt bluffé par ses deux numéros avec Fred, que je revois avec plaisir : un morceau swing assez mouvementé et un grand duo romantique où elle fait preuve de beaucoup de charme. Quoi qu’il en soit, le film n’accrochera pas.
Image
La même année, Joan Leslie change de registre dans l’engrenage aux cotés d’Ida Lupino. Pour une fois, elle n’incarne pas une adorable ingénue mais une fille sans scrupules. Son interprétation correcte, mais inférieure à celle d’Ida Lupino, lui vaudra d’excellentes critiques, peut être un peu imméritées, de la part de journalistes avant tout surpris de la voir jouer à contre emploi.
Les mêmes journalistes étaient également étonnés lors de leurs entrevues avec la comédienne qui dans la vie, était encore assez immature et portait entre les tournages un appareil dentaire. A force de la voir incarner des jeunes épouses, on en oubliait qu’elle avait à peine 18 ans.
Image
Se faisant désormais une spécialité des comédies musicales destinées à booster le moral des GIs, Joan se retrouve en 1943 aux cotés de Ronald Reagan dans this is the army, encore plus patriotique que les films précités. A revoir aujourd’hui comme un document (franchement, je n’ai pas accroché. Pour l’anecdote (j’ignore si elle est exacte), on raconte que Ronald Reagan, resté à Hollywood pendant toute la seconde guerre mondiale, prétendait bien après qu’il avait pris part au conflit, en s’inspirant de passages de ce film et en reprenant même des dialogues !
Toujours dans le même genre, Joan est tête d’affiche d’Hollywood Canteen, consacré aux stars donnant des spectacles pour les soldats. En l’occurrence, l’intrigue ou plutôt le fil rouge liant les différents sketchs et chansons, repose sur un GI qui veut à tous prix rencontrer sa star préférée Joan Leslie.
Image
En 1945, Joan joue le rôle d’une des femmes de George Gershwin (incarné par Robert Alda) dans un assez pompeux biopic (Rhapsody in blue), édulcoré et fade comme il se doit. Elle chante (ou fait semblant) Somebody loves me, curieusement accoutrée, avec un vilain bonnet en forme de cœur. La même année, on la retrouve dans un musical plus original « Drôle d’histoire » aux cotés de Fred MacMurray et June Haver.
Tourné en 1944, Cinderella Jones de Busby Berkeley ne sera distribué qu’en 1946 (pour des raisons commerciales, le studio voulant distribuer d’abord Rhapsody in blue, pensant à tort que ce film va faire la gloire de Robert Alda) : force est de constater que le génial créateur, très déprimé par la mort de sa maman, n’arrive pas à imprimer sa marque sur ce petit musical de série Z.
Image
Alors même que sa popularité est en perte de vitesse, Joan commet l’erreur de sa vie : elle entame une grève contre le studio pour exiger de meilleurs rôles. Autant cette périlleuse technique avait fini par porter ses fruits pour des comédiennes aussi talentueuses et téméraires que Bette Davis et Olivia de Havilland, autant Joan y perdra des plumes. Mise sur la liste noire, elle est virée de la Warner et n’arrive plus à dégoter des rôles que dans des westerns bas de gamme de la firme « Républic », tournées en trucolor, s’il vous plait ! En plus, le rôle principal féminin revient souvent à l’ex patineuse Vera Ralston, l’épouse du patron. On retrouvera quand même Joan dans un western musical où chante Vaughan Monroe (connu pour sa chanson les chevaliers du ciel) et une production RKO « Born to be bad » le fameux Howard Hughes qui dirigeait alors ce studio ayant très momentanément flashé sur elle.
Au fil des années 50, de série B en série télé, Joan Leslie finit par disparaître des écrans. Elle se consacre ensuite au prêt-à-porter et fonde sa ligne de vêtements. De temps à autres, on la verra faire un coucou sur le petit écran dans des séries comme Arabesque. Cela dit on est toujours ravi de la retrouver à l’affiche d’un vieux film en noir et blanc, en se disant que sa carrière aurait pu prendre une autre tournure.

Joan Leslie (doublée pour le chant) et Dennis Morgan en 1943 :
Dernière modification par Music Man le 20 avr. 08, 20:51, modifié 1 fois.
Lord Henry
A mes délires
Messages : 9466
Inscription : 3 janv. 04, 01:49
Localisation : 17 Paseo Verde

Message par Lord Henry »

Au passage, un coup de chapeau à Music Man pour ces trente-deux pages érudites - and counting! - sur un sujet dont il finirait par faire croire qu'il est inépuisable.
Image
julien
Oustachi partout
Messages : 9039
Inscription : 8 mai 06, 23:41

Message par julien »

Oui, un grand coup de chapeau à Music Man pour ses belles chroniques. J'aimerais bien qu'il en fasse une aussi sur Joséphine Baker !
Jordan White
King of (lolli)pop
Messages : 15433
Inscription : 14 avr. 03, 15:14

Message par Jordan White »

Image

Née le 7 janvier 1979 à Delhi, Bipasha Basu est aujourd'hui une star connue en Inde et en Angleterre mais pas du tout en France. Elle a deux soeurs, et elle a grandi dans une famille hindi originaire du Bengale et de Calcutta. Elle parle couramment l'anglais, l'hindi et le bengali, ce qui contrairement aux apparences (foutues apparences en fait !) fait d'elle une tête, pas le genre à se la raconter au contraire.

Celle qui se considérait comme laide dans son enfance et adolescence est aujourd'hui une des plus belles de la planète. Pas de celles qui le savent et en jouent pertinemment, mais de celles qui ont la beauté humble. S'il est facile de critiquer sa filmographie au vu de certains navets, elle a su en revanche démontrer depuis quelques années une envie de s'aventurer dans des terrains peu balisés afin de donner une autre image que la star glamour glacée, laquelle lui a trop souvent par le passé coller à la peau.

Sa carrière débute par le mannequinnat. Comme un certain nombre de modèles de sa génération qui se sont ensuite laissées bercées par les sirènes de Bollywood sans renouveler leur palette de jeu en s'enfermant dans les mêmes cases. Sauf que Bipasha au lieu de se fourvoyer dans les rôles de potiches (bien qu'elle a aussi été servie de ce point de vue), a laissé un visage nouveau se dessiner, celui de l'actrice qui a plus de dix mots à aligner. On ne peut pas en dire autant de certains seconds rôles de composition qui se sont englués dans la médiocrité avec pourtant le même background.

Elle pose pour l'Agence Ford, pour Vogue, fait des pubs télé. Ca fonctionne bien mais pour celle qui adolescente se rêvait médecin (elle changera d'avis en découpant le cadavre d'un animal en cours de sciences naturelles), il y a quelque chose à faire et à surtout faire valoir. Les mannequins sont attendus au tournant quand elles se lancent dans le ciné, puisque à priori oblige, on se dit parfois qu'elles doivent être de piètres comédiennes, et on s'imagine sans mal que si elles savent se placer devant une caméra et mettre en avant leur plastique (sans tomber dans la vulgarité ou la pose), qu'en est-il de leur registre comique ou dramatique ?

Bipasha ne va rien révolutionner à ses débuts en 2001. Son regard profond, son corps de rêve et ses yeux de biche passent bien à l'image, mais ne transcendent pas. Elle ne peut pas se contenter que de cela. Il lui faut un vrai rôle. Elle tourne surtout dans des polars érotiques avec des rôles dénudés, aux images soyeuses, dans un style soft-porn qui convient alors aux producteurs mais pas aux spectateurs qui ne peuvent se rassasier de simples déhanchés suggestifs. Elle mérite mieux.
Mais enchaîne pourtant les films médiocres. En 2002 avec Raaz elle fait une incursion dans le triller "psychologique".
Image
Image
Son charisme crève l'écran. Mais sa prestation se perd dans les limbes de la critique. Trop puérile, pas assez mûre. Pas talentueuse.

Elle change alors de registre avec encore une fois peu de retour. C'est pour Mere Yaar Ki Shaadi Hai, encore une fois un navet. Produit par Yash Chopra, le film fait un flop. Et elle joue avec Uday Chopra qui n'a jamais brillé pour ses qualités d'acteur.
Image
Image

Elle rencontre John Abraham lui aussi mannequin qui deviendra un de ses amis proches (et qui lui aussi a eu des choses à prouver et l'a fait avec de la maturité au fur et à mesure). C'est pour le thriller Jism, qui une fois de plus fait un bide.
Image
Image
Image
La beauté sculpturale et la fascination que peuvent exercer l'actrice ne bouchent pas les trous béants des scénarios qu'elle accepte et qui font plus pour desservir son image que renforcer sa cote de popularité.
Que manque-t-il à cette femme superbe qui apparaît davantage sur les couvertures people qu'aux cérémonies de récompenses pour le brio de son jeu ?

Un vrai rôle.
Certainement pas avec No Entry, qui la caricature outrageusement en potiche ultime. Un rôle de gonzesse qui ne lui va pas dans une "comédie" partant à vaux-l'eau dans le nawak et la misogynie. Pourtant, le film qui a Salman Khan en tête d'affiche et Anil Kapoor cartonne. Bipasha se fait un nom, pas forcément pour les bonnes raisons mais en tout cas on parle d'elle. A l'époque elle est partout, dans Filmfare Magazine, dans Stardust, sur Internet. On s'intéresse de plus en plus à elle, non pas pour son rôle mais pour ses apparitions tumultueuses dans le film. J'entends aussi pour la première fois en 2005 parler de Celina Jaitley, la brune incendiaire au regard trafiqué et surtout de Lara Dutta.
En un film tous les mannequins provocateurs sont donc réunis et dessinées comme des prédactrice sexuelles.
Image
Image
Image

No Entry est tout cas la comédie traumatisme, celle dont on ne se remet pas.

Connue et reconnue par la critique après ce rôle (!) Bipasha choisit un virage à 180 degrés avec l'étouffant Apaharan, sa première collaboration avec Ajay Devgan. Succès d'estime.
Image
Image
Image

Shikar réalisé par John Maddan est la prémisce à la future claque que va constituer son film suivant. Dans ce Shikkar elle apparaît dans un rôle de femme fatale dont la vie trop idéalisée va se retourner contre elle au fil des évènements.
Image
Image

On joue encore dans le registre du sexy, du sex-appeal, de l'attraction sexuelle.


Mais ce n'est rien face au choc qu'elle constitue en interprétant le premier grand, très grand rôle de sa carrière dans Corporate de Madhur Bhandarkar. Métamorphosée, belle à couper le souffle, mais surtout, et enfin, dirigée pour la première fois, elle se réinvente et créee la surprise. Bipasha assiste à sa propre naissance en tant qu'actrice après tant d'essais infructueux et de rôles réduisant ses capacités dramatiques à peau de chagrin. Jamais une actrice (dans le registre) n'avait aussi bien portée le tailleur et s'était permise de passer aussi facilement du registre léger au tragique.
Epoustouflante, elle gagne son premier award ultra mérité.
Image
Image
Image
Elle remerciera avec la plus grande humilité imaginable le réal pour ce coup de pouce magistral à sa carrière alors balbutiante.

Elle reste tout de même attachée à la comédie dont Akshaye Kumar s'est fait une spécialité dans le domaine de la lourdeur et des vannes assaisonnées (opposition occident/orient, banane par terre pour tomber et provoquer des chutes faciles à tendance infantilisante, en particulier dans le recours au t-shirt évocateur etc.). Elle tourne ainsi dans Phir Hera Pheri.
Mais plus ne compte plus désormais pour elle que d'essayer de dévoiler une nouvelle facette, de tenter de le faire.
Image
Image

Les petits rôles secondaires se poursuivent, dont un particulièrement remarqué dans Omkara, où elle chante (en playback) Beedi, interprété par Sunidhi Chauhan.
Image
Image

Beedi


Et enfin Dhoom 2 dans ses rôles les plus récents, en agente spéciale, diablement sexy et dans un autre rôle qu'il faut découvrir par soi-même.
Image
Image

Bref une carrière en dents de scie, avec des éclats et des états de béatitude effrénés, des rôles ingrats et d'autres extrêmement valorisants et porteurs. Je suis en tout cas fan, car je devine un potentiel prêt à exploser, et puis au naturel, que ce soit pour les shoot photo, les promos, ou encore les apparitions public elle ne me semble pas avoir le gros melon que certaines autres ont et garder les pieds sur terre. Fonce Bipasha !
Image

Je vote pour Victoria Romanova
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Message par Music Man »

Merci Julien et Lord Henry, pour les encouragements : c’est super sympa ! d’autant plus qu’il m’arrive de penser que mes portraits doivent sembler bien saoulant à la longue, surtout quand j’aborde des artistes totalement oubliés ou qui n’ont jamais eu la moindre notoriété en France. Mais c’est surtout un moyen de dialoguer sur un sujet que j’adore. C’est pour ça que j’essaie d’alterner des grosses pointures du musical hollywoodien que tous les fans connaissent comme dernièrement Debbie Reynolds avec des artistes du monde entier, en voyageant aussi à travers le temps (quoique dans de nombreux pays, on ne fait plus grand chose dans le domaine depuis très longtemps). Un super merci donc à Jordan pour toutes ses incursions dans le cinéma bollywoodien qu’il connaît si bien et qui permet aussi de conjuguer au présent l’histoire du film musical.
Image
Quant à Joséphine Baker, elle aura droit à son portrait très prochainement : héroïne de guerre, femme courageuse, lutant pour la liberté et la tolérance, c’est en effet une personnalité exceptionnelle.
Prochainement aussi, Ann-Margret, Rekha, Suzy Solidor, Bette Midler et Amalia Rodrigues.
S’agissant de Bipasha Basu, j’avoue la connaître fort peu. En fait, je l’ai vu dans le piètre No entry, qui a pourtant fait un malheur en Inde : je ne me souviens même pas de sa présence. Je n’ai pas supporté le film jusqu’à la fin…Il faudra que je la redécouvre dans quelque chose de plus valeureux. A ce sujet, me conseilles-tu la comédie sortie récemment où elle joue avec Saif Ali Khan et Sanjay Dutt ? J'ai peur que ce soit un film imbécile à voir la jaquette.
Jordan White
King of (lolli)pop
Messages : 15433
Inscription : 14 avr. 03, 15:14

Message par Jordan White »

Music Man a écrit :A ce sujet, me conseilles-tu la comédie sortie récemment où elle joue avec Saif Ali Khan et Sanjay Dutt ? J'ai peur que ce soit un film imbécile à voir la jaquette.
Non mon cher Music Man, je ne peux guère te conseiller Nehle Pe Dehlla, une comédie sortie des tiroirs au milieu de grosses sorties au Printemps 2007, mais, et c'est avec tout le coeur que je te le dis, bien davantage Corporate où elle n'est pas releguée au rang de simple faire-valoir mais bel et bien d'actrice principale qui compte.



P.S : Et ne t'en fais pas, tes portraits sont loin de me saouler, au contraire je les lis toujours avec le même et grand plaisir. Je parle en mon nom mais je doute que les lecteurs de ce topic me contredisent pour le coup. :wink:
Image

Je vote pour Victoria Romanova
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Joséphine Baker

Message par Music Man »

Quelle bonne idée, Julien d’évoquer le nom de la légendaire Joséphine Baker. Quel incroyable parcours et quelle femme ! Non seulement, ce fut une artiste de talent qui a révolutionné en son temps la variété et le music hall français (à défaut de triompher sur le grand écran), en imposant une nouvelle image de la femme, sensuelle et libérée, mais encore plus admirable demeurent ses combats contre le le racisme et le nazisme (elle fut une résistante émérite pendant la guerre)
Un véritable mythe qui continue à inspirer 100 ans après sa naissance des romans et des téléfilms.
Image
Joséphine Baker est née en 1906 à Saint Louis dans le Missouri, état raciste du sud des USA, dans une misère extrême. Après avoir travaillé comme bonne dès l’âge de 8 ans, elle quitte l’école et sa famille pour gagner sa vie comme serveuse, et se marie à l’âge de 13 ans avec un ouvrier très violent. A peine divorcée (à 15 ans !), elle se remarie. Après divers petits boulots peu valorisants, elle remporte plusieurs concours de danse qui vont lui permettre d’entrer comme chorus girl dans divers spectacles de Broadway.
Souvent rejetée par les directeurs de théâtre qui lui reprochent de danser comme un singe et ne pas être assez jolie, elle finit à force de persévérance, par se faire remarquer et ne tarde pas à être engagée comme vedette dans une revue à succès entièrement composée d’artistes blacks.
Image
En 1925, elle est sélectionnée pour jouer à Paris dans la revue nègre où elle fait scandale et sensation, en dansant furieusement le charleston, les seins nus et la taille entourée d’un régime de bananes. Le public parisien est subjugué à plus d’un titre : le jazz était encore peu répandu en France, et le dynamisme des rythmes américains tranche furieusement avec les valses musette et rengaines des faubourgs qui constituaient alors le dénominateur commun la variété française. Le charleston, danse créé par les noirs en Caroline du Sud, va faire fureur dans tout le pays et envahir tous les dancings.
ImageImage
La jeune femme fascine et choque car elle est hors normes, à la fois loufoque et sensuelle ; : elle danse presque nue, gesticule en louchant. Elle devient immédiatement l’égérie des cubistes et autres artistes peintre d’avant-garde(Rouault, Calder, Léger, Van Dongen, Henri Laurens, Picasso) et des intellectuels (Hemingway, Colette, Erich Maria Remarque) enthousiasmés par son style et son physique. D’autres la détestent et la jugent vulgaire. Bref, elle ne laisse personne indifférent et devient la coqueluche de Paris. Si la revue nègre va constituer un formidable tremplin pour Joséphine, on peut néanmoins constater qu’il s’agit d’un spectacle colonialiste qui présente les blacks comme des sauvages avec tous les clichés du genre et Joséphine comme une indigène.
Image
Après ce triomphe, Joséphine est engagée comme meneuse de revue aux Folies Bergères, où peaufinant son personnage exotique, elle s’exhibe avec un léopard. A la même époque, elle se lance dans la chanson : d’abord des standards du jazz chantés en anglais, puis un répertoire conçu spécialement pour elle par les plus grands compositeurs français. Vincent Scotto, le roi de l’opérette marseillaise, dont elle reprend la petite tonkinoise, lui compose sur mesure « j’ai 2 amours » qui devient d’emblée son plus grand succès et un des plus gros tube des années 30. Les paroles en disent long sur la façon dont Joséphine est perçue en France. Jamais comme une américaine, mais plutôt comme une fille des tropiques : « Ma savane est belle » chantonne-t’elle de sa voix aiguë et perlée.
Image
Entourée de boys, vêtue de somptueuses robes de soie blanche, Joséphine se mue en élégante sirène, très sophistiquée, qui triomphe dans tous les grands cabarets parisiens et dans une tournée dans toutes les grandes villes d’Europe. On copie son look de garçonne, et notamment sa coupe de cheveux très courte avec les mèches bien plaquées par de la brillantine : en fait, elle participe bel et bien à l’émancipation de la femme en plein essor à la fin des années 20. D’ailleurs à Paris, Joséphine se sent libérée de l’oppression qu’elle ressentait dans le sud des USA, où les blacks étaient traités de façon inhumaine. Libre et impulsive, elle multiplie les histoires d’amour à un rythme effréné (parmi ses chevaliers servant : Maurice Chevalier, Jacques Pills, Georges Simenon et plus improbable mais pas impossible Greta Garbo) .
Image
Très vite les cinéastes, charmés par la nouvelle star, lui offrent quelques rôles à l’écran. D’abord des courts métrages avec des extraits de ses revues, puis des films comme la sirène des tropiques (1927) un muet, dans lequel elle incarne une jeune fille des tropiques se métamorphosant en une élégante mondaine parisienne : un fort mauvais film, que l’artiste détestait, et dont les scènes de jungle ont été tournées dans la forêt de Fontainebleau.
En revanche, Joséphine garde un bon souvenir de Zouzou (1934) avec Jean Gabin et de Princesse Tam Tam (1935).
]Image
Autant le dire, Joséphine Baker n’est pas une grande comédienne, et ces différentes productions valent surtout pour leurs chansons et leurs grands numéros musicaux, qui nous permettent d’imaginer les revues qui faisaient le succès de la star. Dans Zouzou, elle se balance dans une grande cage, le corps couvert de plumes (comme Jessie Matthews dans Victor Victoria : qui a copié sur l’autre ?)et chante un joli blues avec beaucoup de feeling : il n’y a qu’un homme dans Paris, c’est lui.
Si Joséphine détient la tête d’affiche (aucune femme noire n’y avait droit à la même époque aux USA), en revanche, on remarque que les scenarii ne lui réservent jamais une histoire d’amour avec la vedette masculine. Tout juste lui permet on de passer du statut de domestique à celui de star, mais une romance avec le héros blanc du film, que nenni.
Image
En fait si la France est devenue pour Joséphine Baker une terre d’asile où on la traite avec égard et respect (par rapport à la honteuse ségrégation qui sévissait aux USA à la même époque, y compris dans les music halls), il serait vraiment trop rapide et faux de prétendre que le racisme était absent, et que la star était parfaitement à l’aise chez nous. Parmi les blagues des chansonniers des années 30, en voici une pas très subtile : : « pourquoi Maurice Chevalier a t’il quitté Joséphine ? Car elle lui donnait des idées noires ».
A l’époque où une célèbre comptine chantait les rêves d’ « une négresse qui buvait du lait, et souhaitait devenir plus blanche que tous les français », Joséphine fredonne elle aussi « si j’étais blanche » et tente de s'éclaircir le teint à l’aide de lotions à base d’eau de javel (comme plus tard Michael Jackson)
En 1936, Joséphine fait son retour aux USA, sur la scène des Ziegfeld Follies, et ne parvient pas du tout à convaincre le public américain qui se demande vraiment comment les français ont pu s’enticher de cette femme qu’ils trouvent laide et sans talent.
Image
De retour à Paris, Joséphine acquiert la nationalité française. Elle tourne encore un film, Fausse alerte, avec la toute jeune Micheline Presle, qui en raison de la débâcle, ne sera monté et distribué qu’à la libération (ce long métrage ne semble avoir laissé aucun souvenir ). Dès le début de la guerre, alors que la majeure partie des artistes français continue leur carrière tranquillement, en bonne relation avec l’occupant, Joséphine Baker va activement participer à la résistance et au contre espionnage, sous les ordres du capitaine Jacques Abtey. Elle se rend au Maroc et s’acquitte de plusieurs missions dangereuses (en utilisant notamment ses partitions pour dissimuler des messages) tout en travaillant comme infirmière pour la croix rouge. Ses activités de résistante ainsi que les spectacles donnés pendant la guerre et à la libération pour les soldats et les résistants lui vaudront la légion d’honneur en 1957. Le moins qu’on puisse dire est que contrairement à d’autres stars qui ont pris beaucoup moins de risques qu’elle, Joséphine n’a pas cherché à la fin du conflit à tirer une gloire personnelle de ses activités patriotiques.
Image
Remariée avec le chef d’orchestre Jo Bouillon, Joséphine qui a toujours beaucoup souffert du racisme décide de mettre en œuvre un incroyable projet : elle fonde la tribu arc-en-ciel en adoptant de nombreux enfants de nationalités et origines différentes et en les accueillant dans sa propriété des Milandes en Dordogne. (au passage, la façon pas toujours légale dont elle va se procurer certains enfants sera très critiquée comme pour Madonna aujourd’hui) et en ne reculant devant aucune dépense. De nombreux domestiques sont employés pour élever l’abondante progéniture. L’endroit devient du coup une destination touristique qui dans les années 60, attire plus de visiteurs que les grottes de Lascaux (300 000 visiteurs par an)! Néanmoins, cette opération symbolique et très généreuse va apporter son lot de soucis (flirts entre les enfants devenus grands !, disputes perpétuelles du couple Baker/Bouillon, dépenses somptuaires) et se révéler surtout un vrai gouffre financier que les galas donnés dans le monde entier, les disques et les courtes apparitions en guest star dans des comédies musicales allemandes ou italiennes ne parviennent pas à éponger.
Image
En 1963, Brigitte Bardot lance un appel désespéré à la télévision pour tenter de sauver les Milandes et Joséphine de la banqueroute, mais ce sera peine perdue. Ruinée, l’artiste et les enfants sont contraints de quitter la propriété pour être hébergés gracieusement dans des logements appartenant à son amie la princesse de Monaco.
Image
Par ailleurs, Joséphine continue activement à lutter contre le racisme, en participant en 1963 à la marche organisée par Martin Luter King. Femme de cœur, à la fois excessive et impulsive, et très contradictoire, Joséphine a toutefois commis quelques erreurs de parcours de taille en soutenant à l’occasion des dictateurs comme Mussolini et Juan Peron (ce qui a failli lui fermer à jamais les portes des USA). Mais on peut gommer ces quelques dérapages, tant globalement son action s’est révélée positive et louable.
A la force du poignée, elle est parvenue à séduire un public américain d’abord hostile qui finit par succomber au charme de la diva. A Miami, elle force les producteurs du show à accueillir un public mixte sous peine d’annuler le spectacle. Affublée de robes clinquantes et de paillettes, ultra maquillée, la star a du mal à cacher les outrages du temps et d’énormes cernes et pourtant, sur un plan technique, elle chante beaucoup mieux qu’avant guerre, et entonne d'une voix plus assurée des airs exotiques (besame mucho) ou des classiques de la chanson de charme (la vie en rose, sur deux notes).
Image
Usée par la fatigue et de gros problèmes cardiaques, mais minée par les problèmes d’argent, Joséphine Baker est bien obligée de se produire à Bobino en 1975. Enveloppée dans des plumes et autres falbalas incongrus sur une femme de son âge (même le micro est serti de strass), la star parvient une dernière fois à emballer son public. Epuisée, elle décède le lendemain. La grande Joséphine aura droit à des funérailles nationales télévisées.
Après quelques années d’oubli relatif, plusieurs ouvrages relatant l’incroyable parcours de la star, et ses combats contre le racisme et le nazisme ont fortement ravivé son mythe. Si bien que plus de 100 ans après sa naissance, elle demeure une star d’une grande magnitude : on lui rend hommage en chansons, on lui consacre des comédies musicales, les publicitaires et les créateurs de mode ne cessent de s’inspirer d’elle pour leurs défilés, on a même donné son nom à la première piscine flottante parisienne pas de loin de mon lieu de travail. (D’ailleurs, je ferais bien d’y aller de temps en temps le midi pour remédier à mes problèmes dorsaux !) afin de rendre hommage à cette« grande artiste, grande résistante et femme magnifique ». Mais pourquoi une piscine ? Une site internet a trouvé un curieux raccourci : pour que les femmes puissent jouir seins nus du solarium comme Joséphine !
.
Ses trois principaux films sont disponibles en coffrets DVD et beaucoup de ses disques en français ou anglais continuent d’être réédités en CD (comme tout dernièrement un rare 33 T de 1953).


Joséphine dans Zouzou (1934)
Dernière modification par Music Man le 3 mai 08, 00:12, modifié 1 fois.
Répondre