Les vedettes féminines des films musicaux

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Message par Music Man »

Image
Bonsoir Lylah !
Marie Dubas, artiste aussi à l’aise dans la chanson comique (le tango stupéfiant, Pedro, et d’autres chansons pas toujours très fines comme l’horrible Trafalgar la mouquère) que tragique (mon légionnaire), a fait très peu de cinéma : une courte apparition dans au fil des ondes (1951) avec beaucoup d’autres artistes, et un soir au moulin rouge (1957) avec la belle argentine Tilda Thamar, reine du navet.
Celle qu’admirait tant Edith Piaf (et dieu sait que la môme avait la dent dure avec les autres chanteuses, n’hésitant pas à monter des cabales pour leur nuire) a néanmoins tourné dans des courts métrages, sorte de clips avant l’heure de ses succès les plus marquants comme la Charlotte (1934) ou mon légionnaire (1936, dont elle fut avec Piaf la plus célèbre interprète. Il semble pourtant que Germaine Sablon l’ait enregistrée avant elles deux). Les gros plans révèlent un visage très beau et très expressif.
J’avoue que sa voix un peu haut perchée et criarde me déplait un peu et que je préfère largement écouter Damia, Lys Gauty ou Suzy Solidor. Néanmoins, je pense qu’elle devait être bien plus prodigieuse sur scène que sur disque.

Marie Dubas et son fameux légionnaire :
Dernière modification par Music Man le 20 avr. 08, 21:50, modifié 1 fois.
Lylah Clare
Machino
Messages : 1130
Inscription : 29 sept. 06, 20:22
Localisation : Erewhon

Message par Lylah Clare »

Merci Music Man. Strictement rien à voir, mais voici une image de Norman Rockwell trouvée en surfant sur le net, qui s'appellerait The Music Man. C'est pour toi (n'y vois aucune allusion désobligeante).
Spoiler (cliquez pour afficher)
Image
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Message par Music Man »

Merci Lylah.
Moi qui cherchais justement un nouvel avatar, je suis comblé.
Lylah Clare
Machino
Messages : 1130
Inscription : 29 sept. 06, 20:22
Localisation : Erewhon

Message par Lylah Clare »

:)
Jordan White
King of (lolli)pop
Messages : 15433
Inscription : 14 avr. 03, 15:14

Message par Jordan White »

Même remarque que pour le topic des vedettes masculines, merci pour l'index en page 1 :D
Image

Je vote pour Victoria Romanova
Jordan White
King of (lolli)pop
Messages : 15433
Inscription : 14 avr. 03, 15:14

Message par Jordan White »

Image Image

Le nom de Preity Zinta est aujourd'hui associé à celui de Veer-Zaara, mais avant d'en arriver à ce succès populaire, la jeune actrice indienne aura eu un parcours atypique.
Preity est née le 31 janvier 1975 à Simla. Très jeune, à l'âge de treize ans sa vie est marquée par le deuil quand son père meurt dans un accident de voiture qui implique aussi sa maman, qui sera gravement blessée et restera alitée pendant deux ans.
Après des études de psychologie criminelle, elle s'engage dans les voies de la publicité en faisant la promo de savons. Shekhar Kapoor à l'affût des visages de nouvelles venues a le coup de foudre pour cette indienne à "l'occidentale" à la peau blanche et aux fossettes irresistibles qui deviendront une griffe toute personnelle.
Elle doit tourner un film qui ne se fera jamais et rencontre le réalisateur Mani Ratnam, surdoué du ciné indien, originaire du Sud, qui la promeut second rôle de son acclamé Dil Se (pour l'anecdote le premier film hindi que j'ai découvert en DVD, Raja Hindustani étant le premier que j'ai vu tout court en 1999 cette fois-ci à la télé sur Canal+), où elle interprète Preeti Nair, femme amoureuse de Shah Rukh Khan qui campe un journaliste dépassé par les évènements tragiques se déroulant au Kashmir et épris d'une terroriste déterminée jouée par la grande Manisha Koirala, d'origine tibétaine.
Le premier film dans lequel elle a tourné Kya Kehna ne sortira qu'après Dil Se en 2000. Dans Kya Kehna dont je n'ai vu que quelques scènes grâce à un des best-of de l'actrice on la découvre hésitante dans sa diction, pas très à l'aise face à la caméra.

Image

Image

Dans Dil Se elle était déjà plus mûre au niveau du jeu.
Le film de Ratnam lui ouvre les portes de Bollywood qui est alors en pleine Kajolmania. Elle tourne dans Soldier avec Bobby Deol qui est un triomphe au box-office. Le film est signé des futurs réalisateurs de Chori Chori Chupke Chupke. Elle enchaîne avec Premante Idera tourné par un réal tamoul, puis Raja Kumarudu, films que je n'ai pas vu. Elle joue dans le second film de Tanuja Chandra, réalisatrice du très beau Zindaggi Rocks, dans lequel elle est aux côtés d'Akshay Kumar, l'acteur le moins drôle de sa génération.

Image
Soldier

En 2000, elle apparaît en danseuse et amoureuse de Hrithik Roshan, dans un film que je n'ai pas encore vu sur le Kahsmir, intitulé justement Mission Kashmir. Elle reste en dehors de l'écran très amie avec Hrithik, de même qu'avec Shah Rukh Khan.
2000 ou l'année du minable Har Dil Jyo Pyaar Karega, où elle est la potiche de Salman Khan et où elle se débat pour exister un tant soit peu à l'écran dans un océan de médiocrité et de sales blagues. Rani Mukherjee semble tout aussi paumée qu'elle. Le film démarre une longue suite de comédies toutes plus médiocres les unes que les autres, dont le pendant le plus récent reste No Entry.

Elle accède à un véritable statut de vedette alors que Rani gravit aussi tous les échelons de la célébrité avec Chori Chori Chupke Chupke en 2001 où elle joue une mère porteuse, qui porte secours à une Rani ayant fait une fausse couche. Le dernier bon grand rôle de Salman Khan.

Image
Image
Image


Mais c'est plus encore avec Dil Chahta Hai, où elle est entourée d'Aamir Khan, Saïf Ali Khan et Sonali Kulkarni, que son aura prend une autre dimension. Le film, portrait d'une génération qui veut bouger remporte tous les suffrages, autant publics que critiques.

Image

Elle signe pour quelques films sans intérêt, jusqu'à l'année 2003 et deux films totalement différents. Koi Mil Gaya, désigné comme le premier film hindi de SF, ovni burlesque, d'un ton bon enfant qui gagne le film fare award du meilleur film, et où elle tombe raide dingue d'un simplet d'esprit touché par la force d'un extra-terrestre en pyjama bleu chantant "Jadoo". Surréaliste, le film laisse bouche bée par ses partis pris.
En parallèle, elle trouve son deuxième plus beau rôle grâce à Nikhil Advani qui lui offre le rôle principal du superbe New York Masala, où elle a à nouveau Shah Rukh Khan comme partenaire ainsi que Saïf Ali Khan, valeur masculine montante. Le trio fonctionne à merveille, dans cette comédie rafraîchissante, évoquant aussi en filigrane le spectre de la mort. Elle gagne un Film Fare de la meilleure actrice, amplement mérité.
Naina reste le personnage auquel il est le plus facile de s'identifier aujourd'hui hormis le Chopra quand on parle de Preity Zinta.

Image
Image
Image

Dans New York Masala.

Image
Image

Koi mil Gaya

Mais la consécration reste encore à venir.
Entre temps, l'actrice tient une rubrique pour la BBC. Et entretient sa passion pour la série Les Simpsons.
En 2004 elle accepte Lakshya où elle joue une journaliste qui tombe amoureuse d'un militaire incarné par Hrithik Roshan et apparaît pour la première fois les cheveux courts.

Image
Image

Yash Chopra, plus grand producteur indien et auteur de quelques uns des plus gros succès des années 70-90 revient à la réalisation après sept ans d'absence et son Dil To Pagal Hai. Il veut une actrice qui ait du tempérament tout en étant capable d'interpréter la fragilité. Il trouve en Preity sa Muse. Elle sera parfaite.
Veer-Zaara sort en 2004 et pendant un temps elle éclipse toutes ses rivales déclarées ou tues.
Elle est Zaara. Shah Rukh lui donne la réplique en Veer, pilote de chasse de l'armée indienne, rôle qui a dû avoir des répercussions en elle, son père ayant occupé la fonction d'officier de l'armée, ainsi qu'un de ses frères. Magistrale, Preity y montre toutes les facettes de son talent.

Image

Image
Image

Veer-Zaara, le chef-d'oeuvre de Yash Chopra.

En 2006 elle nous a fait l'honneur de venir à Paris pour rencontrer ses fans nombreux, et présenter en avant-première au Grand Rex le film. Intense émotion. L'actrice y était rayonnante comme jamais, disponible et souriante. Le rêve devenait réalité.

Image

Image
Au Virgin, le 26 avril 2006

Depuis elle a joué dans des rôles moins importants comme ceux de Salaam Namaste ou Khabhi Alvida Na Kehna, echec artistique cuisant.

Elle revient cette année dans le film Jhoom Barabar Jhoom du réal de Bunty aur Babli. De bien beaux moments en perspective.
Image

Je vote pour Victoria Romanova
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Message par Music Man »

Merci Jordan pour ce portrait de Preity Zinta, une comédienne que j'aime beaucoup :D . La Monica Bellucci du cinéma indien a beaucoup de charme et de talent.
J'ai bien aimé sa prestation dans kya khena, dans lequel elle tient le rôle d'une jeune fille qui se retrouve enceinte et est abandonnée par son très instable compagnon (à noter les scènes assez sensuelles pour un film indien d'avant 2000 entre la jolie Preity et Saif Ali Khan).
Mission Kashmir est un film d'action assez pu crédible mais efficace, dans lequel Preity a un rôle plutôt effacé (la fiancée du jeune terroriste ivre de vengeance, qui veut tuer son père adoptif).
Comme je te l'avais déjà raconté, j'ai un excellent souvenir de Salaam namaste, pas forcément pour les qualités intrinsèques du film mais plutôt pour l'avoir visionné dans le plus grand cinéma d'Agra!
Je pense que Preity aurait tout à fait sa chance dans le cinéma occidental, mais avouons qu'à part les fans de Bollywood, elle est fort peu connue ici!
D'ailleurs, lors de son passage à Cannes, l'an dernier, on lui a refusé l'accès aux marches car personne ne la connaissait! (et elle en a été fort véxée).
Ajoutons pour la petite histoire qu'elle a échappé de peu au Tsunami de 2004 (elle passait ses vacances en Thaïlande), mais a été si choquée qu'elle a du interrompre ses activités cinématographiques pendant plusieurs mois.


Preity Zinta sur scène
Dernière modification par Music Man le 2 mai 08, 23:56, modifié 1 fois.
Jordan White
King of (lolli)pop
Messages : 15433
Inscription : 14 avr. 03, 15:14

Message par Jordan White »

Music Man a écrit :J'ai bien aimé sa prestation dans kya khena, dans lequel elle tient le rôle d'une jeune fille qui se retrouve enceinte et est abandonnée par son très instable compagnon (à noter les scènes assez sensuelles pour un film indien d'avant 2000 entre la jolie Preity et Saif Ali Khan).
Mission Kashmir est un film d'action assez pu crédible mais efficace, dans lequel Preity a un rôle plutôt effacé (la fiancée du jeune terroriste ivre de vengeance, qui veut tuer son père adoptif).
Merci pour ces précisions, sachant que je n'ai évoqué que les films que j'ai vu d'elle, il me manque par exemple Dil Hai Tumharaa avec Rekha ( :wink: ), Arjun Rampal, Mahima Chaudhary, Armaan où elle a une coupe à frange incroyable, aux côtés d'Anil Kapoor, Gracy Singh et Amitabh Bachchan, Farz que je crois n'avoir jamais vu nulle part, Yeh Raaste Hain Pyaar Ke avec Ajay Devgan et Madhuri Dixit ( :shock: ).

Je pense que Preity aurait tout à fait sa chance dans le cinéma occidental, mais avouons qu'à part les fans de Bollywood, elle est fort peu connue ici!
D'ailleurs, lors de son passage à Cannes, l'an dernier, on lui a refusé l'accès aux marches car personne ne la connaissait! (et elle en a été fort véxée).
A ce sujet, lors de sa venue à Paris, on l'a sentie un petit peu embarassée du triomphe accordé à Rani Mukerjee qui a provoqué une hystérie collective (minime cependant par rapport au tremblement de terre Shah Rukh Khan). Le public l'a salué, mais n'a pas crié son nom comme c'était le cas pour Rani et Shah Rukh. Au Grand Rex le bain humain lui a témoigné son affection, mais c'était un autre délire avec le Baadshah.
En tout cas j'avais ma préférence et je crois n'avoir pas été le seul, et j'ai fait tout ce qu'il m'était possible de faire en criant son nom quand elle est arrivée sur scène. :D :lol:
Ajoutons pour la petite histoire qu'elle a échappé de peu au Tsunami de 2004 (elle passait ses vacances en Thaïlande), mais a été si choquée qu'elle a du interrompre ses activités cinématographiques pendant plusieurs mois.
C'aurait en effet pu être bien plus grave.
Image

Je vote pour Victoria Romanova
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Marika Rökk

Message par Music Man »

Pendant la seconde guerre mondiale, les films américains étaient interdits en France par l’occupant. Les amateurs de comédies musicales, privés de Fred Astaire, Ginger Rogers et d’Eleanor Powell pouvaient toujours se distraire en allant voir les comédies germaniques mettant en scène la danseuse acrobatique Marika Rökk, largement diffusées par les nazis (Les gens faisait alors la queue pour oublier leurs soucis en allant voir ses films et on raconte qu’elle était l’actrice préférée de François Truffaut enfant).
La jolie rousse n’avait certes pas la grâce d’Eleanor Powell, mais de sacrés talents pour l’acrobatie, bien mis en valeur par son mari et réalisateur Georg Jacoby, auquel on ne peut nier un réel sens du spectacle.
Image
Née en 1913 au Caire de parents hongrois, la petite fille va suivre des cours de danse à Paris, avant d’être engagée à l’adolescence dans un bataillon de girls du moulin Rouge. Elle participe ensuite à une revue des Ziegfeld Follies, suivie d’une grande tournée aux USA. De retour en Europe, elle tient de petits rôles dans deux films britanniques de 1930, puis de retour en Hongrie se voit enfin proposer la vedette de deux films musicaux.
Le succès remporté par le second « le train fantôme » ne se limite pas aux frontières hongroises. Après avoir fait sensation dans une revue berlinoise, Marika se voit très naturellement offrir un contrat par le puissant studio UFA en quête désespérée de vedettes, depuis l’exil de comédiens juifs chassés par les nazis (Richard Tauber, Gitta Alpar…), et d’autres artistes qui n’ont pas voulu se compromettre avec ce régime épouvantable (Fritz Lang…).
Image
Leichte kavalerie (1935), situé dans les milieux du cirque est un succès immédiat. Son réalisateur Georg Jacoby, qui a beaucoup tourné à l’époque muette a du métier et un goût pour les spectacles fastueux. Dorénavant, il va mettre en scène la plupart des films de la jeune femme, qui deviendra son épouse en 1940 (bien qu’il soit bien plus âgé qu’elle). Ses versions filmées des opérettes comme l’étudiant pauvre (1936) et Gasparone (1937) sont particulièrement réussies, avec légèreté et beaucoup de fantaisie. Le comédien hollandais Johannes Heesters (103 aujourd’hui) a beaucoup de panache et de fantaisie, quant à Marika, elle excelle dans les scènes de danse : infatigable, elle exécute avec une énergie redoutable les danses cosaques
Fille d’Eve (1938), remporte un gros succès populaire : outre les chansons faciles à retenir (bei eine nacht im mai) on aperçoit aussi furtivement apercevoir la silhouette nue de Marika (ou de sa doublure) prenant un bain de minuit.
Image
L’énorme succès des films de Marika l’a catapultée aux toutes premières places du Box office. Goebbels le ministre de la propagande, qui tient depuis 1937 les rennes de toute la production cinématographique du pays, sait qu’il tient là une de ses actrices les plus populaires. Elle ne sera néanmoins pas distribuée dans des films de propagande : mais rien n’était innocent chez les nazis, et les comédies musicales, apparemment inoffensives, ont également un but : distraire et anesthésier le public allemand et des pays occupés. Afin de donner à la petite star robuste, une silhouette plus élancée, les studios usent de stratagèmes (en filmant notamment ses numéros par en dessous) sans vraiment réussir.
Image
Après avoir joué le rôle de l’épouse de Tchaikovsky dans Pages immortelles avec l’autre reine du cinéma nazi Zarah Leander (un gros succès en France en 1940), Marika triomphe dans Cora Terry (1940). Dans ce film étonnant, Marika incarne deux soeurs jumelles : l’une réservée et honnête, l’autre vulgaire à souhait (pour certaines scènes, une doublure, sortie paraît-il d’un camp de concentration fut utilisée). Marika n’ayant jamais été une comédienne très nuancée, son interprétation est très mécanique, voire agressive. Les passages musicaux sont excellents : notamment l’incroyable numéro de claquettes avec une sœur sur la tête de l’autre (il faut le voir pour le croire !) et la danse du ventre de Marika avec un serpent : c’est vraiment du travail du pro. On peut saluer au passage l’imagination débordante de Georg Jacoby pour ce numéro de grande qualité.
Quant à Marika, elle compense son absence de grâce par un érotisme lourd et troublant, une vivacité étonnante et un incontestable talent pour les acrobaties
Consterné par les images floues et « baveuses » du premier film musical allemand en couleurs (la belle diplomate), Goebbels (qui en privé avait eu l’occasion de voir autant en emporte le vent) refusera dans un premier temps de distribuer « une telle merde » (je reprends ces mots) en Allemagne et le réservera …à la France occupée !
Image
Après un film à costumes, d’un genre très viennois (la danse avec l’empereur), Marika triomphe dans le démon de la danse (1942). Les chansons du film connaîtront un succès pérenne et il arrive qu’on entende encore « sing mit mir » dans les cirques !
Cependant, la femme de mes rêves (1944) (tourné à Prague pour éviter les bombardements sur Berlin) reste le plus célèbre film de Marika. Si on peut vraiment regretter une façon vraiment trop statique de filmer les numéros musicaux (qui leur enlève énormément de valeur par rapport aux films américains), on constate en revanche que le réalisateur ne manque pas d’idées. On retiendra notamment la finale du film où telle Ginger Rogers, Marika en grande robe blanche, danse aux bras d’un danseur fluet genre Fred Astaire, dans des escaliers irisés. Le numéro de danse espagnole, où Marika exécute un boléro, vêtue d’une robe très très décolletée et largement fendue, portée dans les airs avec beaucoup de difficultés par le maigre danseur (trop lourde Marika ?) scandalisera Goebbels, mais passera in extremis le cap de la censure.
Image
A la fin de la guerre, Marika connaîtra quelques problèmes avec les alliés. Les mauvaises langues prétendent qu’elle était une des nombreuses maîtresses de Goebbels, qui serait même le père de sa fille née en 1944, et qu’elle aurait participé à une mission d’espionnage pour les nazis au Portugal. Finalement, la vedette sera disculpée (elle n’a tourné aucun film de propagande ni dénoncé qui que ce soit) et reprendra bien vite ses activités : shows pour les GIs, puis un film « Fregola » en Autriche dès 1948.
La sortie de ce film en France provoquera un esclandre (et l’incendie d’une salle de cinéma) de la part de résistants outrés de voir la star du cinéma nazie, refaire surface comme si de rien n’était. Cela ne l’empêchera pas de continuer de tourner dans de nombreux films (et pas mal seront distribués en France).
L’enfant du Danube (1950) sera son seul film en RDA : une réussite, à condition d’aimer les films opérettes : les décors sont léchés et les numéros dansés fort bien enlevés. A force d’aligner les remakes d’opérettes comme le Masque bleu ou Princesse Czardas, elle finit un peu par épuiser le filon, et La divorcée (1953) ne remporte pas le succès escompté.
Image
Après un hiatus de quelques années, elle effectue un come-back très réussi, toujours épaulée par le désormais très âgé Georg Jacoby. Louchant du coté des musicaux hollywoodiens, doté d’une intrigue comique bien enlevée, les Nuits du Perroquet vert (1957) est un succès international et un triomphe an Amérique du Sud (l’affiche insiste bien sur la présence des blues bell girls). Dans un registre comique qui fait rarement dans la dentelle, mais assez efficace, Marika est très en forme dans Nuit d’avant première (1959) avec Louis Armstrong et le violoniste Helmut Zacharias. Elle n’a pas perdu son dynamisme avec l’âge : son numéro de poupée de chiffon malmenée dans tous les sens est vraiment réussi. Dans ce film, elle danse aussi un rock acrobatique des plus spectaculaires.
Image
En 1962, Marika chante et danse avec Peter Alexander dans une adaptation très réussie de la Chauve souris. Le déclin du film musical en Allemagne et l’âge de la comédienne mettront fin à sa carrière au cinéma (30 ans en tête d’affiche, chose peu fréquente pour une artiste de films musicaux). Elle se tourne alors vers la télévision et la scène (Hello Dolly). En 1975, elle fait une remarquable performance (pour une dame de plus de 60 ans) dans un show en direct de Peter Alexander, où elle danse les claquettes puis tourbillonne avec un entrain incroyable (on remarque là que ces séquences de danse n’avaient pas besoin d’être triturées, coupées et filmées en plusieurs fois, comme c’était le cas pour certaines stars d’Hollywood, et qu’elle pouvait donner une prestation « en live » aussi impressionnante qu’à l’écran).
Dans les années 80, Marika fera un come-back à l’écran, aux coté d’anciennes gloires de son temps
dans une comédie qui lui vaudra un prix d’interprétation. La danseuse a dansé pour la dernière fois dans un show télévisé en 1997. Entourée de boys en smoking, coiffée d’une perruque et liftée, moulée dans une grande robe noire, le pas désormais un peu hésitant, il était difficile de lui donner un âge. L’ex-vedette des années 30 rêvait de vivre centenaire comme son vieux partenaire Johannes Heesters. Hélas, elle s’éteindra en 2004, à 90 ans, d’une crise cardiaque.
Image
Marika sur scène à Budapest en 1992 dans la Comtesse Maritza

En somme, Marika Rökk fut probablement une des danseuses les plus douées du film musical européen. Si comme à toutes les vedettes du troisième Reich, on peut fortement lui reprocher d’avoir cautionné par sa présence un régime inqualifiable, son mérite aura été d’avoir distrait et égayé le public dans ces périodes troublées.

Marika dans un de ses meilleurs numéros : le démon de la danse (1942)
Dernière modification par Music Man le 20 avr. 08, 21:53, modifié 1 fois.
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Message par Music Man »

Voici un petit hommage à Betty Hutton « la blonde incendiaire » qui vient de nous quitter à l’âge de 86 ans. Le nom de cette vedette très populaire à la fin de la guerre (y compris en France) restera attaché au classique de Cecil B de Mille « Sous le plus grand chapiteau du monde » souvent rediffusé à la télé pendant les fêtes de Noël ou à la chanson « it’s oh so quiet, shh shh… », reprise à la virgule près par Björk, où la blonde vedette pouvait faire preuve de toute sa fantaisie et son dynamisme.
Image
Née en 1921, la pauvre Betty connaît une enfance très malheureuse : abandonnée par son père à l’âge de 2 ans, elle est obligée de chanter dans les rues avec sa sœur dès l’âge de 5 ans pour faire bouillir la marmite. Sa mère, une alcoolique invétérée accompagne les fillettes à l’accordéon. Après avoir chanté dans des tavernes, Betty obtient à 18 ans un contrat avec l’orchestre de Vincent Lopez. Devant l’insuccès de ses prestations et la menace d’une rupture de contrat, elle se lance avec furie sur scène et surprend le public en hurlant ses chansons, tout en s’accrochant aux rideaux ! C’est le succès. Remarquée par le compositeur Buddy de Silva, elle obtient un rôle dans l’opérette Panama Hattie où elle parvient à se faire remarquer malgré l’écrasante présence d’Ethel Merman.
Image
La Paramount lui propose alors un contrat et Betty Hutton devient célèbre dès son premier film « l’escadre est au port » 1942 dont la vedette est la brune Dorothy Lamour. Complètement hystérique, exhubérante, les bras gesticulant dans tous les sens pendant qu’elle hurle ses chansons, elle ne passe pas inaperçue ! Comme Martha Raye, l’ancienne vedette comique du studio, elle écope des rôles de jeune femme fantasque un peu timbrée et un rien nympho. Si sa prestation dans ce premier film ne m’a guère convaincu, en revanche elle est plutôt drôle dans « au pays du rêve »1942, musical réunissant toutes les stars de la Paramount dont Betty assure le fil rouge avec la talentueux et très sous-estimé Eddie Bracken. L’année suivante, elle éclipse Dick Powell et Mary Martin dans « Happy go lucky » en chantant murder he says, une chanson comique qui remporte un gros succès populaire.
Image
Si Betty s’est souvent plainte de n’avoir pas été dirigée par de bons réalisateurs, en revanche, elle ne manque pas d’éloges pour Preston Sturges avec lequel elle tourne Miracle au village en 1944. Un classique de la comédie burlesque dans lequel elle tient le rôle d’une fille délurée qui se retrouve enceinte après une nuit d’ivresse, mais ne se souvient plus de qui. Avec habileté, Sturges taquine le code Hays et nous offre une comédie irrévérencieuse des plus plaisantes. La même année, on retrouve également une Betty en grande forme dans le meilleur sketch de l’auberge de la folie (1945) (elle est irrésistible en demi-folle chantant à tue tête dans le cabinet du psy).
Image
En 1945, la blonde incendiaire remporte un succès international et marque un vrai virage dans la carrière de Betty. Dans cette bio de la tenancière de cabaret Texas Guinan, elle a enfin l’opportunité de se montrer sous un jour plus dramatique et donne une performance très réussie. Musicalement, son interprétation d’it had to be you, à la fois suave et rythmée est également une réussite. Autre bio, autre succès, « les exploits de Pearl White » qui nous conte les mésaventures de la comédienne du muet, spécialiste des films d’action à rebondissement.
Le film comporte également une émouvante ballade « I wish I didn’t love you so », loin des jitterbugs endiablés ou des ragtimes hurlés à pleins poumons, qui ont fait le succès d’Hutton. Chantée tout en douceur avec beaucoup d’émotion, l’air se place d’emblée au top 10 (notons à ce sujet que Betty Hutton connaîtra ainsi beaucoup de succès discographiques, et qu’elle sera souvent placée plus haut dans les charts que d’autres chanteuses de l’écran comme Judy Garland ou Dorothy Lamour.
Image
Après la décevante comédie policière l’ange endiablé (1949), Betty se voit confier le rôle de sa vie, dans l’adaptation cinématographique de l’opérette Annie reine du cirque (1950). Le tournage avait auparavant été entamé avec Judy Garland, mais le comportement imprévisible de la star en pleine dépression, avait contraint la MGM de trouver une autre interprète. Betty Hutton fera un véritable tabac dans ce film, qui remportera à sa sortie un énorme succès commercial : vraiment tout le film repose sur son étonnante performance. Elle est si parfaite pour le rôle qu’il semble certain que Judy n’aurait pu être meilleure. Parmi les clous du film, son génial duo avec Howard Keel, où chacun entend démontrer sa supériorité à l’autre : un vrai régal. Betty est également superbe dans les scènes plus romantiques.
Après ce triomphe, la renommée de Betty est telle que son nom figure au dessus de Fred Astaire sur l’affiche du décevant Let’s dance (1950). En dépit de deux duos plutôt sympas entre les 2 stars, et d’une chanson frénétiquement interprétée par Betty, la sauce ne prend pas (manque d’alchimie entre les deux protagonistes ?).
Image
En 1951, Miss Hutton fait un carton avec sa chanson it’s oh so quiet, à la fois murmurée et hurlée, dans son style si caractéristique, et en trapéziste amoureuse de Charlton Heston dans le plus grand chapiteau du monde, film à grand spectacle de Cecil B de Mille.
Refusant d’être doublée pour les scènes d’acrobatie, Betty se blessera pendant le tournage. Hélas, elle va vite s’accoutumer aux drogues qu’on lui prescrit pour calmer sa douleur et poursuivre le tournage. Les problèmes n’arrivant jamais seuls, elle se « casse » la voix lors d’une tournée à l’étranger (à force d’hurler, ce sont des choses qui arrivent…) ; on murmure qu’elle est obligée de chanter en play-back lors de son passage à Londres. Après une opération des cordes vocales, elle tourne son dernier film en vedette, une morne biographie musicale sans intérêt.
Image
La Paramount refusant d’engager son nouveau mari, un chorégraphe pour réaliser « Topsy et Eva », Betty claque la porte des studios. Il semble que le studio de cinéma était déjà très courroucé par les incessantes sautes d’humeur et caprices de la vedette (très perfectionniste, on raconte qu’elle voulait sans cesse qu’on retourne les scènes dont elle n’était pas pleinement satisfaite). A bout de nerfs et désorientée, Betty annonce à la presse qu’elle fait ses adieux… avant de reprendre le chemin des cabarets quelques mois plus tard.
Image
Sa tentative d’un show musical en live à la télé en 1955 est un vrai fiasco : morte de trac, elle offre une désastreuse prestation. En 1959, elle enregistre un très beau disque de blues qui passe complètement inaperçu (une réédition en CD serait vraiment justifiée).Après le décès de sa mère dans un incendie, de très gros problèmes avec ses deux filles, et d’énormes problèmes financiers (elle est complètement ruinée), Betty se réfugie plus que jamais dans la drogue et fait une tentative de suicide au début des années 70. En 1977, on la retrouve …bonne à tout faire chez un curé ! Les journaux à cancan se délectent de la nouvelle de la star complètement déchue réduite à faire la vaisselle dans un presbytère. En fait, Betty cherche surtout à retrouver un équilibre personnel. Avec l’aide du père Maguire, elle parvient enfin à surmonter ses problèmes de drogue et à renouer, pour un temps, le contact avec ses filles. Au final, elle retrouvera même un rôle (très applaudi) à Broadway, dans le musical Annie (quel dommage que John Huston ne lui ait pas confié un rôle dans la version filmée !). Celle qui regrettait toujours de n’avoir pu suivre des études dans sa jeunesse, prendra même la route du collège et de l’université pour décrocher un master en psychologie, et enseigner à Boston ! On ne peut que saluer son courage et sa détermination.
Image
Souffrant d’une maladie orpheline qui lui ôtait toute énergie (curieuse ironie du sort), Betty Hutton avait cessé toute activité artistique et professorale depuis des années. Pour ne pas décevoir son public qui avait gardé l'image de la jolie trapéziste du film de Cecil B de Mille, et lui envoyait toujours beaucoup de courrier et de cadeaux, elle ne sortait que rarement. Elle vient de décéder d’un cancer au colon.
Une femme vraiment vive et attachante, avec un brin d’émotion dans la voix qui fait songer à Garland. Une très grande dame du cinéma et du music hall.
Betty Hutton et Fred Astaire sur youtube :
Dernière modification par Music Man le 20 avr. 08, 21:55, modifié 1 fois.
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

Lys Gauty

Message par Music Man »

Après avoir récemment évoqué la carrière de Damia, voici un petit portrait de Lys Gauty, autre très grande chanteuse réaliste d’avant guerre, qui a fait très peu de cinéma mais dont l’unique film en vedette « la goualeuse » a fait l’objet d’une réédition en vidéo par René Château, il y a une dizaine d’année.
Image
Née en 1900 à Levallois Perret, cette fille de garagiste va d’abord prendre des cours de chant lyrique avant de bifurquer vers la variété populaire au milieu des années 20 après un passage remarqué au cabaret chez Fischer.
La grande diversité du répertoire de cette artiste est vraiment étonnante : on oscille de la rengaine populaire de base comme la chanson du film « le bonheur (n’est plus un rêve) » avec Gaby Morlay ou la célèbre valse lente du film « 14 juillet » de René Clair « à Paris dans chaque faubourg », articulée jusqu’aux e muets, à un répertoire de haut vol comme les fameux songs de Kurt Weil et Berthol Brecht tirés de l’Opéra de 4 sous (et chantés par Florelle dans le version filmée de Pabst) ou des airs moins connus dont la musique a été composée par Arthur Honegger ou toujours Kurt Weill (la complainte de la Seine).
Quelle que soit la qualité du matériel, Lys Gauty nous offre le plus souvent une interprétation impeccable et très émouvante (évidemment les réfractaires à la chanson rétro auront peut être un peu de mal avec sa voix tremblante, mais si chargée d’émotion…). Son plus grand tube (et l’une des chansons les plus marquantes des années 30) reste l’adaptation d’une chanson italienne, le chaland qui passe (1934). On notera à ce sujet que pour relancer l’Atalante, le chef d’œuvre de Jean Vigo, très mal accueilli lors de sa sortie, le producteur avait rebaptisé le long métrage comme la chanson de Lys Gauty (que l’on entend au cours du film), en espérant (vainement) le faire redémarrer ainsi.
En 1934, elle est la marraine des 6 jours du vel d’hiv et participe à la première émission de télé française.
Image
Après avoir joué dans un moyen métrage de 1930, et probablement aussi interprété quelques chansons filmées pour des courts métrages (perdus), Lys Gauty tourne son seul film en vedette. En dépit de sa médiocrité, et l’indigence de la mise en scène de Fernand Rivers, le film remporta un gros succès populaire à sa sortie. Quel vide et quelle nullité, surtout dans les scènes comiques, d’une rare stupidité, et pourtant dès que Lys Gauty (annoncée sur l’affiche comme « la grande vedette internationale ») apparaît…tout change. Quelle présence ! Son regard immense, son charisme indéniable, la sobriété de son jeu tranchent vraiment avec la médiocrité de cette production. Les deux très belles rengaines qu’elle interprète (« dis moi pourquoi » et le célèbre « bonheur est entré dans mon cœur ») sont sûrement pour beaucoup dans le succès remporté par le film. Je pense notamment à sa magnifique interprétation de la seconde chanson dans une taverne devant quelques vieillards misérables, qui semblent revivre en écoutant la chanteuse.
Pendant la guerre, Lys Gauty va beaucoup chanter, y compris (Comme Chevalier, Fréhel, Piaf et beaucoup d’autres) pour les prisonniers en Allemagne, ce qui lui sera beaucoup reproché à la libération.
En 1946, elle enregistre « la chanson du bonheur » du dessin animé de Disney « les 3 caballeros ». Elle se retire dans les années 50, s’installe à Monte Carlo et se reconvertie dans l’immobilier. Lys Gauty est décédée en 1994. La quasi totalité de son répertoire et de ses enregistrements de 1926 à 1951 ont été repris en CD. Une grande dame à redécouvrir dont beaucoup ont du s'inspirer (je pense notamment à Barbara).

Lys Gauty chante dans la goualeuse :
Dernière modification par Music Man le 20 avr. 08, 21:57, modifié 1 fois.
Lylah Clare
Machino
Messages : 1130
Inscription : 29 sept. 06, 20:22
Localisation : Erewhon

Message par Lylah Clare »

Bonjour, music man.

En lisant ton article relatant la vie de Betty Hutton, son enfance misérable, son ascension à la force du poignet, sa dégringolade, sa traversée du désert, ses come-back.... on se dit que c'était vraiment une femme Barbara Gould.
Quelle énergie ! Je la connais un peu, mais pas beaucoup, mais il est vrai que dans les florilèges d'autocélébration d'Hollywood, son morceau de rivalité avec Howard Keel figure en bonne place, mais je ne sais plus si c'est sur That's entertainment I ou II. Et puis sur Youtube, il y a un morceau qui ressemble effectivement à un blues, qui n'est pas mal du tout, car elle avait de la voix, en plus de la personnalité.
Quant à sa reprise d'études sur le tard, c'est le genre d'attitude que j'admire et que je respecte profondément. Bref R.I.P. , Betty (oh et puis non, profites de ton séjour là haut pour y mettre de l'ambiance !)
Music Man
Assistant opérateur
Messages : 2297
Inscription : 16 févr. 06, 21:23

kathryn grayson

Message par Music Man »

Une dédicace spéciale pour Sailor Gene Kelly qu’on ne lit plus trop dernièrement sur le forum (J’espère que tout va bien pour toi).
Les plus brillantes et les plus mémorables comédies musicales ont été tournées entre 1945 et 1955, à Hollywood dans les studios de la MGM. Si Jeanette Mac Donald et Deanna Durbin furent en leur temps bien plus célèbres que Kathryn Grayson, sa grande chance fut sans doute d’être là au bon moment et au bon endroit. Elle a ainsi pu jouer dans d’excellents films avec les plus prestigieux partenaires sous la direction des meilleurs metteurs en scène. Sa beauté, son nez retroussé, qui lui conférait un air un peu mutin, sa très jolie voix de soprano étaient également des atouts non négligeables.
Image

Née en Caroline du Nord en 1922, Kathryn Grayson rêvait depuis sa plus tendre enfance de devenir une célèbre chanteuse d’opéra et d’interpréter les plus célèbres œuvres du genre au Métropolitan de New York. Le sort en décida autrement. Louis B Mayer le célèbre patron de la MGM la remarqua dans un concours radiophonique : séduit par sa voix, puis par sa silhouette, il lui proposa un contrat immédiatement. Très attiré par l’opérette, Mayer cherchait depuis longtemps l’oiseau rare pour concurrencer la populaire divette de l’Universal, Deanna Durbin, qui avait quitté la MGM à la suite d’un malentendu. En outre, s’il n’avait pas réussi à convaincre la jolie Deanna, il avait pu débaucher le producteur de ses films, Joe Pasternak, grand spécialiste des films musicaux mélangeant variétés et musique classique.
Afin de tester Kathryn, on lui confia un rôle dans un épisode de la série provinciale des Andy Hardy dont Mickey Rooney était la vedette. Habitué à séduire toutes ses partenaires, Mickey ne pu mener à bien son plan drague étant donné que « quelqu’un de plus haut avait des vues sur elle dans le studio ».
Image
Dans Rio Rita, comédie loufoque parfois drôle, elle chante quelques airs viennois entre deux pitreries d’Abbott et Costello. Mais Kathryn ne se fait vraiment remarquer qu’en 1943 dans « la parade aux étoiles », musical patriotique avec Gene Kelly et toutes les vedettes sous contrat.
Mignonne comme tout en technicolor, elle chante Verdi avec beaucoup d’assurance. Cela dit aurait elle pu vraiment se produire au Met ou à l’opéra de Paris, comme elle le rêvait ? On peut en douter en lisant l’anecdote d’Arthur Freed sur le tournage de Ziegfeld Follies. Incapable de sortir correctement la dernière note de sa chanson, trop aiguë pour elle, Kathryn fut doublée juste pour cette note finale (Si vous avez le DVD, remettez le et écoutez le : ça s’entend ! A noter que sur le CD de la BOF du film, on attend en revanche la vraie finale de Kathryn, bien moins puissante).
Image
En 1945, Kathryn eut la chance de partager la vedette de Sinatra et Gene Kelly dans le mémorable « Escale à Hollywood », un musical dont la réputation n’est plus à refaire. On se souvient de ses interprétations de jalousie et d’une adaptation de « en écoutant mon cœur chanter » un succès français, dont la partition est d’une simplicité alarmante : 8 fois do, 8 fois ré, 8 fois mi, et ainsi de suite…
Kathryn retrouve Sinatra dans deux autres films, dont curieusement elle se sort bien mieux que lui : tout le monde chante 1947 (avec une brillante interprétation de l’air des clochettes du Lakmé de Léo Delibes (trucage ou pas trucage pour les notes les plus aiguës?)) et le brigand amoureux 1948 qui sera un gros flop.
Image
Tentant de recréer à l’écran un couple aussi populaire que l’avaient été jadis Jeanette Mc Donald et Nelson Eddy, la MGM lance deux films avec Kathryn et le nouveau venu Mario Lanza. Ce dernier connaîtra rapidement un succès phénoménal. Cependant la conduite imprévisible du chanteur sur le plateau (il est souvent ivre et tente dans les scènes romantiques d’imposer des french kisses à Miss Grayson) fera vraiment monter la tension entre les deux acteurs, et Kathryn refusera de reconstituer le binôme.
Image
Néanmoins, il ne faut pas en déduire que malgré cet incident, et son allure souvent guindée dans ses films, Kathryn Grayson était une femme prude et solitaire : elle s’est mariée plusieurs fois (dont une avec le volage crooner Johnnie Johnston) et a eu pendant plusieurs années une liaison avec l’excentrique Howard Hughes (ce qui peut paraître difficile à croire tant la personnalité de l’actrice semble différente des innombrables maîtresses du séducteur. Etait –il fasciné par le tour de poitrine parait-il très avantageux de la chanteuse, qui sur ce point fut comparée à Jane Russell ?).
Image
En 1951, Kathryn est la vedette principale de la luxueuse adaptation à l’écran de Show boat (opérette dont elle avait déjà chanté certains passages dans la pluie qui chante). Franchement, je n’ai guère était séduit par son ennuyeuse interprétation. Ava Gardner, sublime, l’éclipse sans mal.
Image
En 1952, elle retrouve le viril Howard Keel, dans les rois de la couture, un remake d’un vieux film avec Fred Astaire. Outre les splendides ballets de Marge et Gower Champion, on retiendra sa très belle interprétation de l’indémodable « smoke gets in your eyes » (infiniment supérieure à la version originale d’Irène Dunne). Kathryn déclarera plus tard avoir été un peu déçue par ce film. Admirant tout particulièrement le travail du couturier Adrian, elle sera désappointée en constatant que les tenues qu’il a élaboré pour le film ne la mettent guère en valeur.
Image
En 1953, Kathryn trouve son meilleur rôle dans Kiss me Kate, habile adaptation musicale de la mégère apprivoisée. Non seulement, le film est particulièrement réussi, mais son interprétation de l’arrogante partenaire d’Howard Keel est particulièrement convaincante. A cette exception près, il est vraiment regrettable au final que la comédienne ait été confinée toute sa carrière à des rôles d’ingénues falotes, car vraiment elle est vraiment capable d’autre chose. Cependant, on ne lui a quasiment jamais donné la possibilité de faire ses preuves et le rôle de la cantatrice handicapée de mélodie interrompue qu’elle briguait (1955) ne lui sera finalement pas confié.
Après quelques opérettes filmées fort décevantes pour la Warner et une bio sur Grace Moore, Kathryn quitte l’écran en 1956.
Image
Les journaux annoncent à l’époque, qu’elle a la ferme intention d’intensifier ses cours de chants pour jouer au Métropolitan de New York. Le rêve ne se réalisera pas : néanmoins, elle fera des tournées aux USA dans diverses opérettes (parfois avec Howard Keel) et même plus rarement des opéras. Dans les années 80, on l’a vue dans des épisodes de la série Arabesque. Aujourd’hui elle participe encore à des conférences. Si la plupart de ses collègues de la MGM sont décédés à présent (notamment Ann Miller avec laquelle elle était très copine), elle conserve encore des relations amicales avec Jane Powell, l’autre rossignol de la Métro.

Kathryn Grayson et Howard Keel chantent So in love (1953) :
Dernière modification par Music Man le 20 avr. 08, 21:59, modifié 1 fois.
tijay
Assistant opérateur
Messages : 2382
Inscription : 17 août 04, 19:24
Liste DVD
Localisation : A jamais à Fort Alamo ...

Message par tijay »

Un grand merci pour ces biographies aussi complètes que passionnantes Music man ... On sent ton investissement :)

Bravo !
Image
Lylah Clare
Machino
Messages : 1130
Inscription : 29 sept. 06, 20:22
Localisation : Erewhon

Message par Lylah Clare »

Bonsoir, Music Man.

J'aime beaucoup Kathryn Grayson dans Kiss me Kate (une photo N&B pas trop glamour du film, mais plutôt drôle)

Image

surtout pour la belle chanson de Cole Porter (elles le sont toutes) So in love.
Répondre